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Loi de Stefan-Boltzmann

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Graphe de la puissance émise par unité de surface par un corps noir en fonction de sa température thermodynamique . En bleu, l'approximation selon la loi de Wien,

La loi de Stefan ou de Stefan-Boltzmann (du nom des physiciens Jožef Stefan et Ludwig Boltzmann) définit la relation entre le rayonnement thermique d'un corps noir et sa température. Elle établit que son exitance[a] énergétique (puissance totale rayonnée par unité de surface dans le demi-espace libre, exprimée en watts par mètre carré) est liée à sa température absolue (en kelvins) par la relation :

,

est la constante de Stefan-Boltzmann, aussi appelée constante de Stefan

Cette relation peut être inversée pour permettre un calcul de la température à partir de l'exitance :

Pour un corps réel, distinct du corps noir idéal, ces expressions doivent être corrigées en multipliant σ par un coefficient sans unité compris entre 0 et 1, appelé émissivité et noté .

La loi de Stefan-Boltzmann a été découverte expérimentalement par Joseph Stefan (1835-1893) en 1879 à partir de données expérimentales de John Tyndall (1820-1893). Les fondations théoriques ont été posées dans le cadre de la thermodynamique par un étudiant en doctorat de Stefan, Ludwig Boltzmann (1844-1906), en 1884.

Cette loi est la seule loi physique qui porte le nom d’un physicien slovène.

Stefan publia cette loi le dans l’article Über die Beziehung zwischen der Wärmestrahlung und der Temperatur (allemand pour De la relation entre rayonnement thermique et température) dans les Bulletins from the sessions de l’Académie des sciences de Vienne.

Dérivation à partir de la loi de Planck

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La loi de Stefan apparaît maintenant a posteriori comme une application de la loi de Planck, qui permet de déterminer la luminance énergétique totale :

La luminance dans une direction donnée étant par ailleurs pondérée par le cosinus de l'angle par rapport à la normale à la surface émettrice, l’exitance énergétique du corps noir est donnée par la loi de Lambert :

Démonstration

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On part de l'expression de la densité spectrale émise par un corps noir (Loi de Planck). On travaille en termes de pulsation . Si u est l'énergie interne par unité de volume (), la densité spectrale est l'énergie des photons de pulsation comprise entre et  :


Note : si on veut travailler en longueur d'onde, on peut écrire que .
En effet, donc et

Dans la suite de l'article, on ne travaillera qu'en pulsation, sachant que tous les calculs peuvent être effectués en utilisant

La notation ħ ("h barre") désigne la constante de Planck réduite[b].

On cherche maintenant à exprimer la puissance surfacique totale (pour toutes les pulsations) émise par un corps noir. On montre que si est la puissance émise par une unité de surface d'un corps noir, on a . La puissance totale étant obtenue en sommant toutes ces puissances pour chaque pulsation, on cherche à calculer En effectuant le changement de variable , on obtient:

On reconnaît dans l'intégrale une expression intégrale de la fonction zêta de Riemann, pour laquelle :

Ce qui donne finalement :

avec la constante de Stefan-Boltzmann 5,670 374 × 10−8 W m−2 k−4.

Applications notables

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Température du Soleil

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Grâce à cette loi, Stefan détermina également la température de la surface du Soleil. Il apprend, des données de Jacques-Louis Soret (18271890), que le flux énergétique du Soleil est 29 fois plus grand que celui d'une lamelle de métal chauffée. Soret avait placé une lamelle circulaire devant son appareil de mesure, à une distance telle qu'elle apparaissait sous le même angle que le Soleil. Il avait estimé la température de la lamelle entre 1 900 °C et 2 000 °C [1].

Stefan estime que le tiers du flux énergétique du Soleil est absorbé par l'atmosphère terrestre (la mesure précise de l'absorption atmosphérique ne fut pas réalisée avant 1888 et 1904), ainsi il corrige ce rapport du facteur 3/2 : 29 × 3/2 = 43,5. Stefan retient pour la température de la lamelle de Soret la valeur moyenne des mesures de température, soit 1 950 °C, ce qui correspond à une température absolue de 2223 K.

L'application de sa loi conduit à une température du Soleil égale à 43,50,25 soit 2,568 fois la température de la lamelle ; ainsi Stefan obtient une valeur de 5709 K (5436 °C) (la valeur est actuellement de 5780 K, 5507 °C). Ce fut la première estimation sérieuse de la température du Soleil : les valeurs précédemment avancées variaient entre 1 800 °C à 13 000 000 °C en raison de relations rayonnement-température inadaptées.

