Camp militaire de Coëtquidan

camp de l'armée française
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Le camp militaire de Coëtquidan est un camp d'entraînement et de manœuvres de l'armée de terre française de 5 253 hectares[1] s'étendant sur six communes bretonnes dans le nord-est du département du Morbihan : Guer, Saint-Malo-de-Beignon, Beignon, Campénéac, Augan et Porcaro[2].

Camp de Coëtquidan
Image illustrative de l’article Camp militaire de Coëtquidan
Enseigne du camp en 1939-1940.

Pays Drapeau de la France France
Période 1873
Type Camp militaire
Rôle Camp d'instruction
Allégeance Armée française
Branche Armée de terre
Superficie 52,5 km2
Localisation
Région Bretagne
Coordonnées 47° 56′ 43″ nord, 2° 09′ 24″ ouest
Géolocalisation sur la carte : Morbihan
(Voir situation sur carte : Morbihan)
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Géolocalisation sur la carte : Bretagne (région administrative)
(Voir situation sur carte : Bretagne (région administrative))
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Il abrite l'Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan.

Géographie

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Il est situé à une vingtaine de kilomètres à vol d'oiseau au sud-ouest de Rennes et à la même distance à l'est de Ploërmel, au sud de la forêt de Paimpont, entre, à l'est, la vallée de l'Aff et, à l'ouest, celle de l'Oyon, son affluent.

Toponymie

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En breton, cotquidan signifie au-dessous (idan) du bois (coët)[2].

Histoire

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Coëtquidan avant la création du camp

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Le nom de Coëtquidan n'apparaît pas sur la carte de Cassini publiée en 1778.

La création et l'extension du camp

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Un camp temporaire d'instruction de l'armée est installé pendant l'été 1843 dans la vallée de l'Aff, accueillant plus de 8 000 soldats ; ses terrains de manœuvre étaient les landes du Thélin, une zone alors déserte. Ce camp de Thélin n'eût qu'une brève existence : il fut vandalisé pendant l'hiver suivant et abandonné aussitôt.

 
Carte du champ de tir de Coëtquidan lors de sa création (1878).

Le camp est créé en 1873, à Coëtquidan, un lieu-dit de Saint-Malo-de-Beignon, comme camp temporaire et devient permanent en 1878 avec l'expropriation de 1 063 hectares pour construire un champ de tir d'artillerie de plus de 8 kilomètres de longueur[2] dans le contexte de la défaite française lors de la guerre de 1870 et de la montée de la puissance allemande[1].

C'est en 1873 que le ministre de la guerre fait étudier le projet d'un champ de tir sur la lande de Coëtquidan, les portions de lande à occuper momentanément dépendant des six communes de Guer, Augan, Porcaro, Saint-Malo-de-Beignon, Campénéac et Beignon. « Elles se composent, dans les cinq premières, de terrains communaux que les municipalités s'étaient empressées de mettre à la disposition de l'administration de la guerre, moyennant la concession de certains avantages, notamment des fumiers. Mais, dans la commune de Beignon, la négociation avait été plus difficile parce que les terrains y étaient devenus l'objet d'un partage consommé entre les habitants, et qu'on avait à traiter avec un plus grand nombre d'individus »[3].

De 1906 jusqu'en 1912, l'armée fait l'acquisition de 4 190 hectares supplémentaires et le champ de tir d'artillerie initial devient un camp d'instruction national[1]. D'importantes constructions sont alors érigées sur le flanc nord[1].

Les expropriations provoquées par l'extension du camp de Coëtquidan aux alentours de 1910-1912 provoquèrent un véritable traumatisme dans la région : 400 habitants et 2 000 hectares de terres (en réalité 1 640 hectares) furent expropriés à Beignon ; à Campénéac, Augan et Porcaro près de 5 000 hectares ont été frappés d'expropriation. « Le château du Bois-du-Loup, valant 1 million [de francs] a été abattu à coups de canon (..) Les villages de Montervily, Le Faou, Launay-Salmon, Lépinay, La Ville-Quignon, La Ville-Lhèle sont tous dévastés. Les anciens propriétaires de ces maisons ont tiré le meilleur parti possible des boiseries, portes et fenêtres ; le génie qui a pris possession de toute cette contrée a emporté le reste : poutres, etc.. (..) Plus loin, nous entrons dans la chapelle Saint-Mathurin, de style roman. Les portes sont brisées ; plus d'autel, plus un seul vitrail ; les dalles ont été enlevées (..) Il en est de même, paraît-il, des chapelles de Saint-Méen et de Sainte-Reine, où tous les ans, jadis, les foules venaient en pèlerinage ». En octobre 1914 de faux bruits accusèrent à tort des prisonniers de guerre allemands, hébergés à Saint-Malo-de-Beignon, d'être les auteurs de ces destructions[4].

