L'Incorrigible (nouvelle)
L'Incorrigible est une nouvelle de l’écrivain et poète Hector de Saint-Denys Garneau, écrite en 1930. L'Incorrigible, et son doublet Le Petit Homme gris, ont été inspirées à de Saint-Denys Garneau par un imprimeur, qui se prenait, semble-t-il, très sérieusement pour un poète.
L'Incorrigible | |
Auteur | Hector de Saint-Denys Garneau |
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Pays | Canada |
Genre | Nouvelle |
Éditeur | Presses de l'Université de Montréal |
Lieu de parution | Québec |
Date de parution | 1971 |
Nombre de pages | 19 |
ISBN | 0-8405-0152-8 |
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Établissement du texte
[modifier | modifier le code]19 pages, nouvelle écrite en 1930 (entre le 21 et 23 mai). Il existe une autre version partielle de L'Incorrigible écrite en 1931. Cette dernière comprend un plan, une introduction, le début du texte de la nouvelle – transcription avec peu de variantes –, ainsi qu'une version partielle du début du texte (version B[1].). Pour la suite du texte De Saint-Denys Garneau aurait utilisé la version de 1930.
Historique
[modifier | modifier le code]La version de 1930 porte à la dernière page la signature : de St-Denys Garneau. Sur la première page, en dessous du titre, quatre croquis à l’encre[2] de têtes semblables, sans doute de Monsieur Gaudin. Le début de ce texte : « Au coin de la rue, sous la lumière [...] avec une assurance inébranlable », constitue la version C[1]. Après « inébranlable », un « X » à la mine de plomb indique que la suite du texte[3] de 1930 est aussi celle du texte de 1931. Selon Giselle Huot, « il est probable que certaines variantes à l’encre, et presque certainement celles à la mine de plomb, soient de 1931. »[4]
Thème
[modifier | modifier le code]La nouvelle L'Incorrigible ainsi que sa « suite », Désenchantement, ont été inspirées à de Saint-Denys Garneau par l'imprimeur Eugène Gaudin (1879-1946[5]). Gaudin n'a publié que trois poèmes dans La Presse. De Saint-Denys Garneau, dans sa correspondance et son Journal[6],[7], trace un portrait satirique de cet homme, qu'il « prend à témoin »[8], et l’immortalise dans un poème[9].
Michel Biron constate : « Garneau a écrit [...] une satyre d'un poète de 50 ans lors d'une soirée littéraire[10] qui a tourné au fiasco (lettre à Françoise Charest, 23 mai 1930). La scène le frappe visiblement puisqu'il en tire deux nouvelles (l'une humoristique[11], « L’incorrigible » ; l'autre grave, « Désenchantement ») ainsi qu'un poème (« À monsieur Gaudin »). Les nouvelles (qu'il appelle « études »[12],[13]) et le poème ont la lourdeur d'un exercice scolaire[14], tandis que la lettre[15] parvient à rendre toute la scène de façon vivante[16], concrète, réaliste [...] »[17],[18].
« Soudain, le rideau tombe, les lunettes cassent : adieu les rêves ! La réalité toute crue, l’avenir béant et avide, et rien, rien, des mains vides ! Hier, c’est dans cette route que nous croyions avancer avec la chimère. Mais la chimère a fui, et le chemin n’est pas pour nous, il nous est impossible de le parcourir, et nous avons fermé les portes des autres voies. Le passé est perdu à rien et l’avenir est béant et avide. Mais je ne vais pas vous parler de choses tristes, de pauvres malheureux désenchantés. Je vous dirai l’histoire d’un indésenchantable, d’un incorrigible[19].
Résumé de L’Incorrigible
[modifier | modifier le code]De Saint-Denys Garneau résumait cette nouvelle[20] ( ou « étude »[17]) au moyen d'une parabole[21],[22] : « Un moineau passablement sourd crut entendre chanter le rossignol. Il entendit aussi sa propre voix et, comparaison faite, jugea qu’elle n’était guère inférieure à celle du Rossignol. Ne voilà-t-il pas notre moineau qui, le soir, se tient éveillé pour chanter au bord des bois dans le silence des clairs de lune. Il veut faire jouir les autres de son organe, il s’égo-sille. Tout le monde des oiseaux s’enfuit bien vite dormir au loin. Pensez- vous que notre moineau se décourage, qu’il se rend à la réalité ? L’idée ne lui en vient seulement pas. Il continue de chanter extraordinairement, et se lamente sur la sottise des gens, sur ce qu’on ne sait pas apprécier les belles choses. Si vous passez par là jamais, vous l’entendrez sans aucun doute, exhaler ses poumons à tue-tête, ivre de se croire martyre [sic] incompris immolé à la Beauté. »[23]
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Œuvres en prose, p. 1033
- À cet égard: Stratford 2015, p. 161-162
- Comparer Giguere 2016, p. 289-290
- Œuvres en prose, p. 712, n. 126.
- L’entête d'une lettre d’Eugène Gaudin à Lionel Groulx se lit comme suit : « J. Eugène Gaudin / Publiciste/ Maître imprimeur – Master Printer / Gradué – Conservatoire de Boston – Graduate ». (Œuvres en prose, p. 715, n. 144.)
- Lettres 2020, p. 136-138.
- Journal 2012, p. 57-60.
- Dumont 1993, p. 54
- Fin de ce poème qui pastiche la lourdeur, la chute de Gaudin : « Tu fais un peu penser à quelque enfant chétif // Qui de son bras mâl sûr lance des cailloux gris // Pour tuer le soleil ! Ainsi dans leur sottise // Les mots petits que tu lances en l'air // Retombent sur le nez de ta bêtise. » (Œuvres, p. 107 et 1081)
- Giguère 2003, p. 78
- Seguin-Brault 2019, p. 435
- Major 1994, p. 18
- Gilbert 1984, p. 64
- Giguère 2004, p. 33-34
- Biron 2020, p. 71
- Biron 2022, p. 90
- Gallays 1994.
