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Peau-rouge

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Portrait d'un Sioux à la peau colorée en rouge (H'co-a-h'co-a-h'cotes-min, George Catlin, 1832).

Peau-rouge est un terme désuet utilisé pour désigner les Amérindiens des États-Unis et les autochtones du Canada. L'« Indien Peau-Rouge » est une figure très présente dans l'imaginaire occidental tout au long des XIXe et XXe siècles.

L'origine du choix du qualificatif « rouge » pour décrire les Amérindiens apparait dès l'édition du Systema Naturae de 1740 par Carl von Linné, sous le terme latin Americanus rubescens : Américain rouge. Des termes apparentés étaient utilisés dans la littérature anthropologique dès le XVIIe siècle ; les étiquettes basées sur la couleur de la peau sont entrées dans le langage courant vers le milieu du XVIIIe siècle.

À l'instar de sa traduction anglaise « redskin », ce terme obsolète issu des classifications raciales en usage au XVIIIe siècle est aujourd'hui décrit comme offensif, dépréciatif, insultant et raciste.

Dans son Systema naturae (1740) Carl von Linné fait déjà mention de la race "Americanus rubescens: Américan rouge" [1].

Des documents de la période coloniale indiquent que l'utilisation du terme « rouge » par les Autochtones d'Amérique pour se qualifier eux-mêmes émerge dans la région du sud-est de l'Amérique du Nord, avant d'être adoptée plus tard par les Européens et de devenir une étiquette générique, voire un profil racial, de tous les autochtones d'Amériques[2],[3].

Dans les régions du nord-est de l'Amérique, l'utilisation du terme « rouge » par les Européens pour décrire les autochtones semble avoir été limitée à des tribus telles que les Béothuks de Terre-Neuve, qui pratiquaient la peinture corporelle et de leurs biens avec de l'ocre rouge, conduisant les Européens à les désigner comme des « Indiens rouges »[4].

Bien que certaines tribus aient utilisé le qualificatif « rouge » pour se décrire elles-mêmes pendant l'ère précolombienne sur la base de leur histoire individuelle, la généralisation de l'usage du terme se serait faite en réponse à des rencontres avec des colons qui se disaient « blancs » pour se distinguer de leurs esclaves dit « noirs », bien que le rouge ne soit pas nécessairement lié à la couleur de peau, mais peut trouver son origine dans des associations culturelles[2].

Le terme « Peaux-rouges » est aussi parfois utilisé pour désigner les Indiens de l'Amérique du Sud[5].

Dans la culture aux XIXe et XXe siècles

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Planche d'Indiens Peaux-Rouges (Image d'Épinal, 1891).

La figure de l'« Indien peau-rouge » a alimenté l'imaginaire occidental tout au long des XIXe et XXe siècles, en particulier dans la littérature de jeunesse[6] et la bande dessinée[7], mais aussi au cinéma[8], dans l'art[9],[10] et les loisirs[11].

« Le nom d'« Indiens Peaux-Rouges » nous rappelle surtout les vives émotions de notre enfance, alors que nous nous plongions avec délices dans la lecture des romans de Mayne-Reid ou de Fenimore Cooper »

— de Saint-George, 1914[12].

Par contraste avec les autochtones à la peau colorée de rouge, les Blancs sont affublés du nom de « visages pâles », expression prétendument attribuée aux « Peaux-Rouges », notamment au cinéma[13],[14].

Usage et acception

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Le Redskin Theater à Anadarko (Oklahoma).

En français

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En 1951 déjà, le terme « Peaux-rouges » est considéré comme « quelque peu périmé »[15]. Devenue obsolète, cette expression est perçue au XXIe siècle au Canada comme péjorative[16],[17], voire comme une insulte[18].

La traduction anglaise « redskin », apparue vers 1769 et à l'origine anodine[19], est devenue péjorative et argotique au fil du XIXe siècle[20] et est jugée offensante pour les Autochtones à la fin du XXe siècle[21]. Plus guère utilisé au XXIe siècle, « redskin » est considéré comme un terme raciste[22], comparable au terme « negro » quant à sa portée offensante[23]. Ce terme subsiste toutefois notamment dans des dénominations de clubs sportifs et d'écoles, et les Autochtones ne le considèrent pas tous comme offensant ou injurieux[24]. En 2020, l'équipe de football américain des « Redskins de Washington » a pourtant été contrainte d'abandonner ce nom à la suite d'une décision d'une cour fédérale américaine, pour être rebaptisée en 2021, les Commanders de Washington[18],[25].

