Samkhya Karika
La Sāṃkhya Kārikā ou Sāṃkhyakārikā (IAST ; devanāgarī: सांख्यकारिका) est un texte sanskrit d'une des six écoles de la philosophie indienne āstika ou orthodoxe composé par Īśvarakṛṣṇa[1], un des successeurs du sage Kapila qui est supposé avoir fondé le Sāṃkhya. Le texte, qui date de l'ère Gupta, se compose de 72 ou 73 stances en mètre āryā, selon les versions. Ce traité (śāstra) est à la base de l'école philosophique ou du point de vue (darśana) appelé Sāṃkhya.
Datations
[modifier | modifier le code]La seule date certaine que nous ayons est celle de la traduction de la Sāṃkhyakārikā en chinois par Paramārtha entre 557 et 569 après notre ère, la Suvarṇasaptati (en caractère chinois : 金七十論). À titre indicatif, citons la datation des commentaires retenue par Gerald James Larson dans « History and Literature of Sāṃkhya » : Sāṃkhyakārikā : ca. 350-450, Sāṃkhyavṛtti, Sāṃkhyasaptativṛtti et Gauḍapādabhāṣya VIe siècle, Yuktidīpikā VIIe siècle, Jayamaṅgalā VIIIe siècle, Māṭharavṛtti IXe siècle et Sāṃkhyatattvakaumudī 850 ou 975[2].
Métrique
[modifier | modifier le code]La Sāṃkhyakārikā est composée en āryā, un mètre d’origine populaire, probablement chanté, et très utilisé en poésie lyrique. Ce mètre fait partie des mètres à mores, appelés jāti, en opposition aux mètres dits vṛtta, dont le nombre de syllabes est fixe. Une more (mātrā) équivaut à une syllabe courte et une syllabe longue (c’est-à-dire soit comprenant une voyelle longue, soit précédant deux consonnes, ou encore étant à la fin d’un hémistiche) égale deux syllabes courtes. Le mètre āryā se compose de quatre groupes de mores, le premier et le troisième comprenant douze mores, le deuxième dix-huit et le quatrième quinze[3].
Présentation du texte
[modifier | modifier le code]La Sāṃkhyakārikā peut se diviser de la manière suivante[4]:
- strophes 1 à 9 : introduction générale commençant par les trois sortes de souffrances;
- strophes 10 à 21 : les attributs de Prakṛti et de Puruṣa.
- strophes 22 à 38 : description du processus d'évolution de l'univers à partir de Prakṛti;
- strophes 39 à 51 : théorie du corps subtil et de sa composition. Enumération des composantes ;
- strophes 52 à 54 : les deux parties de la création : intellectuelle et matérielle et la prépondérance des guṇa;
- strophes 55 à 68 : description de la méthode de libération;
- strophes 69 à 72 (ou 73) : conclusion.
La Sāṃkhya-kārikā se présente elle-même comme le résumé d’un texte, aujourd’hui perdu, le Ṣaṣṭitantra, duquel elle aurait omis les exemples explicatifs et les contre-arguments des adversaires[5].
Les vingt-cinq principes ou catégories de la Sāṃkhyakārikā
[modifier | modifier le code]La Sāṃkhyakārikā dénombre et définit vingt-cinq principes subtils et grossiers qui constituent la manifestation dans son ensemble. Par ordre de production, ceux-ci se décomposent en :
- prakṛti, la matière primordiale à l'état manifesté ;
- buddhi ou mahātattva, l'intelligence discriminante ;
- ahaṃkāra, l'égo qui procède du sens du « je » (asmitā) ;
- manas, le mental ;
- les cinq jñānendriya ou les cinq organes de connaissance ;
- les cinq karmendriya ou les cinq organes d'action ;
- les cinq tanmātra ou les cinq éléments subtils ou objets de perception ;
- les cinq mahābhūta ou les cinq éléments grossiers.
Le vingt-cinquième principe est composé de puruṣa qui est indépendant des vingt-quatre autres.
