Racine carrée d'un entier naturel

En mathématiques, la[a] racine carrée d'un entier naturel est le nombre réel positif ou nul qui, multiplié par lui-même, donne cet entier. Elle se note ou . La racine carrée d'un entier positif est positive, la racine carrée de zéro est nulle.

La racine carrée de est un nombre algébrique, entier ou bien irrationnel.

Construction géométrique

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Ces rectangles illustrent une construction à la règle et au compas de   pour   allant de 2 à 7.

En géométrie plane,   peut par exemple être construit à la règle et au compas via la suite de rectangles illustrée ci-contre[1],[2],[3], ou via la spirale de Théodore.

Irrationalité

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Si un entier   est carré d'un nombre rationnel, alors   est un entier. On peut le déduire de la proposition 8 du livre VIII des Éléments d'Euclide[4]. Des preuves usuelles font appel au lemme d'Euclide, au lemme de Gauss ou même au théorème fondamental de l'arithmétique[5]. Mais d'autres, plus astucieuses, n'utilisent que des connaissances arithmétiques minimales, comme celle de Richard Dedekind[6] ou la suivante, essentiellement due à Theodor Estermann[7],[8] :

Soit   un entier naturel dont la racine carrée est un rationnel, que l'on écrit sous la forme   avec   le plus petit possible (c'est-à-dire que   est le plus petit entier strictement positif dont le produit par   est entier), et soit   la partie entière de  . Alors, l'entier   vérifie :   et   est entier. Par minimalité de  ,   donc  .

Une démonstration plus classique, mais qui se généralise aux racines n-ièmes d'un entier naturel[9], et même aux entiers algébriques[10], repose sur le lemme d'Euclide :

Supposons que   est rationnel, c'est-à-dire qu'il existe a et b tels que  . Quitte à diviser par leur pgcd, a et b peuvent être supposés premiers entre eux. Un diviseur premier de   diviserait   donc diviserait   d'après le lemme d'Euclide, donc   (tout nombre supérieur à 2 possède un diviseur premier) et N est un carré parfait[11].

Développement dans une base

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Si   n'est pas un carré parfait,   est irrationnel et son développement en base   est non périodique. Émile Borel a conjecturé en 1909, puis en 1950 que ce développement est normal, comme pour tout irrationnel algébrique[12], à savoir que tout bloc de chiffres consécutifs (par exemple 010) apparaît avec la même fréquence limite que n'importe lequel des blocs de même longueur. À ce jour, on ne sait en fait même pas démontrer qu'un chiffre donné apparaît une infinité de fois dans le développement[13].

Développements en fraction continue

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Fraction continue simple

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Comme pour tout irrationnel quadratique (solution d'une équation de degré 2 à coefficients entiers), le développement en fraction continue simple de  , avec   non carré, est périodique. Et plus précisément, d'après le théorème de Legendre, ce développement a la forme :   : la période, de longueur  , forme un palindrome de longueur   suivi du double de la partie entière[14],[15]. Voici des exemples :

  2 3 5 6 7 8 10
Développement de                
Page wikipedia Racine de 2 Racine de 3 Racine de 5 Racine de 6 Racine de 7
Suite des numérateurs réduits des réduites  A001333  A002531  A001077  A041006  A041008  A041010  A005667
Suite des dénominateurs  A000129  A002530  A001076  A041007  A041009  A041011  A005668
  11 12 13 19 29
Développement de            
Suite des numérateurs réduits des réduites  A041014  A041016  A041018  A041028  A041046
Suite des dénominateurs  A041015  A041017  A041019  A041029  A041047

La liste des développements en fraction continue des racines carrées des nombres de 2 à 165 est donnée dans (Guinot 1996, p. 101). La liste des longueurs des périodes de ces développements est la suite A003285 de l'OEIS.

La suite des réduites, définie par   est une suite récurrente homographique définie par   pour   et  .

Écrivant la réduite   de   sous forme irréductible  , les entiers   sont définis par  [16]. De plus, si   est impair,   et si   est pair,  [16], voir l'article sur l'équation de Pell-Fermat.

