Droit valaque
Titre | Lex antiqua Valachorum |
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Abréviation | Après l'échec sanglant de leur révolution de 1784, les Valaques transylvains présentèrent ce Supplex Libellus Valachorum (en) réclamant le rétablissement du « Droit valaque » progressivement aboli depuis la jacquerie de Bobâlna en 1438. |
Territoire d'application | Balkans, Hongrie orientale et principautés danubiennes. |
Type | Droit coutumier |
Entrée en vigueur | Issu du droit byzantin |
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Abrogation | 1438 |
Le droit valaque régit les droits, devoirs, privilèges et spécificités juridiques des comtés valaques (districta Valachorum), communautés initialement pastorales de l'Europe centrale et orientale médiévale, dirigées par des boyards, cnèzes, joupans ou voïvodes qui y rendaient la justice, levaient la troupe, collectaient l'impôt et veillaient au partage des droits de pâturage, de meunerie, de pêche, chasse, cueillette et bûcheronnage. L'ensemble des comtés régis par le droit valaque, appelées « valachies » (en hongrois vlachföldek) formait, jusqu'au XVe siècle, l'Universitas valachorum (« domaine des Valaques »)[1],[2].
Étymologie
[modifier | modifier le code]Le syntagme « droit valaque », en latin : Lex antiqua Valachorum ou jus valachicum, en grec βλάχικο δίκαιο vlachiko dikéo, en ancien roumain λеџѩ стръмошѩскѣ -legea strămoșească soit « droit ancestral », en hongrois vlach jog, en allemand wlachisch Recht ou altglaubisch Recht (en référence respectivement à la langue romane orientale ou identité ethnique, et à la foi ou identité religieuse orthodoxe des Valaques de la monarchie des Habsbourg), fait référence à la loi commune du peuple roumain avant qu'il ne soit constitué en nation moderne.
Le nom commun « valachie » désignait initialement les communautés romanophones de l'Europe du Sud-Est qui, en Transylvanie, constituaient une Universitas Valachorum[5]. Depuis le VIe siècle, l'intercalation de « sklavinies » slaves entre les valachies a abouti avec le temps, à la slavisation linguistique de nombre de ces communautés pastorales, de sorte qu'au XVIIIe siècle le terme « valaque » a fini par désigner indistinctement tout berger orthodoxe, qu'il soit romanophone (cas majoritaire en Hongrie orientale et en Transylvanie) ou slavophone (cas majoritaire dans les Balkans)[6],[7],[8],[9].
Généralités
[modifier | modifier le code]Le « droit valaque » définit les droits et devoirs des communautés rurales et pastorales de langue romane orientale (en roumain obștile păstoreşti)[10] d'Europe du Sud-Est dans les États du Moyen Âge et du début de la période moderne, dans les deux principautés roumaines de Moldavie et de Valachie, ainsi que dans la principauté de Transylvanie régie par la noblesse hongroise et vassale du Royaume de Hongrie, dans les États serbes et en Bulgaro-Valachie (notamment au Nord du Danube)[11]. Une vision ségrégationniste de l'histoire sous-entend que l'autonomie d'une communauté sur un territoire, en exclut nécessairement les autres communautés. Selon cette vision, si les Valaques n'étaient seuls que dans un nombre limité de territoires, le « droit valaque » n'a pu exister que dans ces terroirs restreints et épars. Les sources secondaires considèrent qu'il ne s'agissait que d'exemptions de taxes offertes aux nobles non-roumains par les souverains des royaumes dominant la région, pour défricher le domaine royal à l'aide de bûcherons valaques tardivement importés, des Balkans en Hongrie ou en Moldavie selon les ouvrages hongrois, russes ou soviétiques, ou inversement de Transylvanie dans les Balkans selon les ouvrages yougoslaves[12], croates, serbes ou bulgares[13]. Pour affirmer cela, l'historiographie moderne considère comme « non-pertinent » l'ouvrage Tripartitum d'István Werbőczy (juriste et homme d'État hongrois) qui en 1517 décrit en détail le « droit valaque » comme un statut d'autonomie locale reconnu aux « valachies » médiévales formant l'Universitas valachorum[14],[15].
Les plus anciens documents conservés concernant le « droit valaque » sont des chartes datant du XIIe siècle. Les principaux champs d'application de la loi valaque, quelle qu'en soit la localisation, sont[16],[17],[18]:
- le droit de voyager, de porter des armes, de pêcher et chasser pour les marchands et pasteurs valaques ;
- les modalités de prestation de services et de travail envers les propriétaires fonciers ;
- le service militaire envers le pays souverain où les « valachies » se trouvaient ;
- la justice rendue par un « Жуδε » valaque (jude : « juge, bourgmestre » du latin médiéval « judex », lui-même issu du latin judicium) ;
- un tiers du montant des amendes infligées allait au vornic roumain local et les deux tiers pouvaient être utilisés par les villages selon leurs propres besoins ;
- les villageois pouvaient racheter leur obligation de corvée avec un dixième de leur production (decima) ;
- les éleveurs devaient donner à la couronne hongroise un cinquantième de leur cheptel annuel (quinquagesima).
