Nous pouvons l’ensevelir en silence, nous ne l’oublierons plus, cette année sinistre que rien n’effacera désormais de l’histoire, qui restera éternellement l’année de la plus terrible guerre, d’une invasion implacable, du siège de Paris, de l’effondrement d’un empire, et aussi du réveil, de la régénération virile de la France sous le coup des malheurs les plus éclatans, les plus imprévus. Aux premières heures de 1870, qui aurait pu entrevoir un tel avenir ? qui aurait pu imaginer qu’elle unirait ainsi, cette année que nous avons vue commencer au milieu de nos manèges intérieurs de révolutions pacifiques et de résurrections parlementaires ?
En ce temps-là, la grande affaire, c’était le ministère du 2 janvier, le programme libéral du 2 janvier, l’alliance du centre droit et du centre gauche, et bien d’autres choses encore ! Il n’y a que quelques mois de tout cela, et on dirait qu’il y a des siècles, tant cette histoire tourbillonne au plus lointain de nos souvenirs comme dans un rêve incohérent. Ah ! c’étaient là de singuliers personnages, qui s’étaient mêlés d’entreprendre la régénération libérale et nationale de notre pays. Ils ont bien travaillé en peu de temps, ils ont étrangement conduit nos affaires ! Têtes vaines et présomptueuses au service d’une décrépitude couronnée, ils sont allés à l’aventure, laissant la guerre échapper de leurs mains comme ils laissaient échapper un programme ou un plébiscite. Ils ont trouvé au bout ce profond abîme où ils ont disparu tout à coup, et ils ont failli entraîner la France avec eux. Heureusement, aux bords et déjà sur le penchant de cet abîme, la France s’est raidie dans une convulsion désespérée, elle s’est redressée d’un mouvement de révolte patriotique, elle s’est cherchée pour ainsi dire à tâtons dans ces ténèbres de la déroute où on l’avait plongée, et s’est bientôt retrouvée elle-même, elle a frappé le sol du pied et en a fait sortir des armées nouvelles. Vaincue, mutilée, envahie, menacée dans son unité et dans sa