Un récit bien mené, qui pose des questions essentielles. J'ai adoré le dynamisme des personnages, l'univers, les couleurs... Quelques heures après l'aUn récit bien mené, qui pose des questions essentielles. J'ai adoré le dynamisme des personnages, l'univers, les couleurs... Quelques heures après l'avoir terminé, j'étais en train de me dire que j'avais "hâte de regarder le prochain épisode" alors que c'est un one-shot :( A travers l'histoire assez classique d'une enfant qui rêve de devenir une héroïne, l'histoire pose des questions essentielles - qu'est-ce que c'est l'appartenance culturelle ? peut-on défendre son pays à tous les prix ? J'ai adoré la partie sur la propagande et l'importance des histoires dans la construction du récit national. ...more
Autochtonie en terrain miné est une enquête passionnante sur la réémergence de l’ethnie Diaguita au Chili dans un contexte d’exploitation minière sur Autochtonie en terrain miné est une enquête passionnante sur la réémergence de l’ethnie Diaguita au Chili dans un contexte d’exploitation minière sur leur territoire. Au croisement entre luttes pour l’environnement, reconnaissance des droits des personnes autochtones et justice sociale, c’est aussi une étude très éclairante sur le travail d’anthropologue. Peu familière avec l’histoire du Chili et encore moins avec celle de sa population autochtone, j’ai trouvé la première partie foisonnante et essentielle. Anahy Gajardo y pose la difficulté de définir l’autochtonie, en particulier dans un contexte néolibéral. Elle revient également sur l’histoire du Chili, sa transition vers le multiculturalisme et l’avènement de la Ley Indigena. Si j’ai eu un peu de difficulté à avancer dans cette longue partie très analytique, j’ai apprécié cet effort de mise en contexte qui permet de mieux saisir les enjeux de la réapparition du terme Diaguita. Les deuxième et troisième parties m’ont semblé beaucoup plus abordables grâce à cet éclairage. La découverte des conditions d’enquête m’ont permis de mieux comprendre comment peut travailler un·en anthropologue. Cette partie met en avant les compromis que la chercheuse a dû faire, et j’ai beaucoup apprécié la transparence avec laquelle elle en fait état. Ce passage, qui se situe à peu près à la moitié de l’essai, a un côté « récit d’aventure » très immersif qui a marqué un tournant dans ma lecture. Quand on comprend les liens que l’anthropologue a tissé avec les enquêté·es, on comprend mieux quelle peut être sa difficulté à prendre position. J’ai été particulièrement choquée d’apprendre les méthodes de la société d’exploitation minière Barrick. Au lieu d’une répression violente des voix autochtones, elle est passée en effet par son programme de Responsabilité sociale des entreprises (RSE) pour financer des initiatives promouvant la culture et les savoirs Diaguita, « achetant » ainsi au passage la fidélité des personnes qui en ont bénéficié. Anahy Gajardo analyse de façon très claire comment, grâce à ces ateliers et ces formations, certain·es Diaguita ont pu (ré)apprendre la langue et les méthodes ancestrales de tissage, et de céramique, et comment ces savoirs ont permis à de nombreuses femmes d’accéder à l’emploi par la vente de leurs créations. Ces personnes, se sentant redevables des programmes mis en place par l’entreprise, se sont progressivement désolidarisées du mouvement d’opposition, allant jusqu’à critiquer la légitimité des Diaguita les plus engagés dans cette lutte, à savoir les propriétaires de territoires agricoles. Gajardo analyse par là la figure de l’« india permitida », l’indienne autorisée, à savoir une personne dont l’autochtonie ne dérange pas l’ordre établi, ne va pas à l’encontre des intérêts de l’État et des entreprises. On assiste alors pour elle à la « construction d'une autochtonie culturalisée, folklorisée, dépolitisée et désincarnée de son lien territorial ». Prise elle-même entre le camp des Diaguita qui défendent leurs terres agricoles et les Diaguita qui défendent le projet de Barrick parce que l’entreprise leur a permis de se reconnecter avec leur culture, Anahy Gajardo rend compte du conflit qui menace de déchirer le groupe ethnique tout juste reconstitué. Je suis admirative de ce travail de démêlage de fils qui permet de voir clairement toutes les relations de pouvoir en jeu dans la situation. Un grand merci à Babelio et aux éditions MétisPresses qui m’ont permis de découvrir cet essai dans le cadre d’une Masse critique....more
Excellente BD documentaire sur le scandale du chlordécone. Très riche, elle s'appuie sur de nombreuses sources (études scientifiques, témoignages...) Excellente BD documentaire sur le scandale du chlordécone. Très riche, elle s'appuie sur de nombreuses sources (études scientifiques, témoignages...) et retrace la longue histoire de ce pesticide et son incidence sur les terres et les personnes qui ont été (et sont toujours) à son contact. C'est vraiment un beau travail d'enquête et de mise en forme de l'information pour la rendre accessible. Une lecture d'utilité publique !...more
