Drapeaux d'Honneur de 1830
Drapeau d'Honneur de 1830 | |
Configuration du drapeau belge en 1830 | |
Utilisation | |
---|---|
Caractéristiques | |
Créateur | Commission des récompenses nationales |
Création | |
Proportions | 12:13 |
modifier |
Les Drapeaux d'Honneur de 1830 sont une série de cent drapeaux belges dans leur configuration de l'époque (disposés horizontalement avec le rouge en haut, le jaune au milieu et le noir en bas) attribués à titre honorifique à cent communes situées dans les frontières initiales de la Belgique (à l'exception de la ville française de Paris), en guise de « récompense nationale » pour leur participation à la révolution belge de 1830[1].
Ils furent remis aux différentes délégations des communes le par le premier roi des Belges, Léopold Ier, lors d'une cérémonie officielle à Bruxelles, capitale du nouveau royaume de Belgique, indépendant du Royaume uni des Pays-Bas depuis le .
Ils sont l'une des dernières utilisations officielles connues du drapeau belge au format horizontal, ce dernier devenant vertical dès 1831.
Mise en place
[modifier | modifier le code]Contexte
[modifier | modifier le code]A la suite de l'insurrection d'août 1830 à Bruxelles, la population des Pays-Bas méridionaux, majoritairement catholique, se révolte contre le régime « hollandais » mené depuis La Haye par Guillaume Ier d'Orange-Nassau, souverain de ce qui est alors le Royaume uni des Pays-Bas. La révolution belge prend forme, y compris de manière militaire, et de nombreux corps francs issus des quatre coins des huit provinces sécessionnistes ainsi que du Grand-duché de Luxembourg, se joignent au mouvement insurrectionnel en chassant progressivement les troupes de l'armée du Royaume uni des Pays-Bas dans ce qui devient la guerre belgo-néerlandaise. A l’issue des Journées de Septembre, l'armée du Prince d'Orange, le fils du roi, est vaincue à Bruxelles et, le , le gouvernement provisoire proclame l'indépendance de la Belgique. Celle-ci est reconnue dès le par les puissances internationales réunies lors de la conférence de Londres.
Genèse et débats autour de l'octroi et de la forme des « Récompenses Nationales »
[modifier | modifier le code]Le , à la suite d'une proposition de François Joseph Beyts, le Congrès National décide de l'octroi de « Récompenses Nationales » aux membres du gouvernement provisoire de Belgique, se traduisant par une indemnité de 150 000 florins[2]. Quelques mois plus tard, l'idée de « Récompenses Nationales » revient sur la table du Congrès, mais cette fois pour la population ayant participé à la révolution belge. Un premier décret est présenté au Congrès le , dont l'article premier envisageait de décerner des récompenses individuelles sont formes d'« étoile d'honneur » :
« Une étoile d'honneur sera décernée à ceux qui ont signalé leur dévouement à la cause de la révolution belge, soit par une bravoure éclatante dans les combats, soit par d'autres services éminents. »
Celui-ci a toutefois été refusé par vote et, à la suite de cette décision, les articles 2 et 3 du futur décret furent amendés, réglant la forme de la décoration et disposant qu'elle serait représentée sur le monument de la place où des « martyrs » sont tombés. A la suite des débats quant au vote du Congrès contre l'octroi d’étoiles d’Honneur individuelles, Alexandre de Robaulx précisa à l'assemblée que « (...) Lorsque vous avez décidé qu'il ne serait pas décerné des étoiles d'honneur, vous n'avez pas voulu refuser aux braves de septembre les récompenses qu'ils ont si bien méritées, mais vous avez cru que ce projet qui vous était présenté n'atteindrait pas ce but, parce qu'il serait difficile et presque impossible de trouver les braves qui ont réellement mérité cette distinction. (...) ». L'année suivante, la loi du créera la Croix de fer, distinction personnelle remise aux participants et combattants de la révolution belge.
La première ébauche de l'article 4 du décret proposait quant à lui l'octroi de récompenses aux « corps de volontaires qui se sont portés sur les lieux menacés par l'ennemi ». Cette partie fut amendée à la demande de François Pirson (nl) qui fit remarquer que ces corps n'existent plus pour la plupart, car ils se sont dissous ou ont été intégrés à la nouvelle armée belge. Il ajoute qu'il « suffit que ces drapeaux soient décernés aux villes et communes qui, au jour du danger, ont bien mérité de la patrie. » C'est cette version finale du décret qui sera votée et qui créera la Commission des Récompenses Nationale, chargée de faire élaborer les Drapeaux et de choisir les communes récipiendaires.
