Le Médecin volant/Édition Louandre, 1910
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Gorgibus, père de Lucile.
Lucile, fille de Gorgibus.
Valère, amant de Lucile.
Sabine, cousine de Lucile.
Sganarelle, valet de Valère.
Gros-René, valet de Gorgibus.
un avocat.
Scène I
Hé bien ! Sabine, quel conseil me donnes-tu ?
Vraiment, il y a bien des nouvelles. Mon oncle veut résolument que ma cousine épouse Villebrequin, et les affaires sont tellement avancées, que je crois qu’ils eussent été mariés dès aujourd’hui, si vous n’étiez aimé ; mais, comme ma cousine m’a confié le secret de l’amour qu’elle vous porte, et que nous nous sommes vues à l’extrémité par l’avarice de mon vilain oncle, nous nous sommes avisées d’une bonne invention pour différer le mariage. C’est que ma cousine, dès l’heure que je vous parle, contrefait la malade ; et le bon vieillard, qui est assez crédule, m’envoie querir un médecin. Si vous en pouviez envoyer quelqu’un qui fût de vos bons amis, et qui fût de notre intelligence, il conseilleroit à la malade de prendre l’air à la campagne. Le bon homme ne manquera pas de faire loger ma cousine à ce pavillon qui est au bout de notre jardin, et, par ce moyen, vous pourriez l’entretenir à l’insu de notre vieillard, l’épouser, et le laisser pester tout son soûl avec Villebrequin.
Mais le moyen de trouver si tôt un médecin à ma poste, et qui voulût tant hasarder pour mon service ! Je te le dis franchement, je n’en connois pas un.
Je songe une chose ; si vous faisiez habiller votre valet en médecin : il n’y a rien de si facile à duper que le bonhomme.
C’est un lourdaud qui gâtera tout ; mais il faut s’en servir, faute d’autre. Adieu, je le vais chercher. Où diable trouver ce maroufle à présent ? mais le voici tout à propos.
Scène II
Ah ! mon pauvre Sganarelle, que j’ai de joie de te voir ! J’ai besoin de toi dans une affaire de conséquence ; mais, comme je ne sais pas ce que tu sais faire…
Ce que je sais faire, monsieur ? employez-moi seulement en vos affaires de conséquence, ou pour quelque chose d’importance : par exemple, envoyez-moi voir quelle heure il est à une horloge, voir combien le beurre vaut au marché, abreuver un cheval, c’est alors que vous connoîtrez ce que je sais faire.
Ce n’est pas cela ; c’est qu’il faut que tu contrefasses le médecin.
Moi, médecin, monsieur ! Je suis prêt à faire tout ce qu’il vous plaira ; mais, pour faire le médecin, je suis assez votre serviteur pour n’en rien faire du tout ; et par quel bout m’y prendre, bon Dieu ? Ma foi, monsieur, vous vous moquez de moi.
Si tu veux entreprendre cela, va, je te donnerai dix pistoles.
Ah ! pour dix pistoles, je ne dis pas que je ne sois médecin ; car, voyez-vous bien, monsieur, je n’ai pas l’esprit tant, tant subtil, pour vous dire la vérité. Mais, quand je serai médecin, où irai-je ?
Chez le bon homme Gorgibus, voir sa fille qui est malade ; mais tu es un lourdaud qui, au lieu de bien faire, pourrois bien…
Hé ! mon Dieu, monsieur, ne soyez point en peine ; je vous réponds que je ferai aussi bien mourir une personne qu’aucun médecin qui soit dans la ville. On dit un proverbe, d’ordinaire : après la mort le médecin ; mais vous verrez que, si je m’en mêle, on dira : après le médecin gare la mort ! Mais, néanmoins, quand je songe, cela est bien difficile de faire le médecin ; et si je ne fais rien qui vaille ?
Il n’y a rien de si facile en cette rencontre ; Gorgibus est un homme simple, grossier, qui se laissera étourdir de ton discours, pourvu que tu parles d’Hippocrate et de Galien, et que tu sois un peu effronté.
C’est-à-dire qu’il lui faudra parler philosophie, mathématique. Laissez-moi faire, s’il est un homme facile, comme vous le dites, je vous réponds de tout ; venez seulement me faire avoir un habit de médecin, et m’instruire de ce qu’il me faut faire, et me donner mes licences, qui sont les dix pistoles promises.
