tentative de Ponsard, plus littéraire que dramatique, sauf quelques jets de feu sacré rallumé par une jeune actrice au temple abandonné de Corneille et de Racine, l’œuvre dramatique sérieuse, poignante, les larmes, la terreur, semblaient avoir fait leur temps. — Au fait, pourquoi une tragédie ? pourquoi un drame ? Le théâtre est un passe-temps, disait-on, et c’est un préjugé que d’y chercher un aliment à la sensibilité, une pâture à l’imagination. Le public avait sous la main une comédie qui l’amusait et un homme infatigable pour l’exploiter. Cette comédie ne se composait que de silhouettes ; mais cet homme les taillait si facilement et de toutes les grandeurs ! Il les aurait faites stans pede in uno, dans toutes les positions, par-dessus sa tête, derrière son dos. Il l’eût disputé à cet artiste suisse qui en découpait de très jolies sans couteau, avec des bandes de fromage qu’il faisait grignoter à son chat. C’est ainsi que, le poète abusant de sa facilité et le public de son poète, la comédie qu’on pourrait appeler bourgeoise fit illusion aux spectateurs d’alors, et parut tenir lieu de tout le reste.
Le théâtre de Scribe touchait à notre sujet par les liens qui rattachent le passé au présent : M. Alexandre Dumas fils vient de donner une opportunité nouvelle aux réflexions qui précèdent. Il a consacré une de ses préfaces à la critique de ce fécond écrivain. Nous avons dû nous montrer sévère pour l’auteur de la Camaraderie afin de conserver à notre justice le droit de dire la vérité sur ses successeurs, et l’impartialité est un devoir même dans la comparaison des morts avec les vivans ; . mais nous ne savons s’il appartient à un écrivain, sous prétexte de causer de son art, d’élever dans une préface, et pour ainsi dire sur ses terres et chez soi, un petit tribunal pour y juger un prédécesseur. A tous ceux qui ont l’honneur de connaître ou même seulement le plaisir de lire M. Dumas fils, le doute n’est pas possible sur le sentiment qui l’a inspiré. Dans ce langage sans-façon dont il a le secret, il dit lui-même : « Je ne bats pas la caisse devant ma baraque pour vous empêcher d’entrer dans celle de mon voisin. » Nous l’en croyons bien volontiers, et nous n’en serions pas moins persuadé quand même il se serait exprimé avec plus de respect pour son œuvre, pour celle du voisin et surtout pour l’art qui a sans doute son amour et son culte consciencieux. Il a mis le doigt, un doigt d’expert, sur les défauts de Scribe ; mais son premier devoir n’était-il pas d’insister sur les qualités qui font la force et la vie de ce rare improvisateur ? A-t-il dit, et qui pouvait mieux le dire ? que Scribe, tout superficiel qu’il était, avait jusqu’au bout des ongles le sentiment de la comédie ? A-t-il dit que cet écrivain s’est connu, et qu’il a su se contenter jusqu’à la fin d’être un homme d’infiniment d’esprit ? A-t-il