Les commentaires de la Sāṃkhya kārikā
[modifier | modifier le code]Commentaires de Gauḍapāda
[modifier | modifier le code]Selon Henry Thomas Colebrooke (1765-1837), le Sāṃkhya Kārikā Bhāṣya est l'œuvre de Gauḍapāda [6]. Rares sont les indianistes qui considèrent que ce Gauḍapāda soit le même que le vedantin maître de Śaṅkāra, Gauḍapāda. A. M. Esnoul [7] considère cette hypothèse comme fabuleuse. Gerald James Larson ne prend pas parti[8]. Dans ce texte, comme il est d'usage dans un commentaire, chaque kārikā est commentée par l'auteur apportant ainsi des éclaircissements au texte de Ishvarakrishna.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Surendranath Dasgupta, A history of Indian philosophy, vol.1, p.212
- (en) G. J. Larson : « History and Literature of Sāṃkhya », in : Gerald James Larson et Ram Shankar Bhattacharya (Eds.), Encyclopaedia of Indian Philosophies, Vol. IV: Sāṃkhya : A Dualist Tradition in Indian Philosophy, Princeton, Princeton Legacy Library, 1987, (ISBN 978-0-691-63354-1) p. 15-16.
- (en) A.A. Macdonell's A Sanskrit Grammar for Students, Oxford, Oxford University Press, 3rd Ed., 1926, xviii+ 264 p. V. Appendix II, « Metre in Classical Sanskrit », p. 232-235 [lire en ligne (page consultée le 20 août 2024)]
- Welden Ellwood Austin, The Samkhya Karikas of Is'vara Krishna with the Commentary of Gaudapada. Charleston (SC), Éd. BiblioBazaar, LLC, 2009 [1913], 24 p. (ISBN 978-1-113-30061-4) p. 4 et 5 [lire en ligne (page consultée le 20 août 2020)] (Il s'agit d'un résumé de la thèse de Austin.)
- « saptatyāṃ kila yo 'rthās te 'rthāḥ kṛtsnasya ṣaṣṭitantrasya / ākhyāyikāvirahitāḥ paravādavivarjitāś ceti » // SK 72 : Les thèmes de tout le Ṣaṣṭitantra sont repris dans cette septantaine, à l’exception des paraboles et des arguments d’autres doctrines //
- (en) Henry Thomas Colebrooke, The Sankhya káriká, or Memorial verses on the Sánkhya philosophy, Vol. 46. Éd. Printed for the Oriental translation fund of Great Britain and Ireland, by S. Collingwood, 1837, « Préface », p. XIII. [lire en ligne (page consultée le 20 août 2024)]
- A. M. Esnoul, Les Strophes de Samkhya. Éd. Les Belles Lettres, 1964, p. XXXI
- (en) Gerald James Larson et Ram Shankar Bhattacharya (Eds.), Encyclopaedia of Indian Philosophies, Vol IV: Sāṃkhya : A Dualist Tradition in Indian Philosophy, Delhi, Varanasi, Patna : Motilal Banarsidass, 1987. p. 209-210
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Anne-Marie Esnoul, Les Strophes de Samkhya. Éd. Les Belles Lettres, 1964
- Gerald James Larson et Ram Shankar Bhattacharya (Eds.), Encyclopaedia of Indian Philosophies, Vol IV: Sāṃkhya : A Dualist Tradition in Indian Philosophy. Ed. The Princeton Legacy, 2016 [1987]
- (en) The Sánkhya káriká, or Memorial verses on the Sánkhya philosophy. Ishvara Krisna, Gaudapada, traduction et préface de Henry Thomas Colebrooke. Université d'Oxford, 1837.
Article connexe
[modifier | modifier le code]Lien externe
[modifier | modifier le code]- (en) [1], The Samkhya-karika, with the Commentary of Gaudapda, edited in Sanskrit and translated into English by Har Dutt Sharma, 1933.