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Bible Crampon 1923/Job

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Traduction par Augustin Crampon.
Texte établi par Société de S. Jean l’Évagéliste, Desclée..

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LE LIVRE DE JOB

PROLOGUE EN PROSE.

[I, 1 — II, 13.]


1. Chap. i, 1-5 : Job, ses richesses, sa piété.


Il y avait dans le pays de Hus[1] un homme nommé Job ; cet homme était intègre, droit, craignant Dieu et éloigné du mal. 2Il lui naquit sept fils et trois filles. 3Il possédait sept mille brebis, trois mille chameaux, cinq cents paires de bœufs, cinq cent ânesses et un très grand nombre de serviteurs ;[2] et cet homme était le plus grand de tous les fils de l’Orient.

4Ses fils avaient coutume d’aller les uns chez les autres et de se donner un festin, chacun à leur tour, et ils envoyaient inviter leurs trois sœurs à venir manger et boire avec eux. 5Et, quand le cercle des festins était fini, Job envoyait chercher ses fils et les purifiait ;[3] puis il se levait de bon matin et offrait un holocauste pour chacun d’eux, car il se disait : « Peut-être mes fils ont-ils péché et offensé Dieu dans leur cœur !… » Et Job faisait ainsi chaque fois.

2. Chap. i, 6-22 : Première série d’épreuves.Les fils de Dieu et Satan devant Yahweh, éloge de Job (i, 6-8) ; Yahweh permet à Satan de le frapper dans ses biens (i, 9-12). Fléaux toujours grandissants (i, 13-19). Résignation de Job (i, 20-22).

6Il arriva un jour que, les fils de Dieu étant venus se présenter devant[4] Yahweh, Satan vint aussi au milieu d’eux. 7Et Yahweh dit à Satan : « D’où viens-tu ? » Satan répondit à Yahweh et dit : « De parcourir le monde et de m’y promener. » 8Yahweh dit à Satan : « As-tu remarqué mon serviteur Job ? Il n’y a pas d’homme comme lui sur la terre, intègre, droit, craignant Dieu et éloigné du mal. » 9Satan répondit à Yahweh : « Est-ce gratuitement que Job craint Dieu ? 10Ne l’as-tu pas entouré comme d’une clôture, lui, sa maison et tout ce qui lui appartient ? Tu as béni l’œuvre de ses mains, et ses troupeaux couvrent le pays. 11Mais étends la main, touche à tout ce qui lui appartient, et on verra s’il ne te maudit pas en face ! » 12Yahweh dit à Satan : « Voici, tout ce qui lui appartient est en ton pouvoir ; seulement ne porte pas la main sur lui. » Et Satan se retira de devant la face de Yahweh.

13Or un jour que ses fils et ses filles mangeaient et buvaient du vin dans la maison de leur frère aîné, 14un messager vint dire à Job : « Les bœufs étaient à labourer et les ânesses paissaient autour d’eux ; 15tout à coup les Sabéens sont survenus et les ont enlevés. Ils ont passé les serviteurs au fil de l’épée, et je me suis échappé seul pour te l’annoncer. »

16Il parlait encore, lorsqu’un autre arriva et dit : « Le feu de Dieu est tombé du ciel ; il a embrasé les brebis et les serviteurs et les a dévorés, et je me suis échappé seul pour te l’annoncer. »

17Il parlait encore, lorsqu’un autre arriva et dit : « Les Chaldéens, partagés en trois bandes, se sont jetés sur les chameaux et les ont enlevés. Ils ont passé les serviteurs au fil de l’épée, et je me suis échappé seul pour te l’annoncer.


18Il parlait encore, lorsqu’un autre arriva et dit : « Tes fils et tes filles mangeaient et buvaient du vin chez leur frère aîné, 19et voilà qu’un grand vent s’est élevé de l’autre côté du désert et a saisi les quatre coins de la maison ; elle s’est écroulée sur les jeunes gens, et ils sont morts, et je me suis échappé seul pour te l’annoncer. »

20Alors Job se leva, il déchira son manteau et se rasa la tête ; puis, se jetant par terre, il adora 21et dit : « Nu je suis sorti du sein de ma mère, et nu j’y retournerai. Yahweh a donné, Yahweh a ôté ; que le nom de Yahweh soit béni ! »[5]

22En tout cela, Job ne pécha point[6] et ne dit rien d’insensé contre Dieu.

3. Chap. ii, 1-10 : Job frappé d’une lèpre maligne.Nouvel éloge de Job (ii, 1-3). Yahweh permet à Satan de le frapper dans son corps (ii, 4-6). La lèpre maligne, résignation (ii, 7-10).

Il arriva un jour que, les fils de Dieu étant venus se présenter devant Yahweh, Satan vint aussi au milieu d’eux se présenter devant Yahweh. 2Et Yahweh dit à Satan : « D’où viens-tu ? » Satan répondit à Yahweh et dit : « De parcourir le monde et de m’y promener. » 3Yahweh dit à Satan : « As-tu remarqué mon serviteur Job ? Il n’y a pas d’homme comme lui sur la terre, intègre, droit, craignant Dieu et éloigné du mal. Il persévère toujours dans son intégrité, quoique tu m’aies provoqué à le perdre sans raison. » 4Satan répondit à Yahweh et dit : « Peau pour peau ! L’homme donne ce qu’il possède pour conserver sa vie.[7] 5Mais étends ta main, touche ses os et sa chair, et on verra s’il ne te maudit pas en face. » 6Yahweh dit à Satan : « Voici que je le livre entre tes mains ; seulement épargne sa vie ! »

7Et Satan se retira de devant la face de Yahweh. Et il frappa Job d’une lèpre maligne[8] depuis la plante des pieds jusqu’au sommet de la tête. 8Et Job prit un tesson pour gratter ses plaies et il s’assit sur la cendre.[9] 9Et sa femme lui dit : « Tu persévère encore dans ton intégrité ! Maudis Dieu et meurs ! »[10] 10Il lui dit : « Tu parles comme une femme insensée. Nous recevons de Dieu le bien, et nous n’en recevrions pas aussi le mal ? » En tout cela, Job ne pécha point par ses lèvres.

4. Chap. ii, 11-13 : La venue des trois amis de Job.

11Trois amis de Job, Eliphaz de Théman, Baldad de Suhé, et Sophar de Naama, apprirent tous les malheurs qui étaient venus sur lui ; ils partirent chacun de leur pays et se concertèrent pour venir le plaindre et le consoler.[11] 12Ayant de loin levé les yeux, ils ne le reconnurent pas, et ils élevèrent la voix et pleurèrent ; ils déchirèrent chacun leur manteau, et jetèrent de la poussière vers le ciel au-dessus de leurs têtes. 13Et ils se tinrent assis à terre auprès de lui sept jours et sept nuits, sans qu’aucun d’eux lui dit une parole, parce qu’ils voyaient combien sa douleur était excessive.

POÈME

PREMIÈRE PARTIE.

[III, 1 — XXXI, 40.]

DISCUSSION DE JOB ET DE SES TROIS AMIS.


I. — PREMIER CYCLE DE DISCOURS.

[III, 1 — XIV, 22.]

1. Chap. iii, 1-26 : Plaintes de Job.Il maudit le jour de sa naissance et la nuit de sa conception (iii, 1-10). Que n’est-il, au lieu de naître, allé jouir du repos au schéol (iii, 11-19) ! Pourquoi donner la vie aux malheureux, tels que lui (iii, 20-26) ?

Alors Job ouvrit la bouche et maudit le jour de sa naissance. 2Job prit la parole et dit :

3Périsse le jour où je suis né,
 et la nuit qui a dit : « Un homme est conçu ! »

4Ce jour, qu’il se change en ténèbres,
que Dieu[12] d’en haut n’en ait pas souci,
que la lumière ne brille pas sur lui !
5Que les ténèbres et l’ombre de la mort[13] le revendiquent,
qu’un nuage épais le couvre,
que l’éclipse de sa lumière jette l’épouvante !

6Cette nuit, que les ténèbres en fassent leur proie,
qu’elle ne compte pas dans les jours de l’année,
qu’elle n’entre pas dans la supputation des mois !
7Que cette nuit soit un désert stérile,
qu’on n’y entende pas de cri d’allégresse !
8Que ceux-là la maudissent, qui maudissent les jours,[14]
qui savent évoquer Léviathan !
9Que les étoiles de son crépuscule s’obscurcissent,
qu’elle attende la lumière, sans qu’elle vienne,
et qu’elle ne voie point les paupières[15] de l’aurore,
10parce qu’elle ne m’a pas fermé les portes du sein,
et n’a pas dérobé la souffrance à mes regards !

11Que ne suis-je mort dès le ventre de ma mère,
au sortir de ses entrailles que n’ai-je expiré !
12Pourquoi ai-je trouvé deux genoux pour me recevoir,
et pourquoi deux mamelles à sucer ?

13Maintenant je serais couché et en paix,
je dormirais et je me reposerais
14avec les rois et les grands de la terre,
qui se sont bâti des mausolées ;[16]
15avec les princes qui avaient de l’or,
et remplissaient d’argent leur demeures.
16Ou bien, comme l’avorton ignoré, je n’existerais pas,
comme ces enfants qui n’ont pas vu la lumière.
17Là les méchants n’exercent plus leurs violences,
là se repose l’homme épuisé de forces ;
18les captifs y sont tous en paix,
ils n’entendent plus la voix de l’exacteur.
19Là se trouvent le petit et le grand,
l’esclave affranchi de son maître.

20Pourquoi donner la lumière aux malheureux,
 et la vie à ceux dont l’âme est remplie d’amertume,
21qui espèrent la mort, et la mort ne vient pas,
qui la cherchent plus ardemment que les trésors,
22qui sont heureux, qui tressaillent d’aise
et se réjouissent quand ils ont trouvé le tombeau ;
23à l’homme dont la route est cachée
et que Dieu enferme de toutes parts ?

24Mes soupirs sont comme mon pain[17]
et mes gémissements se répandent comme l’eau.
25Ce que je crains, c’est ce qui m’arrive ;
ce que je redoute fond sur moi.
26Plus de tranquillité, plus de paix,
plus de repos, et le trouble m’a saisi.[18]

2. Chap. iv, 1-v, 27 : Discours d’Éliphaz.Après en avoir fortifié tant d’autres, Job fléchirait-il (iv, 1-5) ? L’innocent ne saurait périr, seul le méchant est condamné (iv, 6-11). Vision nocturne : personne n’est juste devant Dieu (iv, 12-21). Au lieu de se plaindre (v, 1-7), reconnaître sa faute et recourir à Dieu, tout-puissant pour sauver (v, 8-16) : voilà le moyen de redevenir heureux (v, 17-27).

Alors Éliphaz de Théman prit la parole et dit :

2Si nous risquons un mot, peut-être en seras-tu affligé ;
mais qui pourrait retenir ses paroles ?
3Voilà que tu en as instruit plusieurs,
que tu as fortifié les mains débiles,
4que tes paroles ont relevé ceux qui chancelaient,
que tu as raffermi les genoux vacillants !…
5Et maintenant que le malheur vient à toi, tu faiblis ;
maintenant qu’il t’atteint, tu perds courage !…

6Ta crainte de Dieu n’était-elle pas ton espoir ?
Ta confiance n’était-elle pas dans la pureté de ta vie ?
7Cherche dans ton souvenir : quel est l’innocent qui a péri ?
En quel lieu du monde les justes ont-ils été exterminés ?
8Pour moi, je l’ai vu, ceux qui labourent l’iniquité
et qui sèment l’injustice, en moissonnent les fruits.
9Au souffle de Dieu ils périssent,
ils sont consumés par le vent de sa colère.

10Le rugissement du lion et sa voix tonnante[19] sont étouffés,
et les dents du jeune lion sont brisées ;
11le lion périt faute de proie,
et les petits de la lionne se dispersent.

12Une parole est arrivée furtivement jusqu’à moi,
et mon oreille en a saisi le léger murmure.
13Dans le vague des visions de la nuit,
à l’heure où un sommeil profond pèse sur les mortels,
14une frayeur et un tremblement me saisirent,
et agitèrent tous mes os.
15Un esprit passait devant moi…
Les poils de ma chair se hérissèrent.
16Il se dressa, — je ne reconnus pas son visage, —
comme un spectre sous mes yeux.
Un grand silence, puis j’entendis une voix :

17L’homme sera-t-il juste vis-à-vis de Dieu ?
Un mortel sera-t-il pur en face de son Créateur ?
18Voici qu’il ne se fie pas à ses serviteurs,
et qu’il découvre des fautes dans ses anges :
19combien plus en ceux qui habitent des maisons de boue,
qui ont leurs fondements dans la poussière,
qui seront réduits en poudre, comme par la teigne !
20Du matin au soir ils sont exterminés,
et sans que nul y prenne garde, ils périssent pour jamais.
21La corde de leur tente[20] est coupée,
ils meurent avant d’avoir connu la sagesse.


Appelle donc ! Y aura-t-il quelqu’un qui te réponde ?
Vers lequel des saints te tourneras-tu ?
2La colère tue l’insensé,
et l’emportement fait mourir le fou.
3J’ai vu l’insensé étendre ses racines,
et soudain j’ai maudit sa demeure.[21]
4Plus de salut pour ses fils ;
on les écrase à la porte, et personne ne les défend.
5L’homme affamé dévore sa moisson,
il franchit la haie d’épines et l’emporte ;
l’homme altéré[22] engloutit ses richesses.
6Car le malheur[23] ne sort pas de la poussière,
et la souffrance ne germe pas du sol,
7de telle sorte que l’homme naisse pour la peine,
comme les fils de la foudre pour élever leur vol.

8À ta place, je me tournerais vers Dieu,
c’est vers lui que je dirigerais ma prière.
9Il fait des choses grandes, qu’on ne peut sonder ;
des prodiges qu’on ne saurait compter.
10Il verse la pluie sur la terre,
il envoie les eaux sur les campagnes,
11il exalte ceux qui sont abaissés,
et les affligés retrouvent le bonheur.

12Il déjoue les projets des perfides,
et leurs mains ne peuvent réaliser leurs complots.
13Il prend les habiles dans leur propre ruse,
et renverse les conseils des hommes astucieux.
14Durant le jour, ils rencontrent les ténèbres ;
en plein midi, ils tâtonnent comme dans la nuit.
15Dieu sauve le faible du glaive de leur langue,
et de la main du puissant.
16Alors l’espérance revient au malheureux ;
et l’iniquité ferme la bouche.

17Heureux l’homme que Dieu châtie !
Ne méprise donc pas la correction du Tout-Puissant.
18Car il fait la blessure, et il la bande ;
il frappe, et sa main guérit.
19Six fois il te délivrera de l’angoisse,
et, à la septième, le mal ne t’atteindra pas.
20Dans la famine, il te sauvera de la mort ;
dans le combat, des coups de l’épée.
21Tu seras à l’abri du fouet de la langue,
tu seras sans crainte quand viendra la dévastation.
22Tu te riras de la dévastation et de la famine,
tu ne redouteras pas les bêtes de la terre.
23Car tu auras une alliance avec les pierres des champs,
et les bêtes de la terre seront en paix avec toi.
24Tu verras le bonheur régner sous ta tente ;
tu visiteras tes pâturages, et rien n’y manquera.
25Tu verras ta postérité s’accroître,
et tes rejetons se multiplier comme l’herbe des champs.
26Tu entreras mûr dans le tombeau,
comme une gerbe qu’on enlève en son temps.

27Voilà ce que nous avons observé : c’est la vérité !
Écoute-le, et fais-en ton profit.

3. Chap. vi, 1 — vii, 21 : Réponse de Job.Ses plaintes sont bien au-dessous de ses souffrances (vi, 1-7) ; que la mort le délivre (vi, 8-13). Sa déception en présence de ses amis (vi, 14-23) : de quelle faute peuvent-ils donc le convaincre (vi, 24-30) ? Tristesses de la vie et, en particulier, de celle de Job (vii, 1-10) ; que Dieu cesse de le tourmenter et l’abandonne à son sort (vii, 11-21).

Alors Job prit la parole et dit :

2Oh ! S’il était possible de peser mon affliction,
et de mettre toutes ensemble mes calamités dans la balance !…
3Elles seraient plus pesantes que le sable de la mer :
voilà pourquoi mes paroles vont jusqu’à la folie.
4Car les flèches du Tout-Puissant me transpercent,[24]
et mon âme en boit le venin ;
les terreurs de Dieu sont rangées en bataille contre moi.
5Est-ce que l’onagre rugit auprès de l’herbe tendre ?
Est-ce que le bœuf mugit devant sa pâture ?
6Comment se nourrir d’un mets fade[25] et sans sel,
ou bien trouver du goût au jus d’une herbe insipide ?
7Ce que mon âme se refuse à toucher,
c’est là mon pain, tout couvert de souillures.[26]

8Qui me donnera que mon vœu s’accomplisse,
et que Dieu réalise mon attente !
9Que Dieu daigne me briser,
qu’il laisse aller sa main et qu’il tranche mes jours !

10Et qu’il me reste du moins cette consolation,
que j’en tressaille dans les maux dont il m’accable :[27]
de n’avoir jamais transgressé les commandements du Saint !
11Quelle est ma force, pour que j’attende ?
Quelle est la durée de mes jours, pour que j’aie patience ?
12Ma force est-elle la force des pierres,
et ma chair est-elle d’airain ?
13Ne suis-je pas dénué de tout secours,
et tout espoir de salut[28] ne m’est-il pas enlevé ?

14Le malheureux a droit à la pitié de son ami,
eût-il même abandonné[29] la crainte du Tout-Puissant.
15Mes frères ont été perfides comme le torrent,
comme l’eau des torrents qui s’écoulent.
16Les glaçons en troublent le cours,
la neige disparaît dans leurs flots.
17Au temps de la sécheresse, ils s’évanouissent ;
aux premières chaleurs, leur lit est desséché.
18Dans des sentiers divers leurs eaux se perdent,
elles s’évaporent dans les airs, et ils tarissent.[30]
19Les caravanes de Théma comptaient sur eux ;
les voyageurs de Saba espéraient en eux ;
20ils sont frustrés dans leur attente ;
arrivés sur leurs bords, ils restent confondus.
21Ainsi vous me manquez à cette heure ;[31]
à la vue de l’infortune, vous fuyez épouvantés.
22Vous ai-je dit : « Donnez-moi quelque chose,
faites-moi part de vos biens,
23délivrez-moi de la main de l’ennemi,
arrachez-moi de la main des brigands ? »

24Instruisez-moi, et je vous écouterai en silence ;
faites-moi voir en quoi j’ai failli.
25Qu’elles ont de force les paroles équitables !
Mais sur quoi tombe votre blâme ?
26Voulez-vous donc censurer des mots ?
Les discours échappés au désespoir sont la proie du vent.[32]
27Ah ! Vous jetez le filet sur un orphelin,
vous creusez un piège à votre ami ![33]
28Maintenant, daignez vous retourner vers moi,
et vous verrez si je vous mens en face.
29Revenez, ne soyez pas injustes ;
revenez, et mon innocence apparaîtra.
30Y a-t-il de l’iniquité sur ma langue,
ou bien mon palais[34] ne sait-il pas discerner le mal ?


La vie de l’homme sur la terre est un temps de service,[35]
et ses jours sont comme ceux du mercenaire.

2Comme l’esclave soupire après l’ombre,
comme l’ouvrier attend son salaire,
3ainsi j’ai eu en partage des mois de douleur,
pour mon lot, des nuits de souffrance.
4Si je me couche, je dis :
« Quand me lèverai-je ? Quand finira la nuit ? »
et je suis rassasié d’angoisses jusqu’au jour.
5Ma chair se couvre de vers et d’une croûte terreuse,
ma peau se gerce et coule.
6Mes jours passent plus rapides que la navette,
ils s’évanouissent : plus d’espérance !

7Ô Dieu, souviens-toi que ma vie n’est qu’un souffle !
Mes yeux ne reverront pas le bonheur.
8L’œil qui me regarde ne m’apercevra plus ;
ton œil me cherchera, et je ne serai plus.
9Le nuage se dissipe et passe ;
ainsi celui qui descend au schéol ne remontera plus ;
10il ne retournera plus dans sa maison ;
le lieu qu’il habitait ne le reconnaîtra plus.