« Droit valaque » et « domaine des Valaques » dans le bassin du moyen Danube
[modifier | modifier le code]En Hongrie médiévale et dans ses états-vassaux
[modifier | modifier le code]Dans le bassin du moyen Danube, la dénomination latine Universitas Valachorum (« domaine des Valaques ») définit l'auto-gouvernement des Roumains dans la Transylvanie médiévale, en Hongrie médiévale orientale, dans le banat de Severin et dans les principautés danubiennes. Entre 1288 et jusqu'en 1438, l'Universitas valachorum était convoquée par le roi de Hongrie ou par le voïvode de Transylvanie pour participer à l'assemblée générale de Transylvanie (congregatio generalis) aux côtés des trois autres « États » des confins orientaux de la Hongrie : nobles, saxons et sicules (universis nobilibus, Saxonibus, Syculis et Olachis in partibus Hungariae et Transiluanis)[19].
L'Universitas valachorum reconnaissait à la noblesse roumaine orthodoxe (voivodes, joupans, cnèzes) un statut officiel en tant que représentante des Valaques, aux pouvoirs juridictionnels fondés sur la Lex antiqua Valachorum (λеџѩ стръмошѩскѣ -legea strămoșească). La langue liturgique des orthodoxes de Hongrie et Transylvanie, y compris Roumains, était le slavon d'église ; leurs paroisses dépendaient des chorévêques (χωρεπισϰόποι : évêques itinérants), et des perichorètes (περιχωρέτοι : responsables des régions périphériques de l’Empire) du patriarcat œcuménique de Constantinople[20],[21], ou, selon les périodes, des patriarches de Peč ou de Tarnovo : au IXe siècle, la Vita Methodii (« La vie de saint Méthode ») relate que les frères Cyrille et Méthode en mission en Grande Moravie y auraient rencontré d’autres missionnaires « grecs, valaques et allemands » en 863[22],[23] et l’empereur byzantin Basile II, réorganisant au début du XIe siècle l'archevêché d'Ohrid, inclut parmi ses éparchies celle de Tibiscum[24].
On connaît également des assemblées locales dans quelques comtés transylvains, auxquelles participaient des représentants roumains[25].
Bien que l'historiographie hongroise moderne occulte l'Universitas valachorum[26], celle-ci a participé comme telle à au moins deux assemblées générales de Transylvanie (congregatio generalis), ce qui est documenté avec une totale certitude par des sources écrites : une à Alba Iulia convoquée par André III de Hongrie en 1291, et une à Turda en mai 1355, liées à une lettre envoyée par Roi Louis Ier[27]. En 1288, selon la lettre de Lodomer, alors archevêque d'Esztergom, la Hongrie étant menacée par les Tatarss, Pétchénègues, Coumans et autres héritiers de l'invasion mongole de l'Europe, l'Universitas valachorum fut convoquée avec les autres États (universisque nobilibus, Ungarorum, Saxonibus, Syculis et Volachis) et les représentants des églises des comtés de Brașov, Făgăraș et Sibiu, pour défendre la foi chrétienne face à ces peuples tengristes[28]. En 1291, les représentants roumains furent convoqués par le roi André III de Hongrie à l'assemblée générale des États de Transylvanie à Alba Iulia[29].
Le plus récent document connu attestant la participation de l'Universitas valachorum à une assemblée générale des États (« congregatio generalis ») de Transylvanie à Turda, est daté de mai 1355. Six documents relatant les débats, datés entre le 23 et le 26 mai, nous sont parvenus : chacun d'entre eux décrit les participants d'une manière différente, mais convergente, en donnant le principal rôle à la noblesse[30]. L'un d'eux donne la liste nominative des participants, mentionnant leurs appartenances : clergé, magnats, nobles, sicules, saxons, valaques. Jusqu'aux mesures restrictives prises en 1366 par le roi Louis Ier de Hongrie à l'encontre des orthodoxes de son royaume, il n'y a aucune raison de penser que les Valaques, et eux seuls, aient été exclus des assemblées transylvaines, générale ou comtales.
Dans les documents du royaume de Croatie associé à la Hongrie, les « Valaques » étaient régis par une charte spéciale selon laquelle « ceux dans les villages » (cultivateurs sédentaires) paient des impôts et « ceux sans village » (bergers transhumants) servaient dans la cavalerie[31]. Jusqu'au XVIe siècle, le terme « Valaque » désignait un locuteur des langues romanes orientales de confession orthodoxe, une signification ethnique qui s'est perdue à partir du XVIIe siècle à mesure que ces communautés pastorales passaient aux langues slaves méridionales et au catholicisme, si bien qu'au XVIIIe siècle il était utilisé pour les bergers et les garde-frontières des confins militaires habsbourgeois bénéficiant des statuta Valachorum (Vlaški statuti), quelle que soit leur langue, religion ou origine[32].
En Transylvanie, après l'échec de la jacquerie de Bobâlna en 1438 et la constitution de l'« Union des trois nations » qui exclut les Valaques, l'Universitas valachorum est abolie et la Lex antiqua valachorum disparaît progressivement de sorte que la noblesse roumaine transylvaine n'a que trois issues : s'intégrer à la noblesse hongroise en passant au catholicisme et à la langue hongroise (grofia), s'exiler en Moldavie ou Valachie (descălecarea), ou perdre tous ses droits et tomber en servitude (iobăgia)[33].