Plusieurs membres se portent toutefois contre l'idée d'octroi de récompenses aux citoyens. Ainsi, Jules Frison (nl) déclare être contre le projet, estimant qu'« Il est dangereux, parce qu'il deviendra un ferment de discorde parmi nous, dans un moment où l'union est indispensable. ».
Décret
[modifier | modifier le code]Le , après plusieurs discussions et amendements, le Congrès national, avec 144 membres présents, vote le décret sur les Récompenses Nationales par 125 votes « pour » et 19 « contre ». Parmi les opposants se trouvent notamment Guillaume Dumont, Lucien Jottrand, Joseph Fleussu (nl), Eugène de Smet ou encore Alexandre Rodenbach.
Le texte du décret est retranscrit comme tel sur le diplôme décerné aux communes en plus de leur Drapeau d'Honneur :
« Le Congrès National, considérant qu'il est juste de récompenser le dévouement des communes qui se sont signalées en prenant part glorieuse au triomphe de la cause nationale, décrète :
Art. 1er, Des drapeaux d'honneur seront décernés aux villes et communes dont les volontaires se sont portés sur les lieux menacés par l'ennemi, ou qui ont contribué d'une manière efficace au succès de la révolution. Ces drapeaux seront aux couleurs nationales. Ils seront surmontés d'un lion belgique au bas duquel se trouvera d'un côté, le mot Liberté, et de l'autre le millésime MDCCCXXX (1830). »
2. La commission qui décernera ces drapeaux sera composée des membres actuellement en fonctions de la commission des récompenses créée à Bruxelles, et de neuf membres du congrès, nommés par l'assemblée et pris dans les différentes provinces.
3. Les drapeaux décernés par la commission seront distribués par le Chef de l’État au nom du peuple Belge.
4. L'arrêté du Gouvernement provisoire en date du 14 janvier dernier (Bulletin Officiel n°VI) est abolis
Charge le pouvoir exécutif du présent décret.
Bruxelles, le palais de la nation, le .
Les Secrétaires membres du Congrès national
Liedts, De Brouckère, Vilain XIIII, Nothomb »
Commission
[modifier | modifier le code]A la suite de l'adoption du décret sur les Récompenses Nationales du , le Congrès national met en place une commission ayant pour but de définir à quelles communes seront attribuées les cent Drapeaux d'Honneur. Elle est instituée le , nommée « Commission des Récompenses Nationales » et présidée par Alexandre Gendebien. En plus de ce-dernier et d'un secrétaire, elle se compose de huit membres en fonction au Congrès ainsi que de neuf membres supplémentaires adjoints à la commission. Ceux-ci sont nommés par l’assemblée afin de représenter les huit provinces des Pays-Bas méridionaux initialement sécessionnistes, ainsi que le Grand-duché de Luxembourg (annexé de manière unilatérale depuis le ) et sont respectivement [3] :
- Province d'Anvers : François de Robiano
- Province de Brabant : Joseph van der Linden d'Hooghvorst
- Province de Flandre-Occidentale : Jean Goethals
- Province de Flandre-Orientale : Charles Annez de Zillebeke
- Province de Hainaut : Alexandre Gendebien
- Province de Liège : Jean de Behr (nl)
- Province de Limbourg : Félix de Mérode
- Province de Luxembourg : Jean-Bernard Marlet
- Province de Namur : Jean-Baptiste Brabant
Cérémonie de remise
[modifier | modifier le code]L'idée d'une cérémonie fastueuse est lancée dès 1831, alors que la Belgique n'a pas encore de roi, la régence du chef de l’État étant alors assurée par Érasme-Louis Surlet de Chokier. Le , Charles Rogier déclare au Congrès national[4] :
« J'appelle l'attention du Congrès sur cette cérémonie qui présenterait un spectacle imposant et grandiose, qui pourrait, par exemple, avoir lieu à l'époque de l'élection du chef de l'État, que la distribution des drapeaux rapprocherait ainsi de la révolution. Les volontaires seraient satisfaits, les communes seraient récompensées par le dépôt qu'elles recevraient de ces glorieux étendards : car, chose remarquable ! messieurs, on peut dire que notre révolution a été communale ; que chaque commune a joué son rôle à part. Une seule, qui a refusé de s'associer tout d'abord au mouvement, en est à regretter aujourd'hui de n'avoir pas embrassé la cause commune. »
La cérémonie de remise des Drapeaux et de leurs diplômes eut lieu sur la Place Royale de Bruxelles, devant la cathédrale Saint-Jacques-sur-Coudenberg, le . La date, tout comme le lieu, n'est pas anodine et commémore précisément l'anniversaire de la fin des Journées de Septembre, lors desquelles l'armée néerlandaise du prince Frédéric d'Orange-Nassau avait été chassée de la nouvelle capitale belge. C'est également à cet endroit que s'étaient déroulés certains des combats, non loin du parc de Bruxelles et que fût intronisé le premier roi des Belges, Léopold Ier, le .