11C’est pourquoi je ne retiendrai pas ma langue,
je parlerai dans l’angoisse de mon esprit,
j’exhalerai mes plaintes dans l’amertume de mon âme.
12Suis-je la mer ou un monstre marin,
pour que tu poses une barrière autour de moi ?
13Quand je dis : « Mon lit me soulagera,
ma couche calmera mes soupirs, »
14alors tu m’effraies par des songes,
tu m’épouvantes par des visions.
15Ah ! Mon âme préfère la mort violente,[36]
mes os appellent le trépas.
16Je suis en proie à la dissolution, la vie m’échappe pour jamais ;[37]
laisse-moi, car mes jours ne sont qu’un souffle.
17Qu’est-ce que l’homme, pour que tu en fasses tant d’estime,
que tu daignes t’occuper de lui,
18que tu le visites chaque matin,
et qu’à chaque instant tu l’éprouves ?
19Quand cesseras-tu d’avoir le regard sur moi ?
Quand me laisseras-tu le temps d’avaler ma salive ?[38]
20Si j’ai péché, que puis-je te faire, ô Gardien des hommes ?
Pourquoi me mettre en butte à tes traits,
et me rendre à charge à moi-même ?[39]
21Que ne pardonnes-tu mon offense ?
Que n’oublies-tu mon iniquité ?
Car bientôt je dormirai dans la poussière ;
tu me chercheras, et je ne serai plus.

4. Chap. viii, 1-22 : Discours de Baldad.Dieu est juste ; si les fils de Job ont péri, c’est qu’ils étaient coupables (viii, 1-4). Que Job lui-même se libère, en recourant à Dieu (viii, 5-7). La sagesse des anciens enseigne la chute rapide du méchant (viii, 8-19). Brillant avenir de Job, s’il est juste (viii, 20-22).

Alors Baldad de Suhé prit la parole et dit :[40]

2Jusques à quand tiendras-tu ces discours,
 et tes paroles seront-elles comme un souffle de tempête ?

3Est-ce que Dieu fait fléchir le droit,
ou bien le Tout-Puissant renverse-t-il la justice ?
4Si tes fils ont péché contre lui,
il les a livrés aux mains de leur iniquité.

5Pour toi, si tu as recours à Dieu,
si tu implores le Tout-Puissant,
6si tu es droit et pur,
alors il veillera sur toi,
il rendra le bonheur à la demeure de ta justice,
7ton premier état semblera peu de chose,
tant le second sera florissant.

8Interroge les générations passées,
sois attentif à l’expérience des pères : —
9car nous sommes d’hier, et nous ne savons rien,
nos jours sur la terre passent comme l’ombre ; —
10ne vont-ils pas t’enseigner, te parler,
et de leur cœur tirer des sentences :
11« Le papyrus croît-il en dehors des marais ?
Le jonc s’élève-t-il sans eau ?
12Encore tendre, sans qu’on le coupe,
il sèche avant toute herbe.
13Telles sont les voies de tous ceux qui oublient Dieu ;
l’espérance de l’impie périra.
14Sa confiance sera brisée ;
son assurance ressemble à la toile de l’araignée.[41]
15Il s’appuie sur sa maison, et elle ne tient pas ;
il s’y attache, et elle ne reste pas debout.
16Il est plein de vigueur, au soleil,
ses rameaux s’étendent sur son jardin,[42]
17ses racines s’entrelacent parmi les pierres,
il plonge jusqu’aux profondeurs du roc.
18Si Dieu l’arrache de sa place,
sa place le renie : Je ne t’ai jamais vu.
19C’est là que sa joie se termine,[43]
et du même sol d’autres s’élèveront après lui. »

20Non, Dieu ne rejette pas l’innocent,
il ne prend pas la main des malfaiteurs.
21Il remplira ta bouche d’éclats de rire,
et mettra sur tes lèvres des chants d’allégresse.
22Tes ennemis seront couverts de honte,
et la tente des méchants disparaîtra.

5. Chap. ix, 1-x, 22 : Réponse de Job.En présence du Dieu juste et puissant, il faut se condamner, même si l’on se croit juste (ix, 1-20). Job est conscient de son innocence, mais Dieu en tient-il compte (ix, 21-31) ? Que Dieu arrête ses coups, et Job parlera (ix, 32-35) ! Dieu trouve-t-il plaisir à poursuivre un innocent (x, 1-7), à frapper l’œuvre de ses mains (x, 8-17) ? Qu’il laisse Job respirer un peu avant de descendre au schéol (x, 18-22) !

Alors Job prit la parole et dit :

2Je sais bien qu’il en est ainsi :
comment l’homme serait-il juste vis-à-vis de Dieu ?
3S’il voulait contester avec lui,
sur mille choses il ne pourrait répondre à une seule.

4Dieu est sage en son cœur, et puissant en force :
qui lui a résisté, et est demeuré en paix ?
5Il transporte les montagnes, sans qu’elles le sachent,
il les renverse dans sa colère ;
6il secoue la terre sur sa base,
et ses colonnes sont ébranlées.
7Il commande au soleil, et le soleil ne se lève pas ;
il met un sceau sur les étoiles.
8Seul, il étend les cieux,
il marche sur les hauteurs de la mer.
9Il a créé la Grande Ourse, Orion, les Pléiades,
et les régions du ciel austral.[44]
10Il fait des merveilles qu’on ne peut sonder,
des prodiges qu’on ne saurait compter.
11Voici qu’il passe près de moi, et je ne le vois pas ;
il s’éloigne, sans que je l’aperçoive.
12S’il ravit une proie, qui s’y opposera,
qui lui dira : « Que fais-tu ? »
13Dieu ! Rien ne fléchit sa colère ;
devant lui s’inclinent les légions d’orgueil.[45]
14Et moi je songerais à lui répondre,
à choisir mes paroles pour discuter avec lui !
15Aurais-je pour moi la justice, je ne répondrais pas ;
j’implorerais la clémence de mon juge.
16Même s’il se rendait à mon appel,
je ne croirais pas qu’il eût écouté ma voix :
17lui qui me brise comme dans un tourbillon,
et multiplie mes blessures sans motif ;
18qui ne me laisse point respirer,
et me rassasie d’amertume.
19S’agit-il de force, voici qu’il est fort,
s’agit-il de droit, il dit : « Qui m’assigne ? »
20Serais-je irréprochable, ma bouche même me condamnerait ;
serais-je innocent, elle me déclarerait pervers.

21Innocent ! Je le suis ; je ne tiens pas à l’existence,
et la vie m’est à charge.
22Il m’importe[46] après tout ; c’est pourquoi j’ai dit :
« Il fait périr également le juste et l’impie. »
23Si du moins le fléau tuait d’un seul coup !
Hélas ! il se rit[47] des épreuves de l’innocent !
24La terre est livrée aux mains du méchant,
Dieu voile la face de ses juges :
si ce n’est pas lui, qui est-ce donc ?

25Mes jours sont plus rapides qu’un courrier,
ils fuient sans avoir vu le bonheur ;
26ils passent comme la barque de jonc,
comme l’aigle qui fond sur sa proie.
27Si je dis : « Je veux oublier ma plainte,
quitter mon air triste, prendre un air joyeux, »
28je tremble pour toutes mes douleurs,
je sais que tu ne me tiendras pas pour innocent.
29Je serai jugé coupable :
pourquoi prendre une peine inutile ?

30Quand je me laverais dans la neige,
quand je purifierais mes mains avec le bor,
31tu me plongerais dans la fange,[48]
 et mes vêtements m’auraient en horreur.

32Dieu n’est pas un homme comme moi, pour que je lui réponde,
pour que nous comparaissions ensemble en justice.
33Il n’y a pas entre nous d’arbitre
qui pose sa main sur nous deux.
34Qu’il retire sa verge de dessus moi,
que ses terreurs cessent de m’épouvanter :
35alors je parlerai sans le craindre ;
autrement, je ne suis point à moi-même.


Mon âme est lasse de la vie ;
je donnerai libre cours à ma plainte,
je parlerai dans l’amertume de mon cœur.
2Je dis à Dieu : Ne me condamne point ;
apprends-moi sur quoi tu me prends à partie.
3Trouves-tu du plaisir à opprimer,
à repousser l’œuvre de tes mains,
à faire luire ta faveur sur le conseil des méchants ?
4As-tu des yeux de chair,
ou bien vois-tu comme voient les hommes ?
5Tes jours sont-ils comme les jours de l’homme,
ou bien tes années comme les années d’un mortel,
6pour que tu recherches mon iniquité,
pour que tu poursuives mon péché,
7quand tu sais que je ne suis pas coupable,
et que nul ne peut me délivrer de ta main ?

8Tes mains m’ont formé et façonné,
tout entier, et tu voudrais me détruire !
9Souviens-toi que tu m’as pétri comme l’argile :
et tu me ramènerais à la poussière !
10Ne m’as-tu pas coulé comme le lait,
et coagulé comme le fromage ?
11Tu m’as revêtu de peau et de chair,
tu m’as tissé d’os et de nerfs.
12Avec la vie, tu m’as accordé ta faveur,
et ta providence a gardé mon âme.
13Et pourtant, voilà ce que tu cachais dans ton cœur :
Je vois bien ce que tu méditais.
14Si je pèche, tu m’observes,
tu ne me pardonnes pas mon iniquité.
15Suis-je coupable, malheur à moi !
Suis-je innocent, je n’ose lever la tête,
rassasié de honte, et voyant ma misère.
16Si je me relève, tu me poursuis comme un lion,
tu recommences à me tourmenter étrangement,
17tu m’opposes de nouveaux témoins ;
tu redoubles de fureur contre moi,
des troupes de rechange viennent m’assaillir.

18Pourquoi m’as-tu tiré du sein de ma mère ?
Je serais mort, et aucun œil ne m’aurait vu.
19Je serais comme si je n’eusse jamais été,
du sein maternel j’aurais été porté au sépulcre.
20Mes jours ne sont-ils pas bien courts ? Qu’il me laisse ![49]

Qu’il se retire et que je respire un instant,
21avant que je m’en aille, pour ne plus revenir,
dans la région des ténèbres et de l’ombre de la mort,
22morne et sombre région,
où règnent l’ombre de la mort et le chaos,
où la clarté est pareille aux ténèbres.

6. Chap. xi, 1-20 : Discours de Sophar.Hardiesse de Job (xi, 2, 3) : si Dieu voulait parler, il dévoilerait ses fautes, plus graves que sa peine (xi, 4-12). Mais que Job se repente et il sera sauvé (xi, 13-19). Seul l’impie est voué à la perdition (xi, 20).

Alors Sophar[50] de Naama prit la parole et dit :

2La multitude des paroles restera-t-elle sans réponse,
et le bavard aura-t-il raison ?
3Tes vains propos feront-ils taire les gens ?
Te moqueras-tu, sans que personne te confonde ?

4Tu as dit à Dieu : « Ma pensée est la vraie,
et je suis irréprochable devant toi. »
5Oh ! Si Dieu voulait parler,
s’il ouvrait les lèvres pour te répondre ;
6s’il te révélait les secrets de sa sagesse,
les replis cachés de ses desseins,
tu verrais alors qu’il oublie une part de tes crimes.
7Prétends-tu sonder les profondeurs de Dieu,
atteindre la perfection du Tout-Puissant ?
8Elle est haute comme les cieux : que feras-tu ?
Plus profonde que le séjour des morts : que sauras-tu ?
9Sa mesure est plus longue que la terre,
elle est plus large que la mer.
10S’il fond sur le coupable, s’il l’arrête,
s’il convoque le tribunal, qui s’y opposera ?
11Car il connaît les pervers,
il découvre l’iniquité avant qu’elle s’en doute.
12À cette vue, le fou même comprendrait,
et le petit de l’onagre deviendrait raisonnable.[51]

13Pour toi, si tu diriges ton cœur vers Dieu,
et que tu étendes vers lui tes bras,
14si tu éloignes l’iniquité qui est dans tes mains,
et que tu ne laisses pas l’injustice habiter sous ta tente,
15alors tu lèveras ton front sans tache,
tu seras inébranlable et tu ne craindras plus.
16Tu oublieras alors tes souffrances,
tu t’en souviendras comme des eaux écoulées ;
17L’avenir se lèvera pour toi plus brillant que le midi,
les ténèbres se changeront en aurore.
18Tu seras plein de confiance, et ton attente ne sera pas vaine ;
tu regarderas autour de toi, et tu te coucheras tranquille.
19Tu reposeras, sans que personne t’inquiète,
et plusieurs caresseront ton visage.
20Mais les yeux des méchants se consumeront :
pour eux, point de refuge ;
leur espérance est le souffle d’un mourant.

7. Chap. xii, 1 — xiv, 22 : Réponse de Job.Le juste est la risée de ses amis (xii, 1-6). Que Dieu soit tout-puissant, toutes ses créatures le savent (xii, 7-12) ; l’homme le reconnaît aux prodiges dont il est témoin (xii, 13-25). Job n’ignore rien de tout cela (xiii, 1, 2). Mauvais défenseurs de Dieu, ses amis en porteront la peine (xiii, 3-12). Pour qu’il puisse plaider sa cause, que Dieu le délivre de ses tourments (xiii, 13-22) ! Avant tout, qu’il lui découvre son péché (xiii, 23-28). La vie de l’homme est courte et malheureuse : pourquoi ajouter à sa détresse (xiv, 1-6) ? Si l’homme mort pouvait revivre comme l’arbre (xiv, 7-12) ! Si le séjour des morts était un asile temporaire pour le temps de la colère (xiv, 13-22) !

Alors Job prit la parole et dit :

2Vraiment vous êtes aussi sages que tout un peuple,
et avec vous mourra la sagesse !
3Moi aussi, j’ai de l’intelligence comme vous,
je ne vous le cède en rien,
et qui ne sait les choses que vous dites ?[52]
4Je suis la risée de mes amis,
moi qui invoquais Dieu et à qui Dieu répondait ;
leur risée, moi le juste, l’innocent !…[53]
5Honte au malheur ! C’est la devise des heureux ;
le mépris attend celui dont le pied chancelle.
6La paix cependant règne sous la tente des brigands,
la sécurité pour ceux qui provoquent Dieu,
et qui n’ont d’autre dieu que leur bras.[54]

7Mais, de grâce, interroge les bêtes, et elles t’instruiront,
es oiseaux du ciel, et ils te l’apprendront ;
8ou bien parle à la terre, et elle t’enseignera ;
les poissons même de la mer te le raconteront.
9Qui ne sait, parmi tous ces êtres,
que la main de Yahweh a fait ces choses,
10qu’il tient dans sa main l’âme de tout ce qui vit,
et le souffle de tous les humains ?[55]
11L’oreille ne discerne-t-elle pas les paroles,
comme le palais savoure les aliments ?
12Aux cheveux blancs appartient la sagesse,
la prudence est le fruit des longs jours.

13En Dieu résident la sagesse et la puissance,
à lui le conseil et l’intelligence.
14Voici qu’il renverse et l’on ne rebâtit pas ;
il ferme la porte sur l’homme, et on ne lui ouvre pas.
15Voici qu’il arrête les eaux, elles tarissent ;
il les lâche, elles bouleversent la terre.
16À lui la force et la prudence,
à lui celui qui est égaré et celui qui égare.
17Il emmène captifs les conseillers des peuples,
et il ôte le sens aux juges.
18Il délie la ceinture des rois,
et ceint leurs reins d’une corde.
19Il traîne les prêtres en captivité,
et renverse les puissants.
20Il ôte la parole aux hommes les plus habiles,
et il enlève le jugement aux vieillards.
21Il verse le mépris sur les nobles,
et il relâche la ceinture des forts.
22Il met à découvert les choses cachées dans les ténèbres,
et produit à la lumière l’ombre de la mort.

23Il fait croître les nations, et il les anéantit ;
il les étend et il les resserre.[56]
24Il ôte l’intelligence aux chefs des peuples de la terre,
et les égare dans des déserts sans chemin ;
25ils tâtonnent dans les ténèbres, loin de la lumière ;
il les fait errer comme un homme ivre.


Voilà que mon œil a vu tout cela,
mon oreille l’a entendu et compris.[57]
2Ce que vous savez, moi aussi je le sais,
je ne vous suis en rien inférieur.

3Mais je veux parler au Tout-Puissant,
je veux plaider ma cause avec Dieu.
4Car vous n’êtes que des charlatans,[58]
vous êtes tous des médecins inutiles.
5Que ne gardiez-vous le silence !
Il vous eût tenu lieu de sagesse.
6Écoutez, je vous prie, ma défense,
soyez attentifs au plaidoyer de mes lèvres.
7Parlerez-vous mensonge en faveur de Dieu,
pour lui, parlerez-vous tromperie ?
8Ferez-vous pour Dieu acception de personnes,
vous constituerez-vous avocats ?
9Vous en saura-t-il gré,[59] s’il sonde vos cœurs ?
Le tromperez-vous comme on trompe un homme ?
10Certainement il vous condamnera,
si vous faites en secret acception de personnes.
11Oui, sa majesté vous épouvantera,
ses terreurs tomberont sur vous.
12Vos arguments sont des raisons de poussière,
vos forteresses sont des forteresses d’argile.

13Taisez-vous, laissez-moi, je veux parler ;
il m’en arrivera ce qu’il pourra.
14Je veux prendre ma chair entre les dents,
je veux mettre mon âme dans ma main.[60]
15Quand il me tuerait, que je n’aurais rien à espérer,[61]
je défendrai devant lui ma conduite.
16Mais il sera mon salut,
car l’impie ne saurait paraître en sa présence.[62]
17Écoutez donc mes paroles,
prêtez l’oreille à mon discours.
18Voici que j’ai préparé ma cause,
je sais que je serai justifié.
19Est-il quelqu’un qui veuille plaider contre moi ?
À l’instant même je veux me taire et mourir.
20Seulement épargne-moi deux choses, ô Dieu,
et je ne me cacherai pas devant ta face :
21éloigne ta main de dessus moi,
et que tes terreurs ne m’épouvantent plus.
22Après cela, appelle, et je répondrai ;
ou bien je parlerai d’abord, et tu me répondras.

23Quel est le nombre de mes iniquités et de mes péchés ?[63]
Fais-moi connaître mes transgressions et mes offenses.
24Pourquoi cacher ainsi ton visage,
et me regarder comme ton ennemi !
25Veux-tu donc effrayer une feuille agitée par le vent,
poursuivre une paille desséchée,
26pour que tu écrives contre moi des choses amères,
pour que tu m’imputes[64] les fautes de ma jeunesse,
27pour que tu mettes mes pieds dans les ceps,
que tu observes toutes mes démarches,
que tu traces une limite à la plante de mes pieds,
28alors que mon corps se consume comme un bois vermoulu,
comme un vêtement que dévore la teigne.


L’homme né de la femme vit peu de jours,
et il est rassasié de misères.
2Comme la fleur, il naît, et on le coupe ;
il fuit comme l’ombre, sans s’arrêter.
3Et c’est sur lui que tu as l’œil ouvert,
lui que tu amènes[65] en justice avec toi !
4Qui peut tirer le pur de l’impur ? Personne.[66]
5Si les jours de l’homme sont comptés,
si tu as fixé le nombre de ses mois,
si tu as posé un terme qu’il ne doit pas franchir,
6détourne de lui tes yeux pour qu’il se repose,
jusqu’à ce qu’il goûte, comme le mercenaire, la fin de sa journée.

7Un arbre a de l’espérance :
coupé, il peut verdir encore,
il ne cesse pas d’avoir des rejetons.
8Que sa racine ait vieilli dans la terre,
que son tronc soit mort dans la poussière,
9dès qu’il sent l’eau, il reverdit,
il pousse des branches comme un jeune plant.
10Mais l’homme meurt, et il reste étendu ;
quand il a expiré, où est-il ?
11Les eaux du lac disparaissent,
le fleuve tarit et se dessèche :
12ainsi l’homme se couche et ne se relève plus,
il ne se réveillera pas tant que subsistera le ciel,
on ne le fera pas sortir de son sommeil.

13Oh ! Si tu voulais me cacher dans le séjour des morts,
m’y tenir à couvert jusqu’à ce que ta colère ait passé,
me fixer un terme où tu te souviendrais de moi !
14Si l’homme une fois mort pouvait revivre !
Tout le temps de mon service j’attendrais qu’on vînt me relever.
15Tu m’appellerais alors, et moi je te répondrais ;
tu languirais après l’ouvrage de tes mains.
16Mais hélas ! Maintenant, tu comptes mes pas,
tu as l’œil ouvert sur mes péchés ;[67]
17mes transgressions sont scellées dans une bourse,
et tu mets un enduit[68] sur mes iniquités.

