LES SOURCES DU NIL, JOURNAL D’UN VOYAGE DE DÉCOUVERTES,
XI
21-23 avril. — Des messagers sont partis ces jours-ci, les uns pour l’Ounyoro, afin de m’en frayer les chemins, les autres pour hâter l’arrivée de Grant. Pendant ce temps j’ai eu un bel échantillon des caprices inquiets et des volontés irréfléchies qui caractérisent notre jeune despote. Il avait fixé le 24 pour une excursion de trois jours pendant lesquels nous chasserions l’hippopotame sur les eaux du N’yanza. Le 23 cependant, on m’avertit à midi « qu’il est parti pour le N’yanza et qu’il faut le suivre sans retard. » Or, je l’ai déjà dit, ce mot de N’yanza signifie simplement une eau quelconque, soit qu’il s’agisse d’un étang, d’une rivière ou d’un lac ; et comme personne ne put me dire de quel N’yanza il était question, ni dans quel objet avait lieu ce départ précipité, je dus me mettre en campagne à l’instant même, sans aucuns préparatifs, à travers jardins, collines et marais, longeant le côté occidental de la crique Murchison[2] jusqu’à trois heures de l’après midi où je finis par apercevoir le roi, qui, vêtu de rouge et poussant devant lui, comme une meute, son troupeau de vouakungu, tirait de temps en temps un coup de fusil pour m’appeler sur ses traces. Au surplus, il menait de front les affaires et le plaisir, car un instant plus tôt, rencontrant une femme qui, les mains garrottées, mar-
- ↑ Suite. — Voy. pages 273, 289, 305, 321 et 337.
- ↑ À défaut d’un nom indigène servant à désigner cette magnifique nappe d’eau, située à l’ouest de la rivière Luajerri et à l’est de la rivière Mwerango, je lui donnai celui de sir Roderick Murchison, à qui l’expédition était redevable de tant de services.