de l’esclavage, que j’allais moi-même franchir. Je ne pense qu’avec horreur à ce spectacle terrible. Je voudrais pouvoir exprimer les sentiments avec lesquels j’en fus témoin.
La scène se passa peu de temps après mon arrivée chez mon ancien maître ; voici dans quelles circonstances : Ma tante Esther sortit une nuit, — où, et pourquoi, je ne le sais pas, — et il arriva qu’elle était absente, lorsque mon maître désirait sa présence. Il lui avait défendu de sortir le soir, et l’avait avertie d’avoir soin de ne pas se laisser surprendre à causer avec un jeune homme qui appartenait au colonel Lloyd, et qui lui faisait la cour. Ce jeune homme se nommait Édouard Roberts ou plus ordinairement l’Édouard de Lloyd. On peut laisser le lecteur conjecturer pourquoi mon maître la surveillait tant. Elle avait une noble taille et de gracieuses proportions, aussi comptait-elle peu d’égales, et encore moins de supérieures, sous le rapport des charmes extérieurs, parmi les négresses ou les femmes blanches de notre voisinage.
Ma tante Esther avait non-seulement désobéi à ses ordres, en sortant, mais on l’avait trouvée dans la société de l’Édouard de Lloyd, ce qui était, à ce qu’il dit, tandis qu’il la fouettait, son principal délit. S’il avait été lui-même un homme de bonnes mœurs,