Au nord de la Hongrie médiévale
[modifier | modifier le code]Au nord de la Hongrie médiévale, de la Marmatie et jusqu'en Valaquie morave, des communautés pastorales, initialement orthodoxes et de langue roumaine, vivaient dans les Carpates où elles pratiquaient aussi le bûcheronnage. Au fil des siècles, elles sont passées au catholicisme ainsi qu'aux langues polonaise, tchèque ou ukrainienne (comme les Gorales, les Moravalaques, les Houtsoules et les Rusyns)[34],[35].
Même après leur slavisation, les populations montagnardes de ces régions ont conservé la loi valaque et aussi leur architecture religieuse (églises en bois de Petite Pologne, des Carpates slovaques, polonaises, ukrainiennes et roumaines). La loi valaque a d'ailleurs favorisé leur slavisation car, étant plus avantageuse que les taxations et les corvées en plaine, elle attirait dans les montagnes les populations slaves environnantes[36],[37],[38],[39].
Le « droit commun » utilisé par la population roumaine en Hongrie médiévale et particulièrement en Marmatie et en Transylvanie, est proche de celui utilisé en Moldavie et en Valachie. En Hongrie, le droit coutumier coexistait avec le droit écrit (décrets royaux) : ils avaient la même autorité et étaient appliqués en conséquence devant les tribunaux. Par exemple, la « taxe sur les moutons » (quinquagesima ovium, signifiant « le cinquantième mouton » à livrer au roi de Hongrie) était payée uniquement par les Roumains, qui, en revanche, n'étaient pas imposés sur leur production agricole[42]. La loi est liée aux comtés roumains dits districta Valachorum, mentionnés au XIVe siècle. Ces districta Valachorum disposaient d'une part d'autonomie juridique, où les gens pouvaient utiliser la Lex antiqua Valachorum. La loi valaque était plus fréquemment appliquée là où la population roumaine était plus dense dans le royaume de Hongrie et en Principauté de Transylvanie[41].
Le droit coutumier valaque distribuait les terres par "sorți" (« catégories », soit pâturages, prés, bois, étangs, champs…) divisées en fălci (« parcelles »), le propriétaire de la parcelle contigüe étant un vicinus (roumain vecin : « voisin » et plusieurs voisins se partageant l'usufruit des eaux, des moulins et des prés d'un terroir). Le respect de la loi était supervisé par un « Жуδε » (jude : « juge, bourgmestre » du latin médiéval « judex », lui-même issu du latin judicium) ; le « vornic » répartissait les travaux communs, les droits et des devoirs ; le « joupan » et le « domn » (issu du latin dominus) percevaient les taxes, le « cneaz » et le « voievod » recrutaient et menaient les combattants en cas de guerre. À mesure que reculait le droit valaque, ils furent progressivement remplacés par des ispáns magyars, et les comtés roumains furent regroupés en comitats hongrois sans autonomie. Dans ces travaux, le droit valaque est considéré comme le droit coutumier d'un peuple autochtone [43].
Orthodoxes, les boyards, joupans, knèzes et voïvodes roumains et slaves (ces quatre titres remontant au premier Empire bulgare) représentaient la population autochtone de Hongrie orientale devant la couronne hongroise, et leurs activités se déroulaient à proximité de leur village, de nouveaux groupes de maisons étant construits à la limite extérieure d'un ancien habitat. Cette situation était un héritage du changement d'équilibre politique au XIe siècle, lorsque, sur les territoires formant aujourd'hui la Roumanie moderne, le Premier empire bulgare (et plus précisément sa partie au nord du Danube) de confession orthodoxe, cède la place au Royaume médiéval de Hongrie de confession catholique. Initialement, la monarchie hongroise tolère les orthodoxes qui continuent à utiliser la liturgie bulgare, puis le roi Louis Ier de Hongrie promulgue en 1366 un édit selon lequel seuls les nobles catholiques seront désormais reconnus comme tels, ce qui en exclut les roumains et les slaves restant orthodoxes. Les nobles roumains des zones de plaine perdent leur influence, leurs domaines et leurs titres assez rapidement, à mesure que leurs terres passent à la noblesse hongroise, tandis que ceux des zones d'altitude maintiennent leurs coutumes plus longtemps, comme dans les régions de Hațeg, Banat et Marmatie. Persécutés en tant qu'orthodoxes, les nobles roumains qui refusent de faire allégeance à l'Église catholique choisissent de passer les Carpates (descălecarea) et se réfugier en Moldavie et Valachie, États orthodoxes[44],[45].
Selon l'historien roumain Ioan-Aurel Pop, à la fin du XIIIe siècle, environ quarante comtés roumains sont enregistrés en Hongrie orientale et Transylvanie, de la Marmatie au nord jusqu'au banat de Severin au sud. Ces comtés comprenaient les terres des nobles roumains orthodoxes « tolérés » (tolerati), assimilés de barons (le rang nobiliaire le plus modeste), car seuls les nobles magyars catholiques étaient reçus nobles à part entière (recepti). Les tolerati étaient obligés de payer des droits aux recepti à moins de se convertir au catholicisme[46]. Toutefois les devoirs des « tolérés » (montant du tribut, nombre de guerriers à fournir, fantassins ou cavaliers) variaient selon les conditions spécifiques dans lesquelles leurs ancêtres avaient été soumis par les Magyars[47]. Persécutés chez eux après l'édit de 1366, de nombreux roumains, nobles ou roturiers, ont fui des comtés transylvains de Bârsa, Făgăraș, Sibiu, Hunyad et Hațeg, ainsi que des comtés banatéens de Vâlcu / Valkó, de Caraș-Severin / Krassó-Szörény et du Timiș vers le banat de Severin où les orthodoxes étaient tolérés mais tenus de fournir un tribut et des troupes à la couronne de Hongrie.