Notes et références

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Références

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  1. (en) « Linnaeus and Race », sur The Linnean Society (consulté le ).
  2. a et b (en) Nancy Shoemaker, « How Indians got to be red », The American Historical Review, Washington, Société américaine d'histoire, vol. 102, no 3,‎ , p. 627–628 (ISSN 0002-8762, OCLC 1830326, DOI 10.1086/ahr/102.3.625, SUDOC 038662248, lire en ligne [PDF], consulté le ).
  3. Yves Bigot (dir.), « Peaux-Rouges : définition et synonyme de Peaux-Rouges en français », sur langue-francaise.tv5monde.com, Paris, TV5Monde SA (consulté le ).
  4. « The Beothuk Indians – “Newfoundland’s Red Ochre People” | Historica », sur www.historica.ca (consulté le ).
  5. Alfred Métraux, Les Peaux-rouges de l'Amérique du Sud, Paris, Bourrelier, coll. « La Joie de connaître », , 126 p. (présentation en ligne).
  6. Dominique Kalifa, « Archéologie de l’Apachisme. Les représentations des Peaux-Rouges dans la France du XIXe siècle », Revue de l'histoire de l'enfance « irrégulière », vol. 4,‎ , p. 19-37 (DOI 10.4000/rhei.51, lire en ligne, consulté le ).
  7. Paul Gravett (dir.), « De 1950 à 1969 : Oumpah-Pah le Peau-Rouge », dans Les 1001 BD qu'il faut avoir lues dans sa vie, Flammarion, (ISBN 2081277735), p. 209.
  8. « Le Peau-Rouge : une épopée génocidaire contre l’ennemi intérieur », dans Pierre Conesa, Hollywar : Hollywood, arme de propagande massive, Robert Laffont, coll. « Le Monde comme il va », , 228 p. (présentation en ligne), p. 37-53.
  9. Charles Lavollée, « Un artiste chez les Peaux-rouges », Revue des Deux Mondes, vol. 22, no 4,‎ , p. 963-986 (lire en ligne, consulté le ).
  10. Muriel Carminati et Patrick Spens, « Un mythe à la peau rouge : Sur la piste des Indiens dans la littérature pour la jeunesse », La revue des livres pour enfants, no 210,‎ , p. 82-90 (lire en ligne, consulté le ).
  11. « Robert Mottura : « C´était l´Ouest américain » », Le Parisien,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  12. Comte de Saint-George, « Les Indiens Peaux-Rouges de l'Amérique du Nord », Le Globe. Revue genevoise de géographie, vol. 53,‎ , p. 93-103 (lire en ligne, consulté le ).
  13. « Découvrir le français : Définition "visage pâle" », sur langue-francaise.tv5monde.com (consulté le ).
  14. Ophélie Wiel, « L’Archétype de l’Indien dans le western américain : Moi Peau-Rouge, toi Visage Pâle », Critikat,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  15. Papy Louis, « A. Métraux. Les Peaux-rouges de l'Amérique du Sud. Collect. « La Joie de connaître ». 1950 [compte-rendu] », Les Cahiers d'Outre-Mer, vol. 4, no 14,‎ , p. 184 (lire en ligne, consulté le ).
  16. Emilie Clavel, « Un dictionnaire québécois pointé du doigt pour des termes racistes », sur quebec.huffingtonpost.ca, HuffPost Québec, Montréal, Patrick White, (consulté le ).
  17. Hélène Cajolet-Laganière, Pierre Martel et Chantal‑Édith Masson, « peau-rouge », sur usito.usherbrooke.ca, Sherbrooke, Université de Sherbrooke (consulté le ).
  18. a et b Paul Journet, « De l'hommage au racisme », sur plus.lapresse.ca, La Presse, Montréal, La Presse, (ISSN 0317-9249, consulté le ).
  19. (en) Yves Goddard, « “I am a Red-skin”: The Adoption of a Native American Expression (1769–1826) », European Review of Native American Studies, vol. 19, no 2,‎ , p. 1-20 (lire en ligne, consulté le ).
  20. Florence Magnot-Ogilvy, « La beauté des Amérindiens et le trouble chromatique dans quelques récits de voyage du premier quart du XVIIIe siècle », Lumières, vol. 36, no 2,‎ , p. 79-92 (DOI /10.3917/lumi.036.0079, lire en ligne, consulté le ).
  21. Philip Herbst, Color of Words: An Encyclopaedic Dictionary of Ethnic Bias in the United States, Intercultural Press, (ISBN 1877864978), p. 197
  22. (en) « Definition of REDSKIN », sur www.merriam-webster.com (consulté le ).
  23. (en-US) « Why Is the Word “Redskin” so Offensive? – Marquette University Law School Faculty Blog », (consulté le ).
  24. « How Many Native Americans Think 'Redskins' is a Slur? », sur CBS, (consulté le )
  25. Zone Sports- ICI.Radio-Canada.ca, « L'équipe de la NFL à Washington abandonne son nom et son logo », sur Radio-Canada, (consulté le ).

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Articles connexes

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