Les blessés et anciens combattants de la révolution belge avaient été invités pour l'occasion. Une vaste estrade adossée à la cathédrale supportait un dôme couvert de bannières tricolores qui abritait le trône royal[5]. Deux statues placées à côté de deux lions majestueux représentaient la constitution belge et la force. Une statue colossale de la Belgique dominait lʼédifice et la place. Vers midi, Une salve dʼartillerie annonça lʼarrivée du roi. Les membres de la Commission des Récompenses et son président, Alexandre Gendebien lʼaccueillirent au pied de lʼestrade où il tint le discours suivant[6] avant de remettre Drapeaux et diplômes aux différents représentants des communes, accompagné du ministre de lʼintérieur, Barthélemy de Theux de Meylandt :
« Jʼéprouve une vive satisfaction de pouvoir prendre part en personne à une solennité dont la législature a décrété la célébration. Les événements dont ce jour est lʼanniversaire ont consacré lʼindépendance de la Belgique. A ce titre, ils ont droit à la commémoration la plus éclatante. Cʼétait pour repousser lʼenvahissement du sol de la Belgique, pour défendre vos foyers et tout ce quʼun citoyen peut avoir de plus cher, que vous aviez pris les armes. Votre bravoure a obtenu le succès le plus complet. Une armée ennemie, supérieure en nombre, composée de forces régulières et bien organisées, a dû vous céder le terrain. Vous avez su la refouler jusque dans son propre pays ; vous nʼavez été arrêtés que par votre modération. Vous avez mérité le signe glorieux que la reconnaissance publique offre à chacune des communes venues au secours de la capitale. »
Drapeaux
[modifier | modifier le code]Description
[modifier | modifier le code]Les drapeaux sont en soie et arborent les trois couleurs du drapeau de la révolution brabançonne de manière horizontale, soit, de haut en bas, le rouge, le jaune et le noir. Ils ont une forme rectangulaire de 1,20 mètres par 1,30 mètres. Le pourtour est orné de feuilles de chêne entrelacées. Sur la bande rouge est inscrit en lettres capitales dorées « A LA COMMUNE DE (nom de la commune) », tandis que sur la bande noire est inscrit « LA PATRIE DE RECONNAISSANTE ». Cette inscription est en français pour tous les drapeaux, y compris ceux des communes néerlandophones ou luxembourgeoises, puisqu'à l'époque, la Belgique ne disposait que d'une seule langue nationale : le français. Sur la bande jaune se trouve le millésime de la révolution belge, « 1830 », entouré d'une couronne de feuilles de laurier. Les trois côtés sont frangés aux couleurs nationales de la Belgique, le quatrième porte les anneaux de la hampe. Celle-ci est surmontée d'une douille ornée de feuillages, d'un socle en forme de parallélépipède rectangle dont la base est ornée de rosaces et de volutes ainsi que d'un Lion belgique en cuivre doré. Sur l'une des face du parallélépipède est inscrit « LIBERTE » et sur l'autre le millésime « 1830 » en chiffres romains, soit « MDCCCXXX ».
Liste
[modifier | modifier le code]Voici la liste des 100 drapeaux d'Honneur décernés :
Particularités
[modifier | modifier le code]- Les cent Drapeaux d'Honneur sont l'une des dernières utilisations officielles du drapeau belge avec sa forme horizontale.
- Sur les cent Drapeaux décernés, deux le furent à des communes étrangères : Luxembourg-ville et Paris, la capitale du Royaume de France, à titre de représentation de l'ensemble de la participation française à la révolution belge de 1830.
- Le drapeau de la ville de Luxembourg n'y fut jamais ramené pour des raisons politiques : en effet, bien que le Grand-duché de Luxembourg ait été annexé par la Belgique, un réduit territorial incluant la capitale subsistait sous le contrôle de Guillaume Ier (qui était également le grand-duc de Luxembourg) autour de la forteresse de Luxembourg qui abritait une garnison de l'armée prussienne en vertu de l'appartenance du Grand-duché à la confédération germanique. Il est conservé au musée royal de l'Armée et d'Histoire militaire de Bruxelles.
- Deux communes récipiendaires autrefois belges se se trouvent actuellement aux Pays-Bas : Ruremonde et Venlo, redevenues néerlandaises à la suite de la scission du Limbourg par le traité des XXIV articles du .
- Certaines communes étant devenues des sections, notamment après la fusion des communes de Belgique de 1977, une commune actuelle peut disposer de plusieurs drapeaux différents, comme Ath ou Verviers, par exemple.