18La montagne s’écroule et s’efface ;
le rocher est transporté hors de sa place ;
19les eaux creusent la pierre,
leurs flots débordés entraînent la poussière du sol :
ainsi tu anéantis l’espérance de l’homme.
20Tu l’abats sans retour,[69] et il s’en va ;
tu flétris son visage, et tu le congédies.
21Que ses enfants soient honorés, il n’en sait rien ;
qu’ils soient dans l’abaissement, il l’ignore.
22Sa chair ne sent que ses propres souffrances,
son âme ne gémit que sur elle-même.

II. — DEUXIÈME CYCLE DE DISCOURS.

[XV, 1 — XXI, 34.]

1. Chap. xv. 1-35 : Discours d’Éliphaz.Job condamné par ses propres discours (xv, 1-6) ; que sait-il de plus que ses amis ? (xv, 7-10). Comment oser s’en prendre à Dieu devant qui personne n’est pur ? (xv, 11-16). Leçons des sages sur le sort réservé aux impies (xv, 17-35).

Alors Éliphaz de Théman prit la parole et dit :

2Le sage répond-il par une science vaine ?
Se gonfle-t-il la poitrine de vent ?
3Se défend-il par de futiles propos,
par des discours qui ne servent à rien ?
4Toi, tu détruis même la crainte de Dieu,
tu anéantis toute piété[70] envers Dieu.
5Ta bouche révèle ton iniquité,
et tu prends le langage les fourbes.
6Ce n’est pas moi, c’est ta bouche qui te condamne,
ce sont tes lèvres qui déposent contre toi.

7Es-tu né le premier des hommes ?
As-tu été enfanté avant les collines ?
8As-tu assisté au conseil de Dieu ?
As-tu dérobé[71] pour toi seul la sagesse ?
9Que sais-tu, que nous ne sachions ?
Qu’as-tu appris, qui ne nous soit familier ?
10Nous avons aussi parmi nous des cheveux blancs,
des vieillards plus riches de jours que ton père.

11Tiens-tu pour peu de chose les consolations de Dieu
et les douces paroles que nous t’adressons ?
12Où ton cœur t’emporte-t-il,
et que signifie ce roulement de tes yeux ?
13Quoi ! C’est contre Dieu que tu tournes ta colère,
et que de ta bouche tu fais sortir de tels discours ?
14Qu’est-ce que l’homme, pour qu’il soit pur,
le fils de la femme, pour qu’il soit juste ?
15Voici que Dieu ne se fie pas même à ses saints,
et les cieux ne sont pas purs devant lui :
16combien moins cet être abominable et pervers,
l’homme qui boit l’iniquité comme l’eau !

17Je vais t’instruire, écoute-moi ;
je raconterai ce que j’ai vu,
18ce que les sages enseignent,
— ils ne le cachent pas, l’ayant appris de leurs pères ;
19à eux seuls avait été donné le pays,
et parmi eux jamais ne passa l’étranger. —

20« Le méchant, durant tous ses jours, est rongé par l’angoisse ;[72]
un petit nombre d’années sont réservées à l’oppresseur.
21Des bruits effrayants retentissent à ses oreilles ;
au sein de la paix, le dévastateur fond sur lui.
22Il n’espère pas échapper aux ténèbres,
il sent qu’il est guetté pour le glaive.
23Il erre pour chercher son pain ;
il sait que le jour des ténèbres est prêt, à ses côtés.
24La détresse et l’angoisse tombent sur lui ;
elles l’assaillent comme un roi armé pour le combat.
25Car il a levé sa main contre Dieu,
il a bravé le Tout-Puissant,
26il a couru sur lui le cou raide,
sous le dos épais de ses boucliers.
27Il avait le visage couvert de graisse,
et les flancs chargés d’embonpoint.
28Il occupait des villes qui ne sont plus,
des maisons qui n’ont plus d’habitants,
vouées à devenir des monceaux de pierre.
29Il ne s’enrichira plus, sa fortune ne tiendra pas,
ses possessions ne s’étendront plus sur la terre.
30Il n’échappera pas aux ténèbres ;
la flamme desséchera ses rejetons,
et il sera emporté par le souffle de la bouche de Dieu.
31Qu’il n’espère rien du mensonge, il y sera pris ;
le mensonge sera sa récompense.
32Elle arrivera[73] avant que ses jours soient pleins,
et son rameau ne verdira plus.
33Il secouera, comme la vigne, son fruit à peine éclos ;
il laissera tomber sa fleur, comme l’olivier.
34Car la maison de l’impie est stérile,
et le feu dévore la tente du juge corrompu.
35Il a conçu le mal, et il enfante le malheur,
dans son sein mûrit un fruit de déception. »

2. Chap. xvi, 1 - xvii, 16 : Réponse de Job.Vanité des paroles de ses amis (xvi, 1-5), auxquels Dieu l’a livré, bien que connaissant son innocence (xvi, 6-17). Il s’en remet à Dieu, persuadé qu’il interviendra en sa faveur (xvi, 18-xvii, 1). Dieu ne peut prendre le parti des méchants (xvii, 2-9). Job revient aux sombres perspectives de la mort (xvii, 10-16).

Alors Job prit la parole et dit :

2J’ai souvent entendu de semblables harangues ;
vous êtes tous d’insupportables consolateurs.
3Quand finiront ces vains discours ?
Quel aiguillon t’excite à répliquer ?
4Moi aussi, je saurais parler comme vous,
si vous étiez à ma place ;
j’arrangerais de beaux discours à votre adresse,
je secouerais la tête sur vous ;[74]
5je vous encouragerais de la bouche,
et vous auriez pour soulagement l’agitation de mes lèvres.

6Si je parle, ma douleur n’est pas adoucie ;
si je me tais, en est-elle soulagée ?[75]
7Aujourd’hui, hélas ! Dieu a épuisé mes forces…
ô Dieu, tu as moissonné tous mes proches.
8Tu me garrottes… c’est un témoignage contre moi !…

ma maigreur se lève contre moi, en face elle m’accuse.
9Sa colère me déchire et me poursuit,
il grince des dents contre moi ;
mon ennemi darde sur moi ses regards.
10Ils ouvrent leur bouche pour me dévorer,
ils me frappent la joue avec outrage,
ils se liguent tous ensemble pour me perdre.
11Dieu m’a livré au pervers,
il m’a jeté entre les mains des méchants.
12J’étais en paix, et il m’a secoué,
il m’a saisi par la nuque, et il m’a brisé.
Il m’a posé en but à ses traits,
13ses flèches volent autour de moi ;
il perce mes flancs sans pitié,
il répand mes entrailles sur la terre ;
14il me fait brèche sur brèche,
il fond sur moi comme un géant.
15J’ai cousu un sac sur ma peau,
et j’ai roulé mon front dans la poussière.
16Mon visage est tout rouge de larmes,
et l’ombre de la mort s’étend sur mes paupières,
17quoiqu’il n’y ait pas d’iniquités dans mes mains,
et que ma prière soit pure.

18Ô terre, ne couvre point mon sang,
et que mes cris s’élèvent librement !
19À cette heure même,
voici que j’ai mon témoin dans le ciel,
mon défenseur dans les hauts lieux.
20Mes amis se moquent de moi,
c’est vers Dieu que pleurent mes yeux.
21Qu’il juge lui-même entre Dieu et l’homme,
entre le fils de l’homme et son semblable !
22Car les années qui me sont comptés s’écoulent,
et j’entre dans un sentier d’où je ne reviendrai pas.[76]


Mon souffle s’épuise,
mes jours s’éteignent,
il ne me reste plus que le tombeau.[77]

2Je suis environné de moqueurs,
mon œil veille au milieu de leurs outrages.
3Ô Dieu, fais-toi auprès de toi-même ma caution :
quel autre voudrait me frapper dans la main ?
4Car tu as fermé leur cœur à la sagesse ;
ne permets donc pas qu’ils s’élèvent.
5Tel invite ses amis au partage,
quand défaillent les yeux de ses enfants.
6Il a fait de moi la risée des peuples ;
je suis l’homme à qui l’on crache au visage.
7Mon œil est voilé par le chagrin,
et tous mes membres ne sont plus qu’une ombre.
8Les hommes droits en sont stupéfaits,
et l’innocent s’irrite contre l’impie.
9Le juste néanmoins demeure ferme dans sa voie,
et qui a les mains pures redouble de courage.

10Mais vous tous, revenez, venez donc ;
ne trouverai-je pas un sage parmi vous ?
11Mes jours sont écoulés, mes projets anéantis,
ces projets que caressait mon cœur.
12De la nuit ils font le jour ;

en face des ténèbres, ils disent que la lumière est proche !
13J’ai beau attendre, le schéol est ma demeure ;
dans les ténèbres j’ai disposé ma couche.
14J’ai dit à la fosse : « Tu es mon père ; »
aux vers : « Vous êtes ma mère et ma sœur ! »
15Où est donc mon espérance ?
Mon espérance, qui peut la voir ?
16Elle est descendue aux portes du schéol,
si du moins dans la poussière on trouve du repos !…

3. Chap. xviii, 1-21 : Discours de Baldad.Reproches à Job (xviii, 1-4). Ruine du méchant (xviii, 5-14), pas de postérité (xviii, 15-21).

Alors Baldad de Suhé prit la parole et dit :

2Quand donc mettrez-vous un terme à ces discours ?
Ayez de l’intelligence, puis nous parlerons.
3Pourquoi nous regardez-vous comme des brutes,
et sommes-nous stupides à vos yeux ?
4Toi qui te déchires dans ta fureur,
veux-tu qu’à cause de toi la terre devienne déserte,
que le rocher soit transporté hors de sa place ?

5Oui, la lumière du méchant s’éteindra,
et la flamme de son foyer cessera de briller.
6Le jour s’obscurcira sous sa tente,
sa lampe s’éteindra au-dessus de lui.
7Ses pas si fermes seront à l’étroit,
son propre conseil précipite sa chute.
8Ses pieds le jettent dans les rets,
il marche sur le piège.
9Le filet saisit ses talons ;
il est serré dans ses nœuds.
10Pour lui les lacs sont cachés sous terre,
et la trappe est sur son sentier.
11De tous côtés des terreurs l’assiègent,
et le poursuivent pas à pas.
12La disette est son châtiment,
et la ruine est prête pour sa chute.[78]
13La peau de ses membres est dévorée ;[79]
ses membres sont dévorés par le premier-né de la mort.
14Il est arraché de sa tente, où il se croyait en sûreté ;
on le traîne vers le Roi des frayeurs.
15Nul des siens n’habite dans sa tente,
le soufre est semé sur sa demeure.
16En bas, ses racines se dessèchent,
en haut, ses rameaux sont coupés.
17Sa mémoire a disparu de la terre,
il n’a plus de nom dans la contrée.
18On le chasse de la lumière dans les ténèbres,
on le bannit de l’univers.[80]
19Il ne laisse ni descendance ni postérité dans sa tribu ;
aucun survivant dans son séjour.
20Les peuples de l’Occident[81] sont stupéfaits de sa ruine,
et ceux de l’Orient en sont saisis d’horreur.

21Telle est la demeure de l’impie,
telle est la place de l’homme qui ne connaît pas Dieu.

4. Chap. xix, 1-29 : Réponse de Job.À ses amis indiscrets, Job déclare que son malheur vient de Dieu (xix, 1-6). Accablé de maux (xix, 7-12), privé de tout soutien (xix, 13-20), il en appelle à la pitié de ses amis (xix, 21, 22). En vain ! Il exprime avec une force nouvelle sa confiance en l’intervention suprême de Dieu (xix, 23-27). Confusion future de ses amis (xix, 28, 29).

Alors Job prit la parole et dit :

2Jusques à quand affligerez-vous mon âme,
et m’accablerez-vous de vos discours ?
3Voilà dix fois que vous m’insultez,
que vous m’outragez sans pudeur.
4Quand même j’aurais failli,
c’est avec moi que demeure ma faute.
5Mais vous, qui vous élevez contre moi,
qui invoquez mon opprobre pour me convaincre,
6sachez enfin que c’est Dieu qui m’opprime,
et qui m’enveloppe de son filet.

7Voici que je crie à la violence, et nul ne me répond !
J’en appelle, et point de justice !
8Il m’a barré le chemin, et je ne puis passer :
il a répandu les ténèbres sur mes sentiers.
9Il m’a dépouillé de ma gloire,
il a enlevé la couronne de ma tête.
10Il m’a sapé tout à l’entour, et je tombe ;
il a déraciné, comme un arbre, mon espérance.
11Sa colère s’est allumée contre moi ;
il m’a traité comme ses ennemis.
12Ses bataillons sont venus ensemble,
ils se sont frayés un chemin jusqu’à moi,
ils font le siège de ma tente.

13Il a éloigné de moi mes frères ;
mes amis se sont détournés de moi.
14Mes proches m’ont abandonné,
mes intimes m’ont oublié.
15Les hôtes de ma maison et mes servantes
me traitent comme un étranger ; je suis un inconnu à leurs yeux.
16J’appelle mon serviteur, et il ne me répond pas ;
je suis réduit à le supplier de ma bouche.
17Ma femme a horreur de mon haleine,
je demande grâce aux fils de mon sein.[82]
18Les enfants eux-mêmes me méprisent ;
si je me lève, ils me raillent.
19Tous ceux qui étaient mes confidents m’ont en horreur,
ceux que j’aimais se tournent contre moi.
20Mes os sont attachés à ma peau et à ma chair, je me suis échappé avec la peau de mes dents.
21Ayez pitié, ayez pitié de moi, vous du moins, mes amis,
car la main de Dieu m’a frappé !
22Pourquoi me poursuivez-vous, comme Dieu me poursuit ?
Pourquoi êtes-vous insatiables de ma chair ?[83]

23Oh ! Qui me donnera que mes paroles soient écrites !
Qui me donnera qu’elles soient consignées dans un livre,
24qu’avec un burin de fer et du plomb,
elles soient pour toujours gravées dans le roc !

25Je sais que mon vengeur[84] est vivant,
et qu’il se lèvera le dernier sur la poussière.
26Alors de ce squelette, revêtu de sa peau,
de ma chair je verrai Dieu.[85]
27Moi-même je le verrai ;
mes yeux le verront, et non un autre ;
mes reins se consument d’attente au-dedans de moi.

28Vous direz alors :[86] « Pourquoi le poursuivions-nous ? »
et la justice de ma cause sera reconnue.
29Ce jour-là, craignez pour vous le glaive :
terribles sont les vengeances du glaive !
Et vous saurez qu’il y a une justice.

5. Chap. xx, 1-29. Discours de Sophar.Provoqué à répondre (xx, 1-3), il rappelle que le triomphe des méchants est court (xx, 4-9), qu’ils n’emportent pas ce qu’ils ont ravi et ce qu’ils ont de plus cher (xx, 10-20), que les maux se succèdent pour les atteindre (xx, 21-29).

Alors Sophar de Naama prit la parole et dit :

2C’est pourquoi mes pensées me suggèrent une réponse,
et, à cause de mon agitation, j’ai hâte de la donner.[87]
3J’ai entendu des reproches qui m’outragent ;
dans mon intelligence, mon esprit trouvera la réplique.

4Sais-tu bien que, de tout temps,
depuis que l’homme a été placé sur la terre,
5le triomphe des méchants a été court,
et la joie de l’impie d’un moment ?
6Quand il porterait son orgueil jusqu’au ciel,
et que sa tête toucherait aux nues,
7comme son ordure, il périt pour toujours ;
ceux qui le voyaient disent : « Où est-il ? »
8Il s’envole comme un songe, et on ne le trouve plus ;
il s’efface comme une vision de la nuit.
9L’œil qui le voyait ne le découvre plus ;
sa demeure ne l’apercevra plus.
10Ses enfants imploreront les pauvres,
de ses propres mains il restituera ses rapines.
11Ses os étaient pleins de ses iniquités cachées ;[88]
elles dormiront avec lui dans la poussière.
12Parce que le mal a été doux à sa bouche,
qu’il l’a caché sous sa langue,
13qu’il l’a savouré sans l’abandonner,
et l’a retenu au milieu de son palais :

14sa nourriture tournera en poison dans ses entrailles,
elle deviendra dans son sein le venin de l’aspic.
15Il a englouti des richesses, il les vomira ;
Dieu les retirera de son ventre.
16Il a sucé le venin de l’aspic,
la langue de la vipère le tuera.
17Il ne verra jamais couler les fleuves,
les torrents de miel et de lait.
18Il rendra ce qu’il a gagné et ne s’en gorgera pas,
dans la mesure de ses profits, et il n’en jouira pas.
19Car il a opprimé et délaissé les pauvres,
il a saccagé leur maison, et ne l’a point rétablie :
20son avidité n’a pu être rassasiée,
il n’emportera pas ce qu’il a de plus cher.
21Rien n’échappait à sa voracité ;
aussi son bonheur ne subsistera pas.
22Au sein de l’abondance, il tombe dans la disette ;
tous les coups du malheur viennent sur lui.
23Voici pour lui remplir le ventre :
Dieu enverra sur lui le feu de sa colère,
elle pleuvra sur lui jusqu’en ses entrailles.
24S’il échappe aux armes de fer,
l’arc d’airain le transperce.
25Il arrache[89] le trait, il sort de son corps,
l’acier sort étincelant de son foie ;
les terreurs de la mort tombent sur lui.
26Une nuit profonde engloutit ses trésors ;
un feu que l’homme n’a pas allumé le dévore,
et consume tout ce qui restait dans sa tente.
27Les cieux révéleront son iniquité,
et la terre s’élèvera contre lui.
28L’abondance[90] de sa maison sera dispersée,
elle disparaîtra au jour de la colère.

29Telle est la part que Dieu réserve au méchant,
et l’héritage que lui destine Dieu.[91]

6. Chap. xxi, 1-34 : Réponse de Job.Que ses amis soient attentifs (xxi, 1-6) ! Il va se placer sur leur terrain : Non, les méchants ne sont pas toujours voués à l’infortune (xxi, 7-15), et Dieu ne les frappe pas toujours (xxi, 16-18) ; d’autre part, que leur importe le châtiment de leurs enfants (xxi, 19-21) ? À la mort, un même sort attend souvent l’heureux et le malheureux (xxi, 22-26). Dès lors, des insinuations de ses amis il ne reste que la perfidie (xxi, 27-34).

Alors Job prit la parole et dit :

2Écoutez, écoutez mes paroles,
que j’aie, du moins, cette consolation de vous.
3Permettez-moi de parler à mon tour,
et, quand j’aurai parlé, vous pourrez vous moquer.
4Est-ce contre un homme que se porte ma plainte ?
Comment donc la patience ne m’échapperait elle pas ?
5Regardez-moi et soyez dans la stupeur,
et mettez la main sur votre bouche.
6Quand j’y pense, je frémis ;
et un frissonnement saisit ma chair.

7Pourquoi les méchants vivent-ils,
 et vieillissent-ils, accroissant leur force ?
8Leur postérité s’affermit autour d’eux,
 leurs rejetons fleurissent à leurs yeux.
9Leur maison est en paix, à l’abri de la crainte ;
 la verge de Dieu ne les touche pas.
10Leur taureau est toujours fécond,
 leur génisse enfante et n’avorte pas.
11Ils laissent courir leurs enfants comme un troupeau,
leurs nouveau-nés bondissent autour d’eux.
12Ils chantent au son du tambourin et de la cithare,
ils se divertissent au son du chalumeau.
13Ils passent leurs jours dans le bonheur,
et ils descendent en un instant au schéol.
14Pourtant ils disaient à Dieu : « Retire-toi de nous ;
nous ne désirons pas connaître tes voies.
15Qu’est-ce que le Tout-Puissant, pour que nous le servions ?
Que gagnerions-nous à le prier ? »

16Leur prospérité n’est-elle pas dans leur main ?
— Toutefois, loin de moi le conseil de l’impie ! —[92]
17Voit-on souvent s’éteindre la lampe des impies,
la ruine fondre sur eux,
et Dieu leur assigner un lot dans sa colère ?
18Les voit-on comme la paille emportée par le vent,
comme la glume enlevée par le tourbillon ?