Scène III
Allez vitement chercher un médecin, car ma fille est bien malade, et dépêchez-vous.
Que diable aussi ! pourquoi vouloir donner votre fille à un vieillard ? Croyez-vous que ce ne soit pas le desir qu’elle a d’avoir un jeune homme qui la travaille ? Voyez-vous la connexité qu’il y a, etc. (galimatias).
Va-t’en vite ; je vois bien que cette maladie-là reculera bien les noces.
Et c’est ce qui me fait enrager ; je croyois refaire mon ventre d’une bonne carrelure, et m’en voilà sevré. Je m’en vais chercher un médecin pour moi, aussi bien que pour votre fille ; je suis désespéré.
Scène IV
Je vous trouve à propos, mon oncle, pour vous apprendre une bonne nouvelle. Je vous amène le plus habile médecin du monde, un homme qui vient des pays étrangers, qui sait les plus beaux secrets, et qui sans doute guérira ma cousine. On me l’a indiqué par bonheur, et je vous l’amène. Il est si savant, que je voudrois de bon cœur être malade, afin qu’il me guérît.
Où est-il donc ?
Le voilà qui me suit ; tenez, le voilà.
Très humble serviteur à monsieur le médecin. Je vous envoie querir pour voir ma fille qui est malade ; je mets toute mon espérance en vous.
Hippocrate dit, et Galien, par vives raisons, persuade qu’une personne ne se porte pas bien quand elle est malade. Vous avez raison de mettre votre espérance en moi ; car je suis le plus grand, le plus habile, le plus docte médecin qui soit dans la Faculté vegetable, sensitive et minérale.
J’en suis fort ravi.
Ne vous imaginez pas que je sois un médecin ordinaire, un médecin du commun. Tous les autres médecins ne sont, à mon égard, que des avortons de médecins. J’ai des talents particuliers, j’ai des secrets. Salamalec, salamalec. Rodrigue, as-tu du cœur ? signor, si ; signor, no. Per omnia sæcula sæculorum. Mais encore voyons un peu.
Eh ! ce n’est pas lui qui est malade, c’est sa fille.
Il n’importe : le sang du père et de la fille ne sont qu’une même chose ; et par l’altération de celui du père, je puis connoître la maladie de la fille. Monsieur Gorgibus, y auroit-il moyen de voir de l’urine de l’égrotante ?
Oui-dà ; Sabine, vite allez querir de l’urine de ma fille. (Sabine sort.) Monsieur le médecin, j’ai grand’peur qu’elle ne meure.
Ah ! qu’elle s’en garde bien ! il ne faut pas qu’elle s’amuse à se laisser mourir sans l’ordonnance de la médecine. (Sabine rentre.) Voilà de l’urine qui marque grande chaleur, grande inflammation dans les intestins ; elle n’est pas tant mauvaise pourtant.
Eh quoi ! monsieur, vous l’avalez ?
Ne vous étonnez pas de cela : les médecins, d’ordinaire, se contentent de la regarder ; mais moi, qui suis un médecin hors du commun, je l’avale, parcequ’avec le goût je discerne bien mieux la cause et les suites de la maladie ; mais, à vous dire la vérité, il y en avoit trop peu pour asseoir un bon jugement : qu’on la fasse encore pisser.
J’ai bien eu de la peine à la faire pisser.
Que cela ? voilà bien de quoi ! Faites-la pisser copieusement, copieusement. Si tous les malades pissent de la sorte, je veux être médecin toute ma vie.
Voilà tout ce qu’on peut avoir ; elle ne peut pas pisser davantage.
Quoi ? Monsieur Gorgibus, votre fille ne pisse que des gouttes ? voilà une pauvre pisseuse que votre fille ; je vois bien qu’il faudra que je lui ordonne une potion pissatrice. N’y auroit-il pas moyen de voir la malade ?
Elle est levée ; si vous voulez, je la ferai venir.
Scène V
Hé bien ! mademoiselle, vous êtes malade ?
Oui, monsieur.
Tant pis, c’est une marque que vous ne vous portez pas bien. Sentez-vous de grandes douleurs à la tête, aux reins ?
Oui, monsieur.
