siècles le sens politique, si elle s’est montrée capable de commander au monde, c’est que chacun pouvait faire chez soi l’apprentissage du gouvernement. L’exploitation de ces vastes domaines, ces millions de sesterces à manier, ces nations d’esclaves à conduire, faisaient de tous ces grands seigneurs dès leur jeunesse des administrateurs et des financiers.
D’ordinaire chacun imite ce qu’il voit faire au-dessus de lui, et il est d’usage que les classes inférieures reproduisent autant qu’elles le peuvent les exemples que l’aristocratie leur donne. On vient de voir qu’à Rome les patriciens mettaient leur luxe à posséder beaucoup d’esclaves ; la bourgeoisie faisait comme eux. Peut-être même ce grand nombre de serviteurs est-il plus frappant encore dans les maisons modestes, tant il y semble peu en rapport avec la fortune du maître. Marcus Scaurus, qui devint plus tard un grand personnage, avait commencé par être très pauvre. Il disait dans ses mémoires que son père ne lui avait laissé que 37 000 sesterces (7 000 fr.) et dix esclaves. Assurément celui qui ne posséderait aujourd’hui que 7 000 francs pour tout bien ne se permettrait pas d’avoir dix domestiques. Le poète Horace n’était pas très riche non plus ; il vivait des libéralités de Mécène, qui lui avait donné l’aisance plutôt que la richesse. Il raconte pourtant que, quand il rentre chez lui le soir, il y trouve trois esclaves prêts à lui servir son dîner. Ce dîner, il nous en donne le menu : ce sont des poireaux, des pois chiches et quelques gâteaux. Ne trouve-t-on pas que c’est beaucoup de trois domestiques pour si peu de plats, et que le repas n’est pas en rapport avec le service ? On se demandera peut-être comment ce nombre de serviteurs n’épuisait pas une fortune médiocre, et par quel miracle d’économie elle parvenait à y suffire ; c’est qu’alors ils ne coûtaient pas autant qu’aujourd’hui. Le prix d’achat d’un esclave ordinaire était d’environ 500 francs, ce qui mettait ses gages à 25 francs par an. L’entretien était encore plus économique. Caton nourrissait les siens d’olives tombées, de saumure et de vinaigre. Il fabriquait pour eux une espèce de vin dont il a pris soin de nous laisser la recette. « Mettez dans une futaille dix amphores de vin doux et deux amphores de vinaigre bien mordant. Ajoutez-y deux amphores de vin cuit et cinquante d’eau douce. Remuez le tout ensemble avec un bâton trois fois par jour pendant cinq jours consécutifs, après quoi vous y mêlerez soixante-quatre setiers de vieille eau de mer. Ce vin se boira jusqu’au solstice. S’il en reste plus tard, ce sera de l’excellent vinaigre. » Il est vrai que les esclaves étaient un peu mieux traités sous l’empire. Sénèque semble dire qu’on leur donnait tous les mois pour leur entretien cinq boisseaux de blé et 5 deniers. En mettant le prix du boisseau à 4 ses-