19« Dieu, dites-vous, réserve à ses enfants son châtiment !… »
Mais que Dieu le punisse lui-même pour qu’il le sente,
20qu’il voie de ses yeux sa ruine,
qu’il boive lui-même la colère du Tout-Puissant !
21Que lui importe, en effet, sa maison après lui,
une fois que le nombre de ses mois est tranché ?[93]

22Est-ce à Dieu qu’on apprendra la sagesse,
à lui qui juge les êtres les plus élevés ?
23L’un meurt au sein de sa prospérité,
parfaitement heureux et tranquille,
24les flancs[94] chargés de graisse,
et la moelle des os remplie de sève.
25L’autre meurt, l’amertume dans l’âme,
sans avoir goûté le bonheur.
26Tous deux se couchent également dans la poussière,
et les vers les couvrent tous deux.

27Ah ! Je sais bien quelles sont vos pensées,
quels jugements iniques vous portez sur moi.
28Vous dites : « Où est la maison de l’oppresseur !
Qu’est devenue la tente qu’habitaient les impies ? »
29N’avez-vous donc jamais interrogé les voyageurs,
et ignorez-vous leurs remarques ?
30Au jour du malheur, le méchant est épargné ;
au jour de la colère, il échappe au châtiment.
31Qui blâme devant lui sa conduite ?
Qui lui demande compte de ce qu’il a fait ?
32On le porte honorablement au tombeau ;
et on veille sur son mausolée.

33les glèbes de la vallée lui sont légères,
et tous les hommes y vont à sa suite,
comme des générations sans nombre l’y ont précédé.

34Que signifient donc vos vaines consolations ?
De vos réponses il ne reste que perfidie.


III. — TROISIÈME CYCLE DE DISCOURS.

[XXII, 1 — XXXI, 40.]

1. Chap. xxii, 1-30. Discours d’Éliphaz.Les œuvres de l’homme ne servent qu’à lui-même (xxii, 1-3). Si Job est châtié, c’est à cause de ses fautes (xxii, 4-11) et de ses mauvais propos (xxii, 12-20). Mais, même maintenant, il peut se réconcilier avec Dieu, se convertir et retrouver la paix (xxii, 21-30).

Alors Éliphaz prit la parole et dit :[95]

2L’homme peut-il être utile à Dieu ?
Le sage n’est utile qu’à lui-même.
3Qu’importe au Tout-Puissant que tu sois juste ?
Si tu es intègre dans tes voies, qu’y gagne-t-il ?
4Est-ce à cause de ta piété qu’il te châtie,
qu’il entre en jugement avec toi ?
5Ta malice n’est-elle pas immense,
tes iniquités sans mesure ?
6Tu prenais sans motif des gages à tes frères,
tu enlevais les vêtements à ceux qui étaient nus.
7Tu ne donnais point d’eau à l’homme épuisé,
à l’affamé tu refusais le pain.
8La terre était au bras le plus fort,
et le protégé y établissait sa demeure.
9Tu renvoyais les veuves les mains vides,
et les bras des orphelins étaient brisés.
10Voilà pourquoi tu es entouré de pièges,
et troublé par des terreurs soudaines,
11au sein des ténèbres, sans voir,
et submergé par le déluge des eaux.

12Dieu n’est-il pas dans les hauteurs du ciel ?
Vois le front des étoiles : comme il est élevé !
13Et tu disais : « Qu’en sait Dieu ?
Pourra-t-il juger à travers les nues profondes ?
14Les nues lui forment un voile, et il ne voit pas ;
il se promène sur le cercle du ciel. »
15Gardes-tu donc les voies anciennes,
où marchèrent les hommes d’iniquité,
16qui furent emportés avant le temps,
dont les fondements ont été arrachés par les eaux.
17Eux qui disaient à Dieu : « Retire-toi de nous !
Que pourrait nous faire le Tout-Puissant ? »
18C’était lui pourtant qui avait rempli leurs maisons de richesses.
— Loin de moi le conseil des méchants ! —
19Les justes voient leur chute et s’en réjouissent ;
les innocents se moquent d’eux :
20« Voilà nos ennemis anéantis !
Le feu a dévoré leurs richesses ! »

21Réconcilie-toi donc avec Dieu et apaise-toi ;
ainsi le bonheur te sera rendu.
22Reçois de sa bouche l’enseignement,
et mets ses paroles dans ton cœur.

23Tu te relèveras, si tu reviens au Tout-Puissant,
si tu éloignes l’iniquité de ta tente.
24Jette les lingots d’or dans la poussière,
et l’or d’Ophir parmi les cailloux du torrent.
25Et le Tout-Puissant sera ton or,
il sera pour toi un monceau d’argent.
26Alors tu mettras tes délices dans le Tout-Puissant,
et tu lèveras vers lui ta face.
27Tu le prieras, et il t’écoutera,
et tu t’acquitteras de tes vœux.
28Si tu formes un dessein, il te réussira,
sur tes sentiers brillera la lumière.
29À des fronts abattus tu crieras : « En haut ! »
et Dieu secourra celui dont les yeux sont abaissés.[96]
30Il délivrera même le coupable,[97]
sauvé par la pureté de tes mains.

2. Chap. xxiii, 1 — xxiv, 25 : Réponse de Job.S’il pouvait arriver au trône de Dieu (xxiii, 1-9) ! Dieu sait bien qu’il est juste, mais il a des desseins sur lesquels il ne revient pas ; de là tant de raisons de craindre (xxiii, 10-17). Diverses formes de scélératesses auxquelles Dieu ne semble pas prendre attention (xxiv, 1-17). Issues du méchant (xxiv, 18-25).

Alors Job prit la parole et dit :

2Oui, aujourd’hui ma plainte est amère,[98]
et pourtant ma main retient mes soupirs.
3Oh ! Qui me donnera de savoir où le trouver,
d’arriver jusqu’à son trône !
4Je plaiderais ma cause devant lui,
et je remplirais ma bouche d’arguments.
5Je saurais les raisons qu’il peut m’opposer,
je verrais ce qu’il peut avoir à me dire.
6M’opposerait-il la grandeur de sa puissance ?
Ne jetterait-il pas au moins les yeux sur moi ?
7Alors l’innocent discuterait avec lui,
et je m’en irais absous pour toujours par mon juge.
8Mais si je vais à l’orient, il n’y est pas ;
à l’occident, je ne l’aperçois pas.
9Est-il occupé au septentrion, je ne le vois pas ;
se cache-t-il au midi, je ne puis le découvrir.

10Cependant il connaît les sentiers où je marche ;
qu’il m’examine, je sortirai pur comme l’or.
11Mon pied a toujours foulé ses traces ;
je me suis tenu dans sa voie sans dévier.
12Je ne me suis pas écarté des préceptes de ses lèvres ;
j’ai fait plier[99] ma volonté aux paroles de sa bouche.
13Mais il a une pensée : qui l’en fera revenir ?
Ce qu’il désire, il l’exécute.
14Il accomplira donc ce qu’il a décrété à mon sujet,
et de pareils desseins, il en a beaucoup.
15Voilà pourquoi je me trouble en sa présence ;
quand j’y pense, j’ai peur de lui.
16Dieu fait fondre mon cœur ;
le Tout-Puissant me remplit d’effroi.
17Car ce ne sont pas les ténèbres qui me consument,
ni l’obscurité dont ma face est voilée.


Pourquoi n’y a-t-il pas de temps réservés par le Tout-Puissant,
et ceux qui le servent ne voient-ils pas son jour ?

2On voit des hommes qui déplacent les bornes,
qui font paître le troupeau qu’ils ont volé.
3Ils poussent devant eux l’âne de l’orphelin,
et retiennent en gage le bœuf de la veuve.
4Ils forcent les pauvres à se détourner du chemin ;
tous les humbles du pays sont réduits à se cacher.
5Comme l’onagre dans la solitude,
ils sortent pour leur travail,
dès le matin, cherchant leur nourriture.
Le désert leur fournit la subsistance de leurs enfants ;[100]
6ils coupent les épis dans les champs,
ils maraudent dans la vigne de leur oppresseur.
7Nus, ils passent la nuit, faute de vêtements,
sans couverture contre le froid.
8La pluie des montagnes les pénètre ;
à défaut d’abri, ils se blottissent contre le rocher.
9Ils arrachent l’orphelin à la mamelle,
ils prennent des gages sur les pauvres.
10Ceux-ci, tout nus, sans vêtements,
portent, affamés, les gerbes du maître ;
11Ils expriment l’huile dans ses celliers ;[101]
ils foulent la vendange, et ils ont soif.
12Du sein des villes s’élèvent les gémissements des hommes,
et l’âme des blessés crie ; et Dieu ne prend pas garde à ces forfaits !

13D’autres sont parmi les ennemis de la lumière,
ils n’en connaissent pas les voies,
ils ne se tiennent pas dans ses sentiers.
14L’assassin se lève au point du jour ;
il tue le pauvre et l’indigent,
il rôde la nuit comme un voleur.
15L’œil de l’adultère épie le crépuscule ;
« Personne ne me voit, » dit-il, et il jette un voile sur son visage.
16La nuit, d’autres forcent les maisons,
le jour, ils se tiennent cachés 
ils ne connaissent pas la lumière.
17Pour eux, le matin est comme l’ombre de la mort,
car les horreurs de la nuit leur sont familières.

18Ah ! l’impie glisse comme un corps léger sur la face des eaux,
il n’a sur la terre qu’une part maudite, il ne se dirige pas sur le chemin des vignes ![102]
19Comme la sécheresse et la chaleur absorbent l’eau des neiges,
ainsi le schéol engloutit les pécheurs !
20Ah ! Le sein maternel l’oublie,
les vers en font leurs délices ;
on ne se souvient plus de lui,
et l’iniquité est brisée comme un arbre.
21Il dévorait la femme stérile et sans enfants,
il ne faisait pas de bien à la veuve !…

22Mais Dieu par sa force ébranle les puissants,
il se lève, et ils ne comptent plus sur la vie ;[103]
23il leur donne la sécurité et la confiance,
et ses yeux veillent sur leurs voies.
24Ils se sont élevés, et en un instant ils ne sont plus ;
ils tombent, ils sont moissonnés comme tous les hommes ;
ils sont coupés comme la tête des épis.

25S’il n’en est pas ainsi, qui me convaincra de mensonge ?
Qui réduira mes paroles à néant ?[104]

3. Chap. xxv, 1-6 : Discours de Baldad.[105]Devant le Dieu très grand et très saint l’homme ne saurait être pur.

Alors Baldad de Suhé prit la parole et dit :

2À lui appartiennent la domination et la terreur ;
il fait régner la paix dans ses hautes demeures.
3Ses légions ne sont-elles pas innombrables ?
Sur qui ne se lève pas sa lumière ?
4Comment l’homme serait-il juste devant Dieu ?
Comment le fils de la femme serait-il pur ?
5Voici que la lune même est sans clarté,
les étoiles ne sont pas pures à ses yeux :
6combien moins l’homme, ce vermisseau,
le fils de l’homme, ce vil insecte !

4. Chap. xxvi, 1-14 : Réponse de Job.Ironie à l’adresse de Baldad (xxvi, 1-4). Job montre qu’il peut, lui aussi, parler de la puissance de Dieu (xxvi, 5-14).

Alors Job prit la parole et dit :

2Comme tu sais venir en aide à la faiblesse,
prêter secours au bras sans force !
3Comme tu conseilles bien l’ignorant !
Quelle abondance de sagesse tu fais paraître !
4À qui adresses-tu des paroles ?
Et de qui est l’esprit qui sort de ta bouche ?

5Devant Dieu, les ombres tremblent
sous les eaux et leurs habitants.
6Le schéol est à nu devant lui,
et l’abîme n’a point de voile.
7Il étend le septentrion sur le vide,
il suspend la terre sur le néant.
8Il renferme les eaux dans ses nuages,
et les nues ne se déchirent pas sous leur poids.
9Il voile la face de son trône,
il étend sur lui ses nuées.
10Il a tracé un cercle à la surface des eaux,
au point de division de la lumière et des ténèbres.
11Les colonnes du ciel s’ébranlent,
et s’épouvantent à sa menace.
12Par sa puissance il soulève la mer,
par sa sagesse il brise l’orgueil.[106]
13Par son souffle le ciel devient serein,
sa main a formé le serpent fuyard.[107]
14Tels sont les bords de ses voies,
le léger murmure que nous en percevons ;
mais le tonnerre de sa puissance, qui pourra l’entendre ?

5. Chap. xxvii, 1 — xxviii, 28 : Nouveau discours de Job.Job ne reniera pas son innocence (xxvii, 1-6). Reprenant la thèse du châtiment de l’impie telle que la professent ses amis (xxvii, 7-23), il s’en remet à la sagesse, que l’homme ne trouve pas par ses efforts (xxviii, 1-12), qu’il ne peut acquérir à prix d’or (xxviii, 13-19), que seul Dieu connaît et dont seul Il peut lui révéler le secret (xxviii, 20-28).

Job reprit son discours et dit :[108]

2Par le Dieu vivant qui me refuse justice,
par le Tout-Puissant qui remplit mon âme d’amertume :
3aussi longtemps que j’aurai la respiration,
que le souffle de Dieu sera dans mes narines,
4mes lèvres ne prononceront rien d’inique,
ma langue ne proférera pas le mensonge.
5Loin de moi la pensée de vous donner raison !
Jusqu’à ce que j’expire, je défendrai mon innocence.
6J’ai entrepris ma justification, je ne l’abandonnerai pas ;
mon cœur ne condamne aucun de mes jours.

7Que mon ennemi soit traité comme le méchant !
Que mon adversaire ait le sort de l’impie !
8Quel sera l’espoir de l’impie quand Dieu le retranchera,
quand il retirera son âme ?
9Est-ce que Dieu écoutera ses cris,
au jour où l’angoisse viendra sur lui ?
10Trouve-t-il ses délices dans le Tout-Puissant ?
Adresse-t-il en tout temps ses prières à Dieu ?
11Je vous enseignerai la conduite de Dieu,
et je ne vous cacherai pas les desseins du Tout-Puissant.
12Voici que vous-mêmes, vous avez tous vu ;
pourquoi donc discourez-vous en vain ?

13Voici la part que Dieu réserve au méchant,
l’héritage que les violents reçoivent du Tout-Puissant.[109]
14S’il a des fils en grand nombre, c’est pour le glaive ;
ses rejetons ne seront pas rassasiés de pain.
15Ses survivants seront ensevelis dans la mort,
leurs veuves ne les pleureront pas.
16S’il amasse l’argent comme la poussière,
s’il entasse les vêtements comme la boue,
17c’est lui qui entasse, mais c’est le juste qui les porte,
c’est le juste qui hérite de ton argent.
18Sa maison est comme celle que bâtit la teigne,
comme la hutte que se construit le gardien des vignes.
19Le riche se couche, c’est pour la dernière fois ;[110]
il ouvre les yeux, il n’est plus.
20Les terreurs fondent sur lui comme des eaux,
un tourbillon l’enlève au milieu de la nuit.
21Le vent d’orient l’emporte, et il disparaît ;
il l’arrache violemment de sa demeure.
22Dieu lance sur lui ses traits sans pitié,
il fuit éperdu loin de sa main ;
23on bat des mains à son sujet,
de sa demeure on siffle sur lui.


Il y a pour l’argent un lieu d’où on l’extrait,
pour l’or un lieu où on l’épure.

2Le fer se tire de la terre,
et la pierre fondue donne le cuivre.
3L’homme met fin aux ténèbres,
il explore, jusqu’au fond des abîmes,
la pierre cachée dans les ténèbres et l’ombre de la mort.
4Il creuse, loin des lieux habités, des galeries,
qu’ignore le pied des vivants ;
suspendu, il vacille, loin des humains.
5La terre, d’où sort le pain,
est bouleversée dans ses entrailles comme par le feu.
6Ses roches sont le lieu du saphir,
et l’on y trouve de la poudre d’or.
7L’oiseau de proie n’en connaît pas le sentier,
l’œil du vautour ne l’a point aperçu.
8Les animaux sauvages ne l’ont point foulé,
le lion n’y a jamais passé.
9L’homme porte sa main sur le granit,
il ébranle les montagnes dans leurs racines.
10Il perce des galeries dans les rochers ;
rien de précieux n’échappe à son regard.
11Il sait arrêter le suintement des eaux,
il amène à la lumière tout ce qui était caché.

12Mais la Sagesse, où la trouver ?
Où est le lieu de l’Intelligence ?[111]
13L’homme n’en connaît pas le prix,
on ne la rencontre pas sur la terre des vivants.[112]
14L’abîme dit : « Elle n’est pas dans mon sein ; »
la mer dit : « Elle n’est pas avec moi. »
15Elle ne se donne pas[113] contre de l’or pur,
elle ne s’achète pas au poids de l’argent.
16On ne la met pas en balance avec de l’or d’Ophir,
avec l’onyx précieux et avec le saphir.
17L’or et le verre ne peuvent lui être comparés,
on ne l’échange pas pour un vase d’or fin.
18Qu’on ne fasse pas mention du corail et du cristal :
la possession de la sagesse vaut mieux que les perles.
19La topaze d’Éthiopie ne l’égale pas,
et l’or pur n’atteint pas sa valeur.

20D’où vient donc la sagesse ?
Où est le lieu de l’Intelligence ?
21Elle est cachée aux yeux de tous les vivants,
elle se dérobe aux oiseaux du ciel.
22L’enfer et la mort disent :
« Nous en avons entendu parler. »
23C’est Dieu qui connaît son chemin,
c’est lui qui sait où elle réside.
24Car il voit jusqu’aux extrémités de la terre,
il aperçoit tout ce qui est sous le ciel.
25Quand il réglait le poids des vents,
qu’il mettait les eaux dans la balance,
26quand il donnait des lois à la pluie,
qu’il traçait la route aux éclairs de la foudre,
27alors il l’a vue et l’a décrite,
il l’a établie et en a sondé les secrets.
28Puis il a dit à l’homme :
La crainte du Seigneur, voilà la sagesse ;
fuir le mal, voilà l’intelligence.

6. Chap. xxix, 1-xxxi, 40 : Dernier discours de Job.Job se rappelle les jours de son bonheur (xxix, 1-6), les honneurs dont il était entouré (xxix, 7-11, 21-25), mérités par sa bienfaisance (xxix, 12-17), sa confiance en l’avenir (xxix, 18-20). Et le voilà en proie à des hommes de rien (xxx, 1-15) ! Les jours d’affliction sont venus et Dieu est cruel envers lui (xxx, 16-23). Son malheur lui donne le droit de se plaindre (xxx, 24-31), car sa vie a été vertueuse : son respect de la jeune fille (xxxi, 1-4), son amour de la justice (xxxi, 5-8), son respect de la femme d’autrui (xxxi, 9-12), son souci du droit des serviteurs (xxxi, 13-15), sa pitié pour les malheureux (xxxi, 16-23), son horreur de l’avarice et de l’idolâtrie (xxxi, 24-28), son attitude vis-à-vis des ennemis (xxxi, 29, 30), sa charité (xxxi, 31, 32), sa sincérité au sujet de ses fautes (xxxi, 33, 34). De sa vie il est prêt à rendre compte devant Dieu (xxxi, 35-37). Petit appendice (xxxi, 38-40).

Job reprit encore son discours et dit :[114]

2Oh ! Qui me rendra les mois d’autrefois,
les jours où Dieu veillait à ma garde ;
3quand sa lampe brillait sur ma tête,
et que sa lumière me guidait dans les ténèbres !
4Tel que j’étais aux jours de mon âge mûr,[115]
quand Dieu me visitait familièrement dans ma tente,
5quand le Tout-Puissant était encore avec moi,
et que mes fils m’entouraient ;
6quand je lavais mes pieds dans le lait,
et que le rocher me versait des flots d’huile !

7Lorsque je sortais pour me rendre à la porte de la ville,
et que j’établissais mon siège sur la place publique,
8en me voyant, les jeunes gens se cachaient,
les vieillards se levaient et se tenaient debout.
9Les princes retenaient leurs paroles,
et mettaient leur main sur la bouche.
10La voix des chefs restait muette,
leur langue s’attachait à leur palais.
11L’oreille qui m’entendait me proclamait heureux,
l’œil qui me voyait me rendait témoignage.

