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Absorption du rayonnement électromagnétique par l'eau

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L'absorption du rayonnement électromagnétique par l'eau dépend de l'état de celle-ci : liquide, vapeur ou glace.

L'absorption dans la phase gazeuse est présente dans trois régions du spectre électromagnétique. Les transitions rotationnelles de la molécule d'eau agissent dans le domaine des micro-ondes et de l'infrarouge lointain. Les transitions vibrationnelles agissent dans l'infrarouge moyen et proche. Les bandes spectrales correspondantes ont une structure fine liées à la rotation de la molécule. Les transitions électroniques influent la région de l'ultraviolet.

La phase liquide est dénuée de spectre rotationnel mais absorbe dans les grandes longueurs d'onde. La faible absorption dans la région 400 - 500 nm du spectre visible confère à l'eau sa couleur bleue.

Toutes les phases de l'eau jouent un rôle majeur dans le bilan radiatif de la Terre concourant au climat. Elles constituent un obstacle à l'observation astronomique ou à l'observation de la surface de la Terre depuis l'espace mais contribuent à la connaissance de l'atmosphère par mesure déportée.

La molécule d'eau à l'état vapeur possède trois types de transitions conduisant à une absorption :

  • les transitions rotationnelles depuis l'infrarouge proche (50 μm) jusqu'au domaine micro-ondes ;
  • les transitions vibrationnelles dans l'infrarouge moyen, de la bande μ autour de 6 μm jusqu'à la bande X à 2.9 μm ;
  • les transitions électroniques dans l'ultraviolet.

La vibration est accompagnée de transitions rotationnelles donnant un spectre rotation-vibration. De plus les partiels apparaissent dans l'infrarouge proche. La base de données HITRAN liste plus de 64000 transitions[3],[10].

Dans l'eau liquide, les transitions rotationnelles disparaissent mais des bandes liées aux liaisons hydrogène apparaissent.

Dans la glace, le spectre rotationnel est également modifié par les liaisons hydrogène et l'on observe de plus des bandes liées aux phonons optiques dans l'infrarouge. Les transitions électroniques montrent une structure fine liée aux transitions vibrationnelles et rotationnelles.

Spectre rotationnel

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Partie du spectre rotationnel.
Molécule en rotation.

La molécule d'eau est une toupie asymétrique avec ses trois moments d'inertie différents. Du fait de l'absence de symétrie, on peut observer un grand nombre de transitions dans le domaine de l'infrarouge proche. La mesure précise du spectre micro-ondes a permis de fixer la longueur de la liaison O-H à 95,84 ± 0,05 pm et l'angle H-O-H à 104,5 ± 0,3°[11]. Le calcul ab initio donne une valeur de 104,4776°[12].

Spectre vibrationnel

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Les trois vibrations fondamentales de la molécule d'eau
élongation symétrique O-H
ν1=3657 cm−1 (2.734 μm)
cisaillement H-O-H
ν2=1595 cm−1 (6.269 μm)
élongation asymétrique O-H
ν3=3756 cm−1 (2.662 μm)

La molécule d'eau a trois modes fondamentaux de vibration moléculaire. Les modes de vibration en cisaillement de O-H conduisent à des bandes d'absorption ayant une tête de bande à 3 657 cm−11, 2,734 µm) et 3 756 cm−13, 2,662 μm) en phase gazeuse. La vibration asymétrique de symétrie de rotation C2v est un mode normal de vibration. Le mode de cisaillement H-O-H commence à 1 595 cm−12, 6,269 µm). Bien que les modes de cisaillement et d'élongation aient la même symétrie A1, leurs spectres ne se recouvrent pas. Dans les trois bandes, on observe une structure fine de rotation[13]. ν3 a une série de partiels à des nombres d'onde inférieurs à n ν3, n = 2,3,4,5… Des recouvrements comme ν2 + ν3 sont visibles dans l'infrarouge proche[14],[15].

La présence de vapeur d'eau dans l'atmosphère joue un rôle important, particulièrement dans la région infrarouge[16]. Les modèles standard utilisent des bandes d'absorption à 0,718 µm (visible), 0,810 μm (bande α), 0,935 µm (bande μ), 1,13 µm (bande ρστ), 1,38 µm (bande φ), 1,88 µm (bande ψ), 2,68 µm (bande Ω), 2,90 µm (bande X). Les trous entre ces bandes définissent les fenêtres passantes de l'atmosphère terrestre[17].