Je suis tombée par hasard sur ce beau roman à la bibliothèque et je suis heureuse de cette rencontre. On y découvre le quotidien de palestien·nes de NJe suis tombée par hasard sur ce beau roman à la bibliothèque et je suis heureuse de cette rencontre. On y découvre le quotidien de palestien·nes de Naplouse sous occupation israélienne dans les années 60-70, à travers des personnages qui réagissent de manière très différente à la présence et aux lois imposées par la colonisation. On rencontre par exemple Oussama, un jeune homme revenu au pays après des années à l'étranger et qui veut lutter de l'intérieur, Adel, qui tente de maintenir sa famille à flot même s'il doit pour cela se compromettre, abandonner l'exploitation agricole familiale et aller travailler dans une usine israélienne ou encore Lina et Nouwar, trop peu évoquées mais résistant elles aussi dans l'ombre. D'emblée le ton est donné. On suit au départ Oussama alors qu'il doit franchir les douanes pour retrouver sa mère à Naplouse. L'interrogatoire intense que lui fait passer le soldat israélien, et la voix de femme qu'Oussama entend crier "Salauds" dans la pièce voisine nous donnent tout de suite une idée du contexte et des méthodes des colons. Par la suite, j'ai beaucoup aimé comment l'autrice mélange les modes de narration, passant d'un point de vue externe au point de vue de différents personnages, dont le monologue intérieur montre la colère et la volonté de riposter face aux injustices de l'occupant. C'est souvent dans ces passages qu'on découvre la mentalité de personnages qui autrement, par leurs apparences, semblent s'être résignés. Oussama ouvre le récit, mais on se concentre aussi sur Bassel, arrêté pour avoir crié des slogans révolutionnaires avec d'autres jeunes dans la rue, et que l'on va suivre en prison. Il y a quelque chose de puissant à lire la façon dont les autres hommes détenus l'accueillent dans leur cellule. Ils lui rendent honneur, lui demandent des nouvelles de sa famille et des leurs, lui font sentir qu'il est devenu un homme en s'inscrivant à leur suite dans la résistance. La familiarité et la solidarité dont ce groupe fait preuve en prison malgré les humiliations et l'injustice m'ont touchée. Le récit nous présente aussi de nombreuses mères soucieuses de l'avenir de leurs enfants, et qui sont montrées comme se soutenant entre elles. De manière générale, ce roman m'a plu pour sa façon de montrer à la fois la force et la colère des personnages investis dans une résistance active, la résilience de chacun·e et la tendresse des liens qui unissent les personnes d'une même communauté, qu'iels soient voisin·es, frères, sœurs, cousin·es éloigné·es. C'est une lecture que je recommande , ne serait-ce que parce qu'il me semble particulièrement important aujourd'hui de lire, de faire lire et de donner à entendre des voix arabes....more
Membre du Poétesses Gang, co-fondatrice du Krachoir, autrice et performeuse, Stéphanie Vovor est aussi polymorphe que sa poésie. En puisant dans son eMembre du Poétesses Gang, co-fondatrice du Krachoir, autrice et performeuse, Stéphanie Vovor est aussi polymorphe que sa poésie. En puisant dans son expérience du quotidien et dans une culture populaire vivace, elle offre des textes surprenants et d’une rare puissance. Entre le vide du langage de l’entreprise, le vent de révolte qui monte dans une société de plus en plus précarisée et la violence que peut traverser un corps d’ado, son premier recueil donne à entendre une voix poétique profondément ancrée dans son temps. Ses (parfois longs) poèmes narratifs m’ont beaucoup parlé. Avec une écriture aussi belle que tranchante, elle raconte le quotidien dans un open space de centre d’appels, mais aussi l’ambiguïté des relations intimes d’adolescent·es, en les superposant avec beaucoup finesse au visionnage d’un film d’horreur. J’ai été surprise par ses parallèles et par ses chutes, et j’ai vibré au son de la colère qui perce dans certains textes. Je suivais Stéphanie Vovor depuis environ un an déjà quand j’ai appris qu’elle publiait son premier recueil au Castor Astral. Je me suis évidemment fait une joie de m’auto-offrir ce joli live rose pour Noël et de le suggérer à l’achat pour mon réseau de médiathèques. J’ai maintenant la chance d’en avoir un exemplaire non seulement dans ma bibliothèque perso, mais aussi sur mon lieu de travail, où je vais pouvoir le mettre en avant et dans les mains de tout le monde. C’est une poésie d’aujourd’hui, qui ne se cache pas, qui n’a pas honte, qui me redonne espoir dans l’écriture et dans les poéte·sses, dans ma génération et celles qui viennent après. Encore un excellent recueil à conseiller à celleux qui voudraient lire de la poésie mais qui la trouve trop inaccessible. ...more