Cas particuliers :

  • la période est de longueur 1 pour   :   ; les réduites sont définies par   et   ;
  • la période est de longueur 2 pour  ,   diviseur strict de   :  .

Les entiers   tels que la période du développement de   est de longueur 1 ou 2 sont : 2, 3, 5, 6, 8, 10, 11, 12, 15, 17, 18, 20,..., cf. la suite A320773 de l'OEIS.

Fraction continue généralisée

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La méthode de Bombelli utilisant pour   la relation   permet d'obtenir le développement en fraction continue généralisée suivant : .

Les réduites forment la suite   définie par  [17].

Si   , ce développement donne le développement en fraction continue simple :  .

Méthode de Héron

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Par la méthode de Héron, N est la limite de la suite définie par x0 = a > 0 et xn+1 = 1/2(xn + N/xn) qui a une vitesse de convergence quadratique (le nombre de chiffres exacts est à peu près doublé à chaque itération).

La suite   est une sous-suite de la suite   des réduites du développement de Bombelli ci-dessus initialisée au même réel  . Précisément :  [17].

La suite   initialisée à   est une sous-suite de la suite   des réduites du développement en fraction continue simple. Précisément,  [16].

Notes et références

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  1. On peut noter que dans le corps des nombres réels, un entier naturel   non nul est le carré de deux réels opposés. Celui des deux qui est positif est noté  , et c'est lui que l'on appelle la racine carrée de   – l'autre est son opposé,   (négatif). Tous deux peuvent être appelés racines carrées de   mais ce n'est pas usuel parce qu'il n'y a une façon standard (pour ne pas dire canonique) d'en choisir un – celui qui est positif.

Références

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  1. Jay Hambidge, Dynamic Symmetry: The Greek Vase, Whitefish, MT, Kessinger Publishing, , 192 p. (ISBN 0-7661-7679-7, lire en ligne), p. 19-29 :

    « Dynamic Symmetry root rectangles. »

  2. Matila Ghyka, The Geometry of Art and Life, Courier Dover Publications, , 206 p. (ISBN 9780486235424, lire en ligne  ), p. 126-128].
  3. Rachel Fletcher, Infinite Measure: Learning to Design in Geometric Harmony with Art, Architecture, and Nature, George F Thompson Publishing, (ISBN 978-1-938086-02-1, lire en ligne).
  4. (en) Euclid's Elements, Book VIII, Proposition 8, par David E. Joyce.
  5. Jérôme von Buhren, « L'irrationalité d’une racine carrée et d'un quotient de logarithmes ».
  6. (en) « Square root of 2 is irrational », sur Cut The Knot.
  7. (en) Attila Máté, « Irrationality of square roots », sur Brooklyn College.
  8. (en) Harley Flanders, « Math bite: irrationality of m », Math. Mag., vol. 72,‎ , p. 235 (lire en ligne).
  9. Guinot (1992), p. 95.
  10. Guinot (1992), p. 95-96.
  11. Guinot (1992), p. 94.
  12. (en) Davar Khoshnevisan, « Normal numbers are normal », CMI Annual Report,‎ , p. 15, 27-31 (lire en ligne).
  13. Jean-Paul Delahaye, Nombre pi : malgré les progrès des sciences, il reste une énigme, Le Monde / Belin, , p. 52-55.
  14. Guinot (1996), p. 101.
  15. Jean Trignan, Introduction aux problèmes d'approximation : fractions continues, différences finies, Éditions du Choix, (ISBN 978-2-909028-16-3), p. 58.
  16. a b et c Jaboeuf (1985), p. 24-28.
  17. a et b Florence Gabarra et Cécile Julaud-Goisnard, « Comparaison des suites de Héron et de Bombelli », sur IREM de Paris.

Voir aussi

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Bibliographie

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  • Marc Guinot, Arithmétique pour amateurs : Pythagore, Euclide et toute la clique, t. 1, Lyon, Aléas, , 180 p. (ISBN 2-908016-21-4)
  • Marc Guinot, Arithmétique pour amateurs : une époque de transition, Lagrange et Legendre, t. 4, Lyon, Aléas, , 327 p.
  • François Jaboeuf, Les Fractions continues, Montpellier, IREM de Montpellier,

Articles connexes

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