Au sud de la Hongrie médiévale
[modifier | modifier le code]Au sud de la Hongrie médiévale, au XIIIe siècle, entre la Croatie médiévale (Horvát királyszág ou Hrvatsko kraljevstvo) et la Valachie (Havasalföld, Terra Valachorum ou Ца́ра Ромѫнѣ́скъ soit Țara Românească), initialement liées au royaume médiéval de Hongrie, celui-ci s'est étendu sur l'aval des bassins hydrographiques de la Save, dans les Balkans occidentaux, et du bas-Danube dans les Balkans orientaux, soumettant mais laissant autonomes des populations slaves méridionales et romanes orientales : ainsi se sont mis en place d'ouest en est, neuf « banats » (marches frontalières) : Ozora, Rama, Só, Mačva, Braničevo / Braniștea / Barancs, Kučevo / Cuciova / Kucsó, Timiș, Severin et Argeș. Dans les cinq derniers des universitas Valachorum sont mentionnées[48],[49],[50],[51],[52].
En 1457, alors que l'Empire ottoman commençait à empiéter sur les domaines hongrois, le roi Ladislas le Posthume émit une charte réaffirmant et renforçant les privilèges antérieurs des joupans et voïvodes slaves méridionaux et roumains, explicitement référencés dans le document[53] et selon lesquels les Valaques, conformément au droit valaque, ne pouvaient être jugés que par leur propre seigneur[54]. Cependant, s'ils n'avaient pas de tel seigneur ou s'ils n'étaient pas satisfaits des décisions des tribunaux locaux, le roi Ladislas leur fait droit à en appeler directement à lui. Enfin, le roi admit les joupans et les knèzes des banats comme barons de la noblesse hongroise[54]. Le roi Ladislas mourut peu après avoir émis cette charte, et le roi suivant, Matthias Corvin, qui avait des origines dans la noblesse roumaine, maintînt ce système qui perdura jusqu'à la conquête ottomane du royaume de Hongrie (1526)[54]. Dans la seconde moitié du XVe siècle, le rôle militaire des Valaques fut supplanté par les knèzes serbes en exil, chassés de leurs domaines par la conquête turque, et qui, en Hongrie méridionale, prirent en charge la défense des gués du Danube et de la Save contre les Ottomans[54]. En 1609, les représentants (nobles, knèzes et roturiers) des Valaques du banat de Timiș demandent et reçoivent une reconfirmation de leurs privilèges de la part du voïvode de Transylvanie, Gabriel Bethlen[54]. Au milieu du XVIe siècle, quelques nobles roumains, influencés par la Renaissance italienne, tentent d'introduire l'idée d'une communauté par la langue plutôt que par l'origine sociale, mais pour l'Universitas valachorum il était déjà trop tard, puisqu'en Transylvanie elle avait été abolie en 1438 et puisque le Banat fut incorporé à l'Empire ottoman en 1658[55].
Recul du droit valaque
[modifier | modifier le code]Après la répression de l'insurrection transylvaine de Bobâlna et la création de l'Union des Trois Nations en 1438, le droit valaque disparaît progressivement tandis que les maîtres et boyards roumains membres de l'Universitas Valachorum, doivent choisir entre trois solutions : perdre tous droits et la tomber dans le servage, fuir au-delà des Carpates vers la Moldavie ou la Valachie, ou bien se fondre dans la noblesse hongroise en passant au catholicisme et en adoptant la langue hongroise[56],[57]. Après la rébellion en 1328 du Ban d'Argeș, Basarab, et sa victoire à la bataille de Posada en 1330, la couronne hongroise dut reconnaître l'indépendance de la principauté de Valachie[58].
« Statuts des Valaques » dans le domaine des Habsbourg
[modifier | modifier le code]Dans la Monarchie des Habsbourg, les « statuts des Valaques » (latin : statuta Valachorum)[59] promulgués en 1630[60], concernaient tous les régiments de garde-frontières, les pandoures et les fermiers des « Confins militaires » qu'ils fussent Serbes, Roumains (et orthodoxes) ou Sicules (et catholiques ou protestants)[61].
L'Empire des Habsbourg absorbe la Transylvanie en 1699 et en fait un grand-duché. Dans ce pays, au XVIIe siècle, lors de la mise en place des « Confins militaires » habsbourgeois, seul le comté de Fogaras, quelques joupanats comme Almaj, Amlaș, Gurghiu, Lăpuș, Năsăud ou Zărnești ainsi que les pays des Motses et d'Oaș étaient encore régis par le jus valachicum. C'est pourquoi les Valaques transylvains réclament en 1784 son rétablissement sous une forme actualisée, et se révoltent. Cette révolte échoue et les dernières traces de jus valachicum disparaissent, mais sont relayées par les statuts des Valaques de la Transylvanie militaire, qui disparaissent à leur tour en 1867 en même temps que la Grande-Principauté transylvaine[62], alors totalement intégrée au royaume de Hongrie.