I like the idea of an inclusive anthology of horror short stories. I thought the quality wasn't consistent in this one though, and only a few stories I like the idea of an inclusive anthology of horror short stories. I thought the quality wasn't consistent in this one though, and only a few stories struck me for their style or originality. I think my favorite stories were the ones involving metamorphosis (The Turning, Invasive Species and The Voices of Nightingales really made an impression). Overall the anthology was still a cool read and made even clearer to me how horror and fantastic are interesting ways of exploring "otherness". ...more
3.5/5 - Very interesting read with a lot of beautiful ideas about parenting and how to better understand kids and teenagers. I'm a bit less convinced 3.5/5 - Very interesting read with a lot of beautiful ideas about parenting and how to better understand kids and teenagers. I'm a bit less convinced by the unschooling/deschooling part but it's probably because it's not something that people do a lot in France and it is still frowned upon. I liked that some essays were written with or by actual teens. It makes me want to read more about the subject !...more
Jusqu'à cette année, j'ignorais qu'un bidonville avait existé à Nanterre. C'est en tombant sur le travail de l'architecte Léopold Lambert que j'ai eu Jusqu'à cette année, j'ignorais qu'un bidonville avait existé à Nanterre. C'est en tombant sur le travail de l'architecte Léopold Lambert que j'ai eu envie d'en découvrir plus. Lambert parle de "géologie politique" lorsqu'il étudie un espace et tout ce qui y a été successivement construit, détruit, remplacé. Aujourd'hui, il ne reste pas de trace du bidonville de la Folie à Nanterre, si ce n'est dans ce genre de travail de mémoire. Dans Demain, Demain, on suit Kader, un ouvrier algérien qui vient d'être rejoint en France par son épouse Soraya et leurs enfants. Soraya découvre avec effroi les conditions de vie qui vont être les siennes. Malgré la chaleur et la solidarité des familles voisines, qui ont elles aussi quitté leur pays pour la promesse d'une vie meilleure, le quotidien dans le bidonville est éprouvant. Au milieu d'une zone où se construiront bientôt des tours d’immeubles, les baraquements sont considérés comme des habitations provisoires et à ce titre, les forces de l’ordre interdisent toute réparation et toute nouvelle construction. Les fuites d’eaux, les incendies et la dégradation des cabanes sont bien sûr nombreux et les habitants doivent sans cesse s’organiser pour réparer les dégâts sans être repérés. A la préfecture pour appuyer leur demande de relogement, Kader comme ses voisins font face à la violence d’une institution qui les considère comme des citoyens de seconde zone. Malgré tout, ce qui ressort également du récit et qui m’a beaucoup touchée c’est l’entraide réelle et constante entre les familles. Le partage des repas, le soin apporté aux enfants, ou encore la volonté de mentir aux parents restés au pays, en leur faisant croire que tout va bien, en font un récit vraiment émouvant. C’est une belle bande-dessinée qui souligne le climat profondément raciste de la France des années 60. Suivie d’un dossier de Monique Hervo, militante qui a largement documenté l’histoire du bidonville, c’est une lecture forte et instructive, que je recommande vivement....more
Même si j'ai mis plus de temps à entrer dans ce recueil que dans d'autres des éditions Blast, j'apprécie encore une fois le choix de donner de la placMême si j'ai mis plus de temps à entrer dans ce recueil que dans d'autres des éditions Blast, j'apprécie encore une fois le choix de donner de la place à des voix singulières. Certains vers m'ont touchée plus que d'autres, notamment sur la fin du recueil....more
Sous les strates est un beau premier roman. Linh, sa narratrice, y raconte le parcours qu’il lui a fallu pour apprendre à composer avec son enfance enSous les strates est un beau premier roman. Linh, sa narratrice, y raconte le parcours qu’il lui a fallu pour apprendre à composer avec son enfance en France, ses origines vietnamiennes, son rapport à sa famille d’adoption et sa famille biologique, les brimades des camarades de classe et le racisme des institutions françaises. C’est témoignage fort sur l’adoption transraciale et ses problématiques. C’est un roman que j’ai trouvé bien construit. Le récit est un va-et-vient entre le point de vue de la narratrice, celui de sa mère d’adoption et celui de sa mère biologique. Cette alternance met en miroir les rêves des deux mères, leurs valeurs et les espoirs qu’elles placent dans leur fille. Comprendre leurs vies et leurs choix permet de comprendre ce que chacune voudrait transmettre à la narratrice, et comment elles ont pu l’influencer plus ou moins directement. Lire les pensées de Françoise lorsque sa fille, devenue une adulte, l’accuse elle et son époux de racisme, est aussi très éclairant. Françoise, convaincue d’être une bonne personne, humaniste et de gauche, a le genre de discours que peuvent avoir la plupart des personnes blanches, bien intentionnées mais parfois trop peu au fait de ce que vivent concrètement les personnes qui subissent le racisme. Les limites et les