Peau-rouge
Peau-rouge est un terme désuet utilisé pour désigner les Amérindiens des États-Unis et les autochtones du Canada. L'« Indien Peau-Rouge » est une figure très présente dans l'imaginaire occidental tout au long des XIXe et XXe siècles.
L'origine du choix du qualificatif « rouge » pour décrire les Amérindiens apparait dès l'édition du Systema Naturae de 1740 par Carl von Linné, sous le terme latin Americanus rubescens : Américain rouge. Des termes apparentés étaient utilisés dans la littérature anthropologique dès le XVIIe siècle ; les étiquettes basées sur la couleur de la peau sont entrées dans le langage courant vers le milieu du XVIIIe siècle.
À l'instar de sa traduction anglaise « redskin », ce terme obsolète issu des classifications raciales en usage au XVIIIe siècle est aujourd'hui décrit comme offensif, dépréciatif, insultant et raciste.
Origine
[modifier | modifier le code]Dans son Systema naturae (1740) Carl von Linné fait déjà mention de la race "Americanus rubescens: Américan rouge" [1].
Des documents de la période coloniale indiquent que l'utilisation du terme « rouge » par les Autochtones d'Amérique pour se qualifier eux-mêmes émerge dans la région du sud-est de l'Amérique du Nord, avant d'être adoptée plus tard par les Européens et de devenir une étiquette générique, voire un profil racial, de tous les autochtones d'Amériques[2],[3].
Dans les régions du nord-est de l'Amérique, l'utilisation du terme « rouge » par les Européens pour décrire les autochtones semble avoir été limitée à des tribus telles que les Béothuks de Terre-Neuve, qui pratiquaient la peinture corporelle et de leurs biens avec de l'ocre rouge, conduisant les Européens à les désigner comme des « Indiens rouges »[4].
Bien que certaines tribus aient utilisé le qualificatif « rouge » pour se décrire elles-mêmes pendant l'ère précolombienne sur la base de leur histoire individuelle, la généralisation de l'usage du terme se serait faite en réponse à des rencontres avec des colons qui se disaient « blancs » pour se distinguer de leurs esclaves dit « noirs », bien que le rouge ne soit pas nécessairement lié à la couleur de peau, mais peut trouver son origine dans des associations culturelles[2].
Le terme « Peaux-rouges » est aussi parfois utilisé pour désigner les Indiens de l'Amérique du Sud[5].
Dans la culture aux XIXe et XXe siècles
[modifier | modifier le code]La figure de l'« Indien peau-rouge » a alimenté l'imaginaire occidental tout au long des XIXe et XXe siècles, en particulier dans la littérature de jeunesse[6] et la bande dessinée[7], mais aussi au cinéma[8], dans l'art[9],[10] et les loisirs[11].
« Le nom d'« Indiens Peaux-Rouges » nous rappelle surtout les vives émotions de notre enfance, alors que nous nous plongions avec délices dans la lecture des romans de Mayne-Reid ou de Fenimore Cooper »
— de Saint-George, 1914[12].
Par contraste avec les autochtones à la peau colorée de rouge, les Blancs sont affublés du nom de « visages pâles », expression prétendument attribuée aux « Peaux-Rouges », notamment au cinéma[13],[14].
Usage et acception
[modifier | modifier le code]En français
[modifier | modifier le code]En 1951 déjà, le terme « Peaux-rouges » est considéré comme « quelque peu périmé »[15]. Devenue obsolète, cette expression est perçue au XXIe siècle au Canada comme péjorative[16],[17], voire comme une insulte[18].
En anglais
[modifier | modifier le code]La traduction anglaise « redskin », apparue vers 1769 et à l'origine anodine[19], est devenue péjorative et argotique au fil du XIXe siècle[20] et est jugée offensante pour les Autochtones à la fin du XXe siècle[21]. Plus guère utilisé au XXIe siècle, « redskin » est considéré comme un terme raciste[22], comparable au terme « negro » quant à sa portée offensante[23]. Ce terme subsiste toutefois notamment dans des dénominations de clubs sportifs et d'écoles, et les Autochtones ne le considèrent pas tous comme offensant ou injurieux[24]. En 2020, l'équipe de football américain des « Redskins de Washington » a pourtant été contrainte d'abandonner ce nom à la suite d'une décision d'une cour fédérale américaine, pour être rebaptisée en 2021, les Commanders de Washington[18],[25].
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Redskin » (voir la liste des auteurs).
Références
[modifier | modifier le code]- (en) « Linnaeus and Race », sur The Linnean Society (consulté le ).
- (en) Nancy Shoemaker, « How Indians got to be red », The American Historical Review, Washington, Société américaine d'histoire, vol. 102, no 3, , p. 627–628 (ISSN 0002-8762, OCLC 1830326, DOI 10.1086/ahr/102.3.625, SUDOC 038662248, lire en ligne [PDF], consulté le ).
- Yves Bigot (dir.), « Peaux-Rouges : définition et synonyme de Peaux-Rouges en français », sur langue-francaise.tv5monde.com, Paris, TV5Monde SA (consulté le ).
- « The Beothuk Indians – “Newfoundland’s Red Ochre People” | Historica », sur www.historica.ca (consulté le ).
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- Paul Gravett (dir.), « De 1950 à 1969 : Oumpah-Pah le Peau-Rouge », dans Les 1001 BD qu'il faut avoir lues dans sa vie, Flammarion, (ISBN 2081277735), p. 209.
- « Le Peau-Rouge : une épopée génocidaire contre l’ennemi intérieur », dans Pierre Conesa, Hollywar : Hollywood, arme de propagande massive, Robert Laffont, coll. « Le Monde comme il va », , 228 p. (présentation en ligne), p. 37-53.
- Charles Lavollée, « Un artiste chez les Peaux-rouges », Revue des Deux Mondes, vol. 22, no 4, , p. 963-986 (lire en ligne, consulté le ).
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- (en) « Definition of REDSKIN », sur www.merriam-webster.com (consulté le ).
- (en-US) « Why Is the Word “Redskin” so Offensive? – Marquette University Law School Faculty Blog », (consulté le ).
- « How Many Native Americans Think 'Redskins' is a Slur? », sur CBS, (consulté le )
- Zone Sports- ICI.Radio-Canada.ca, « L'équipe de la NFL à Washington abandonne son nom et son logo », sur Radio-Canada, (consulté le ).