12Car je sauvais le pauvre qui implorait du secours,
et l’orphelin dénué de tout appui.
13La bénédiction de celui qui allait périr venait sur moi,
je remplissais de joie le cœur de la veuve.
14Je me revêtais de la justice comme d’un vêtement,
mon équité était mon manteau et mon turban.
15J’étais l’œil de l’aveugle,
et le pied du boiteux.
16J’étais le père des pauvres,
j’examinais avec soin la cause de l’inconnu.
17Je brisais la mâchoire de l’injuste,
et j’arrachais sa proie d’entre les dents.
18Je disais : « Je mourrai dans mon nid,
j’aurai des jours nombreux comme le sable.[116]
19Mes racines s’étendent vers les eaux,
la rosée passe la nuit dans mon feuillage.
20Ma gloire reverdira sans cesse,
et mon arc reprendra sa vigueur dans ma main. »

21On m’écoutait et l’on attendait,
on recueillait en silence mon avis.
22Après que j’avais parlé, personne n’ajoutait rien ;
ma parole coulait sur eux comme la rosée.
23Ils m’attendaient comme on attend la pluie ;
ils ouvraient la bouche comme aux ondées du printemps.
24Si je leur souriais, ils ne pouvaient le croire ;
ils recueillaient[117] avidement ce signe de faveur.
25Quand j’allais vers eux, j’avais la première place,
je siégeais comme un roi entouré de sa troupe,
comme un consolateur au milieu des affligés.


Et maintenant, je suis la risée d’hommes plus jeunes que moi,
dont je n’aurais pas daigné mettre les pères
parmi les chiens de mon troupeau.[118]
2Qu’aurais-je fait de la force de leurs bras ?
Ils sont privés de toute vigueur.[119]
3Desséchés par la misère et la faim,
ils broutent le désert,
un sol depuis longtemps aride et désolé.
4Ils cueillent sur les buissons des bourgeons amers,
ils n’ont pour pain que la racine des genêts.
5On les écarte de la société des hommes,
on crie après eux comme après le voleur.
6Ils habitent dans d’affreuses vallées,
dans les cavernes de la terre et les rochers.
7On entend leurs cris sauvages parmi les broussailles,
ils se couchent ensemble sous les ronces :
8gens insensés, race sans nom,
bannis avec mépris de la terre habitée !

9Et maintenant je suis l’objet de leurs chansons,
je suis en butte à leurs propos.
10Ils ont horreur de moi, ils me fuient,
ils ne détournent pas leur crachat de mon visage.
11Ils se donnent libre carrière[120] pour m’outrager,
ils rejettent tout frein devant moi.
12Des misérables se lèvent à ma droite,
ils cherchent à ébranler mes pieds,
ils frayent jusqu’à moi leurs routes meurtrières.
13Ils ont bouleversé mes sentiers,
ils travaillent à ma ruine,
eux à qui personne ne porterait secours.
14Ils fondent sur moi, comme par une large brèche,
ils se précipitent parmi les décombres.
15Les terreurs m’assiègent,
ma prospérité est emportée comme un souffle,
mon bonheur a passé comme un nuage.

16Et maintenant, mon âme s’épanche en moi,
les jours d’affliction m’ont saisi.

17La nuit perce mes os,[121] les consume,
le mal qui me ronge ne dort pas.
18Par sa violence, mon vêtement a perdu sa forme,
il me serre comme une tunique.
19Dieu m’a jeté dans la fange,
je suis comme la poussière et la cendre.
20Je crie vers toi, et tu ne me réponds pas ;
je me tiens debout, et tu me regardes avec indifférence.
21Tu deviens cruel à mon égard,
tu m’attaques avec toute la force de ton bras.
22Tu m’enlèves, tu me fais voler au gré du vent,
et tu m’anéantis dans le fracas de la tempête.
23Car, je le sais, tu me mènes à la mort,
au rendez-vous de tous les vivants.

24Cependant celui qui va périr n’étendra-t-il pas les mains
et, dans sa détresse, ne poussera-t-il pas un cri ?
25N’avais-je pas des larmes pour l’infortuné ?
Mon cœur ne s’est-il pas attendri sur l’indigent ?
26J’attendais le bonheur, et le malheur est arrivé ;
j’espérais la lumière, et les ténèbres sont venues.
27Mes entrailles bouillonnent sans relâche,
les jours d’affliction ont fondu sur moi.
28Je marche dans le deuil, sans soleil ;[122]
si je me lève dans l’assemblée, c’est pour pousser des cris.
29Je suis devenu le frère des chacals,
le compagnon des filles de l’autruche.
30Ma peau livide tombe en lambeaux,
mes os sont brûlés par un feu intérieur.
31Ma cithare ne rend plus que des accords lugubres,
mon chalumeau que des sons plaintifs.


J’avais fait un pacte avec mes yeux,
et comment aurais-je arrêté mes regards sur une vierge. —[123]
2Quelle part, me disais-je, Dieu me réserverait-il d’en haut ?
Quel sort le Tout-Puissant me ferait-il de son ciel ?
3La ruine n’est-elle pas pour le méchant,
et le malheur pour les artisans d’iniquité ?
4Dieu ne connaît-il pas mes voies,
ne compte-t-il pas tous mes pas ?

5Si j’ai marché dans le sentier du mensonge,
si mon pied a couru après la fraude, —
6que Dieu me pèse dans de justes balances,
et il reconnaîtra mon innocence !

7Si mes pas se sont écartés du droit chemin,
si mon cœur a suivi mes yeux,
si quelque souillure s’est attachée à mes mains, —
8que je sème, et qu’un autre mange,
que mes rejetons soient déracinés !

9Si mon cœur a été séduit par une femme,
si j’ai fait le guet à la porte de mon prochain, —
10que ma femme tourne la meule pour un autre,
que des étrangers la déshonorent !
11Car c’est là un crime horrible,
un forfait que punissent les juges ;
12un feu qui dévore jusqu’à la ruine,
qui aurait détruit tous mes biens.
13Si j’ai méconnu le droit de mon serviteur ou de ma servante,
quand ils étaient en contestation avec moi : —

14Que faire, quand Dieu se lèvera ?
Au jour de sa visite, que lui répondrai-je ?
15Celui qui m’a fait dans le sein de ma mère ne l’a-t-il pas fait aussi ?
Un même Créateur ne nous a-t-il pas formés ?

16Si j’ai refusé aux pauvres ce qu’ils désiraient,
si j’ai fait languir les yeux de la veuve,
17si j’ai mangé seul mon morceau de pain,
sans que l’orphelin en ait eu sa part : —
18dès mon enfance il m’a gardé comme un père ;
dès ma naissance il a guidé mes pas.[124]

19Si j’ai vu le malheureux périr sans vêtements,
l’indigent manquer de couverture,
20sans que ses reins m’aient béni,
sans que la toison de mes agneaux l’ait réchauffé ;
21si j’ai levé la main contre l’orphelin,
parce que je me voyais un appui dans les juges,[125]
22que mon épaule se détache du tronc,
que mon bras soit arraché de l’humérus.
23Car je crains la vengeance de Dieu,
et devant sa majesté je ne puis subsister.

24Si j’ai mis dans l’or mon assurance,
si j’ai dit à l’or pur : « Tu es mon espoir ; »
25si je me suis réjoui de l’abondance de mes biens,
des trésors amassés par mes mains ;
26si, en voyant le soleil jeter ses feux,
et la lune s’avancer dans sa splendeur,
27mon cœur s’est laissé séduire en secret,
si ma main s’est portée à ma bouche,[126]
28c’est là encore un crime que punit le juge ;
j’aurais renié le Dieu très-haut.

29Si j’ai été joyeux de la ruine de mon ennemi,
si j’ai tressailli d’allégresse quand le malheur l’a frappé : —
30Non, je n’ai pas permis à ma langue de pécher,
en demandant sa mort avec imprécation !…

31Si les gens de ma tente ne disaient pas :
« Où trouver[127] quelqu’un qui ne soit pas rassasiés de sa table ? »
32si l’étranger passait la nuit en dehors,
si je n’ouvrais pas la porte au voyageur !…

33Si j’ai, comme font les hommes, déguisé mes fautes,
et renfermé mes iniquités dans mon sein,
34par peur de la grande assemblée,
par crainte du mépris des familles,
au point de me taire,[128] et de n’oser franchir le seuil de ma porte !…

35Oh ! Qui me fera trouver quelqu’un qui m’écoute ?
Voilà ma signature : que le Tout-Puissant me réponde !
Que mon adversaire écrive aussi sa cédule ![129]

36On verra si je ne la mets pas sur mon épaule,
si je n’en ceins pas mon front comme d’un diadème !
37Je rendrai compte à mon juge de tous mes pas,
je m’approcherai de lui comme un prince.

38Si ma terre crie contre moi,
si j’ai fait pleurer ses sillons ;[130]
39si j’ai mangé ses produits sans l’avoir payée,
si je l’ai arrachée à ses légitimes possesseurs,[131]
40qu’au lieu de froment il y naisse des épines,
et de l’ivraie au lieu d’orge !

Ici finissent les discours de Job.[132]


DEUXIÈME PARTIE.

[XXXII, 1 — XXXVI, 24]

DISCOURS D’ÉLIU.


1. Chap. xxxii, 1-xxxiii, 33 : Premier discours d’Éliu.Introduction (xxxii, 1-5), Éliu croyait à la sagesse des amis de Job, mais ils ne l’ont pas convaincu (xxxii, 6-14) ; à son tour, Éliu va verser au débat les paroles dont il est plein (xxxii, 15-22). Il invite Job à l’écouter sans crainte (xxxiii, 1-7). Job a eu tort de poser en innocent devant la majesté divine (xxxiii, 8-12). Il ne faut pas discuter avec Dieu, qui n’est pas obligé de répondre (xxxiii, 13, 14). S’il parle parfois par les songes (xxxiii, 15-18), il peut aussi parler par la maladie (xxxiii, 19-22). Qu’un ange intercesseur obtienne sa guérison (xxxiii, 23-25), et l’homme reconnaît que Dieu n’a pas proportionné le châtiment à sa faute (xxxiii, 26-30). Nouvel appel à l’attention de Job (xxxiii, 31-33).

Ces trois hommes cessèrent de répondre à Job, parce qu’il persistait à se regarder comme juste. 2Alors s’alluma la colère d’Éliu, fils de Barachel le Bouzite, de la famille de Ram. Sa colère s’alluma contre Job, parce qu’il se prétendait plus juste que Dieu. 3Elle s’alluma aussi contre ses trois amis, parce qu’ils n’avaient pas trouvé de bonnes réponse à lui faire et que néanmoins ils condamnaient Job.[133] 4Comme ils étaient plus âgés que lui, Eliu avait attendu pour parler à Job. 5Mais voyant qu’il n’y avait plus de réponse dans la bouche de ces trois hommes, il s’enflamma de colère.


6Alors Éliu, fils de Barachel le Bouzite, prit la parole et dit :[134]

Je suis jeune et vous êtes des vieillards ;
c’est pourquoi j’étais effrayé et je redoutais
de vous faire connaître mon sentiment.

7Je me disais : « Les jours parleront,
les nombreuses années révéleront la sagesse. »
8Mais c’est l’esprit mis dans l’homme,
le souffle du Tout-Puissant qui lui donne l’intelligence.
9Ce n’est pas l’âge qui donne la sagesse,
ce n’est pas la vieillesse qui discerne la justice.
10Voilà pourquoi je dis : « Écoutez-moi ;
je vais, moi aussi, exposer ma pensée. »

11J’ai attendu tant que vous parliez,
j’ai prêté l’oreille à vos raisonnements,
jusqu’à la fin de vos débats.
12Je vous ai suivis attentivement,
et nul n’a convaincu Job,
nul d’entre vous n’a réfuté ses paroles.
13Ne dites pas : « Nous avons trouvé la sagesse ;
c’est Dieu qui le frappe, et non pas l’homme. »
14Il n’a pas dirigé contre moi ses discours,
mais ce n’est pas avec vos paroles que je lui répondrai.

15Les voilà interdits ; ils ne répondent rien ;
la parole leur fait défaut.
16J’ai attendu qu’ils eussent fini de parler,
qu’ils restassent muets et sans réponse.[135]
17C’est à mon tour de parler à présent ;
je veux dire aussi ce que je pense.
18Car je suis plein de discours,
l’esprit qui est en moi m’oppresse.
19Mon cœur est comme un vin renfermé,
comme une outre remplie de vin nouveau qui va éclater.
20Que je parle donc, afin de respirer à l’aise,
que mes lèvres s’ouvrent pour répondre !
21Je ne veux faire acception de personne,
je ne flatterai qui que ce soit.[136]
22Car je ne sais pas flatter ;
autrement mon Créateur m’enlèverait sur-le-champ.[137]


Maintenant donc, Job, écoute mes paroles,
prête l’oreille à tous mes discours.
2Voilà que j’ouvre la bouche,
ma langue forme des mots dans mon palais,
3mes paroles partiront d’un cœur droit,
c’est la vérité pure qu’exprimeront mes lèvres.
4L’esprit de Dieu m’a créé,
le souffle du Tout-Puissant me donne la vie.
5Si tu le peux, réponds-moi ;
dispose tes arguments devant moi, tiens-toi ferme.
6Devant Dieu je suis ton égal,
comme toi j’ai été formé du limon.
7Ainsi ma crainte ne t’épouvantera pas,
et le poids de ma majesté[138] ne peut t’accabler.

8Oui, tu as dit à mes oreilles,
et j’ai bien entendu le son de tes paroles ;
9« Je suis pur, exempt de tout péché ;
je suis irréprochable, il n’y a point d’iniquité en moi.
10Et Dieu invente contre moi des motifs de haine,
il me traite comme son ennemi.

11Il a mis mes pieds dans les ceps,
il surveille tous mes pas. »
12Je te répondrai qu’en cela tu n’as pas été juste,
car Dieu est plus grand que l’homme.
13Pourquoi disputer contre lui,
parce qu’il ne rend compte de ses actes à personne ?
14Pourtant Dieu parle tantôt d’une manière,
tantôt d’une autre, et l’on n’y fait pas attention.

15Il parle par des songes, par des visions nocturnes,
quand un profond sommeil pèse sur les mortels,
quand ils dorment sur leur couche.
16À ce moment, il ouvre l’oreille des hommes,
et y scelle ses avertissements,
17afin de détourner l’homme de ses œuvres mauvaises,
et d’écarter de lui l’orgueil,
18afin de sauver son âme de la mort,
sa vie des atteintes du dard.[139]

19Par la douleur aussi l’homme est repris sur sa couche,
quand une lutte continue agite ses os.[140]
20Alors il prend en dégoût le pain,
et il a horreur des mets exquis,
21Sa chair s’évanouit aux regards,
ses os qu’on ne voyait pas sont mis à nu.
22Il s’approche de la fosse,
sa vie est en proie aux horreurs du trépas.
23Mais s’il trouve pour intercesseur,
un ange entre mille,
qui fasse connaître à l’homme son devoir,[141]
24Dieu a pitié de lui et dit à l’ange :
« Épargne-lui de descendre dans la fosse,
j’ai trouvé la rançon de sa vie. »[142]
25Sa chair alors a plus de fraîcheur[143] qu’au premier âge,
il revient aux jours de sa jeunesse.
26Il prie Dieu, et Dieu lui est propice ;
il contemple sa face avec allégresse,
et le Très-Haut lui rend son innocence.
27Il chante parmi les hommes,
il dit : « J’ai péché, j’ai violé la justice,
et Dieu ne m’a pas traité selon mes fautes.
28Il a épargné à mon âme de descendre dans la fosse,
et ma vie s’épanouit à la lumière ! »
29Voilà, Dieu fait tout cela,
deux fois, trois fois, pour l’homme,
30afin de le ramener de la mort,
de l’éclairer de la lumière des vivants.

31Sois attentif, Job, écoute-moi ;
garde le silence, que je parle.
32Si tu as quelque chose à dire, réponds-moi ;
parle, car je voudrais te trouver juste.
33Si tu n’as rien à dire, écoute-moi ;
fais silence, et je t’enseignerai la sagesse.

2. Chap. xxxiv, 1-37 : Deuxième discours d’Éliu.Appel à l’attention (xxxiv, 1-4). En accusant Dieu d’injustice, Job blasphème (xxxiv, 5-9), car celui-là n’est pas injuste qui a créé le monde physique et le gouverne (xxxiv, 10-15), qui préside en même temps au gouvernement du monde moral (xxxiv, 16-32). Job a mérité que son châtiment continue (xxxiv, 33-37).

Éliu reprit et dit :

2Sages, écoutez mes discours ;
hommes intelligents, prêtez-moi l’oreille.
3Car l’oreille juge les paroles,
comme le palais discerne les aliments.
4Tâchons de discerner ce qui est juste ;
cherchons entre nous ce qui est bon.

5Job a dit : « Je suis innocent,
et Dieu me refuse justice.
6Quand je soutiens mon droit, je passe pour menteur ;
ma plaie est douloureuse, sans que j’aie péché. »
7Y a-t-il un homme semblable à Job ?
Il boit le blasphème comme l’eau !
8Il s’associe aux artisans d’iniquité,
il marche avec les hommes pervers.
9Car il a dit : « Il ne sert de rien à l’homme
de chercher la faveur de Dieu. »

10Écoutez-moi donc, hommes sensés :
Loin de Dieu l’iniquité !
Loin du Tout-Puissant l’injustice !
11Il rend à l’homme selon ses œuvres,
il rétribue chacun selon ses voies.
12Non, certes, Dieu ne commet pas l’iniquité,
le Tout-Puissant ne viole pas la justice.
13Qui lui a remis le gouvernement de la terre ?
Qui lui a confié l’univers ?
14S’il ne pensait qu’à lui-même,
s’il retirait à lui son esprit et son souffle,
15toute chair expirerait à l’instant,
et l’homme retournerait à la poussière.

16Si tu as de l’intelligence, écoute ceci ;
prête l’oreille au son de mes paroles :
17Un ennemi de la justice aurait-il le suprême pouvoir ?
Oses-tu condamner le Juste, le Puissant,
18qui dit à un roi : « Vaurien ! »
aux princes : « Pervers ! »
19qui ne fait point acception de la personne des grands,
qui ne regarde pas le riche plus que le pauvre,
parce que tous sont l’ouvrage de ses mains ?
20En un instant ils périssent, au milieu de la nuit,
les peuples chancellent et disparaissent ;
le puissant est emporté sans main d’homme.
21Car les yeux de Dieu sont ouverts sur les voies de l’homme,
il voit distinctement tous ses pas.
22Il n’y a ni ténèbres ni ombre de la mort,
où puissent se cacher ceux qui commettent l’iniquité.
23Il n’a pas besoin de regarder un homme deux fois,[144]
pour l’amener au jugement avec lui.
24Il brise les puissants sans enquête,
et il en met d’autres à leur place.

25Il connaît donc leurs œuvres ;
il les renverse de nuit, et ils sont écrasés.
26Il les frappe comme des impies,
en un lieu où on les regarde,
27parce qu’en se détournant de lui,
en refusant de connaître toutes ses voies,
28ils ont fait monter vers lui le cri du pauvre,
ils l’ont rendu attentif au cri des malheureux.
29S’il accorde la paix, qui le trouvera mauvais ;
s’il cache son visage, qui pourra le contempler,
qu’il soit peuple ou homme celui qu’il traite ainsi,
30pour mettre fin au règne de l’impie,
pour qu’il ne soit plus un piège pour le peuple ?[145]
31Or avait-il dit à Dieu :
« J’ai été châtié, je ne pécherai plus ;
32montre-moi ce que j’ignore ;
si j’ai commis l’iniquité, je ne le ferai plus ? »

33Est-ce d’après ton avis que Dieu doit rendre la justice
de sorte que tu puisses rejeter son jugement ?
Choisis à ton gré, et non pas moi ;
ce que tu sais, expose-le.
34Les gens sensés me diront,
ainsi que l’homme sage qui m’écoute :
35« Job a parlé sans intelligence,
et ses discours sont dépourvus de sagesse.
36Eh bien, que Job[146] soit éprouvé jusqu’au bout,
puisque ses réponses sont celles d’un impie !
37Car à l’offense il ajoute la révolte ;
il bat des mains au milieu de nous,
il multiplie ses propos contre Dieu. »

3. Chap. xxxv, 1-16 : Troisième discours d’Éliu.Si son innocence n’est pas récompensée (xxxv, 1-4), Job ne doit pas oublier qu’elle ne lui crée aucun droit strict devant Dieu (xxxv, 5-8). Dieu n’exauce pas ses prières, parce qu’elles manquent d’humilité (xxxv, 9-13). Que Job attende avec patience (xxxv, 14-16).