- Avec le temps, les drapeaux originaux non restaurés ont vu leurs couleurs s'effacer progressivement en tendre à devenir rouge-blanc-bleu, comme l'est ironiquement le drapeau des Pays-Bas, desquels la Belgique prit son indépendance en 1830.
Diplôme
[modifier | modifier le code]La remise du drapeau s'accompagne de celle d'un diplôme de la Commission des Récompenses Nationales, attestant officiellement de l'acte de décernement. Celui-ci renseigne[24] :
« En vertu du décret du Congrès du , la Commission a résolu de décerner un Drapeau d'Honneur à la Commune de (nom de la commune). »
Il est orné d'un lion belgique se dressant sur des quatre drapeaux belges où le noir est déjà porté à la hampe, eux-même posés sur des canons, des barils de poudre, des fusils à baïonnette et deux ancres marines, représentant la lutte pour l'indépendance de la Belgique. Au centre se trouve inscrit la devise de la Belgique : l'union fait la force. Il est daté en date du et signé par le Secrétaire et par le Président de la Commission des Récompenses Nationales. Il reprend ensuite le décret du Congrès National octroyant les Drapeaux, ainsi que la composition des membres de la Commission et de chacun des neufs adjoints provinciaux.
Tout comme les Drapeaux, l'ensemble des textes sur les diplômes sont en français, peu importe la commune récipiendaire, puisque c'était à l'époque la seule langue nationale du royaume.
Utilisation postérieure
[modifier | modifier le code]- Lors des commémoration du centenaire de l'indépendance de la Belgique, le drapeau d'Arlon fut sorti devant le palais provincial et salué par le roi des Belges, Albert Ier[25].
- Le Drapeau d'Honneur de Neufchâteau fut porté dans les rues par les anciens combattants de l'armée belge lors de la libération de la ville à la fin de l'occupation allemande de la Belgique pendant la Seconde Guerre mondiale, le .
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Notes et références
[modifier | modifier le code]- ↑ « Les Drapeaux d'Honneur de 1830. », sur ASBL « Pro Belgica ».
- ↑ « Congrès national de Belgique, séance du samedi 26 février 1831 », sur unionisme.be
- ↑ « Congrès national de Belgique, séance du samedi 15 juin 1831. », sur unionisme.be
- ↑ « Congrès national de Belgique, séance du samedi 26 mai 1831. », sur unionisme.be
- ↑ « Gravure en couleurs représentant la distribution des Drapeaux d'Honneur de 1832. », sur Bridgeman Iamges
- ↑ « Les Drapeaux de 1830. », sur Probelgica asbl, section Hainaut
- ↑ « Le Drapeau commémoratif de la Commune d'Ans - 1830 », sur bibliotheca.ans
- ↑ « Drapeau d’honneur “À la Commune de Bruxelles” », sur collections.heritage.brussels
- ↑ « Le drapeau d'honneur 1830 de Châtelet. », sur Probelgica asbl, section Hainaut
- ↑ (nl) « Vlag met Belgische driekleur « à la commune de Gand 1830 » », sur stamgent.be
- ↑ « Le Drapeau de 1830 », sur Site internet officiel de la ville de Gembloux
- ↑ « Le drapeau de 1830 a été restauré. », sur L'avenir.net
- ↑ « Les Gosseliens au cœur des journées de septembre 1830, par Louis le Hardÿ de Beaulieu (2022). », sur Cercle d'Histoire de Gosselies.
- ↑ (nl) « Van oranje tot tricolor. De Belgische Revolutie in Geraardsbergen en deelgemeenten. », sur gerardimontium.be
- ↑ « Jodoigne: restauré, le drapeau de 1830 est de retour sur le mur de la salle des Calèches », sur L'avenir.net
- ↑ « Liège, première ville étrangère décorée par la Légion d'Honneur. », sur Ville de Liège.
- ↑ « JAM (Jeudis au Moulin) : " Vers les deux Luxembourg (1830-1843) " : une conférence de Christian Moïs. », sur dmillen.lu
- ↑ « Document 14: Drapeau d'Honneur de 1830 remis à la commune de Maffle. », sur francoishardy.weebly.com
- ↑ « Drapeau d'honneur (Philippeville). », sur Gephil ESM
- ↑ « Les Rodenbach et la révolution belge. », sur Probelgica asbl, section Hainaut
- ↑ « Les drapeaux d'honneur 1830 de Verviers », sur Probelgica asbl, section Hainaut
- ↑ « Le bureau de Léopold III à Waterloo. », sur Probelgica asbl, section Hainaut
- ↑ « Le drapeau d'honneur 1830 de Wavre. », sur Probelgica asbl, section Hainaut
- ↑ « Diplôme accompagnant le drapeau de la ville de Tielt. », sur erfgoedinzicht.be
- ↑ Le Soir illustré du