Art de la période d'Uruk
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L'art d'Uruk englobe les sculptures, les sceaux, la poterie, l'architecture et les autres arts produits à Uruk, une ancienne cité du sud de la Mésopotamie qui a prospéré pendant la période d'Uruk vers 4200-3000 avant notre ère[1]. La cité a continué à se développer jusqu'au début de la période dynastique primitive (Mésopotamie) vers 2900-2350 av. J.-C[2]. Considéré comme l'une des premières villes, le site d'Uruk - aujourd'hui en Irak – présente des signes de stratification sociale, de religion institutionnalisée, d'administration centralisée et de ce que les historiens de l'art qualifieraient d'art et d'architecture de haut niveau[1], les premier dans la longue histoire de l'art de la Mésopotamie. Une grande partie de l'art d'Uruk témoigne d'une grande habileté technique et a souvent été réalisé à l'aide de matériaux précieux[1].
Sculpture
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Des sculptures votives sous forme de petites figurines animales ont été trouvées à Uruk, dans un style mêlant éléments naturalistes et abstraits afin de capturer l'essence spirituelle de l'animal, plutôt que de représenter une figure entièrement anatomique[1]. L'utilisation de figurines animales comme offrandes votives, par opposition aux figurines humaines, remplace probablement un acte rituel de sacrifice animal et le rend éternel en laissant l'image de l'animal sacrifié dans le temple[1]. Un grand nombre de ces votifs animaux ont été découverts au niveau III d'Uruk (vers 3000 avant notre ère) et auraient été offerts à la déesse Inanna en échange de ses faveurs[5].
Un groupe d'objets baptisés Kleinfunde ou « petites trouvailles » par les archéologues également été découvert à Uruk. La collection de petits objets se composait de figures animales incrustées dans la pierre et de récipients qui auraient été utilisés pour des rituels dans le temple, mais qui étaient devenus inutiles et qui ont été enterrés dans la terre sacrée plutôt que d'être jetés sans cérémonie[1]. Des figures animales similaires auraient pu être utilisées comme amulettes ou comme poignées de sceaux cylindriques[5].
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L'art narratif
[modifier | modifier le code]A Uruk il a également été découvert deux des plus anciens exemples d'art narratif, l'auge d'Uruk et le vase Warka. Bien qu'elle n'ait pas pu servir de bassin, l'auge d'Uruk en calcaire aurait pu servir d'image cultuelle dans le temple d'Inanna. Il montre des troupeaux de moutons en relief s'approchant d'une hutte en roseaux avec des agneaux sortant de la structure[6]. Selon le British Museum où cet objet est conservé, la scène avec des moutons pourrait représenter la fertilité du troupeau lorsqu'il est sous la protection d'Inanna[6], bien que le motif des « animaux sortant d'une hutte » puisse également être associé à une pratique agricole où les bergers séparaient les brebis et les agneaux pendant la journée pour aider à conserver le lait de la brebis[7].
Le vase d'Uruk ou de Warka représente un banquet religieux, vraisemblablement associé à un festival agricole[8] lié à des rituels qui sont liés à des rituels impliquant la déesse Inanna[1]. Le vase est divisé en quatre registres : le registre inférieur représente de l'eau, des plantes et des épis de blé ; le second représente des moutons tournés vers la droite ; le troisième registre représente des prêtres nus tournés vers la gauche avec des vases d'offrande. Le quatrième, le registre supérieur, représente un « prêtre-roi» (abîmé) et son servant se déplaçant vers la droite pour s'approcher d'Inanna elle-même[8]. Elle est identifiée par les deux poteaux de porte en roseau menant à son temple rempli d'offrandes situé derrière elle[1]. Ces registres ordonnés de bas en haut pourrait refléter la hiérarchie sociale et représenter vaguement l'administration hiérarchisée qui a été identifiée dans la cité d'Uruk[9].
