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Loi martiale sud-coréenne de 2024

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Loi martiale sud-coréenne de 2024
Image illustrative de l’article Loi martiale sud-coréenne de 2024
Protestations contre la loi martiale.

Pays Corée du Sud
Cause conflit politique entre le président et la majorité parlementaire ; opposition aux propositions budgétaires et tentative de destitution des procureurs
Date Nuit du au (durée : 6 heures)
Résultat Le président lève la loi martiale après un vote de l'Assemblée nationale en ce sens.

La loi martiale est décrétée en Corée du Sud le par le président de la République, Yoon Suk-yeol, dans une allocution télévisée en fin de soirée. Le décret est annoncé à 23 heures (heure locale ; 14 heures UTC). Tous les partis, y compris celui du président, s'y opposent et, moins de trois heures plus tard, le vers une heure du matin (le 3 vers 16 heures UTC), l'Assemblée nationale vote à l'unanimité des 190 députés présents (sur 300 membres) la levée de la loi martiale, conformément au pouvoir qui est le sien selon la constitution de la Corée du Sud. Tandis que les forces militaires déployées sont retirées, le président Yoon annonce qu'il mettra en œuvre cette levée de la loi martiale, ce qui est fait le à 5 heures du matin (le 3 à 20 heures UTC).

Précédents

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Depuis la naissance de la Sixième République en 1987, il n'y avait jamais eu de proclamation de la loi martiale, même pendant les périodes de tension avec la Corée du Nord. La précédente, décrétée en 1979, avait pris fin après le coup d'État de 1980.

La loi martiale est prévue par l'article 77 de la Constitution[1],[2] :

« Lorsque le président doit faire face à une nécessité militaire ou maintenir la sécurité et l’ordre publics en mobilisant les forces armées en temps de guerre, de conflit armé ou d’urgence nationale similaire, il peut proclamer la loi martiale dans les conditions prévues par la Loi.

La loi martiale est de deux types : la loi martiale extraordinaire et la loi martiale préventive.

En vertu de la loi martiale extraordinaire, des dispositions spéciales peuvent être prises à propos des mesures de police, des libertés d'expression, de presse, de réunion et d'association, et des pouvoirs de l'exécutif et du pouvoir judiciaire, selon ce qui est déterminé par la loi.

Le président doit notifier sans délai à l’Assemblée nationale la déclaration de la loi martiale.

Lorsque l’Assemblée nationale demande la levée de la loi martiale à la majorité de son nombre total de membres, le Président doit y donner suite. »

Homme coréen de 61 ans, imberbe et aux cheveux noirs, en costume cravate, avec une expression sérieuse.
Yoon Suk-yeol en 2022.

Présidence Yoon

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Yoon Suk-yeol est président depuis 2022, mais l'Assemblée nationale est alors dominée par l'opposition, qui n'a cependant pas le quorum pour destituer le président (il lui faudrait les deux tiers des voix).

Élu d'une courte tête lors de la présidentielle, sa popularité s'érode rapidement. Il est ainsi confronté à la bousculade d'Halloween à Itaewon, provoquant 150 morts. Les causes d'un tel bilan sont des négligences de la part de son gouvernement[3].

Les élections législatives sud-coréennes de 2024, en avril, n'ont pas changé cette situation, l'opposition voyant même son nombre de députés s'accroître[3].

De même, il met son véto sur une enquête parlementaire concernant des accusations de manipulation visant la première dame Kim Keon-hee[3]. Une enquête est également abandonnée en 2024[4]. La première dame fait l'objet d'un autre scandale lorsqu'elle est photographiée acceptant un sac Dior en guise de cadeau[3], dont la valeur dépasse le maximum autorisé[4].

Les choses se sont encore compliquées pour le président, très impopulaire, avec une absence d'accord sur le budget pour 2025 et, à défaut de destitution du président, la mise en cause de membres importants de son entourage ainsi que des critiques de ses initiatives contre la liberté de la presse et contre l'opposition. Le président utilise aussi le ministère public pour museler la presse indépendante[4].

Chronologie

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La loi martiale est décrétée le 3 décembre 2024 à 22 h 25 (heure locale) par le président Yoon Suk-yeol. Celui-ci accuse l'opposition dominée par le Parti démocrate de soutenir la Corée du Nord. Cette mesure est rejetée par le Parti démocrate, mais également par le chef du parti présidentiel Pouvoir au peuple[5].

Les activités des partis politiques sont interdites, et l'Assemblée nationale est aussitôt placée sous scellés[6].

Malgré l'interdiction d'accès à l'Assemblée nationale, quelque 190 députés parviennent à y entrer, après en avoir été brièvement empêchés par des soldats qui ont fini par quitter les lieux. Ils votent à l'unanimité en faveur d'une motion bloquant l'application de la loi martiale et appelant à sa levée[7]. La loi martiale décrétée par le président sud-coréen Yoon Suk-yeol a été contestée jusque dans son propre camp. Parmi les 190 députés qui ont voté contre cette loi, 18 sont issus de son parti[8]

Pour autant, ce vote ne contraint pas les Forces armées de la république de Corée qui affirment qu'elles « feront respecter la loi martiale jusqu'à sa levée par le président ».

Le gouvernement la lève après le vote des députés, le mercredi 4 décembre à 4 h 27 (heure locale[9]; le à 19 heures 27 UTC)[10].

La Confédération coréenne des syndicats, la plus importante confédération syndicale du pays qui compte quelque 1,2 million de membres, appelle à la « grève générale illimitée » jusqu'à la démission du président Yoon. Selon la confédération, la décision du président est « irrationnelle et antidémocratique » et en la prenant, il « signe sa propre fin au pouvoir »[11],[12]. De nombreuses manifestations ont lieu pour demander la destitution du président.

