tandis que j’écris ces lignes, je m’aperçois que mes joues portent la trace du sentiment qui m’émeut. C’est à ces chants que je rapporte mes premières conceptions indistinctes de la nature inhumaine de l’esclavage. Je ne puis me défaire de cette idée. Ces chansons me suivent encore pour augmenter en moi la haine de l’esclavage, et pour exciter ma sympathie en faveur de mes frères qui sont chargés d’entraves. S’il y a quelqu’un qui désire être frappé des effets de l’esclavage pour s’endurcir le cœur, qu’il aille à la plantation du colonel Lloyd, qu’il se place le jour de la distribution des vivres dans l’épaisseur des bois de pins, qu’il y analyse en silence les sons qui feront vibrer les cordes secrètes de son âme. S’il n’éprouve pas la même impression, c’est qu’il n’y a plus une seule partie sensible dans son âme endurcie.
J’ai été souvent frappé d’étonnement depuis mon arrivée dans le nord des États-Unis, en trouvant des personnes qui pouvaient parler du chant parmi les esclaves comme d’une marque de leur contentement et de leur félicité. Il est impossible de se tromper plus complètement. Plus les esclaves sont malheureux, plus ils chantent. Leurs chansons révèlent les chagrins qu’ils éprouvent ; elles les sou-