Éliu prit de nouveau la parole et dit :

2Crois-tu que ce soit de la justice,
de dire : « J’ai raison contre Dieu ? »[147]
3Car tu as dit : « Que me sert mon innocence,
qu’ai-je de plus que si j’avais péché ? »
4Moi, je vais te répondre,
et à tes amis en même temps.

5Considère les cieux et regarde ;
vois les nuées : elles sont plus hautes que toi !…
6Si tu pèches, quel tort lui causes-tu ?
Si tes offenses se multiplient, que lui fais-tu ?
7Si tu es juste, que lui donnes-tu ?
Que reçoit-il de ta main ?
8Ton iniquité ne peut nuire qu’à tes semblables,
ta justice n’est utile qu’au fils de l’homme.

9Des malheureux gémissent sous la violence des vexations,
et crient sous la main des puissants.
10Mais nul ne dit : « Où est Dieu, mon Créateur,
qui donne à la nuit des chants de joie,
11qui nous a faits plus intelligents que les animaux de la terre, plus sages que les oiseaux du ciel. »[148]
12Ils crient alors, sans être exaucés,
sous l’orgueilleuse tyrannie des méchants.
13Dieu n’exauce pas les discours insensés,
le Tout-Puissant ne les regarde pas.
14Quand tu lui dis : « Tu ne vois pas ce qui se passe, »
ta cause est devant lui ; attends son jugement.
15Mais, parce que sa colère ne sévit pas encore,
et qu’il semble ignorer sa folie,
16Job prête sa bouche à de vaines paroles,
et se répand en discours insensés.

4. Chap. xxxvi, 1-xxxvii, 24 : Quatrième discours d’Éliu.D’une façon précise, il annonce qu’il va prouver la justice de Dieu (xxxvi, 1-4). Dieu traite le juste et le méchant selon leurs œuvres (xxxvi, 5-7). L’épreuve peut servir à révéler leurs dispositions et à régler leur sort (xxxvi, 8-14). Que Job en tienne compte pour sa conduite (xxxvi, 15-21) ! D’autre part, Dieu est tout puissant (xxxvi, 22-26), comme le prouve en particulier le phénomène de l’orage (xxxvi, 27-xxxvii, 13). Que Job s’humilie devant lui (xxxvii, 14-24).

Éliu reprit encore une fois et dit :

2Attends un peu, et je t’instruirai,
car j’ai des paroles encore pour la cause de Dieu ;
3je prendrai mes raisons de haut,
et je montrerai la justice de mon Créateur.
4Sois-en sûr, mes discours sont exempts de mensonge ;
devant toi est un homme sincère en ses jugements.

5Voici que Dieu est puissant, mais il ne dédaigne personne ;
il est puissant par la force de son intelligence.[149]
6Il ne laisse pas vivre le méchant,
et il fait justice aux malheureux.
7Il ne détourne pas ses yeux des justes ;
il les fait asseoir[150] sur le trône avec les rois,
il les établit pour toujours, et ils sont exaltés.
8Viennent-ils à tomber dans les fers,
sont-ils pris dans les liens du malheur,
9il leur dénonce leurs œuvres,
leurs fautes causées par l’orgueil.
10Il ouvre leur oreille à la réprimande,
il les exhorte à se détourner du mal.
11S’ils écoutent et se soumettent,
ils achèvent leurs jours dans le bonheur,
et leurs années dans les délices.
12Mais s’ils n’écoutent pas, ils périssent par le glaive,
ils meurent dans leur aveuglement.
13Les cœurs impies se livrent à la colère,
ils ne crient pas vers Dieu quand il les met dans les chaînes.[151]
14Aussi meurent-ils dans leur jeunesse,
et leur vie se flétrit comme celle des infâmes.

15Mais Dieu sauve le malheureux dans sa misère,
il l’instruit par la souffrance.

16Toi aussi, il te retirera de la détresse,
pour te mettre au large, en pleine liberté,
et ta table sera dressée et chargée de mets succulents.
17Mais si tu combles la mesure de l’impie,
tu en porteras la sentence et la peine.[152]
18Crains que Dieu irrité ne t’inflige un châtiment,
et que tes riches offrandes ne t’égarent.
19Tes cris te tireront-ils de la détresse,
et même toutes les ressources de la force ?
20Ne soupire pas après la nuit,
durant laquelle[153] les peuples sont anéantis sur place.
21Prends garde de te tourner vers l’iniquité,
car tu la préfères à l’affliction.

22Vois : Dieu est sublime dans sa puissance !
Quel maître est semblable à lui ?
23Qui lui trace la voie qu’il doit suivre ?
Qui peut lui dire : « Tu as mal fait ? »
24Songe plutôt à glorifier ses œuvres,
que les hommes célèbrent dans leurs chants.
25Tout homme les admire,
le mortel les contemple de loin.
26Dieu est grand au-dessus de toute science,
le nombre de ses années est impénétrable.

27Il attire les gouttes d’eau,
qui se répandent en pluie sous leur poids.
28Les nuées la laissent couler,
et tomber sur la masse des hommes.[154]
29Qui comprendra l’expansion des nuages,
et le fracas de la tente du Très-Haut ?
30Tantôt il étend autour de lui sa lumière,
tantôt il se cache comme au fond de la mer.
31C’est ainsi qu’il exerce sa justice sur les peuples,
et qu’il donne la nourriture avec abondance.
32Il prend la lumière dans ses mains,
et lui marque le but à atteindre.[155]
33Son tonnerre l’annonce,
l’effroi des troupeaux annonce son approche.


À ce spectacle, mon cœur est tout tremblant,
il bondit hors de sa place.
2Écoutez, écoutez le fracas de sa voix,
le grondement qui sort de sa bouche !
3Il lui donne libre carrière sous l’immensité des cieux,
et son éclair brille jusqu’aux extrémités de la terre.
4Puis éclate un rugissement,
il tonne de sa voix majestueuse ;
il ne retient plus les éclairs, quand on entend sa voix ;
5Dieu tonne de sa voix, d’une manière merveilleuse.
Il fait de grandes choses que nous ne comprenons pas.

6Il dit à la neige : « Tombe sur la terre ; »
il commande aux ondées et aux pluies torrentielles.

7Il met un sceau sur la main de tous les hommes,[156]
afin que tout mortel reconnaisse son Créateur.
8Alors l’animal sauvage rentre dans son repaire,
et demeure dans sa tanière.
9L’ouragan sort de ses retraites cachées,
l’aquilon[157] amène les frimas.
10Au souffle de Dieu se forme la glace,
et la masse des eaux est emprisonnée.
11Il charge de vapeurs les nuages,
il disperse ses nuées lumineuses.[158]
12On les voit, selon ses décrets, errer en tous sens,
pour exécuter tout ce qu’il leur commande,
sur la face de la terre habitée.
13C’est tantôt pour le châtiment[159] de sa terre,
et tantôt en signe de faveur qu’il les envoie.

14Job, sois attentif à ces choses ;
arrête-toi, et considère les merveilles de Dieu.
15Sais-tu comment il les opère,
et fait briller l’éclair dans la nue ?
16Comprends-tu le balancement des nuages,
les merveilles de celui dont la science est parfaite,[160]
17toi dont les vêtements sont chauds,
quand la terre se repose au souffle du midi ?
18Peux-tu, comme lui, étendre les nuées,
et les rendre solides comme un miroir d’airain ?
19Fais-nous connaître ce que nous devons lui dire :
nous ne saurions lui parler, ignorants que nous sommes.
20Ah ! qu’on ne lui rapporte pas mes discours !
Un homme a-t-il jamais dit qu’il désirait sa perte ?[161]
21On ne peut voir maintenant la lumière du soleil,
qui luit derrière les nuages ;
qu’un vent passe, il les dissipe.
22L’or vient du septentrion ;[162]
mais Dieu, que sa majesté est redoutable !
23Le Tout-Puissant, nous ne pouvons l’atteindre :
il est grand en force, et en droit, et en justice,
il ne répond à personne ![163]
24Que les hommes donc le révèrent !
Il ne regarde pas ceux qui se croient sages.


TROISIÈME PARTIE.

[XXXVIII, 1 — XLII, 6.]

DISCOURS DE DIEU.


1. Chap. xxxviii, 1-xxxix, 30 : Premier discours. — Que Job réponde à Dieu (xxxviii, 1-3) : Quelle part a-t-il dans les merveilles du monde physique : création de la terre et de la mer (xxxviii, 4-11), aurore (xxxviii, 12-15), limites du monde (xxxviii, 16-18), séjour de la lumière et des ténèbres, de la neige et de la grêle (xxxviii, 19-24), origine de la pluie et de la rosée (xxxviii, 25-30), constellations et orages (xxxviii, 31-38). Quelle part a-t-il dans les merveilles du monde animal : nourriture du lion et du corbeau (xxxviii, 39-41), enfantement des chèvres sauvages (xxxix, 1-4), liberté de l’onagre (xxxix, 5-8) et du buffle (xxxix (9-12), vol et tempérament de l’autruche (xxxix, 13-18), agilité et ardeur guerrière du cheval (xxxix, 19-25), séjour de l’épervier et de l’aigle (xxxix, 26-30).

Alors Yahweh répondit à Job du sein de la tempête, et dit :[164]

2Quel est celui qui obscurcit ainsi le plan divin,
par des discours sans intelligence ?
3Ceins tes reins, comme un homme :
je vais t’interroger, et tu m’instruiras.

4Où étais-tu quand je posais les fondements de la terre ?
Dis-le, si tu as l’intelligence.
5Qui en a fixé les dimensions ? Le sais-tu ?
Qui a tendu sur elle le cordeau ?
6Sur quoi ses bases reposent-elles,
ou qui en a posé la pierre angulaire,
7quand les astres[165] du matin chantaient en chœur,
et que tous les fils de Dieu poussaient des cris d’allégresse ?

8Qui a fermé la mer avec des portes,
lorsqu’elle sortit impétueuse du sein maternel ;
9quand je lui donnai les nuages pour vêtements,
et pour langes d’épais brouillards ;
10quand je lui imposai ma loi,
que je lui mis des portes et des verrous,
11et que je lui dis : « Tu viendras jusqu’ici, non au delà ;
ici s’arrêtera[166] l’orgueil de tes flots » ?

12As-tu, depuis que tu existes, commandé au matin ?
As-tu indiqué sa place à l’aurore,
13pour qu’elle saisisse les extrémités de la terre
et qu’elle en secoue les méchants ;
14pour que la terre prenne forme, comme l’argile sous le cachet,
et qu’elle se montre parée comme d’un vêtement ;
15pour que les malfaiteurs soient privés de leur lumière,
et que le bras levé pour le crime soit brisé ?

16Es-tu descendu jusqu’aux sources de la mer,
t’es-tu promené dans les profondeurs de l’abîme ?
17Les portes de la mort se sont-elles ouvertes devant toi,
as-tu vu les portes du sombre séjour ?
18As-tu embrassé l’étendue de la terre ?
Parle, si tu sais toutes ces choses.

19Où est le chemin qui conduit au séjour de la lumière,
et où se trouve la demeure des ténèbres ?
20Tu pourrais les saisir en leur domaine,
tu connais les sentiers de leur séjour !…
21Tu le sais sans doute, puisque tu étais né avant elles ;[167]
le nombre de tes jours est si grand !…

22Es-tu entré dans les trésors de la neige ?
As-tu vu les réservoirs de la grêle,
23que je tiens prêts pour le temps de la détresse,
pour les jours de la guerre et du combat ?
24Par quelle voie la lumière se divise-t-elle,
et le vent d’orient se répand-il sur la terre ?

25Qui a ouvert des canaux aux ondées,
et tracé une route aux feux du tonnerre,
26afin que la pluie tombe sur une terre inhabitée,
sur le désert où il n’y a point d’hommes ;
27pour qu’elle arrose la plaine vaste et vide,
et y fasse germer l’herbe verte !

28La pluie a-t-elle un père ?
Qui engendre les gouttes de la rosée ?
29De quel sein sort la glace ?
Et le givre du ciel, qui l’enfante,
30pour que les eaux durcissent comme la pierre,
et que la surface de l’abîme se solidifie ?

31Est-ce toi qui serres les liens des Pléiades,
ou pourrais-tu relâcher les chaînes d’Orion ?[168]
32Est-ce toi qui fais lever les constellations[169] en leur temps,
qui conduis l’Ourse avec ses petits ?
33Connais-tu les lois du ciel,
règles-tu ses influences sur la terre ?

34Élèves-tu ta voix jusque dans les nues,
pour que des torrents d’eau tombent sur toi ?
35Est-ce toi qui lâches les éclairs pour qu’ils partent,
et te disent-ils : « Nous voici ! »
36Qui a mis la sagesse dans les nuées,
ou qui a donné l’intelligence aux météores ?[170]
37Qui peut exactement compter les nuées,
incliner les urnes du ciel,
38pour que la poussière se forme en masse solide
et que les glèbes adhèrent ensemble ?

39Est-ce toi qui chasses pour la lionne sa proie,
qui rassasies la faim des lionceaux,
40quand ils sont couchés dans leur tanière,
qu’ils se tiennent en embuscade dans le taillis ?

41Qui prépare au corbeau sa pâture,
quand ses petits crient vers Dieu,
qu’ils errent çà et là, sans nourriture ?


Connais-tu le temps où les chèvres sauvages font leurs petits ?
As-tu observé les biches quand elles mettent bas ?
2As-tu compté les mois de leur portée
, et connais-tu l’époque de leur délivrance ?
3Elles se mettent à genoux, déposent leurs petits,
et sont quittes de leurs douleurs.
4Leurs faons se fortifient et grandissent dans les champs ;
ils s’en vont, et ne reviennent plus.

5Qui a lâché l’onagre en liberté,
qui a brisé les liens de l’âne sauvage,
6à qui j’ai donné le désert pour maison,
pour demeure la plaine salée ?
7Il méprise le tumulte des villes,
il n’entend pas les cris d’un maître.
8Il parcourt les montagnes pour trouver sa pâture,
il y poursuit les moindres traces de verdure.

9Le buffle voudra-t-il te servir,
ou bien passera-t-il la nuit dans son étable ?
10L’attacheras-tu avec une corde au sillon,
ou bien hersera-t-il derrière toi dans les vallées ?
11Te fieras-tu à lui parce qu’il est très fort,
lui laisseras-tu faire tes travaux ?
12Compteras-tu sur lui pour rentrer ta moisson,
pour recueillir le blé dans ton aire ?

13L’aile de l’autruche bat joyeusement ;
elle n’a ni l’aile pieuse ni le plumage de la cigogne.[171]
14Elle abandonne ses œufs à la terre,
et les laisse chauffer sur le sable.
15Elle oublie que le pied peut les fouler,
la bête des champs les écraser.
16Elle est dure pour ses petits, comme s’ils n’étaient pas siens ;
que son travail soit vain, elle ne s’en inquiète pas.
17Car Dieu lui a refusé la sagesse,
et ne lui a pas départi l’intelligence.
18Mais quand elle se bat les flancs et prend son essor,
elle se rit du cheval et du cavalier.

19Est-ce toi qui donnes au cheval la vigueur,
qui revêts son cou d’une crinière flottante,
20qui le fais bondir comme la sauterelle ?
Son fier hennissement répand la terreur.
21Il creuse du pied la terre, il est fier de sa force,
il s’élance au-devant du combat.
22Il se rit de la peur ; rien ne l’effraie ;
il ne recule pas devant l’épée.
23Sur lui résonne le carquois,
la lance étincelante et le javelot.
24Il frémit, il s’agite, il dévore le sol ;
il ne se contient plus quand la trompette sonne.
25Au bruit de la trompette, il dit : « Allons ! »
De loin il flaire la bataille,
la voix tonnante des chefs et les cris des guerriers.

26Est-ce par ta sagesse que l’épervier prend son vol
et déploie ses ailes vers le midi ?
27Est-ce à ton ordre que l’aigle s’élève,
et fait son nid sur les hauteurs ?
28Il habite les rochers, il fixe sa demeure
dans les dents de la pierre, sur les sommets.
29De là, il guette sa proie,
son regard perce au loin.
30Ses petits s’abreuvent de sang ;
partout où il y a des cadavres, on le trouve.

2. Chap, xl, 1-5 : Humble réponse de Job.

Yahweh s’adressant à Job, dit :[172]

2Le censeur du Tout-Puissant veut-il encore plaider contre lui ?
Celui qui dispute avec Dieu peut-il répondre ?

3Job répondit à Yahweh, en disant :

4Chétif que je suis, que te répondrai-je ?
Je mets la main sur ma bouche.
5J’ai parlé une fois, je ne répliquerai pas ;
deux fois, je n’ajouterai rien.[173]

3. Chap, xl, 6-xli, 25 : Deuxième discours de Dieu.Introduction : que, paré de grandeur, Job fasse ses preuves (xl, 6-14). Béhémoth (xl, 15-24). Léviathan (xl, 25-xli, 26).

6Yahweh parla encore à Job du sein de la tempête et dit :

7Ceins tes reins, comme un homme ;
Je vais t’interroger, et tu m’instruiras.
8Veux-tu donc anéantir ma justice,
me condamner afin d’avoir droit ?
9As-tu un bras comme celui de Dieu,
et tonnes-tu de la voix comme lui ?
10Pare-toi de grandeur et de magnificence,
revêts-toi de gloire et de majesté ;
11épanche les flots de ta colère,
d’un regard abaisse tout superbe.
12D’un regard fais plier tout superbe,
écrase sur place les méchants ;
13cache-les tous ensemble dans la poussière,
enferme leur visage dans les ténèbres.
14Alors, moi aussi, je te rendrai l’hommage,
que ta droite peut te sauver.

15Vois Béhémoth, que j’ai créé comme toi :
il se nourrit d’herbe, comme le bœuf.
16Vois donc, sa force est dans ses reins,
et sa vigueur dans les muscles de ses flancs !
17Il dresse sa queue comme un cèdre ;
les nerfs de ses cuisses forment un solide faisceau.
18Ses os sont des tubes d’airain,
ses côtes sont des barres de fer.
19C’est le chef-d’œuvre de Dieu ;
son Créateur l’a pourvu d’un glaive.[174]
20Les montagnes produisent pour lui du fourrage,
autour de lui[175] se jouent toutes les bêtes des champs.


21Il se couche sous les lotus,
dans le secret des roseaux et des marécages.
22Les lotus le couvrent de leur ombre,
les saules du torrent l’environnent.
23Que le fleuve déborde, il ne craint pas ;
il serait calme, si le Jourdain montait[176] à sa gueule.
24Est-ce en face qu’on pourra le saisir,
avec des filets, et lui percer les narines ?

25Tireras-tu Léviathan avec un hameçon,
et lui serreras-tu la langue avec une corde ?
26Lui passeras-tu un jonc dans les narines,
et lui perceras-tu la mâchoire avec un anneau ?[177]
27T’adressera-t-il d’ardentes prières,
te dira-t-il de douces paroles ?
28Fera-t-il une alliance avec toi,
le prendras-tu toujours à ton service ?
29Joueras-tu avec lui comme avec un passereau,
l’attacheras-tu pour amuser tes filles ?
30Les pêcheurs associés en font-ils le commerce,
le partagent-ils entre les marchands ?[178]
31Cribleras-tu sa peau de dards,
perceras-tu sa tête du harpon ?
32Essaie de mettre la main sur lui :
souviens-toi du combat, et tu n’y reviendras plus.


Voici que le chasseur est trompé dans son attente ;
la vue du monstre suffit à le terrasser.[179]
2Nul n’est assez hardi pour provoquer Léviathan :
qui donc oserait me résister en face ?
3Qui m’a obligé, pour que j’aie à lui rendre ?
Tout ce qui est sous le ciel est à moi.