C’est fort bien fait. Oui, ce grand médecin, au chapitre qu’il a fait de la nature des animaux, dit… cent belles choses ; et comme les humeurs qui ont de la connexité ont beaucoup de rapport ; car, par exemple, comme la mélancolie est ennemie de la joie, et que la bile qui se répand par le corps nous fait devenir jaunes, et qu’il n’est rien plus contraire à la santé que la maladie, nous pouvons dire, avec ce grand homme, que votre fille est fort malade. Il faut que je vous fasse une ordonnance.
Vite une table, du papier, de l’encre.
Y a-t-il quelqu’un qui sache écrire ?
Est-ce que vous ne le savez point ?
Ah ! je ne m’en souvenois pas ; j’ai tant d’affaires dans la tête, que j’oublie la moitié… Je crois qu’il seroit nécessaire que votre fille prît un peu l’air, qu’elle se divertît à la campagne.
Nous avons un fort beau jardin, et quelques chambres qui y répondent ; si vous le trouvez à propos, je l’y ferai loger.
Allons visiter les lieux.
Scène VI
J’ai ouï dire que la fille de monsieur Gorgibus étoit malade ; il faut que je m’informe de sa santé, et que je lui offre mes services comme ami de toute sa famille. Holà, holà ! monsieur Gorgibus y est-il ?
Scène VII
Ayant appris la maladie de mademoiselle votre fille, je vous suis venu témoigner la part que j’y prends, et vous faire offre de tout ce qui dépend de moi.
J’étois là dedans avec le plus savant homme.
N’y auroit-il pas moyen de l’entretenir un moment ?
Scène VIII
Monsieur, voilà un fort habile homme de mes amis, qui souhaiteroit de vous parler et vous entretenir.
Je n’ai pas le loisir, monsieur Gorgibus : il faut aller à mes malades. Je ne prendrai pas la droite avec vous, monsieur.
Monsieur, après ce que m’a dit monsieur Gorgibus de votre mérite et de votre savoir, j’ai eu la plus grande passion du monde d’avoir l’honneur de votre connoissance, et j’ai pris la liberté de vous saluer à ce dessein : je crois que vous ne le trouverez pas mauvais. Il faut avouer que ceux qui excellent en quelque science sont dignes de grande louange, et particulièrement ceux qui font profession de la médecine, tant à cause de son utilité, que parcequ’elle contient en elle plusieurs autres sciences, ce qui rend sa parfaite connoissance fort difficile ; et c’est fort à propos qu’Hippocrate dit dans son premier aphorisme : Vita brevis, ars vero longa, occasio autem præceps, experimentum, judicium periculosum, difficile.
Ficile tantinapota baril cambustibus.
Vous n’êtes pas de ces médecins qui ne vous appliquent qu’à la médecine qu’on appelle rationale ou dogmatique, et je crois que vous l’exercez tous les jours avec beaucoup de succès, experientia magistra rerum. Les premiers hommes qui firent profession de la médecine furent tellement estimés d’avoir cette belle science, qu’on les mit au nombre des dieux pour les belles cures qu’ils faisoient tous les jours. Ce n’est pas qu’on doive mépriser un médecin qui n’auroit pas rendu la santé à son malade, puisqu’qu’elle ne dépend pas absolument de ses remèdes, ni de son savoir : interdum docta plus valet arte malum. Monsieur, j’ai peur de vous être importun : je prends congé de vous, dans l’espérance que j’ai qu’à la première vue j’aurai l’honneur de converser avec vous avec plus de loisir. Vos heures vous sont précieuses, etc.
Que vous semble de cet homme-là ?
Il sait quelque petite chose. S’il fût demeuré tant soit peu davantage, je l’allois mettre sur une matière sublime et relevée. Cependant, je prends congé de vous. (Gorgibus lui donne de l’argent). Hé ! que voulez-vous faire ?
Je sais bien ce que je vous dois.
Vous moquez-vous, monsieur Gorgibus ? Je n’en prendrai pas, je ne suis pas un homme mercenaire. (Il prend l’argent). Votre très-humble serviteur.
Scène IX
Je ne sais ce qu’aura fait Sganarelle : je n’ai point eu de ses nouvelles, et je suis fort en peine où je le pourrois rencontrer. (Sganarelle revient en habit de valet) Mais bon, le voici. Hé bien ! Sganarelle, qu’as-tu fait depuis que je ne t’ai pas vu ?