Dans la monarchie des Habsbourg, les confins militaires étaient une zone frontalière destinée à défendre l'Empire contre les incursions esclavagistes des irréguliers de l'Empire ottoman : en Hongrie et en Croatie elle a été établie au XVIe siècle et des forteresses y ont été construites. D'origines diverses (Croates, Serbes, Roumains, Magyars, Sicules) les gardes-frontières et les patrouilleurs qui y furent établis disposaient d'un gouvernement autonome et étaient liés à cet ordre militaire et politique centralisé par leur droit de propriété foncière et leur liberté personnelle. Les Habsbourg constituèrent ainsi une armée bon marché pour la défense de leurs frontières, très motivée pour résister aux raids esclavagistes et extrêmement fidèles à la dynastie des Habsbourg, qui pouvait l'utiliser non seulement contre les Ottomans mais aussi dans des conflits internes contre les paysans et les nobles révoltés. Une fois établis les confins militaires, ils devînrent un refuge pour de nombreux serfs, agriculteurs, bergers et artisans chrétiens des Balkans conquis et mis en coupe réglée par l’Empire ottoman. Parmi eux, les Valaques ont acquis ou retrouvé au XVIIe siècle le droit d'être régis par la loi valaque et d'être commandés par des joupans selon leur propre système fiscal, judiciaire et militaire. En échange, ils devaient garder les frontières, surveiller les routes et les sentiers de montagne, intercepter les contrebandiers, capturer les brigands, assurer la sécurité des passagers et des transports de marchandises[63]. Le droit valaque a continué à être utilisé au XVIIe siècle dans la mărginimea Sibiului (marge frontalière de Sibiu) et, sous une forme un peu différente, dans le vlachföld de Făgăraș où la plus récente mention de la loi valaque remonte à seulement 1885[64].
Dans la monarchie des Habsbourg, l'empereur Ferdinand II promulgue le , les Statuts valaques (Statuta Valachorum, allemand : Verfassungen der Wlachen, hongrois : a Vlachok Alkotmányai, roumain : Pravila Vlahilor ou serbo-croate : Vlaški statuti) qui définissaient les droits de fermage et la fiscalité des réfugiés romanophones ou slavophones indistinctement, mais orthodoxes, fuyant la domination turque et accueillis dans les confins militaires. Des terres leur étaient accordées en échange de la surveillance et de la défense des frontières impériales[65],[66],[67]. Les confins militaires étaient placés sous l'autorité directe du ministère de la Guerre de Vienne, échappant à l'administration du Parlement croate. Il s'agissait de l'une des trois lois majeures adoptées au début du XVIIe siècle sur la fiscalité et les droits des Valaques, complétant le décret antérieur de 1608 de empereur Rodolphe II et un décret de 1627 de empereur Ferdinand II[68],[69].
Les Valaques du « Généralat de Varaždin » (en Slavonie, entre Drave et Save) étaient autrefois des groupes orthodoxes de langue romane qui se sont ensuite progressivement slavisés et intégrés dans l'Église catholique de l'Empire des Habsbourg. Dans les sources, les fugitifs, venus des massifs de Romanija Planina, Stari Vlah, Vlassina et autres Vlašina conquis par les Ottomans, sont tous appelés « Valaques » avec en plus, et occasionnellement, des noms comme Morlaques, Pribegi (« nomades » en roumain), Predavtsi ou Uscoques (« embusqués » en serbo-croate)[70],[71].
Dans la seconde moitié du XVIe siècle, les Valaques de Slavonie ne constituaient plus la majeure partie de la population car les privilèges valaques attiraient de nombreux slaves méridionaux qui se mêlaient aux Valaques afin d'obtenir leur statut[72], par exemple en 1600[73],[74],[75]. La liberté de religion statutaire dans ces confins militaires[76] suscita les protestations[77] de la noblesse catholique hongroise et croate, dépossédée de son autorité sans ces territoires[78]. En 1608, pour diminuer les protestations des nobles et du clergé catholique, l'empereur autrichien Rodolphe II institua une loi selon laquelle les « Valaques » des confins militaires, quelle que soit leur foi, devaient un dixième de leurs revenus à l'évêque de Zagreb, et 1/9ème aux seigneurs féodaux propriétaires des terres[79],[80],[81]. Cela eut pour effet de stabiliser les confins militaires[82] jusqu'en en 1632 lorsqu'une rébellion des garde-frontière orthodoxes éclata contre les gouverneurs autrichiens locaux ; la rébellion fut réprimée et ses meneurs, le « knèze » (comte) Marko Bogdanović et le harambacha Smoljan Vujić, furent exécutés[83]. Une autre rébellion éclata en 1665-1666 lorsque les gardes-frontière, sous Stefan Osmokruhović se soulevèrent contre les officiers autrichiens, après que ces derniers aient rogné leur statuta Valachorum[84] Le 14 avril 1667, les status furent rétablis et révisés[85],[86].