4Je ne veux pas taire ses membres,
sa force, l’harmonie de sa structure.
5Qui jamais a soulevé le bord de sa cuirasse ?
Qui a franchi la double ligne de son râtelier ?
6Qui a ouvert les portes de sa gueule ?
Autour de ses dents habite la terreur.
7Superbes sont les lignes de ses écailles,
comme des sceaux étroitement serrés.
8Chacune touche sa voisine ;
un souffle ne passerait pas entre elles.
9Elles adhèrent l’une à l’autre,
elles sont jointes et ne sauraient se séparer.
10Ses éternuements font jaillir la lumière,
ses yeux sont comme les paupières de l’aurore.
11Des flammes jaillissent de sa gueule,
il s’en échappe des étincelles de feu.
12Une fumée sort de ses narines,
comme d’une chaudière ardente et bouillante.
13Son souffle allume les charbons,
de sa bouche s’élance la flamme.
14Dans son cou réside la force,
devant lui bondit l’épouvante.
15Les muscles de sa chair tiennent ensemble ;
fondus sur lui, inébranlables.
16Son cœur est dur comme la pierre,
dur comme la meule inférieure.

17Quand il se lève, les plus braves ont peur,
l’épouvante les fait défaillir.
18Qu’on l’attaque avec l’épée, l’épée ne résiste pas,
ni la lance, ni le javelot, ni la flèche.
19Il tient le fer pour de la paille,
l’airain comme un bois vermoulu.
20La fille de l’arc ne le fait pas fuir,
les pierres de la fronde sont pour lui un fétu ;
21la massue, un brin de chaume ;
il se rit du fracas des piques.
22Sous son ventre sont des tessons aigus :
on dirait une herse qu’il étend sur le limon.
23Il fait bouillonner l’abîme comme une chaudière,
il fait de la mer un vase de parfums.
24Il laisse après lui un sillage de lumière,
on dirait que l’abîme a des cheveux blancs.
25Il n’a pas son égal sur la terre,
il a été créé pour ne rien craindre.
26Il regarde en face tout ce qui est élevé,
il est le roi des plus fiers animaux.

4. Chap. xlii, 1-6 : Réponse de Job.

Job répondit à Yahweh et dit :

2Je sais que tu peux tout,
et que pour toi aucun dessein n’est trop difficile.

3« Quel est celui qui obscurcit le plan divin, sans savoir ? »
Oui, j’ai parlé sans intelligence
de merveilles qui me dépassent et que j’ignore.[180]


4« Écoute-moi, je vais parler ;
je t’interrogerai, réponds-moi. »[181]

5Mon oreille avait entendu parler de toi ;
mais maintenant mon œil t’a vu.
6C’est pourquoi je me condamne et me repens,
sur la poussière et sur la cendre.


ÉPILOGUE EN PROSE.

[XLII, 7-17]

Yawheh blâme les amis de Job, leur départ (xlii, 7-9). Job rétabli dans son état premier : visites de ses amis (xlii, 10-11), bénédiction de toutes sortes (xlii, 7-9)

7Après que Yahweh eut adressé ces paroles à Job, il dit à Éliphaz de Théman : « Ma colère est allumée contre toi et contre tes deux amis, parce que vous n’avez pas parlé de moi[182] selon la vérité, comme l’a fait mon serviteur Job. 8Maintenant, prenez sept jeunes taureaux et sept béliers ; puis venez trouver mon serviteur Job, et offrez pour vous un holocauste. Job, mon serviteur, priera pour vous, et c’est par égard pour lui que je ne vous traiterai point selon votre folie ; car vous n’avez pas parlé de moi selon la vérité, comme l’a fait mon serviteur Job. »

9Éliphaz de Théman, Baldad de Suhé et Sophar de Naaman allèrent donc et firent comme Yahweh leur avait dit ; et Yahweh eut égard à la prière de Job.

10Yahweh rétablit Job dans son premier état, pendant que Job intercédait pour ses amis, et Yahweh rendit à Job le double de tous ses biens. 11Ses frères, ses sœurs et ses anciens amis vinrent tous le visiter et mangèrent avec lui dans sa maison. Ils le plaignirent et le consolèrent de tous les malheurs que Yahweh avait fait venir sur lui ; et ils lui firent don chacun d’une késita et d’un anneau d’or.[183]

12Et Yahweh bénit les derniers temps de Job plus encore que les premiers, et il posséda quatorze mille brebis, six mille chameaux, mille paires de bœufs et mille ânesses. 13Il eut sept fils et trois filles ; 14il nomma la première Jémima, la deuxième Ketsia et la troisième Kéren-Hapouk.[184] 15On ne trouvait pas dans toute la terre d’aussi belles femmes que les filles de Job, et leur père leur donna une part d’héritage parmi leurs frères.

16Job vécut après cela cent quarante ans, et il vit ses fils et les fils de ses fils jusqu’à la quatrième génération. 17Et Job mourut vieux et rassasié de jours.

  1. I, 1. Hus. On ne connaît pas avec précision la situation de ce pays, qui se trouvait dans le grand désert qui longe la Palestine du Nord au Sud, peut-être vers l’Idumée.
  2. 3. Et un très grand nombre de serviteurs. LXX ajoutent : et il avait de grandes œuvres (?) sur la terre. — Fils de l’Orient, habitants du grand désert syro-arabique.
  3. 5. Les purifiait (litt. les sanctifiait), par les ablutions ordinaires, préparatoires au sacrifice. Job, comme chef de famille, remplissait les fonctions sacerdotales. — Offensé Dieu, litt béni. De l’idée de bénir est venu le sens dérivé valedicere, dire adieu, laisser là, renvoyer, renier. — Un holocauste pour chacun d’eux, m. à m. des holocaustes selon leur nombre. Les LXX ajoutent : et un veau pour le péché, pour leurs âmes.
  4. 6. Devant, litt. au-dessus : les anges sont conçus comme des serviteurs qui se tiennent debout devant leur maître étendu sur un divan. — Satan, litt. l’Adversaire.
  5. 21. À été ; la Vulg. ajoute, comme il a plu au Seigneur, ainsi il est arrivé ; ces mots se trouvent dans plusieurs manuscrits des LXX.
  6. 22. Ne pécha point : la Vulg. ajoute, par ses lèvres (comp. ii, 10).
  7. II, 4. Peau pour peau, proverbe dont le sens est indiqué par le contexte : Pourvu qu’il conserve la vie, l’homme supporte sans trop de peine la perte de tous les autres biens.
  8. 7. Lèpre maligne, à laquelle on a donné le nom d’éléphantiasis. Au lieu de lèpre, il y a dans la Vulg., ulcère ou pustule : c’est le sens propre de l’hébreu, et la maladie commence en effet par l’éruption de pustules.
  9. 8. Sur la cendre. LXX, sur le fumier hors de la ville ; Vulg., sur le fumier. « À l’entrée de tous les villages du Hauran, il y a un endroit où l’on dépose les immondices enlevées des étables… On les brûle de temps en temps, et les cendres restent là entassées et s’y accumulent pendant des siècles, formant un monceau d’une hauteur considérable qu’on appelle mezbélé… Le malheureux qui, frappé d’une maladie repoussante, n’est plus supporté dans l’intérieur du village, s’y retire pour demander l’aumône aux passants et se coucher, la nuit, dans les cendres échauffées par le soleil. » Wetzstein. On a donc pu dire indifféremment que Job était assis sur la cendre ou sur le fumier.
  10. 9. Maudis, ou renie, laisse là. Pour ce vers., les LXX portent : Au bout de beaucoup de temps, sa femme lui dit : « Jusques à quand patienteras-tu en disant : Voici que je persévère encore un peu de temps, attendant l’espoir de mon salut ? Voici que ton souvenir est effacé de la terre, savoir, tes fils et tes filles, douleurs et labeurs de mon sein, pour lesquels j’ai en vain souffert et peiné. Pour toi, te voilà assis dans la pourriture des vers, passant la nuit dehors ; et moi j’erre, à la façon d’une servante, de lieu en lieu, de maison en maison, attendant que le soleil se couche, afin que je me repose des chagrins et des douleurs qui m’accablent. Dis une parole contre le Seigneur et meurs. »
  11. 11. Eliphaz, etc., personnages et pays iduméens.
  12. III, 4. Dieu. Dans le poème, on emploie souvent la forme rare du sing. (Eloah), au lieu de la forme usuelle du pluriel (Elohîm).
  13. 5. L’ombre de la mort, une obscurité profonde, telle que celle du schéol (Gen. xxxvii, 35), séjour des morts. — Que l’éclipse, etc. LXX et Vulg. (lisant ki meriré en deux mots), qu’il soit enveloppé d’amertume.
  14. 8. Qui maudissent les jours : magiciens ou enchanteurs auxquels la croyance populaire supposait le pouvoir de rendre certains jours néfastes. — Léviathan : Ici, le Dragon céleste (constellation), toujours prêt, selon les mythologies orientales, à s’élancer pour dévorer le soleil et la lune, ce qui amenait des éclipses.
  15. 9. Les paupières (Vulg., le lever) de l’aurore, ses premiers rayons.
  16. 14. Des mausolées, hébr. charaboth, Vulg. des solitudes : il s’agit probablement des monuments taillés dans le roc pour la sépulture des grands personnages, en Égypte ou en Arabie.
  17. 24. Sont comme mon pain, font ma nourriture. Vulg., avant de manger, je soupire.
  18. 26. Vulg. N’ai-je point gardé la réserve, le silence, le calme ? Et cependant l’indignation (de Dieu) ? est venue sur moi.
  19. IV, 10. sv. Sa voix tonnante, litt. la voix du lion (hebr. schachal, le rugissant) ; Vulg., de la lionne. — Le lion adulte, hébr. laisch ; Vulg., le tigre. — Figures des méchants que Dieu finit par exterminer.
  20. 21. La corde de leur tente, le fil de leurs jours : le corps est comparé à une tente (II Pier. i, 14), l’âme à la corde qui soutient la tente.
  21. V, 3. Sa demeure, Vulg. sa beauté. Les LXX traduisent : mais aussitôt leur habitation a été dévorée.
  22. 5. L’homme altéré, ou bien le voleur, engloutit, etc. D’autres, la destruction convoite, litt., ouvre la bouche pour engloutir. Le Hir, d’un coup de filet ; il (l’homme affamé) absorbe ses richesses. Texte douteux.
  23. 6. Car le malheur, etc. Vulg., rien ici-bas n’arrive sans cause.
  24. VI, 4. Me transpercent, m. à m. sont avec moi.
  25. 6. Ce mets fade, c’est la vie misérable de Job. — Au jus d’une herbe insipide ; les Hébreux traduisent, au blanc de l’œuf. Vulg., à un aliment qui donne la mort.
  26. 7. C’est là mon pain, tout couvert de souillures. Texte douteux.
  27. 10. Dans les maux dont il m’accable. M. à m. dans les maux alors qu’il n’a pas pitié.
  28. 13. Le salut ; Vulg., mes amis intimes.
  29. 14. Eût-il même abandonné, etc. Ou bien : autrement ils (les amis) abandonnent, ou, il (le malheureux) abandonne la crainte du Tout-Puissant.
  30. 18. D’autres : Les caravanes se détournent de leur route pour venir à ce torrent, mais le trouvant à sec, elles s’enfoncent dans le désert et périssent.
  31. 21. Ainsi vous me manquez à cette heure, m. à m. car maintenant vous n’êtes pas (kethib ; qerey, vous êtes pour lui). Avec une légère correction, on aurait ; Tels maintenant vous êtes pour moi.
  32. 26. Le Hir : … des mots, des paroles en l’air d’un désespéré. Dans le dernier membre, la Vulg. et les autres versions anciennes ont lu naschah, proférer, au lieu de noasch ; d’où ce sens : et vous proférez des paroles en l’air.
  33. 27. D’autres : Vous joueriez au sort sur un orphelin, et vous vendriez un ami.
  34. 30. Mon palais etc. Vulg., la folie ne parlera pas par ma bouche.
  35. VII, 1. Un temps de service, laborieux et pénible, où l’homme est engagé et, pour ainsi dire, enrôlé, comme un soldat. L’idée est celle de labeur pendant un temps déterminé, non celle de guerre ou de combat ; ce service fini, l’homme peut désirer le repos du tombeau. — LXX. une épreuve, ou un lieu d’épreuve, Vulg., un service militaire. Comp. I Tim. i, 18 ; II Tim. ii, 3 sv.
  36. 15. La mort violente, litt. la strangulation.
  37. 16. La vie m’échappe pour jamais. M. à m. Je ne vivrai pas à jamais.
  38. 19. Avaler ma salive c.-à-d. reprendre haleine.
  39. 20. À charge à moi-même : les LXX ont lu et traduit, à toi (alaik, au lieu de alaï) : pourquoi te suis-je insupportable ?
  40. VIII, 1. Le discours de Baldad repose sur le même principe que celui d’Éliphaz mais il garde moins de ménagement.
  41. 14. Toile de l’araignée, litt. maison de l’araignée.
  42. 16. Des manuscrits de la Vulgate lisent horto au lieu de ortu : ne serait-ce pas la leçon primitive ?
  43. 19. C’est là que sa joie se termine, m. à m. Voilà quelle est la joie de sa voie, peut-être le fruit joyeux de sa conduite.
  44. IX, 9. Les régions du ciel austral, m. à m. les chambres du midi, peut-être quelque constellation particulière.
  45. 13. Les légions de l’orgueil, m. à m. les auxiliaires de Rahab. Peut-être allusion poétique à quelque croyance populaire, touchant la lutte du Créateur avec des êtres d’opposition.
  46. 22. Il n’importe, m. à m. c’est tout un.
  47. 23. Il se rit, il semble se rire des épreuves de l’innocent, lorsqu’il les laisse se prolonger. « Dans tout le livre, dit S. Jérôme, il n’y a rien de plus hardi que ce verset » ; c’est l’explosion d’une indicible souffrance. D’autres : Si le fléau envoyé de Dieu (peste, guerre ou famine) tue subitement des populations entières, Dieu semble se rire des innocents, confondus avec les coupables dans le châtiment.
  48. 31. Dans la fange. Litt. dans la fosse.
  49. X, 20. Mes jours ne sont-ils pas bien courts ? Qu’il me laisse ! En lisant chéldi (ma vie) au lieu de yéchdal (qu’il me laisse), les LXX et le syriaque portent : Les jours de ma vie ne sont-ils pas bien courts ?
  50. XI, 1. Sophar, le plus jeune peut-être des trois amis de Job, reprend la thèse des deux premiers, mais son langage va jusqu’à la rudesse et à l’insulte.
  51. 12. D’autres : L’homme a l’intelligence d’un fou, il est né comme le petit de l’onagre. Ou encore : L’homme insensé deviendra intelligent, quand le poulain de l’onagre deviendra sensé.
  52. XII, 3. Les LXX n’ont pas les deux derniers stiques de ce vers. — Et qui ne sait les choses que vous dites ? M. à m. Et avec qui n’y a-t il pas comme ces choses ?
  53. 4. Les LXX n’ont pas les deux premiers stiques. 5. Vulg., c’est une lampe méprisée dans la pensée des riches, mais toute prête pour le temps marqué.
  54. 6. Et qui n’ont d’autre dieu que leur bras. M. à m. Et qui amènent Dieu dans leur bras. Peut-être : dont l’épée est le dieu.
  55. 10. Le souffle de tous les humains, m. à m. le souffle de toute choir d’homme.
  56. 23. Les LXX n’ont pas le premier stique. — Et il les resserre, litt. il les ramène.
  57. XIII, 1 sv. Ces deux versets se rattachent à ce qui précède et en sont la conclusion. Le second répète xii, 3.
  58. 4. Des charlatans, litt. des plâtreurs de mensonge.
  59. 9. Vous en saura-t-il gré, s’il sonde vos cœurs. D’autres : S’il sonde vos cœurs, vous en trouverez-vous bien ?
  60. 14. Porter ou mettre son âme dans sa main, c’est courir un danger de mort ou s’y exposer. Le premier membre a le même sens que le second : quoi qu’il arrive, j’ai pris ma chair entre les dents, je suis résolu à mourir, et j’ai mis, etc.
  61. 15. Que je n’aurais rien à espérer : leçon du kethib, préférée par Le Hir, comme s’accordant mieux avec le contexte. Le Syriaque, le Targ. et la Vulg. ont suivi le qerey : quand même il me tuerait, j’espérerais en lui ; toutefois je défendrai etc.
  62. 16. Mais il sera mon salut. Ou bien : Mais ce sera mon salut.
  63. 23. Quel est le nombre, ou, avec la Vulg., quelle est l’énormité ?
  64. 26. Pour que tu m’imputes, litt. que tu me fasses hériter des fautes de ma jeunesse.
  65. XIV, 3. Lui que tu amènes, avec les LXX et le syriaque. Vulg. et Hébr. : C’est moi que tu amènes.
  66. 4. Vulg. : Qui peut rendre pur ce qui a été conçu d’une semence impure ? N’est-ce pas toi seul ? Les LXX relient ce vers, au premier stique du suivant : Qui donc est pur de souillure ? Personne, même si sa vie est d’un jour sur terre.
  67. 16, 17 sont interprétés de deux manières. Les uns les mettent en antithèse avec le vers. 15 et les interprètent en un sens défavorable. Les autres y voient la suite du vers. 15 et l’expression des sollicitudes de Dieu après le pardon.
  68. 17. Tu mets un enduit ; LXX, un cachet ; Vulg. mais tu as guéri.
  69. 20. Tu l’abats sans retour, etc. Vulg., tu ne lui as donné un peu de force que pour qu’il passe à jamais. — Tu flétris son visage, tu le défigures par la maladie et la mort, et tu le renvoies, tu le fais disparaître.
  70. XV, 4. Toute piété, litt. toute parole de plainte.
  71. 8. As-tu dérobé, etc. Vulg., et sa sagesse est-elle au-dessous de toi ?
  72. 20. Est rongé par l’angoisse ; Vulg., s’enorgueillit. — Un petit nombre, lit t. un nombre déterminé.
  73. 32. Elle arrivera, litt. elle sera accomplie. — Son rameau ; Vulg., sa main se desséchera.
  74. XVI, 4. Dans la Vulg., le vers. 4 en forme deux, en sorte qu’à partir du vers. 5, la Vulg. est en avant d’un vers, sur l’hébreu.
  75. 6. En est-elle soulagée, m. à m. qu’est-ce qui s’en va de moi.
  76. 28. Le sang que n’absorbait pas la terre criait, comme celui d’Abel, vengeance vers le ciel, Job estime que, même s’il mourrait, Dieu lui rendrait témoignage. — Et que mes cris s’élèvent librement, m. à m. et qu’il n’y ait pas de lieu fixé pour mes cris.
  77. XVII, 1. Il ne me reste plus que le tombeau. M. à m. des tombeaux à moi.
  78. XVIII, 12. Le premier stique manque dans les LXX. — La disette est son châtiment. D’autres : sa vigueur sera affamée, épuisée par la faim.
  79. 13. La peau de ses membres est dévorée. M. à m. Il dévore les membres (les diverses parties) de sa peau. Texte difficile.
  80. 18. Le deuxième stique manque dans les LXX.
  81. 20. Les peuples de l’Occident… de l’Orient ; litt. ceux qui sont par derrière… par devant : les Orientaux s’orientent en se tournant vers le soleil levant. D’autres : Les générations à venir…, les générations passées (qui l’accueillent au schéol).
  82. 17. Les fils de mon sein, c.-à-d. mes frères, les fils du même sein que moi.
  83. 22. Dévorer la chair de quelqu’un, dans les langues sémitiques, c’est le calomnier, le déchirer par la langue. Comp. le latin rodere, et en fr. paroles mordantes.
  84. 25. Mon vengeur, hébr. mon goël, c.-à-d. vengeur, défenseur.
  85. 26. M. à m. Derrière ma peau, dont on aura entouré cela (mon corps) ; ou encore : derrière ma peau ; ils ont détruit cela (quand ma peau aura été détruite). 2e membre : de ma chair je verrai Dieu.

    Pour les vers. 25, 26, les LXX traduisent : Je sais qu’éternel est celui qui doit me délivrer, que sur la terre se lèvera ma peau qui a souffert cela ; car c’est de la part du Seigneur que ces choses ont été accomplies pour moi.

    Vulg. : Je sais que mon rédempteur est vivant et qu’au dernier jour je me relèverai de la terre, et de nouveau je serai recouvert de ma peau et dans ma chair je verrai mon Dieu.

