État plasma
L'état plasma est un état de la matière, tout comme l'état solide, l'état liquide ou l'état gazeux, bien qu'il n'y ait pas de transition brusque pour passer d'un de ces états au plasma ou réciproquement. Il est visible sur Terre, à l'état naturel, le plus souvent à des températures élevées favorables aux ionisations, signifiant l’arrachement d'électrons aux atomes. On observe alors une sorte de « soupe » d'électrons extrêmement actifs, dans laquelle « baignent » également des ions ou des molécules neutres. Bien que globalement électriquement neutre, le plasma est composé d’électrons et d’ions ce qui le rend très sensible à l'action de champs électrique, magnétique et électromagnétique (internes comme externes) et ce qui rend sa dynamique, en général, d'une grande complexité. De plus, les propriétés chimiques de cet état sont assez différentes de celles des autres états ; elles sont parfois dites « exotiques ». Les exemples de plasmas les plus courants sur Terre sont les flammes de haute température et la foudre.
Le terme « plasma » (on parle aussi de « quatrième état de la matière »[a]) a été utilisé en physique pour la première fois par le physicien américain Irving Langmuir en 1928[1],[2], par analogie avec le plasma sanguin. La branche qui l'étudie est la physique des plasmas.
Formation d'un plasma
[modifier | modifier le code]Dans les conditions usuelles, un milieu gazeux ne conduit pas l’électricité car il ne contient quasiment aucune particule chargée libre (électrons ou ions). Lorsque ce milieu est soumis à un champ électrique faible, il reste un isolant électrique car il n’y a pas d’augmentation du nombre de particules chargées. Mais si le gaz est soumis à un fort champ électrique (par exemple, 30 kV/cm[3] pour l'air à la pression atmosphérique), des électrons libres et des ions positifs peuvent apparaître en quantité significative de telle sorte que le gaz devienne conducteur.
Lorsque l’ionisation est suffisamment importante pour que le nombre d’électrons par unité de volume (ne) ne soit pas négligeable par rapport à celui des atomes neutres (nn), le gaz devient alors un fluide conducteur appelé plasma dont le degré d’ionisation est défini par la formule :
qui est l’un des paramètres importants pour caractériser un plasma.
Les particules chargées électriquement qui composent le plasma sont soumises aux forces de Laplace. Le fluide est donc sensible aux champs magnétiques et peut, par exemple, être dévié ou déformé par un champ magnétique (aimant par exemple).
Typiquement, l'énergie d'ionisation d'un atome ou d’une molécule est de quelques électronvolts (eV). La température nécessaire pour former un plasma en équilibre thermodynamique (généralement local) est donc celle à partir de laquelle l'énergie thermique, qui peut être estimée par le produit kT, atteint cet ordre de grandeur, c'est-à-dire lorsque kT ≈ 1 eV, soit une température d'environ 11 000 K.
Classifications de plasmas
[modifier | modifier le code]Il existe une très grande diversité de plasmas, distingués par au moins une de leurs propriétés.
Par exemple, si le degré d’ionisation est considéré, les plasmas sont classés en « plasmas chauds » et « plasmas froids ». Les plasmas fortement ionisés sont nommés « plasmas chauds » par opposition des plasmas faiblement ionisés, dit plasmas froids[4].
L’échelle de température des plasmas va de la température ambiante à plusieurs millions de kelvin pour un plasma de fusion thermonucléaire. Un plasma d’arc d’environ 10 000 K fait ainsi partie de la famille des plasmas froids[5],[6].
Ceci étant dit, les frontières ne sont pas bien définies et parfois, d’autres familles comme celle des « plasmas naturels » sont définies à côté des deux familles susmentionnées. Par exemple, l’objectif de la division plasmas de la Société française de physique (SFP) est de rassembler la communauté des physiciens des trois grands domaines des plasmas (naturels, chauds ou de fusion, froids ou industriels)[7].
- Selon la pression, on distingue les plasmas « à haute pression » (dont les plasmas à pression atmosphérique) et ceux « à basse pression » (par exemple les plasmas de gravure en microélectronique).
- Selon l’équilibre thermodynamique (généralement local) atteint ou non, les plasmas se classent dans les « plasmas en équilibre » et les « plasmas hors équilibre (nonequilibrium) ».
- Selon la température des espèces lourdes, les plasmas froids se divisent en plasmas thermiques et non thermiques.
- Selon la nature de la source d’énergie pour la production de plasma, on distingue les plasmas DC, les plasmas RF, les plasmas micro-ondes, les plasmas transitoires, laser plasma…
- Selon la configuration électro-mécanique, les plasmas couronnes, les plasmas DBD…
Exemples
[modifier | modifier le code]Les plasmas sont extrêmement répandus dans l'Univers puisqu'ils représentent plus de 99 % de la matière ordinaire[8]. Toutefois, ils passent presque inaperçus dans notre environnement proche, étant donné leurs conditions d'apparition très éloignées des conditions de température et de pression de l'atmosphère terrestre.
Ainsi, on distingue les plasmas naturels :
- le plasma astrophysique ;
- les étoiles, nébuleuses gazeuses, quasar, pulsar ;
- les aurores boréales ;
- la foudre ;
- l'ionosphère ;
- le vent solaire ;
- la queue des comètes ;
- la traînée des étoiles filantes ;
- le cœur des flammes[b]
et les plasmas industriels :
- les décharges électriques (arcs comme dans les disjoncteurs à haute-tension ou les torches, ou d'autres types de décharges comme dans les lampes à gaz, les décharges micro-ondes, ou les générateurs de rayon X) ;
- les plasmas de traitement pour dépôt, gravure, modification de surface ou dopage par implantation ionique ;
- dans certains types de téléviseurs ;
- la propulsion par plasmas ;
- la fusion nucléaire (qui concerne les machines de type tokamak, stellarator, Z-pinch...).