Le droit valaque en Hongrie médiévale nié ou minimisé
[modifier | modifier le code]Depuis la chute du communisme en 1990, l'historiographie hongroise est progressivement revenue à la thèse austro-hongroise du « Désert des Avars » (en hongrois Avar sivatag, en allemand Avarenwüste) du linguiste autrichien Edouard Robert Rössler, émise au cours du XIXe siècle pour délégitimer les revendications austroslavistes ou roumaines. La thèse du « Désert des Avars » affirme que le bassin du moyen Danube était vide d'habitants sédentaires à l'arrivée des Magyars et vide aussi politiquement depuis les défaites des Avars face aux Carolingiens en 805. Selon ce point de vue, les Magyars d'outre-frontières actuels (devenus un enjeu dans la politique intérieure hongroise sur le thème de leurs droits historiques) sont les « îlots résiduels » d’une population hongroise initialement uniforme dans tout le bassin des Carpates intérieures (appelé « Bassin Pannonien » en Hongrie). Cette « population exclusivement magyare au XIe siècle », aurait été « submergée à partir du XIIIe siècle par l'arrivée massive d'immigrants allogènes » slaves ou valaques. Cette thèse nie l'existence d'États slaves comme la Moravie ou la Principauté du Balaton (appelée anachroniquement « Pannonie » en Hongrie) et plus tard celle des « banats » (marches frontalières) de Croatie, Serbie et Valachie occidentale, avec leurs « sièges » et leur autonomie. Ainsi, la diversité des populations de la Hongrie d'avant 1918 serait le fruit d'une « immigration » et le traité de Trianon (1920) serait le « scandaleux aboutissement d'un processus de submersion de la population originelle ». À mesure que la politique de plus en plus nationaliste du gouvernement Orbán se rapproche des positions de l'extrême-droite identitaire, de plus en plus d'auteurs et de cartographes hongrois considèrent toute autre thèse comme « fausse » et « inventée »[87].
Même dans les articles scientifiques, la rareté des sources primaires écrites a permis aux historiens hongrois modernes d'affirmer qu'à la fin du XIIIe siècle, seuls se réunissaient les représentants de trois comtés roumains privilégiés, ceux de Brașov, Făgăraș et Sibiu sur la frontière entre la Transylvanie et la Valachie, et seulement dans des assemblées séparées, l'Universitas valachorum égale aux collèges des Sicules et des Saxons, n'ayant selon eux jamais existé[26].
C'est pourquoi l'historiographie hongroise du XXIe siècle considère les Roumains du royaume médiéval de Hongrie non comme des indigènes pourvus de leur propre « droit commun » ancestral hérité de la période bulgare précédente et initialement reconnu par la couronne hongroise, mais comme des « immigrants tardifs » auxquels la royauté hongroise aurait concédé quelques privilèges au XVe siècle. Elles ne mentionnent pas l'existence des nobles roumains, n'admettent pas celle des « valachies » (vlachföldek) ni celle de l'Universitas valachorum qu'elles présentent comme une simple invention des historiens nationalistes roumains, et n'admettent pas non plus qu'il y ait eu des orthodoxes en Hongrie avant le XIIIe siècle[88],[89].
Utilisant, à l'égard des travaux roumains, la méthode hypercritique, ces sources hongroises minimisent fortement (lorsqu'il s'agit d'ouvrages spécialisés) ou occultent systématiquement (lorsqu'il s'agit de sources secondaires) leur existence[90],[91]. Pour étayer cette thèse, l'historiographie hongroise affirme que toutes les sources primaires mentionnant des Valaques au nord du Danube avant le XIIIe siècle sont « inexactes », que les travaux qui leur accordent du crédit sont « non-pertinents »[92],[93] et que la majorité des travaux roumains sont « nationalistes, fantaisistes et de mauvaise foi » par définition : elle décrit la loi valaque comme encadrant une « colonisation tardive en provenance des Balkans » à partir du milieu du XIVe siècle[94] et demande la suppression[95] des cartes montrant les districta Valachorum, accusées, comme tout ce qui ne s'aligne pas sur la thèse du « Désert des Avars », d'être des « falsifications fictives » ou des « travaux inédits »[96].
La thèse du « Désert des Avars » ne nie ou ne minimise pas seulement l'existence des « valachies » mais aussi celle des « sklavinies » et des États slaves plus puissants comme la principauté du Balaton[97]. Concernant les confins militaires et les Statuta valachorum des Habsbourg, le fait que le mot « valaques » a progressivement perdu son sens linguistique pour acquérir un sens religieux est interprété par l'historiographie moderne, croate, bosnienne ou serbe, comme une preuve qu'il ne désignait pas des populations d'origine romane, mais seulement slave méridionale[78],[98],[99].
Droit valaque, Zakon vlachom, Cãtune et Ulah milleti dans le bassin du bas-Danube et dans les Balkans
[modifier | modifier le code]Dans l'Empire byzantin
[modifier | modifier le code]Contrairement à une idée répandue, l'Empire byzantin n'était pas un « État exclusivement grec »[100] : dès 579 par Théophane le Confesseur et Théophylacte Simocatta, signalent, dans la chronique d'une bataille contre les Avars, que des romanophones combattant dans les rangs de l' armée impériale[101]. La linguistique et le toponymie confirment la présence des Illyriens et des Thraces romanisés (Thraco-Romains), locuteurs respectivement du dalmate le long de l'Adriatique et du proto-roumain dans les deux Dacies : la « trajane » et l'« aurélienne », et en Mésie, au nord de la ligne Jireček[102]. Une forte présence romane a persisté dans la région jusqu'à la fin du règne de Justinien I au VIIe siècle[103]. À cette époque, les chroniqueurs byzantins appelaient Ῥωμαίοι - Rhômaíoi ou Romées, soit « Romains » en grec tous les citoyens de la Βασιλεία των Ῥωμαίων (Basileía tôn Rhômaíôn : « empire des Romains » en grec), et, pour distinguer parmi eux les romanophones des Balkans, ils utilisaient le nom de Besses (une ancienne tribu thrace)[104]. L'exonyme « Valaques » (d'origine germanique : voir l'histoire du terme Valaque) entre en usage au Xe siècle : dans son Strategikon[105], Cécaumène précise au XIe siècle que les romanophones de Thessalie descendent des anciens Thraces et Daces et qu'on les appelle Besses ou Valaques[106],[107].