Masque de Warka
[modifier | modifier le code]Outre l'art narratif, l'un des exemples les plus célèbres de sculpture découverts à Uruk est la tête en marbre d'une déesse, le Masque de Warka ou Dame de Warka, qui représente très probablement Inanna[10]. Il a été découvert dans le district d'Eanna à Uruk[11]. Datant d'environ 3100 av. J.-C.,elle fait probablement partie de l'une des premières sculptures connues de grandeur nature[12]. Le visage de la sculpture était très probablement incrusté de pierres précieuses comme le lapis-lazuli. La tête devait appartenir autrefois à une statue plus grande de la déesse qui étaient probablement en bois[1].
Comme pour les figurines animales votives, le style comporte des éléments abstraits, comme les sourcils qui auraient été incrustés de pierre, et des éléments naturalistes, comme les joues et les lèvres douces et arrondies[1].
Sceaux
[modifier | modifier le code]À partir du milieu de la période d'Uruk, les sceaux traditionnels ont été remplacés par des sceaux-cylindres[13]. Uruk a été la première civilisation à utiliser des sceaux cylindriques, une pratique qui s'est étendue à l'ensemble du Proche-Orient antique, et aussi à la Grèce de l'âge du bronze[1]. Les sceaux cylindriques étaient utilisés par des individus et constituaient un marqueur de leur identité, puisqu'ils faisaient office de signature et étaient utilisés pour les documents officiels[1]. Ces petits objets de forme cylindrique étaient gravés à l'aide d'outils métalliques[14]. La gravure était réalisée de manière à ce que les sceaux puissent être roulés sur de l'argile afin d'en faire une empreinte[15]. Des empreintes de sceaux d'argile brisés ont été trouvées dans les mêmes couches de débris au niveau IV d'Eanna que les premières tablettes d'écriture en argile[5]. Bien que la plupart des sceaux cylindriques retrouvés utilisés pour faire de telles empreintes soient en pierre, il existe également des preuves que les habitants d'Uruk utilisaient du métal sur du bitume, des coquillages et de l'argile pour créer des sceaux cylindriques[13]. L'utilisation de sceaux en pierre en tant que signatures implique l'existence d'un système administratif complexe dans l'Uruk antique[1]. Les sujets représentés sur les sceaux vont des rois et du bétail à des sujets plus religieux tels que les symboles des dieux[16].
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Poterie
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Il y a trois types de poterie trouvée à Uruk, les pièces fabriquées au tour, celles fabriquées à la main et celles qui étaient moulées. Les potiers d'Uruk se sont spécialisés dans la production en série de récipients fonctionnels. Le tour de potier rapide a été introduit à la fin de la période d'Uruk, ce qui a permis de produire plus rapidement et plus facilement de la poterie à grande échelle et avec un plus grand sens de standardisation[13]. Des milliers d'écuelles à bord biseauté ont été trouvés sur le site et on a supposé qu'ils étaient utilisés pour mesurer les rations des familles ou des travailleurs dépendants[17]. Une autre innovation dans la poterie inventée et utilisée par les potiers d'Uruk est le grattoir à anneau en céramique. Avec le début de l'exportation des céramiques, le poids d'un grand récipient devenait problématique lors des déplacements des commerçants. Pour résoudre cette difficulté il a été conçu le grattoir à anneau qui permettait de racler l'excès de matériau inutile d'un récipient avant la cuisson, ce qui rendait la pièce beaucoup plus légère et plus facile à transporter à travers la ville ou le désert[18]. Les poteries d'Uruk ont pu être exportées dans d'autres régions de l'Irak actuel grâce à la capacité des artisans à fabriquer des poteries à grande échelle. Des études ont montré que la poterie d'Uruk semblait être plus populaire dans le nord de l'Irak que dans le sud[19].