Dès février 1914 une déviation de la route de Ploërmel à Rennes, qui traverse le camp et dont l'autorité militaire veut interdire l'accès, est envisagée, mais la guerre survint[5].

Les conséquences de la création et de l'extension du camp pour les habitants de la région
Manœuvres militaires au camp de Coëtquidan avant et pendant la Première Guerre mondiale

Pendant la Première Guerre mondiale, une partie du camp devient un camp pour prisonniers de guerre allemands[2].

Prisonniers de guerre allemands au camp de Coëtquidan pendant la Première Guerre mondiale

Entre et , une partie du corps expéditionnaire américain s'y installe, modernisant les installations avec l'arrivée de l'eau courante et la construction d'une gare ferroviaire à Guer[1].

Le corps expéditionnaire américain au camp de Coëtquidan entre 1917 et 1919

Le camp pendant l'Entre-deux-guerres

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Communiqué annonçant la fermeture de routes lors d'une séance de tirs dans le camp de Coëtquidan (journal L'Ouest-Éclair, 1936).

Une réunion organisée le , réunissant des autorités militaires, l'ingénieur des Ponts et Chaussées de Pontivy et les maires de Beignon, Saint-Malo-de-Beignon, Campénéac, Augan et Guer précisa les modalités d'interruption du trafic routier lors des séances de tir dans le camp de Coëtquidan, concernant notamment la route nationale 24 (dont le tracé d'alors passait par Campénéac et Plélan-le-Grand via Beignon et Trécesson) et les routes d'intérêt local « de viabilité médiocre [où] la circulation rurale est beaucoup plus importante que la circulation automobile » comme les axes Augan-Beignon et Porcaro-Beignon. En 1929 les élus locaux demandent une restriction des interdictions[6].

 
Carte du camp de Coëtquidan en 1926 (publiée en 1928).

Durant l'Entre-deux-guerres, le camp se modernise encore avec la construction de nombreux bâtiments sur le flanc sud, ceux-ci étant alors répartis en îlots capables d'accueillir chacun un régiment[1]. Des maisons en pierre de schiste voient le jour pour abriter le poste de commandement du camp, celui des manœuvres et l'hôpital[1].

L'Agence Rol a publié un reportage photographique sur les grands manœuvres effectuées au camp de Coëtquidan en septembre 1922, dirigées par le général Antoine Baucheron de Boissoudy en présence du Major-General anglais Charles John Sackville-West (1870-1962), de Władysław Sikorski (chef d'état-major de l'armée polonaise), du prince Aage de Danemark, etc..

L'exemple des grandes manœuvres organisées en septembre 1922

De nombreux commerçants de Beignon et Saint-Malo-de-Beignon avaient installé de petites buvettes en planches en limite du camp de Coëtquidan pour une clientèle militaire[7].

Juste avant la Seconde Guerre mondiale, au printemps 1939, des réfugiés espagnols sont hébergés à Coëtquidan dans un "Centre de Rassemblement des Étrangers" (135 centres dans toute la France) ; les réfugiés espagnols (entre 1 000 et 3 000 selon les sources) sont regroupés aux alentours du château du Bois-du-Loup (commune d'Augan), dans un immense camp de toile entouré de barbelés et affectés à la construction de six baraquements en bois afin de les héberger et à l'entretien de routes ; ce centre ferme en septembre 1939, peu après le début de la guerre[8].

Le camp pendant la Seconde Guerre mondiale

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Le le camp de Coëtquidan est mis à la disposition de l'armée polonaise après sa défaite lors de la Campagne de Pologne  ; la 10e brigade blindée motorisée est la seule unité de l'armée polonaise qui parvient à fuir, via la Hongrie, et à gagner la France. La 10e brigade de chasseurs de Podhale est constituée le à Coëtquidan : elle comprend 4 778 hommes ; puis sont créées successivement la 1ère et la 3e division d'infanterie polonaise. Entre et , plus de 22 000 soldats de l'armée polonaise occupent le camp en mars 1940 ; une partie d'entre eux participe à la Campagne de France[9]. Une stèle est située sur le terrain militaire de Coëtquidan à l'entrée de la zone de bivouac du Bois-du-Loup ; elle est visible depuis la route Augan-Beignon[10].