L'eau dans la région visible

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Longueurs d'onde calculées pour les partiels de bandes et leurs superpositions pour l'eau liquide dans le visible[15].
ν1, ν3 ν2 Longueur d'onde [nm]
4 0 742
4 1 662
5 0 605
5 1 550
6 0 514
6 1 474
7 0 449
7 1 418
8 0 401
8 1 376

Les mesures d'absorption dans le visible avec une cavité intégrante (Integrating Cavity Absorption Meter, ICAM)[15] ont permis d'attribuer celle-ci à une série de bandes, de partiels et de recouvrements d'intensité décroissante à chaque étape, donnant un minimum à 418 nm, valeur à laquelle le coefficient d'absorption est de 0,004 4 m−1. Cette valeur correspond à un libre parcours moyen de 227 m.

Coefficient d'absorption de l'eau pure dans le visible en fonction de la longueur d'onde[15],[18],[19],[20].

Micro-ondes et ondes radio

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Le spectre rotationnel s'étend jusqu'à la région micro-ondes. L'absorption se fait dans une large gamme dénuée de singularités[21], attribuée à la liaison hydrogène[22].

Cette propriété est utilisée dans les fours à micro-ondes qui utilisent généralement la bande ISM à 2,45 GHz (longueur d'onde 122 mm).

Elle constitue par contre une difficulté pour les communications sous-marines, d'autant que le sel dissous augmente l'absorption[9].

La vapeur d'eau dans l'atmosphère

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La vapeur d'eau est un gaz à effet de serre qui contribue pour 70 % à l'absorption solaire de l'atmosphère et à 60 % environ du rayonnement réémis par la surface (hors diffusion par les particules liquides ou solides)[23]. Elle constitue un élément important de l'imagerie spectrale utilisée en télédétection car l'absorption est variable avec le canal. Elle est aussi d'importance en radioastronomie et astronomie infrarouge. Le South Pole Telescope a été construit en Antarctique en raison de la faible teneur de l'atmosphère locale en vapeur d'eau, due aux basses températures[24].

La fenêtre dans l'infrarouge proche, entre 8 et 14 µm, est utilisée pour l'imagerie infrarouge de la surface terrestre depuis l'orbite. Absorption et émission peuvent également être un atout pour la mesure ex situ depuis un satellite[25].

En altitude, l'eau existe sous forme liquide ou solide. L'absorption et la diffusion du rayonnement jouent un rôle climatique important.

Références

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  1. a et b (en) John Bertie, « John Bertie's Download Site - Spectra »
  2. a et b (en) J. E. Bertie et Z. Lan, « Infrared Intensities of Liquids XX: The Intensity of the OH Stretching Band of Liquid Water Revisited, and the Best Current Values of the Optical Constants of H2O(l) at 25°C between 15,000 and 1 cm−1 », Applied Spectroscopy, vol. 50, no 8,‎ , p. 1047–1057 (DOI 10.1366/0003702963905385, Bibcode 1996ApSpe..50.1047B, lire en ligne, consulté le )
  3. a b et c (en) « The HITRAN Database », Atomic and Molecular Physics Division, Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics
  4. a et b (en) « Hitran on the Web Information System », Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics (CFA), Cambridge, MA, USA; V. E. Zuev Institute of Atmosperic Optics (IAO), Tomsk, Russia
  5. (en) B. Aringer, F. Kerschbaum et U. G. Jørgensen, « H2O in stellar atmospheres », Astronomy and Astrophysics, vol. 395, no 3,‎ , p. 915–927 (DOI 10.1051/0004-6361:20021313, Bibcode 2002A&A...395..915A, lire en ligne, consulté le )
  6. (en) Richard Brandt, « Optical constants of ice from the ultraviolet to the microwave »
  7. (en) S. G. Warren et R. E. Brandt, « Optical constants of ice from the ultraviolet to the microwave: A revised compilation », Journal of Geophysical Research, vol. 113, no D14,‎ , p. D14220 (DOI 10.1029/2007JD009744, Bibcode 2008JGRD..11314220W, lire en ligne, consulté le )
  8. (en) S. G. Warren, « Optical constants of ice from the ultraviolet to the microwave », Applied Optics, vol. 23, no 8,‎ , p. 1206 (PMID 18204705, DOI 10.1364/AO.23.001206, Bibcode 1984ApOpt..23.1206W, lire en ligne, consulté le )
  9. a et b (en) B. Wozniak et J. Dera, Atmospheric and Oceanographic Sciences Library, Springer Science+Business Media, (ISBN 978-0-387-30753-4, lire en ligne)
  10. (en) Iouli E. Gordon, Laurence S. Rothman, Robert R. Gamache, David Jacquemart, Chris Boone, Peter F. Bernathd, Mark W. Shephard, Jennifer S. Delamere et Shepard A. Clough, « Current updates of the water-vapor line list in HITRAN: A new Diet for air-broadened half-widths », sur Journal of Quantitative Spectroscopy & Radiative Transfer,  : « Water vapor is the principal absorber of longwave radiation in the terrestrial atmosphere and it has a profound effect on the atmospheric energy budget in many spectral regions. The HITRAN database lists more than 64,000 significant transitions of water vapor ranging from the microwave region to the visible, with intensities that cover many orders of magnitude. These transitions are used, or have to be accounted for, in various remote-sensing applications. »
  11. (en) Colin N. Banwell et Elaine M. McCash, Fundamentals of molecular spectroscopy, McGraw-Hill, (ISBN 978-0-07-707976-5), p. 50
  12. (en) A. R. Hoy et P. R. Bunker, « A precise solution of the rotation bending Schrödinger equation for a triatomic molecule with application to the water molecule », Journal of Molecular Spectroscopy, vol. 74,‎ , p. 1–8 (DOI 10.1016/0022-2852(79)90019-5).
  13. (en) Kazuo Nakamoto, Infrared and Raman spectra of inorganic and coordination compounds, Wiley, (ISBN 978-0-47116394-7), p. 170
  14. (en) S. Jacquemoud et S. L. Ustin, « Application of radiative transfer models to moisture content estimation and burned land mapping », Joint European Association of Remote Sensing Laboratories (EARSeL) and GOFC/GOLD-Fire Program, 4th Workshop on Forest Fires, Ghent University, Belgium 5--7 June 2003,‎ (lire en ligne) :