Architecture
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Les ruines les plus importantes qui subsistent à Uruk sont les structures des temples situés près du centre de la ville. Les ruines, qui s'étendent sur une zone d'environ 6 km2, sont entourées d'un mur d'enceinte[20]. La culture d'Obeid précédente a servi de modèle de construction pour l'architecture des temples d'Uruk. Les structures étaient construites sur des plans tripartites avec un hall central et des pièces plus petites de chaque côté[21]. Le temple blanc est l'un des exemples les plus célèbres à Uruk. Il est nommé ainsi en raison du plâtre de gypse blanc qui le recouvrait. Il était dédié au dieu Anu et a été construit sur une plate-forme de 13 mètres de haut. Ce style est précurseur des ziggourats qui apparaîtront plus tard dans l'histoire de la Mésopotamie[22]. Contrairement aux temples ultérieurs, le Temple Blanc n'a pas de niche centrale[5].
Il a été retrouvé des preuves que les bâtiments d'Uruk utilisés pour le culte étaient richement décorés et contenaient des autels destinés à l'adoration des différents dieux[23]. Par exemple, dans le temple C du district d'Eanna, des piliers contenant des panneaux de mosaïque conique ont été découverts par les archéologues[20]. Des cônes d'argile cuit ou de gypse de 10 centimètres étaient disposés et pressés dans du plâtre humide pour créer ces panneaux datés d'environ 3300-3000 av. J.-C. Ils étaient ensuite peints pour créer des motifs en forme de diamant, de triangle et de zigzag[5].
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Reconstruction d'une mosaïque conique du temple d'Eanna.
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Détail de la reconstruction d'une mosaïque conique du temple d'Eanna.
Références
[modifier | modifier le code]- Zainab Bahrani, Mesopotamia: Ancient Art and Architecture, London, Thames & Hudson, , 38–61 p.
- ↑ Department of Ancient Near Eastern Art, « Uruk: The First City », Heilbrunn Timeline of Art History, The Metropolitan Museum of Art (consulté le )
- ↑ (en) Art of the first cities : the third millennium B.C. from the Mediterranean to the Indus. (lire en ligne), p. 25
- ↑ The Looting Of The Iraq Museum Baghdad The Lost Legacy Of Ancient Mesopotamia, (lire en ligne), viii
- Nissen, Hans J., Art of the First Cities: The Third Millennium B.C. from the Mediterranean to the Indus, New York, The Metropolitan Museum of Art, , 11–20 p.
- The British Museum, « The Uruk Trough », British Museum Collection Online (consulté le )
- ↑ Delougaz, « Animals Emerging from a Hut », Journal of Near Eastern Studies, vol. 27, no 3, , p. 193 (DOI 10.1086/371963, JSTOR 543534, S2CID 162004962)
- (en) Collon, Gaballa, Hedreen, Simpson, Swallow, Jones, Leveto et Becker, « Narrative art », Grove Art Online, Oxford Art Online by Oxford University Press
- ↑ Nissen, Hans J., Uruk Mesopotamia & Its Neighbors: Cross-Cultural Interactions in the Era of State Formations, Santa Fe, School of American Research Press, , 149–180 p.
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- ↑ Strommenger, « The Chronological Division of the Archaic Levels of Uruk-Eanna VI to III/II: Past and Present », American Journal of Archaeology, vol. 84, no 4, , p. 479–487 (DOI 10.2307/504076, JSTOR 504076, S2CID 163874703)
- ↑ Hannelore Hägele, Colour in Sculpture: A Survey from Ancient Mesopotamia to the Present, Cambridge Scholars Publishing, (ISBN 978-1-4438-5265-4, lire en ligne), p. 10
- Pollock, Susan, The Interplay of People and Technologies: Archaeological Case Studies on Innovation: Berlin Studies of the Ancient World, Vol. 43, Berlin, Edition Topoi, , 205–224 p. (lire en ligne)
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- ↑ Dominique Collon, First Impressions: Cylinder Seals in the Ancient Near East, London, British Museum Press,
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