En Serbie et Bulgarie
[modifier | modifier le code]Arrivés dans les Balkans aux VIe et VIIe siècles, les Slaves méridionaux absorbèrent au fil des siècles les populations romanisées, mais à quel rythme ? La littérature historique serbe et bulgare affirme que ce fut d'autant plus rapide, que ces populations de langue romane « étaient peu nombreuses, ayant été décimées par les invasions des Goths et des Avars », de sorte que les nations serbe et bulgare étaient déjà mono-ethniques sur leurs terroirs actuels au VIIIe siècle et que les mots власи, влаши ou себри (« vlasses, vlaches » ou « sèbres ») n'y « désignaient pas des locuteurs de langues romanes, mais des bergers en grande majorité slavophones »[108],[109],[110],[111]. De nombreux noms romans ont pourtant été identifiés dans la toponymie ancienne des Balkans[112].
La dénomination « Valaques » finit par s'imposer au XIIe siècle, dans le Regnum Bulgarorum et Blachorum, pour distinguer les romanophones (organisés en Βλαχίες, « valachies ») des Grecs (organisés en κεφαλίες, « céphalies ») et des Slaves (organisés en Σκλαβινίαι, « sklavinies »)[113],[114],[115]. Les pays slaves méridionaux (Serbie, Bulgarie) héritent au XIVe siècle du droit byzantin et, parmi les dispositions de celui-ci, du « droit valaque » appelé закон влахом zakon vlachom, connu par trois chartes monastiques : celle de Banjska émise par le roi Stefan Milutin en 1313–16, celle du Hilandar de 1343 à 1345 et celle de Prizren de 1348 à 1353[116]. Les chartes médiévales bulgares et serbes des communautés pastorales valaques étaient adaptées à leur mode de vie transhumant et distinguaient deux catégories de Valaques (Власи / Vlasi) concernés par le zakon vlachom : les hommes en armes (en aroumain bātāuṣi, en grec στρατιώτoι stratioti, en slave méridional ратники ratniks) et les « chélateurs » (en aroumain pāstori, en grec χηλήoι, en serbe пастири « pasteurs » : marchands, transporteurs, bergers) ce qui déterminait les obligations et les formes d'imposition : les hommes en armes devaient défendre le royaume, les chélateurs qui payaient une dîme entière devaient donner un dixième de leur bétail mais étaient exemptés de toute autre cotisation au monarque, tandis que ceux qui payaient une demi-dîme devaient effectuer diverses tâches pour les monastères et pour l'armée (telles que le traitement de la laine, la fabrication de produits en laine, la fourniture de fromages)[117],[118],[119].
Quoi qu'il en soit, le souverain serbe Stefan Milutin et le souverain bulgare d'origine valaque Cãliman Asan II réglementent aux XIe et XIIIe siècles le droit valaque dans leurs royaumes. Au temps de Stefan Dečanski et de Stefan Dušan, les Valaques fournissaient à l'État serbe les chevaux de l'armée et vivaient dispersés dans des cãtune (hameaux d'altitude) dépendant de « comtes valaques » (comes catuni, catunarii) mentionnés dans des documents de 1220, 1282-98, 1302-09 et dans les chroniques des croisés[120]. Le roi Stefan Uroš Ier Nemanjić, dans la concession (vers 1280) de son épouse la reine Hélène d'Anjou, confirmait les privilèges accordés par Stefan Vladislav au monastère de Vranjina, mentionnant nommément les cãtune valaques et les villages albanais, grecs, latins et serbes de la région[121]. Le roi Stefan Milutin mentionne la « loi valaque » (zakon vlachom)[120]. En 1330, le roi Stefan Dečanski accorda au monastère de Visoki Dečani des pâturages ainsi que des cãtune valaques et des villages albanais autour des rivières Drim et Lim par où l'on transportait la laine, le sel et le bois pour le monastère[120],[122],[123]. Trois des actes de donation émis par Stefan Dušan mentionnent les Valaques et les Serbes séparément (« …les Valaques comme les Serbes »)[124]. L'octroi de cãtune valaques aux monastères de Peć et de Gračanica s'est poursuivi sous le règne du tsar serbe Stefan Uroš V (1355-1371)[120].
André Du Nay et Zef Mirdita écrivent que l'exonyme « Valaque » pouvait désignait des bergers libres, indépendamment de leur langue et origine ethnique, mais que la spécificité des Valaques en tant que romanophones identifiés comme tels par leurs patronymes et les noms de leurs cãtune, apparait dans les chartes des monastères de Banjska, Dečani et de Hilandar ainsi que dans le code de Dušan de 1349, appliqué dans la partie des Balkans conquise par le tsar serbe Dušan entre les mers Adriatique et Égée, comprenant la Macédoine, l'Albanie, l'Épire, l'Acarnanie (alors appelée « Petite Valachie »[125]) et la Thessalie (alors appelée « Grande Valachie »[126]). Ces Valaques vivent principalement de pastoralisme : ils fournissaient des moutons, des chevaux, des mules, du fromage, du sel, du bois, et la laine de leurs troupeaux (Φλοϰάτες - flocate) étant réputée dans les deux Empires, byzantin et serbe, notamment pour confectionner les capes des soldats[127].