Après la défaite française de 1940, la Wermacht prit possession du camp de Coëtquidan ( environ 2 000 soldats allemands l'occupent), y remplaçant l'armée polonaise qui l'occupait entre septembre 1939 et juin 1940[11]. Pendant la deuxième moitié de 1943, l'armée allemande décide un agrandissement du camp de Coëtquidan qui concerne 2 300 hectares de forêt et 1 850 ha de terres labourables répartis dans les quatre communes de Paimpont, Augan, Campénéac et Beignon et provoque l'expulsion des habitants, les usages agricoles et forestiers pouvant être maintenus en dehors des périodes de tir ; à Beignon deux hameaux étaient concernés : Launay et la Lande. Mais en raison de l'arrivée des troupes alliées, les personnes expulsées purent revenir dès août 1944 [12].

À la Libération, le camp est occupé par des FFI de juillet à . Le camp devient ensuite une base américaine jusqu'en [1] et la fin de la guerre en Europe.

Le camp après la Seconde Guerre mondiale

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L'école militaire de Saint-Cyr, près de Versailles, étant inutilisable à cause d'un bombardement allié du [1] et sur insistance du général de Lattre de Tassigny[1], l'école militaire interarmes (EMIA), qui s'était installée à Cherchell en Algérie et qui regroupe alors les élèves saint-cyriens et ceux issus des corps de troupe, s'installe dans le camp de Coëtquidan : la nouvelle école militaire est construite à partir de 1962 (le chantier nécessite la construction de nombreux bâtiments capables d'accueillir 4 500 personnes et une dizaine de kilomètres de routes) et inaugurée le [1].

Regroupées dans l'Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan, outre l'École de Saint-Cyr Coëtquidan, le site accueille l'École militaire interarmes, l'École militaire des aspirants de Coëtquidan, l'École d'administration militaire, l'École militaire du corps technique et administratif (entre 1977 et 2010), ainsi que, pour des manœuvres, le 3e régiment d'infanterie de marine de Vannes[13].

Le Réseau O.A.S. de l’Ouest se développe en 1961 autour d'un noyau de militaires du camp de Coëtquidan associés à des civils de la région de Brocéliande ; il commit 7 attentats dans le Grand Ouest de la France[14].

 
La façade du musée de l'Officier depuis la place Rivoli à Coëtquidan.

Le Musée de l'Officier (anciennement "Musée du Souvenir") présente une riche collection de 2 000 objets : tableaux, bronzes, armes, uniformes, emblèmes, trophées, etc.. Il est situé dans l'enceinte du camp de Coëtquidan[15].

Notes et références

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  1. a b c d e f g h i j et k "Le camp de Coëtquidan" sur le site de la commune de Guer.
  2. a b c et d "Histoire du Camp de Coëtquidan et des Écoles Militaires".
  3. Conseil général du Morbihan, « Projet de création d'un champ de tir pour l'artillerie sur la lande de Coëtquidan », Rapports du Préfet et délibérations du Conseil général / Conseil général du Morbihan,‎ , p. 111 (lire en ligne, consulté le ).
  4. « Les Boches n'ont pas dévasté Beignon », L'Ouest-Éclair,‎ , p. 3 (lire en ligne, consulté le ).
  5. « La route nationale de Ploërmel à Rennes », L'Ouest-Éclair,‎ , p. 7 (lire en ligne, consulté le ).
  6. Conseil général du Morbihan, « Circulation. Camp de Coëtquidan », Rapports du Préfet et délibérations du Conseil général / Conseil général du Morbihan,‎ , p. 111 à 113 (lire en ligne, consulté le ).
  7. « PORTRAIT. À Beignon, Pierre Labbé, historien du village : « En 1941, 85 otages sont raflés » », Ouest-France,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  8. « Les réfugiés espagnols du camp de Coëtquidan », sur brocéliande-brecilien.org (consulté le ).
  9. « L’armée polonaise à Coëtquidan. La reconstitution de l’armée polonaise dans la région de Brocéliande », sur broceliande-brecilien.bzh (consulté le ) et « L’Armée Polonaise à Coëtquidan : 12 septembre 1939 - 18 juin 1940 », sur coetquidan-broceliande.fr (consulté le ).
  10. « Stèle rappelant l’ouverture en 1939 du camp mobilisateur de l’armée polonaise à Coetquidan (Morbihan) », sur museedelaresistanceenligne.org (consulté le ).
  11. « L’armée polonaise à Coëtquidan. La reconstitution de l’armée polonaise dans la région de Brocéliande », sur broceliande-brecilien.org (consulté le ).
  12. « L’agrandissement du camp de Coëtquidan par les autorités militaires allemandes », sur broceliande-brecilien.org (consulté le )
  13. Olivier Cléro, « Le camp des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan, 170 ans d'histoire », Ouest-France,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  14. « Le Réseau O.A.S. de l’Ouest. L'O.A.S. dans la région de Brocéliande », sur broceliande.brecilien.org (consulté le ).
  15. « Le musée de l’Officier », sur museedelofficier-asso.fr (consulté le ).