    « …in the action spectrum of water the three main peaks near 1400, 1950, and 2500 nm, and two minor ones at 970 and 1200 nm »

  15. a b c et d (en) R. M. Pope et E. S. Fry, « Absorption spectrum (380–700 nm) of pure water. II. Integrating cavity measurements », Applied Optics, vol. 36, no 33,‎ , p. 8710–8723 (DOI 10.1364/AO.36.008710, Bibcode 1997ApOpt..36.8710P)
  16. (en) R. M. Goody et Y. L. Yung, Atmospheric Radiation, Oxford University Press, (ISBN 0-19-505134-3)
  17. (en) F. J. Duarte, Tunable Laser Applications, New York, Marcel Dekker, (ISBN 978-0-8247-8928-2) :

    « There are three sets of water-vapor absorption lines in the near-IR spectral region. Those near 730 and 820 nm are useful for lower tropo- spheric measurements, whereas those near 930 nm are useful for upper- tropospheric measurements… »

  18. L. Kou, D. Labrie et P. Chýlek, « Refractive indices of water and ice the 0.65- to 2.5-μm spectral range », Applied Optics, vol. 32, no 19,‎ , p. 3531–3540 (PMID 20829977, DOI 10.1364/AO.32.003531, Bibcode 1993ApOpt..32.3531K)
  19. (en) R. M. Pope et E. S. Fry, « Absorption spectrum (380–700 nm) of pure water. II. Integrating cavity measurements », Applied Optics, vol. 36, no 33,‎ , p. 8710-8723 (DOI 10.1364/AO.36.008710)
  20. (en) L. Kou, D. Labrie et P. Chylek, « Refractive indices of water and ice in the 0.65- to 2.5-μm spectral range », Applied Optics, vol. 32, no 19,‎ , p. 3531-3540 (DOI 10.1364/AO.32.003531)
  21. (en) Martin Chaplin, « Water Structure and Science: Water and Microwaves »
  22. (en) G. A. Kaatze, R. Behrends et R. Pottel, « Hydrogen network fluctuations and dielectric spectrometry of liquids », Journal of Non-Crystalline Solids, vol. 305, nos 1–3,‎ , p. 19–29 (DOI 10.1016/S0022-3093(02)01084-0, Bibcode 2002JNCS..305...19K)
  23. Ahilleas Maurellis, « The climatic effects of water vapour - physicsworld.com », sur Physics World, Institute of Physics,
  24. « South Pole Telescope: South Pole : Why is the telescope at the South Pole? » [archive du ], University of Chicago : « Quick Answer: Because the South Pole is probably the best place on Earth for this telescope. It is extremely dry, making the atmosphere exceptionally transparent for SPT. »
  25. « Les mesures réalisées dans l’espace », sur Culture maritime