Il n'y avait pas alors de statistiques ethniques, mais les mentions du droit valaque, des noms de personnes et de lieux, ainsi que certains articles des chartes montrent que le pouvoir serbe différenciait les communautés linguistiques[128],[129].
Par exemple, les chartes prévoient qu'en cas de vol entre villageois serbes, l'accusé trouvé coupable est passible d'une amende de 50 perpères, tandis que pour les Albanais et les Valaques elle se montait à 100 perpers[120]. Un autre article interdit les mariages mixtes entre Serbes et Valaques[120],[124] et un autre encore interdit la nuitée de bergers valaques ou albanais dans les villages serbes, sauf en cas de force majeure, et alors ils devront payer selon la quantité de pâturage consommée par leurs troupeaux[120]. La protection des paysans slaves par le Code de Dušan a forcé des communautés valaques à quitter la Serbie soit pour monter au nord, vers la Transylvanie (ce qui, pour l'historiographie hongroise, inaugure la présence roumaine dans cette région[130]) soit pour descendre au sud, vers la Grèce, jusqu'en Arcadie (région de Skorta[131]). Un édit de 1436 d'Ivan VI Frankopan (en) illustre l'application du droit valaque. Parmi les réglementations les plus importantes figurent les devoirs militaires et fiscaux des Valaques, gouvernés par leurs propres boyards, cnèzes, joupans et voïvodes et tenus de participer à la guerre « avec un bouclier et une épée » ou de payer un impôt de guerre en échange[132]. Les Valaques des Balkans médiévaux, avaient aussi des noms hybrides, témoignant, malgré l'interdiction de mariages mixtes avec des Slaves méridionaux[133]. Bien que les Valaques romanophones des actuels Balkans soient très minoritaires, il est difficile de dire si leur slavisation s'est produite très rapidement et tôt compte tenu de l'attractivité du droit valaque pour les Slaves méridionaux, comme l'affirment les travaux serbes et bulgares[134] ou lentement et progressivement compte tenu de l'endogamie des Valaques en tant que montagnards transhumants réticents à se sédentariser et à abandonner leurs traditions ; toujours est-il que lors des premiers rencensements ethniques du XIXe siècle ils étaient encore beaucoup plus nombreux qu'aujourd'hui, et que la scolarisation dans les langues des États modernes a joué un rôle majeur dans la diminution de leur nombre[135].
Dans l'Empire ottoman
[modifier | modifier le code]Après la conquête ottomane des Balkans aux XIVe et XVe siècles, le sultan ottoman Soliman le Magnifique reconnaît en 1521 l'autonomie des cãtune et la loi valaque au profit des Aroumains (Ak-Ulahlar) de Macédoine (Selanik ili) et des Roumains (Kara-Ulahlar) de Niš, de Braničevo, de Vidin et de Dobroudja (Ton ve Özi ili)[136], sous l'obédience du Patriarcat œcuménique de Constantinople[137]. La Rüsûm-i Eflakiye était une taxe payée par les Valaques des Balkans bénéficiant d'allégements fiscaux sous les dirigeants byzantins, bulgares et serbes en échange de divers services appelés martolos : ce système a continué sous la domination ottomane[138]. Au XXe siècle, en 1905, le sultan réformateur Abdülhamid II reconnaît comme millet (« communauté ») les turc : Ulahlar (« Valaques ») : ce nouveau millet disparaît à l'issue des guerres balkaniques lorsque la péninsule est divisée entre les royaumes chrétiens de Bulgarie, Grèce et Serbie dont les Aroumains deviennent alors les citoyens[139].
Ce millet d'une durée de sept ans concernait les Aroumains et les Mégléno-Roumains orthodoxes mais non la minorité Mégléno-Roumaine musulmane qui, pour sa part, bien que romanophone aussi, faisait partie du millet turc musulman sunnite[140],[141],[142] ce qui sera acté au traité de Lausanne de 1923 qui considère comme « Turcs » tous les musulmans de Grèce quelles que soient leurs origines et langues[143],[144]. Ce même traité impose, dans les Balkans aussi, des échanges de populations : entre autres, des Grecs de Bulgarie et de Dobroudja sont regroupés en Grèce septentrionale aux côtés de ceux expulsés d'Asie mineure, des Bulgares de Grèce et de Dobroudja se regroupent en Bulgarie à la place des Bulgares musulmans et des Turcs expulsés vers la Turquie, et quant aux Valaques de Grèce septentrionale et de Bulgarie, ils sont regroupés en Dobroudja du Sud prise par la Roumanie à la Bulgarie au traité de Bucarest (1913), où ils bénéficient non plus d'un « droit valaque » traditionnel, mais de facilités d'installation et d'exemptions de taxes ; lorsque par les accords de Craiova la Roumanie la rend à la Bulgarie en 1940, ils sont dispersés dans le reste de la Roumanie où toute spécificité statutaire disparaît[145],[146].
Sources
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