Température d'équilibre à la surface d'une planète

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La température d'équilibre à la surface d'une planète est la température théorique d'une planète considérée comme un corps noir et dont la seule source de chaleur serait l'étoile parente, une fois déduit le rayonnement simplement réfléchi en raison de l'albedo. Dans ce modèle, la "surface" n'est pas le sol, mais le lieu (dans l'atmosphère) qui, vu de l'espace, émet le rayonnement de la planète. La température au sol sera donc plus élevée en raison de "l'effet de serre", mais n'est pas considérée.

Certains auteurs utilisent d'autres termes, tels température équivalente de corps noir d'une planète[2] ou température effective de rayonnement d'une planète[3]. Des concepts semblables incluent la température moyenne globale et la température de l'air de surface globale moyenne[2] qui incluent les effets de l'effet de serre.

Température d'équilibre de la Terre

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La Terre reçoit du Soleil un flux d'énergie moyen de 340 W/m2 (voir « Constante solaire »). Déduction faite de la partie réfléchie vers l'espace (voir « Albédo »), le flux solaire absorbé par l'atmosphère et la surface terrestres est de 235 W/m2. La température équivalente de corps noir de la Terre est de 254 K (−19,15 °C). La température moyenne observée est supérieure d'environ 30 degrés, en raison de l'effet de serre.

Rayon des étoiles

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Avec la loi de Stefan-Boltzmann, les astronomes peuvent estimer le rayon des étoiles dont la distance (et donc la luminosité absolue) est connue : en effet, en approximant le spectre d'émission d'une étoile par celui d'un corps noir à une certaine température T, la luminosité d'une étoile s'écrit :

où, L est la luminosité, est la constante de Stefan-Boltzmann (ou constante de Stefan), R le rayon de l'étoile, et T sa température. Le travail de l'astronome consistera donc à évaluer la distance et la température de l'étoile. Notons toutefois que le spectre réel d'une étoile diffère en général plus ou moins notablement du spectre d'émission d'un corps noir. La température est donc ici une température effective : celle qui permet, à l'aide d'un spectre de corps noir, d'approximer au mieux le spectre réel de l'étoile. Cette méthode fournit de bons ordres de grandeurs plutôt qu'une mesure précise des rayons stellaires.

Par ailleurs, cette loi est également respectée dans la thermodynamique des trous noirs pour le rayonnement de Hawking.

Limitations

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  • La loi de Stefan-Boltzmann s'applique au cas idéal du corps noir. Pour les corps réels, elle n'est plus parfaitement exacte : la constante de proportionnalité change un peu, mais la très forte dépendance à la température persiste[4].
  • Quand la distance entre deux corps est nanométrique, le rayonnement thermique a lieu par un mécanisme d'effet tunnel des photons : ce « rayonnement en champ proche » dépend beaucoup plus fortement de la distance et moins fortement de la température que dans le régime « en champ lointain » décrit par la loi de Stefan-Boltzmann. De nombreuses confirmations expérimentales de l'augmentation très importante du flux échangé dans ce régime ont été observées au cours des années 2010, et des applications à la spectroscopie et à la conversion d'énergie thermique en électricité sont en cours de développement[4],[5].

Notes et références

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  1. Appellation recommandée par la Commission internationale de l'éclairage (anciennement émittance énergétique).
  2. Le symbole ħ correspond au caractère Unicode U+210F

Références

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  1. Soret, J.-L.. "Sur la température du Soleil (extrait d'une lettre de M. J.-L. Soret à M. H. Sainte-Claire Deville)." Annales scientifiques de l'École Normale Supérieure 3 (1874): 435-439. <http://eudml.org/doc/80786>.
  2. a et b (en) J. M. Wallace et P. V. Hobbs, Atmospheric Science. An Introductory Survey, Academic Press, (ISBN 9-780-12732-951-2)
  3. (en) R. Stull, Meteorology for Scientists and Engineers, Univsity of British Columbia, (ISBN 978-0-88865-178-5, lire en ligne)
  4. a et b « La loi de Stefan-Boltzmann n’est pas valable à l’échelle nanométrique », sur CNRS, (consulté le ).
  5. (en) C. Lucchesi, R. Vaillon et P.-O. Chapuis, « Temperature dependence of near-field radiative heat transfer above room temperature », Materials Today Physics, vol. 21,‎ , article no 100562 (DOI 10.1016/j.mtphys.2021.100562).

Articles connexes

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