    Syriaque : Je sais que mon sauveur est vivant et qu’à la fin il se manifestera (ou il apparaîtra) sur la terre. Et sur ma peau et sur ma chair ces choses se sont pressées (comme pour l’entourer) ; si mes yeux voient Dieu, ils verront la lumière.

    La plupart des anciennes versions voient, plus ou moins explicitement, en ce texte une référence à l’idée de résurrection.
  86. 28. Vous direz alors ; ou bien, ce qui se rapproche de la Vulgate : mais vous qui dites : Comment le poursuivrons-nous et trouverons-nous en lui un motif de condamnation.
  87. XX, 2. C’est pourquoi, à cause de ce que Job vient de dire.
  88. 11. Iniquités cachées ; le mot hébr. signifie aussi vigueur de jeunesse, sens que préfèrent de bons interprètes : … pleins de vigueur juvénile ; elle (sa jeunesse) dormira avec lui. La Vulg. réunit les deux sens… plein des iniquités de sa jeunesse.
  89. 25. Il arrache, etc. Le Hir : l’épée est dégainée et traverse son corps. La traduction de Vulg. est fort obscure.
  90. 28. L’abondance (litt. le revenu, le produit) de sa maison, tout ce qui constitue une maison : enfants, serviteurs, biens de toutes sortes. Vulg., le rejeton de sa maison sera mis à découvert (?) ; il sera arraché au jour de la colère de Dieu.
  91. 29. Et l’héritage que lui destine, m. à m. et l’héritage de sa parole (de la parole proférée à son sujet) de par Dieu.
  92. XXI, 16. Leur prospérité n’est-elle pas dans leur main ? L’hébreu n’a pas la particule d’interrogation. Aussi il en est qui traduisent : Voici que leur prospérité n’est pas dans leur main, c’est-à-dire est entre les mains de Dieu. On aurait là, d’après d’aucuns, une objection faite à la thèse soutenue par Job immédiatement auparavant, et analogue à celle du vers. 19 ; le vers. 17 lui servirait de réponse.
  93. 21. Vulg., même si le nombre de ses mois est divisé, si sa vie est réduite de moitié, pourvu qu’il en ait joui à son aise.
  94. 24. Les flancs. Le mot hébreu ne se rencontre qu’une fois dans la Bible. D’autres : les auges pleines de lait.
  95. XXII, 1. Ici Éliphaz ne se contente plus d’affirmer sa thèse en général, mais il fait une longue énumération des fautes que Job doit avoir commises.
  96. 29. En haut ! relevez vous. D’autres : vienne l’humiliation, tu t’écrieras : En haut ! c.-à d., ton énergie, aidée du secours divin, te relèvera. Vulg., celui qui aura été abaissé sera dans la gloire, abaissé par le malheur ou le repentir.
  97. 30. Le coupable ; LXX et Vulg., l’innocent ; ces deux versions n’ont pas lu ou n’ont pas compris la négation.
  98. XXIII, 2. Oui, aujourd’hui, ma plainte est amère. D’autres : Oui, aujourd’hui, ma plainte est censée une révolte.
  99. 12. J’ai fait plier ma volonté. Vulg. j’ai gardé dans mon sein : elle a lu bechêqi au lieu de méchouqqi ; cette leçon paraît préférable.
  100. XXIV, 5 sv. Les vers. 5 sv. continuent-ils de raconter les violences des méchants, vivant de maraude et de pillage, à la manière des Bédouins ; ou bien décrivent-ils l’état misérable des victimes, chassées de leurs demeures et trouvant à peine leur nourriture ans le désert ? Les LXX et la Vulg. suivent le premier sentiment ; de même Le Hir, mais seulement pour les vers. 5, 6 ; le second nous a paru plus probable.
  101. 11. Dans ses celliers, litt. dans ses murs.
  102. 18-24. À partir du vers. 18, l’enchaînement des idées devient difficile à déterminer. Voici une interprétation possible : Vous dites que l’impie ne fait que passer sur la terre et qu’il est vite oublié (18-21). Eh bien ! non Dieu prolonge ses jours et, quand il meurt à la fin, il ne fait que partager le sort commun des hommes. (Voir Crampon, Commentaire.)
  103. 22. D’autres : Mais Dieu par sa puissance prolonge la vie des puissants : il se lève, celui qui ne comptait plus sur la vie.
  104. 25. À néant, hébreu leal. La Vulg. a lu leel et traduit : qui déférera à Dieu mes paroles ?
  105. XXV. La brièveté du discours de Baldad semble montrer que les adversaires sont à bout.
  106. XXVI, 12. Il brise l’orgueil, litt. il brise Rahab.
  107. 13. À formé le serpent fuyard. D’autres : a brisé.
  108. XXVII, 1. Sophar, à qui ce serait le tour de répondre, n’a plus rien à dire. Job continue donc son discours ; Vulg., sa parabole. Le mot hébreux mâschâl désigne un discours figuré et sentencieux, quelquefois rythmé.
  109. 13. Paroles empruntées à Sophar (xx, 29).
  110. 19. C’est pour la dernière fois, en lisant, comme les LXX, lô yôsîph. La leçon massorétique lô véâséph donne lieu à deux interprétations : il est privé de sépulture (Le Hir. : comp. Jér. viii, 2 ; Ezéch. xxix, 5), et : il est dépouillé, litt. il n’emporte rien (comme s’il y avait yeasséph). Vulg. Il ouvre les yeux, en un clin d’œil.
  111. XXVIII, 12. La Sagesse personnifiée, qui assiste Dieu dans toutes ses œuvres et connaît tous les secrets de son gouvernement. Comp. Prov. viii ; Eccl. xxiv ; Baruch, iii, 14iv, 4.
  112. 13. Le prix, hébr. éreh. Les LXX ont lu déreh, la voie, ce qui donne un meilleur parallélisme.
  113. 15. Elle ne se donne pas etc. M. à m. on ne donne pas contre elle de l’or pur.
  114. XXIX, 1. Voyant ses amis réduits au silence, Job prononce un dernier discours, qui ressemble plutôt à un monologue.
  115. 4. Âge mûr, litt. automne. — Quand Dieu me visitait, etc. D’autres : quand Dieu veillait en ami sur ma tente.
  116. 18. Comme le sable : Plusieurs modernes, comme ceux du Phénix, oiseau fabuleux qui, consumé avec son nid, renaissait de ses cendres et était le symbole de l’immortalité. Vulg., comme ceux du palmier. De même les LXX, quoique la leçon primitive paraisse avoir été : comme le phénix.
  117. 24. Ils recueillaient etc. M. à m. Ils ne laissaient pas tomber la lumière de ma face. D’autres : On ne pouvait chasser la sérénité de mon front.
  118. XXX, 1. Les hommes dont va parler Job (vers. 1 sv.) sont, non pas ses amis, mais ce qui restait des habitants primitifs de l’Idumée, chassés de leurs demeures par les enfants d’Ésaü, race dégénérée et sans vigueur, habitant des cavernes et ne vivant que de rapines (comp. xxiv, 5, 6).
  119. 2. Ils sont privés de toute vigueur. Vulg., on les regardait même comme indignes de vivre. Ce n’est pas le seul endroit de ce chap, où S. Jérôme semble avoir eu sous les yeux une leçon différente du texte hébreu actuel.
  120. 11. Ils se donnent libre carrière : litt., il (chacun d’eux) a relâché sa corde (ketib). Le qerey porte : il (Dieu) a relâché ma corde, la corde de mon arc, ma vigueur (comp. xxix, 20), en me frappant d’un mal affreux, et ils en profitent pour me manquer de respect en toute liberté, Le Hir, avec la Vulg., traduit le 2e membre : ils me mettent un frein à la bouçhe.
  121. 17. Perce mes os, les consume, m. à m. perce mes os de dessus moi.
  122. 28. Je marche dans le deuil, sans soleil. D’autres : Je marche noirci, non par la chaleur.
  123. XXXI, 1 sv. Tableau des vertus privées de Job. Les détails choisis relèvent de la religion naturelle, ou plutôt de la religion telle qu’elle était comprise et pratiquée par les patriarches.
  124. 18. M. à m. Dès mon enfance, il a grandi près de moi comme près d’un père ; dès le sein de ma mère (dès ma naissance), je l’ai guidée (la veuve). D’où, à côté de la traduction adoptée, cette autre : Loin de là ! Dès mon enfance, je l’ai élevé comme un père ; dès ma naissance, je l’ai guidée.
  125. 21. Dans les juges. Litt. à la porte.
  126. 27. Si ma main s’est portée à ma bouche ; litt. a baisé sur ma bouche, est venue chercher un baiser sur ma bouche, pour l’offrir à l’astre brillant ; geste d’adoration (porter la main ad os), et par conséquent d’idolâtrie.
  127. 31. Où trouver etc. Vulg, qui nous donnera de nous rassasier de sa chair, de le déchirer, de satisfaire notre haine contre lui : comp. xix, 22.
  128. 34. Au point de me taire etc. Membre de phrase dont le sens est difficile à préciser et qui est interprété en diverses manières.
  129. 35. Job s’interrompt pour dire qu’il est prêt à signer toutes les protestations qu’il vient de faire. Ma signature, litt. mon thav, nom de la dernière lettre de l’alphabet hébreu, qui avait anciennement la forme d’une croix et servait de signature à la fin d’un document écrit. Sens : Voilà ma défense toute signée. — Cédule d’accusation.
  130. 38-40 se rattachent aux vers. 5-34. Les vers. 35-37 sont la conclusion de tout le développement.
  131. 39. Si je l’ai arrachée à ses légitimes possesseurs. D’autres, peut-être plus exactement : Si j’ai fait tendre l’âme à ses possesseurs.
  132. 40. Ici finissent etc. Cette formule est souvent considérée comme une addition postérieure, qui marque la fin de la discussion entre Job et ses amis. D’aucuns la relient à ce qui suit : Quand furent achevés les discours de Job, ces trois hommes, etc.
  133. XXXII, 3. Ils condamnaient Job. Une tradition de la Synagogue tenait qu’à l’origine le texte portait : Ils condamnaient Dieu.
  134. 6. Le Hir : « D’après ce jeune homme, plus sage que les vieillards, mais qui ne paraît pourtant pas tout à fait pur de présomption, Job est puni, non pour des crimes énormes, mais pour n’avoir pas tenu son cœur assez humble devant Dieu. Il fallait, pour le corriger d’un défaut qu’il ignorait lui-même, lui donner lieu d’éclater au dehors par une terrible épreuve. Et les plaintes amères auxquelles Job s’est laissé emporter sont l’indice certain de cette disposition intérieure de son cœur. Qu’il se repente donc, et Dieu lui rendra le bonheur. » Tel est le fond des pensées développées dans ces discours. Éliu, plutôt que de se prononcer sur le cas de Job, juge surtout le langage qu’il vient de tenir.
  135. 16. Ou bien, avec la Vulg., j’ai attendu : ils n’ont plus parlé etc.
  136. 21. La Vulg. traduit le 2e membre : je n’égalerai point l’homme à Dieu.
  137. 22. Vulg. : car je ne sais pas quelle sera la durée de ma vie, et si mon Créateur ne m’enlèvera pas bientôt.
  138. XXXIII, 7. Le poids de ma majesté ; litt. mon poids ; Vulg. mon éloquence.
  139. 18. Sa vie des atteintes du dard, m. à m. sa vie de passer par le dard.
  140. 19. Quand une lutte etc., en lisant rib. Le qerey porte rob : alors que la multitude de ses os est en pleine rigueur.
  141. 23, 24. LXX : S’il y a mille anges portant la mort, aucun d’eux ne le blessera, s’il décide de revenir de cœur au Seigneur, s’il fait connaître à l’homme sa faute, s’il révèle sa sottise ; il l’empêchera de tomber dans la mort, il renouvellera son corps comme s’il mettait un enduit sur un mur, et remplira ses os de moelle.
  142. 24. On pourrait aussi donner aux deux verbes le mot ange comme sujet : s’il a pitié de lui et s’il dit à Dieu.
  143. 25. Vulg., sa chair est (était) consumée par les tourments.
  144. 23. Deux fois, litt. encore. Vulg., ce n’est pas de l’homme qu’il dépend de comparaître devant Dieu pour être jugé.
  145. 30. Vulgate : c’est lui qui fait régner l’hypocrite à cause des péchés du peuple.
  146. 36. Que Job etc. Vulg., mon Père, que Job, n’épargne pas l’homme d’iniquité. Mon Père, Dieu, dans la pensée de S. Jérôme. Mais, dans l’Ancien Testament, Dieu est appelé quelquefois notre Père, jamais mon Père. L’hébr. âbî est donc ici une particule marquant l’optatif, de la racine âbâh, vouloir.
  147. XXX, 2, 3. La symétrie des temps serait compatible avec cette autre traduction : « Crois-tu que ce soit là de la justice, appelles-tu cela « ma justice devant Dieu », que de dire : Quel est mon avantage, quel est mon profit à me tenir loin du péché ? » Le vers. 3 manque dans les LXX.
  148. 11. D’autres : Qui nous instruit par les animaux des champs, et nous enseigne par les oiseaux du ciel.
  149. XXXVI, 5. Vulg., Dieu ne rejette pas les puissants, puisqu’il est puissant lui-même.
  150. 7. Il les fait asseoir etc. Vulg., il établit pour jamais sur le trône les rois justes.
  151. 13. Les cœurs impies se livrent à ta colère, Vulg., mettent (amoncellent, Rom. ii, 5) sur eux la colère de Dieu.
  152. 17 sv. Les vers. 17-21 sont très obscurs et compris de façons très différentes par les exégètes.
  153. 20. Durant laquelle etc. Texte très obscur.
  154. 28. Sur la masse des hommes. LXX ajoutent : il a fixé un temps au bétail, et il suit l’ordre de son coucher. Devant tout cela ton esprit n’est pas dans la stupeur, et ton cœur n’est pas changé dans (?) ton corps.
  155. 32, 33. Versets difficiles, diversement compris. — Il prend la lumière dans ses mains. M. à m. sur ses mains (on ne les voit pas) il étend la lumière. La lumière est ici la foudre. — L’effroi etc. leçon très douteuse. — Vulg. Il cache la lumière dans ses mains, et lui ordonne de réapparaître. Il annonce à son ami qu’elle est sa possession, et qu’il peut monter vers elle.
  156. XXXVII, 7. Il met un sceau etc., les scellés (il les engourdit), pour rendre les mains inactives, pendant la saison d’hiver, où les travaux des champs sont interrompus. — Afin que tout mortel reconnaisse son créateur. Correction nécessaire, obtenue par une division différente des mots, de ce texte défectueux : afin que sachent tous les hommes de son œuvre.
  157. 9. L’aquilon. Le terme hébreu est de sens incertain.
  158. 11. Vulg., le froment appelle les nuées, et les nuées répandent leur lumière, celle des éclaire. Mais l’hébr. berî ne vient pas de bar, froment : c’est le subst. , humidité, pluie, précédé de la préposition be.
  159. 13. Ses châtiments, litt. pour la verge, hébr. schêbét, mot qui veut dire aussi tribu ; mais ce sens, adopté par la Vulgate, ne convient pas ici.
  160. 16. Vulg., connais-tu les grands chemins des nuages et les sciences parfaites ?
  161. 20. Les vers. 20-22 sont très obscurs et ont reçu des explications diverses.
  162. 22. Du Septentrion : c’était l’opinion des anciens : Hérod. iii, 116 : Pline, Hist. Nat. vi, 11 ; xxxiii, 4. — Mais Dieu etc. ; m. à m. Autour de (ou sur) Dieu est une majesté redoutable. — Nous savons d’où vient l’or, mais la majesté de Dieu est inaccessible. Comp. xxviii, 1-12. D’autres avec les LXX : un nuage ou un rayon d’or vient du septentrion ; plus brillante est la majesté redoutable de Dieu.
  163. 23. Il ne répond à personne, il ne rend pas compte de ses actes. Vulg., il ne peut être décrit, dignement célébré. D’autres : il est grand en force et en droit, et il n’humilie pas la plénitude de la justice.
  164. XXXVIII, 1. Job avait demande à plaider sa cause devant Dieu et contradictoirement avec lui (xiii, 22). Voici que Dieu paraît ; il va répondre à sa créature, mais répondre en Dieu. Il ne rendra pas compte de ses desseins, mais montrera à Job qu’il n’a pas le droit de leur refuser sa soumission. Pour cela, il fait passer sous ses yeux un tableau magnifique des merveilles de la création : toutes ces œuvres révèlent une sagesse, une providence, une adaptation parfaite des moyens aux fins ; elles attestent dans leur Auteur une bonté absolue et doivent apprendre à l’homme à accepter humblement et sans murmure tout ce que le Tout-Puissant peut ordonner ou permettre. Cette explication ne touche pas au côté philosophique de la question agitée ; mais elle fera descendre dans le cœur de Job des sentiments d’humilité et de résignation, qui prépareront pour lui le retour de la faveur divine.
  165. 7. Les astres et les anges ou fils de Dieu, forment l’armée (hébr. tsâbâ) du ciel, et comme la milice du Seigneur, appelé pour cette raison Dieu des armées (Elôhê Tsebaôth).
  166. 11. Ici s’arrêtera etc. M. à m. Ici on a placé une limite à l’orgueil de tes flots.
  167. 21. Avant elles, litt. alors, aux origines.
  168. 31. Dans les Pléiades les étoiles semblent serrées les unes contre les autres, tandis que celles d’Orion sont détachées et réparties sur une certaine étendue du firmament. La Vulg. traduit le 2e membre : pourrais-tu étendre le cercle parcouru par l’Ourse ?
  169. 32. Les constellations, hébr. massareth, peut-être le même mot que massaloth (II Rois, xxiii, 5), les douze signes du zodiaque : c’est le sens le plus probable.
  170. 36. Nous adoptons la traduction de Le Hir et de beaucoup d’autres. Elle convient au contexte, où il est question des merveilles du ciel, et nous paraît préférable à celle-ci : qui a mis la sagesse dans les reins de l’homme, ou qui a donné l’intelligence à son cœur ? La Vulg. traduit ainsi le 2e membre : qui a donné au coq l’intelligence ?
  171. XXXIX, 13. Elle n’a ni l’aile etc. Texte très diversement interprété.
  172. XL, 1-5 de l’hébreu correspondent à xxxix, 31-35 de la Vulg. ; elle se trouve ainsi, dans tout le chap. xl, de cinq versets en retard sur l’hébreu.
  173. 5. Hébraïsme. Sens : je ne veux pas ajouter de nouveaux discours aux premiers.
  174. 19. Son créateur l’a pourvu d’un glaive. Traduction douteuse d’un texte incertain.
  175. 20. Autour de lui, litt. .
  176. 23. Montait, litt. se précipitait.
  177. 26. Vulg. : empliras tu tes filets de sa peau a de sa tête ton réservoir à poissons ?
  178. 30. Vulg. : le couperont ils en morceaux, soit pour le vendre, soit pour en faire un festin ?
  179. XLI, 1 de l’hébreu correspond à xxxix, 28 de la Vulg., qui, de la sorte, se trouve, dans tout le chap. xli, d’un vers. en retard sur l’hébreu.
  180. XLII, 3. Quel est celui : Job répète les paroles mêmes de Dieu (xxxviii, 2) et s’en fait l’application.
  181. 4. Ce verset rappelle les paroles de Dieu (xxxviii, 3 ; xl, 2) et aussi celles de Job (xiii, 22) : Job redit les premières, soit pour s’humilier, soit pour demander à Dieu de l’écouter à son tour. Il se condamnerait plus cruellement encore, s’il avait en vue son propre langage, si téméraire, du chapitre xiii, 22.
  182. 7. De moi, ou à moi, car toute parole humaine a Dieu pour auditeur.
  183. 11. Lui fit don, selon la coutume des visiteurs (Gen. xxxiii, 19), d’une késita, pièce d’argent de l’époque patriarcale, que les anciens traducteurs ont peut être crue frappée à l’effigie d’une brebis (Vulg.).
  184. 14. Jémima, c.-à-d. Colombe (Vulg. Diem, jour). — Ketsia (propr. Qetsia), c.-à-d. Parfum, et spécialement celui qu’on tirait de la casse, plante aromatique si recherchée en Orient (Ps. xlv, 9). — Kéren-Happouk, c.-à-d. Boîte d’antimoine, fard dont les femmes orientales se peignent les paupières et les sourcils pour rehausser l’éclat de leurs yeux.