- Œuvres, p. 642
- Ricard 2012.
- Gagnon 1975, p. 114
- Souvent « [s]es histoires donnent à lire une énigme. Elles tiennent parfois de la parabole et parfois de l’allégorie [...] » (Lambert 2014, p. 122)
- Œuvres en prose, p. 714.
Éditions du texte
[modifier | modifier le code]- De Saint-Denys Garneau, Œuvres (Texte établi, annoté et présenté par Jacques Brault et Benoît Lacroix), Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 1971, 1320 p., p. 641-648 et 1200-1205. (ISBN 0-8405-0152-8)
- De Saint-Denys Garneau, Œuvres en prose (Édition critique établie par Giselle Huot), Fides, 1995, 1183 p., p. 712-722 et 1033-1034. (ISBN 2-7621-1694-5)
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- De Saint-Denys Garneau, Œuvres (Texte établi, annoté et présenté par Jacques Brault et Benoît Lacroix), Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, , 1320 p. (ISBN 0-8405-0152-8), p. 107 et 641-648
- Jean Gagnon, « ETC. ou quand il est question d’une « prose » de Saint-Denys Garneau », Voix et Images, vol. 1, no 1, , p. 106-119 (DOI 10.7202/013989ar, lire en ligne)
- Lucille Gilbert, « Saint-Denys Garneau, écrivain et ethnographe : du Journalau Conte », Ethnologies, Association Canadienne d'Ethnologie, vol. 6, nos 1-2, , p. 63-86 (lire en ligne)
- Andrée-Anne Giguère, « Critique et dialogue. Étude de deux textes en prose publiés par Saint-Denys Garneau », dans Julie Gaudreault et Kathleen Tourangeau (dir.), Jeunes recherches littéraires, Québec, Les Publications du Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises, coll. « Interlignes », (ISBN 2-920801-39-2), p. 75-88
- François Dumont, « La prose de Saint-Denys Garneau : une poétique en creux », Études françaises, vol. 29, no 3, , p. 51-61 (DOI 10.7202/035918ar, lire en ligne)
- Jean-Louis Major, « Saint-Denys Garneau ou l’écriture comme projet de soi », Voix et Images, vol. 20, no 1, , p. 12-25 (lire en ligne)
- François Gallays, « Saint-Denys Garneau, nouvelliste », (Colloque « Prose de Saint-Denys Garneau », Université d’Ottawa, octobre 1993), dans Voix et Images, vol. 20, no 1, automne 1994.
- De Saint-Denys Garneau, Œuvres en prose (Édition critique établie par Giselle Huot), Fides, , 1183 p. (ISBN 2-7621-1694-5), p. 712-722 et 1033-1034
- Andrée-Anne Giguère, Étude des textes en prose publiés par de Saint-Denys Garneau entre 1927 et 1938 (Thèse), Université Laval (Québec), , 101 p.
- François Ricard, (Université McGill), « Saint-Denys Garneau et le roman », Colloque Saint-Denys Garneau dans le grand contexte, Jeudi 26 avril, 2012, Musée national des beaux-arts du Québec (Québec).
- De Saint-Denys Garneau, Journal 1929–1939 (Édition de François Dumont en collaboration avec Julie St-Laurent et Isabelle Tousignant), Québec, Éditions Nota bene, coll. « Cahiers du Centre Hector-De Saint-Denys-Garneau, n° 5 », , 618 p. (ISBN 978-2-89518-423-2), p. 57-60
- Vincent Lambert, « Le consentement à l’image: de Saint-Denys Garneau, octobre 1935 », Voix et Images, vol. 39, no 2, , p. 117-125 (ISSN 0318-9201 et 1705-933X, DOI 10.7202/1025192ar)
- Madeleine Stratford, « de Saint-Denys Garneau dans le prisme de ses traducteurs hispano-américains », TTR (Association canadienne de traductologie), vol. 28, nos 1-2, 1er -2e semestre 2015, p. 153-179 (ISSN 0835-8443 et 1708-2188, DOI 10.7202/1041655ar, lire en ligne)
- Andrée-Anne Giguère, « Esquisses romanesques d’Hector de Saint-Denys Garneau » : Les écrivains de La Relève et la pensée romanesque (Thèse), Université Laval (Québec), , 328 p., p. 289-302.
- De Saint-Denys Garneau, Lettres (Édition préparée, présentée et annotée par Michel Biron), Les Presses de l’Université de Montréal, coll. « bnm* », , 920 p. (ISBN 978-2-7606-4226-3), p. 136-138
- Olivier Seguin-Brault, « Établir l’abbaye de Saint-Denys Garneau au Canada », L’année rabelaisienne, Paris, Classiques Garnier, no 3, , p. 435-451 (ISBN 978-2-406-09030-4)
- Michel Biron, « La censure « amicale » des lettres de De Saint-Denys Garneau », dans Stéphanie Bernier et Pierre Hébert (dir.), Nouveaux regards sur nos lettres, Québec, Presses de l’Université Laval, (ISBN 978-2-7637-4776-7 et 978-2-7637-4777-4), p. 57-74.
- Michel Biron, La lettre comme fiction de soi. De Saint-Denys Garneau épistolier, Montréal, Les Presses de l'Université de Montréal, coll. « Espace littéraire », , 182 p. (ISBN 978-2-7606-4608-7)