Plasmas spécifiques et applications
[modifier | modifier le code]De nombreuses autres applications ne sont encore que des expériences de laboratoire ou des prototypes (radar, amélioration de combustion, stérilisation, etc.) :
- plasma quarks-gluons, un état de la matière où les quarks et les gluons ne sont plus confinés dans des particules, mais libres ;
- plasma astrophysique, une matière qui représente la grande proportion de l'espace en dehors des galaxies, étoiles et planètes ;
- plasma de fusion, créé avec des lasers ou autres rayonnements ;
- plasma stealth, utilisation de plasma dans la recherche de la furtivité ;
- lampe à plasma, qui utilise la luminosité du plasma ;
- écran à plasma, écran plat dont la lumière est créée par du phosphore excité par une impulsion électrique à plasma ;
- torche à plasma, méthode de génération de plasma utilisée dans différentes applications (en chimie, traitement des déchets, etc.) ;
- accélération laser-plasma, méthode de production de faisceaux d'électrons.
Dans la culture populaire
[modifier | modifier le code]Dans de nombreuses œuvres de sciences fiction, telle que Star Wars, Halo et Transformers, le plasma et les plasmoïdes sont à la base d'armes imaginaires, souvent similaires au focalisateur de plasma dense (« canon à plasma »).
Durant les années 2010, la création de plasma à partir de raisins chauffés dans un four à micro-ondes domestique est devenue une expérience populaire répandue[9][source insuffisante]. En 2019, ce phénomène a été expliqué de manière rigoureuse[10]. Les raisins étant assimilables à de petite sphères à forte teneur en eau, la longueur des micro-ondes auxquelles on les expose est modifiée et l'énergie se concentre au centre du fruit. Lorsque deux raisins ainsi irradiés sont placés côte à côte, un transfert d'électron se produit dans le petit espace qui sépare les deux fruits, ce qui produit l'apparition de plasma.
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- On parle de 4e état parce que les propriétés d'un plasma sont très différentes de celles d'un gaz neutre, mais ce n'est pas un véritable état au sens de la thermodynamique car la transition de l'un à l'autre est progressive : il n'y a pas de transition de phase (pas de ligne de séparation dans le diagrammeT-P, pas de chaleur latente, etc.).
- La question de savoir si les flammes sont ou non des plasmas n'est pas aisée : si le gaz présent dans la flamme est lumineux, c'est essentiellement en raison de la température due aux réactions de combustion exothermiques (ce gaz se comporte approximativement comme un corps noir) et il n'est que partiellement ionisé. Pour les flammes de basse température, seul le cœur de flamme est en général ionisé. En revanche, les flammes de haute température sont des plasmas du fait de leur plus forte ionisation.
Références
[modifier | modifier le code]- Franklin et Braithwaite 2019, p. 1.
- Langmuir 1928, p. 628.
- (en) « Dielectric Strength of Air », sur hypertextbook.com (consulté le ).
- Pointu A.M., Perrin J. et Jolly J., « Plasmas froids de décharge. Propriétés électriques. », Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique D2830 D2, .
- « Bienvenue sur le site du Réseau Plasmas Froids »
- (en) Adamovich I et al, « The 2017 Plasma Roadmap: Low temperature plasma science and technology », J. Phys. D: Appl. Phys., no 50 323001, .
- « Que fait-on dans la division ? ».
- (en) R. Paul Drake, High-Energy-Density Physics : Fundamentals, Inertial Fusion, and Experimental Astrophysics, Berlin, Springer Science & Business Media, , 534 p. (ISBN 978-3-540-29314-9, lire en ligne), p. 19.
- De nombreuses vidéos sont devenues virales sur la plateforme YouTube.
- (en) Hamza K. Khattak, Pablo Bianucci et Aaron D. Slepkov, « Linking plasma formation in grapes to microwave resonances of aqueous dimers », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 116, no 10, , p. 4000–4005 (ISSN 0027-8424 et 1091-6490, PMID 30782800, PMCID PMC6410810, DOI 10.1073/pnas.1818350116).
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- [Tonks 1967] (en) Lewi Tonks, « The birth of plasma », American Journal of Physics, vol. 35, no 9, , p. 857-858 (DOI 10.1119/1.1974266, Bibcode 1967AmJPh..35..857T).
- [Franklin et Braithwaite 2019] (en) Raoul N. Franklin et Nicholas St J. Braithwaite, « Editorial : 80 years of plasma », Plasma Sources Science and Technology (en), vol. 18, no 1 « 80 years of plasma : a collection of reviews and research articles celebrating the 80th anniversary of Irving Langmuir's coining of the word plasma », , art. no 010201, 3 p. (OCLC 4843704287, DOI 10.1088/0963-0252/18/1/010201, Bibcode 2009PSST...18a0201F).
- [Langmuir 1928] (en) Irving Langmuir, « Oscillations in ionized gases », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 18, no 8, , p. 627-637 (OCLC 5554111442, PMID 16587379, PMCID PMC1085653, DOI 10.1073/pnas.14.8.627, JSTOR 85270, Bibcode 1928PNAS...14..627L).