Conséquences

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L'opposition démocrate dépose dès le 4 décembre une motion en destitution du président de la République, tandis que le parti présidentiel abandonne Yoon Suk-yeol[13]. La cote de popularité de Yoon Suk Yeol, déjà basse, s'effondre à 11 %, et le soutien à sa destitution atteint 75 % des personnes interrogées[14].

Finalement, Yoon Suk-yeol, accusé d'autoritarisme et d'avoir secrètement conspiré pour faire arrêter certains dirigeants politiques de l'opposition, perd le soutien de son propre parti, dont le chef appelle à sa démission ou à sa suspension, au regard du risque d'une nouvelle instauration de la loi martiale[15].

Après plusieurs jours de silence, il présente ses excuses le , jour du vote sur sa possible destitution, mais ne démissionne pas[16].

Le PPP refuse de voter la destitution, et 107 de ses parlementaires boycottent le scrutin, empêchant ainsi le quorum d'être atteint et entraînant l'invalidité du vote[17],[18]. Affirmant que le président sortant a transféré ses fonctions au Premier ministre, le PPP annonce privilégier une démission dans les prochains mois plutôt qu'une destitution, voire un retrait de certaines de ses fonctions[19]. Cette possibilité est dénoncée par l'opposition qui dénonce une atteinte à la constitution, et annonce déposer une nouvelle motion de destitution, tandis que le ministre de la Défense Kim Yong-hyun démissionne et est arrêté par la police[20].

Le , c'est au tour du ministre de l'Intérieur Lee Sang-min de démissionner, et le lendemain , le président Yoon Suk-yeol se voit notifier l'interdiction de quitter le territoire dans le cadre de l'enquête pour rébellion[21],[22].

Le , il est finalement destitué par l'Assemblée nationale[23] par 204 voix pour et 85 contre, avec trois abstentions et huit votes nuls[24]. La Cour constitutionnelle dispose d'un délai de 180 jours pour confirmer ou infirmer cette décision, l'intérim étant assuré par le Premier ministre Han Duck-soo[24]. Pendant ce temps, des poursuites judiciaires du chef de « rébellion » sont lancées contre les participants aux événements, dont le ministre de la défense (qui tenta de se suicider en prison), les chefs du commandement militaire et de la police de Séoul, et celui de la police nationale[14].

Notes et références

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  1. https://ko.wikisource.org/wiki/%EB%8C%80%ED%95%9C%EB%AF%BC%EA%B5%AD%ED%97%8C%EB%B2%95_(%EC%A0%9C10%ED%98%B8)
  2. https://en.wikisource.org/wiki/Constitution_of_the_Republic_of_Korea_(1987)
  3. a b c et d AFP, « Corée du Sud: Yoon Suk Yeol, de procureur superstar à président déchu », sur Challenges, (consulté le ).
  4. a b et c « Corée du Sud : la descente aux enfers d’un président en bout de course ».
  5. « En Corée du Sud, le président déclare la loi martiale par surprise, l’accès au parlement empêché », sur Libération, Libération (consulté le ).
  6. « Corée du Sud : le président décrète la loi martiale contre les "forces communistes nord-coréennes" », sur france24.com, France 24, (consulté le ).
  7. « Corée du Sud : le président proclame la loi martiale, l'Assemblée vote sa suspension | TV5MONDE - Informations », sur information.tv5monde.com, (consulté le )
  8. Oh Jeong-hun, « Loi martiale : l'Assemblée nationale approuve la levée avec 190 élus sur 300 », sur fr.yna.co.kr, (consulté le )
  9. https://fr.yna.co.kr/view/AFR20241204002000884?section=national/index
  10. « Crise en Corée du Sud : le président annonce qu'il va lever la loi martiale », sur TF1 INFO, (consulté le )
  11. « Corée du Sud : le Parlement contraint le président Yoon Suk Yeol à lever la loi martiale ».
  12. « Corée du Sud: le président Yoon poussé à la démission après son éphémère loi martiale ».
  13. « En Corée du Sud, l'opposition engage une motion en destitution du président de la République », sur Franceinfo, (consulté le )
  14. a et b « Corée du Sud : « profondément frustré », Yoon Suk Yeol confirme qu’il se retire après sa destitution par le Parlement », sur Le Monde, (consulté le )
  15. « En Corée du Sud, le président Yoon Suk Yeol lâché par son propre parti, l’opposition campe dans le Parlement », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  16. « Corée du Sud : menacé de destitution, le président Yoon s'excuse mais ne démissionne pas », sur France 24, (consulté le )
  17. « Corée du Sud: les députés du parti de Yoon boycottent le vote », sur blue News (consulté le )
  18. « Corée du Sud: faute de quorum, la motion de destitution du président Yoon Suk-yeol a échoué », sur RFI, (consulté le )
  19. « Corée du Sud : le président Yoon poussé à la démission par son parti », sur Le Figaro, (consulté le )
  20. « Corée du Sud : l’opposition relance la destitution du président Yoon Suk Yeol », sur Le Point, (consulté le )
  21. « Corée du Sud: le ministre de l'Intérieur démissionne après le fiasco de la loi martiale », sur BFMTV (consulté le )
  22. « En Corée du Sud, le président, Yoon Suk Yeol, a interdiction de quitter le territoire, après sa tentative avortée d’imposer la loi martiale », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  23. P. Gratian, « En Corée du Sud, le président Yoon destitué après sa tentative d’imposer la loi martiale », Ouest-France,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  24. a et b AFP, « Corée du Sud : le président Yoon Suk Yeol destitué par le Parlement », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).