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Page:NRF 18.djvu/627

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NOTES 62 I

suffisant pour influencer plus de quelques-uns parmi ces écri- vains de second ordre qui imitent : seuls aujourd'hui les plus forts survivent.

Dans cette vue d'ensemble il est nécessaire de tenir compte également des changements qui se sont produits en Irlande et en Amérique. Il y a trente ou quarante ans, l'Irlande exerçait sur Londres une influence puissante et précieuse. Après la dissolution de la société dont Wilde était le membre le plus important, M. Yeats se trouva le principal survivant. Bien qu'il continuât à habiter Londres, M. Yeats s'en absen- tait souvent non seulement en esprit, mais aussi en fait, pour se consacrer à l'œuvre entreprise par le théâtre de l'Abbaye à Dublin. Londres n'offrait que peu de tentations peur in- duire les Irlandais à l'exil, et par suite les écrivains irlandais de second plan demeurèrent pour la plupart en Irlande ; l'on célébra en Synge un artiste irlandais traitant des sujets irlan- dais, et l'activité littéraire de ces années-là en Irlande doit être comptée au nombre des causes qui inspirèrent la révo- lution irlandaise en 191e. Cela semble fantastique à énoncer, mais cela souligne ce que je désire marquer ici : à mon avis le procès d'Oscar Wilde contribua à l'établissement du libre état d'Irlande.

A la même époque, ou plutôt à une époque postérieure

— en fait dans ces dix dernières années — une autre action centrifuge avait eu pour résultat de séparer l'Amérique de l'Angleterre. Au cours du xix^ siècle, l'ensemble de ce qui comptait dans la production littéraire américaine n'était guère qu'un dérivé local de la littérature anglaise ; avec une dignité étudiée, elle restait à sa remorque, et si j'excepte quelques hommes de grande importance — Poe, Whitman, Hawthorne

— elle se bornait à la suivre sans apporter de contribution originale ou de départ nouveau. L'absence d'un nouvel effort créateur en Angleterre, le fait que le contrôle exclusif des lettres américaines cessa de se concentrer en un groupe de gentlemen de Boston qui avaient de proches attaches avec l'Université de Harvard, le déclin du prestige du professeur d'Université, l'accroissement dans la population des éléments non anglo-saxons — ces causes variées se sont combinées pour donner naissance à des styles qui ne se réfèrent plus en

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