Scène X
Merveille sur merveille : j’ai si bien fait, que Gorgibus me prend pour un habile médecin. Je me suis introduit chez lui ; je lui ai conseillé de faire prendre l’air à sa fille, laquelle est à présent dans un appartement qui est au bout de leur jardin, tellement qu’elle est fort éloignée du vieillard, et que vous pourrez l’aller voir commodément.
Ah ! que tu me donnes de joie ! Sans perdre de temps, je la vais trouver de ce pas.
Il faut avouer que ce bon homme de Gorgibus est un vrai lourdaud de se laisser tromper de la sorte. (Apercevant Gorgibus) Ah ! ma foi, tout est perdu ; c’est à ce coup que voilà la médecine renversée ; mais il faut que je le trompe.
Scène XI
Bonjour, monsieur.
Monsieur, votre serviteur ; vous voyez un pauvre garçon au désespoir : ne connoissez-vous pas un médecin qui est arrivé depuis peu en cette ville, qui fait des cures admirables ?
Oui, je le connois ; il vient de sortir de chez moi.
Je suis son frère, monsieur ; nous sommes jumeaux ; et, comme nous nous ressemblons fort, on nous prend quelquefois l’un pour l’autre.
Je me donne au diable si je n’y ai été trompé. Et comme vous nommez-vous ?
Narcisse, Monsieur, pour vous rendre service. Il faut que vous sachiez qu’étant dans son cabinet j’ai répandu deux fioles d’essence qui étoient sur le bord de sa table ; aussitôt il s’est mis dans une colère si étrange contre moi, qu’il m’a mis hors du logis ; il ne me veut plus jamais voir, tellement que je suis un pauvre garçon à présent, sans appui, sans support, sans aucune connoissance.
Allez, je ferai votre paix ; je suis de ses amis, et je vous promets de vous remettre avec lui ; je lui parlerai d’abord que je le verrai.
Scène XII
Il faut avouer que, quand les malades ne veulent pas suivre l’avis du médecin, et qu’ils s’abandonnent à la débauche…
Monsieur le médecin, très humble serviteur. Je vous demande une grace.
Qu’y a-t-il, monsieur ? est-il question de vous rendre service ?
Monsieur, je viens de rencontrer monsieur votre frère qui est tout à fait fâché de…
C’est un coquin, monsieur Gorgibus.
Je vous réponds qu’il est tellement contrit de vous avoir mis en colère…
C’est un ivrogne, monsieur Gorgibus.
Eh ! monsieur, voulez-vous désespérer ce pauvre garçon ?
Qu’on ne m’en parle plus ; mais voyez l’impudence de ce coquin-là, de vous aller trouver pour faire son accord ; je vous prie de ne m’en pas parler.
Au nom de Dieu, monsieur le médecin, faites cela pour l’amour de moi. Si je suis capable de vous obliger en autre chose, je le ferai de bon cœur. Je m’y suis engagé, et…
Monsieur, votre très-humble serviteur ; je m’en vais chercher ce pauvre garçon pour lui apprendre cette bonne nouvelle.
Scène XIII
Il faut que j’avoue que je n’eusse jamais cru que Sganarelle se fût si bien acquitté de son devoir. (Sganarelle rentre avec ses habits de valet) Ah ! mon pauvre garçon, que je t’ai d’obligation ! que j’ai de joie ! et que…
Ma foi, vous parlez fort à votre aise. Gorgibus m’a rencontré ; et sans une invention que j’ai trouvée, toute la mèche étoit découverte. (Apercevant Gorgibus.) Mais fuyez-vous-en, le voici.
Scène XIV
Je vous cherchois partout pour vous dire que j’ai parlé à votre frère : il m’a assuré qu’il vous pardonnoit ; mais, pour en être plus assuré, je veux qu’il vous embrasse en ma présence ; entrez dans mon logis, et je l’irai chercher.
Eh ! monsieur Gorgibus, je ne crois pas que vous le trouviez à présent ; et puis je ne resterai pas chez vous : je crains trop sa colère.
Scène XV
Ah ! ma foi, voilà qui est drôle ! comme diable on saute ici par les fenêtres ! Il faut que je demeure ici, et que je voie à quoi tout cela aboutira.
Je ne saurois trouver ce médecin ; je ne sais où diable il s’est caché. (Apercevant Sganarelle qui revient en habit de médecin.) Mais le voici. Monsieur, ce n’est pas assez d’avoir pardonné à votre frère ; je vous prie, pour ma satisfaction, de l’embrasser : il est chez moi, et je vous cherchois partout pour vous prier de faire cet accord en ma présence.
Vous vous moquez, monsieur Gorgibus ; n’est-ce pas assez que je lui pardonne ? je ne le veux jamais voir.
Mais, monsieur, pour l’amour de moi.
Je ne vous saurois rien refuser : dites-lui qu’il descende.
(Pendant que Gorgibus rentre dans sa maison par la porte, Sganarelle y rentre par la fenêtre.)
Voilà votre frère qui vous attend là-bas : il m’a promis qu’il fera tout ce que vous voudrez.
Oui-dà, je m’en vais lui dire… Monsieur, il dit qu’il est honteux, et qu’il vous prie d’entrer, afin qu’il vous demande pardon en particulier. Voilà la clef, vous pouvez entrer ; je vous supplie de ne me pas refuser, et de me donner ce contentement.
Il n’y a rien que je ne fasse pour votre satisfaction : vous allez entendre de quelle manière je le vais traiter. (À la fenêtre). Ah ! te voilà, coquin. — Monsieur mon frère, je vous demande pardon, je vous promets qu’il n’y a pas de ma faute. — Pilier de débauche, coquin, va, je t’apprendrai à venir avoir la hardiesse d’importuner monsieur Gorgibus, de lui rompre la tête de tes sottises. — Monsieur mon frère… — Tais-toi, te dis-je. — Je ne vous désoblig… — Tais-toi, coquin.
Qui diable pensez-vous qui soit chez vous à présent ?
C’est le médecin et Narcisse son frère ; ils avoient quelque différend, et ils font leur accord.
Le diable emporte ! ils ne sont qu’un.
Ivrogne que tu es, je t’apprendrai à vivre. Comme il baisse la vue ! il voit bien qu’il a failli, le pendard. Ah ! l’hypocrite, comme il fait le bon apôtre !
Monsieur, dites-lui un peu par plaisir qu’il fasse mettre son frère à la fenêtre.
Oui-dà, Monsieur le médecin, je vous prie de faire paroître votre frère à la fenêtre.
Il est indigne de la vue des gens d’honneur, et puis je ne le saurois souffrir auprès de moi.
Monsieur, ne me refusez pas cette grace, après toutes celles que vous m’avez faites.
En vérité, monsieur Gorgibus, vous avez un tel pouvoir sur moi, que je ne vous puis rien refuser. Montre-toi, coquin. (Après avoir disparu un moment, il se remontre en habit de valet). — Monsieur Gorgibus, je suis votre obligé. (Il disparoît encore, et reparoît aussitôt en robe de médecin.) Hé bien ! avez-vous vu cette image de la débauche ?
Ma foi, ils ne sont qu’un ; et, pour vous le prouver, dites-lui un peu que vous les voulez voir ensemble.
Mais faites-moi la grace de le faire paroître avec vous, et de l’embrasser devant moi à la fenêtre.
Hé bien ! ne les voilà pas tous deux ?
Ah ! par ma foi, il est sorcier.
la fenêtre).
Monsieur, je vous remercie de la peine que vous avez prise, et de la bonté que vous avez eue, je vous en serai obligé toute ma vie.
Où pensez-vous que soit à présent le médecin ?
Il s’en est allé.
Je le tiens sous mon bras. Voilà le coquin qui faisoit le médecin, et qui vous trompe. Cependant qu’il vous trompe et joue la farce chez vous, Valère et votre fille sont ensemble, qui s’en vont à tous les diables.
Oh ! que je suis malheureux ! mais tu seras pendu, fourbe, coquin !
Monsieur, qu’allez-vous faire de me pendre ? Écoutez un mot, s’il vous plaît ; il est vrai que c’est par mon invention que mon maître est avec votre fille ; mais, en le servant, je ne vous ai point désobligé : c’est un parti sortable pour elle, tant pour la naissance que pour les biens. Croyez-moi, ne faites point un vacarme qui tourneroit à votre confusion, et envoyez à tous les diables ce coquin-là avec Villebrequin. Mais voici nos amants.
Scène XVI
Nous nous jetons à vos pieds.
Je vous pardonne, et suis heureusement trompé par Sganarelle, ayant un si brave gendre. Allons tous faire noces, et boire à la santé de toute la compagnie.