stéréotypes de son discours ne sont pas explicitement pointées du doigt, mais le reste du récit me semble suffisamment clair pour inciter les personnes peu informées à s’interroger. Les passages sur le mal-être Linh enfant m’ont aussi paru intéressants en ce qu’ils donnent une idée claire de ce que peut vivre un·e enfant racisé·e en France. Linh peine à trouver sa place en classe face à des enfants qui répètent des insultes racistes et comprend très tôt qu’elle va devoir travailler plus dur que tous·tes les autres pour choisir la place qu’elle voudra occuper dans le monde. J’ai aussi été très touchée par la portrait des amitiés que Linh construit au fil de son parcours et ses stages à l’étranger. Ces relations semblent à chaque fois lui apporter une petite pièce du puzzle qu’est son identité. Elles montrent qu’en plus de la famille qui l’a vue naître et de la famille qui l’a vue grandir, c’est aussi la famille choisie qui compte dans le développement de soi, de sa personnalité et de ses affinités. Lou Eve s’est fait connaître sur les réseaux sociaux avec le compte la.charge.raciale. Rebaptisée Mangouinistan, sa page Instagram est toujours un espace de ressources sur les luttes antiracistes et queer. Son premier roman fait partie de la rentrée littéraire et paraîtra le 31 août 2023 aux éditions Les Escales. Merci à elles et à NetGalley de m’avoir permis de découvrir ce texte avant sa parution....more
As someone who didn't know much about Toussaint Louverture's life, this graphic novel was a very interesting read. I liked that it was both informatioAs someone who didn't know much about Toussaint Louverture's life, this graphic novel was a very interesting read. I liked that it was both informational and captivating, the rythm of the action making it difficult to stop reading. The drawing style and the way it conveys the character's emotions also impressed me. Bullet's hate was particularly striking in the way it disfigures him and makes him look ridiculously angry. This made me want to learn more about Haiti's story. I hope this is going to be translated into French soon so I can buy it for my library network. Thanks to Verso Books and NetGalley for sending me a digital copy of this graphic novel !...more
Late fascism is a very rich and interesting read, albeit not always easy to follow. It summons up some philosophical concepts and references to books tLate fascism is a very rich and interesting read, albeit not always easy to follow. It summons up some philosophical concepts and references to books that I didn’t know, which made this reading a bit difficult for me. I thought the way it deals with concepts was a bit too abstract. At times it felt like it would have been more intelligible for me if it offered more analysis of current events in the world. I was probably not the main target for this essay, but I did appreciate some passages that give an overview of the ideas developed here. I also learnt a lot and it made me want to delve into the author’s very well-stocked bibliography. When it’s translated into French it might not be a book I could buy for my library network as it feels a bit too intricate to be suitable for the general public, but I’ll be happy to recommend it to people around me. Thanks to Verso Books and NetGalley for allowing me to read an advance digital copy....more
Une lecture très éclairante sur l'internement des personnes d'origine japonaise aux Etats-Unis dans les années 40. C'est seulement la deuxième fois quUne lecture très éclairante sur l'internement des personnes d'origine japonaise aux Etats-Unis dans les années 40. C'est seulement la deuxième fois que je vois ce sujet abordé dans une œuvre et je recommande vivement cette lecture à celleux à qui ça ne parlerait pas. La BD, semi-autobiographique, s'appuie sur l'expérience de la propre grand-mère de l'autrice-illustratrice. Elle est informative sans que son ton soit trop lourd et la narration suffisamment prenante pour ne pas en faire une "bd documentaire". J'ai beaucoup aimé comment la narratrice relie l'expérience traumatique de sa famille aux discours de Trump précédent son élection, et sa façon de mettre en avant l'importance du devoir de mémoire et la continuité des luttes anti-racistes....more
Subtil béton est un ovni comme je les aime. Roman choral et dystopique, il porte les voix de personnages queer luttant pour exister et résister à une Subtil béton est un ovni comme je les aime. Roman choral et dystopique, il porte les voix de personnages queer luttant pour exister et résister à une société autoritariste. J’ai été touchée par les parcours et les personnalités des protagonistes. Les voir vivre et se battre ensemble, s’interroger sur leurs conditions de cohabitation et s’apporter mutuellement de la tendresse m’ont fait chaud au cœur. On sent dans l’écriture de ces personnages les différentes voix du collectif à l’origine du roman. J’ai l’impression que chacune de personnes intervenues dans l’écriture a apporté un peu d’elle-même dans ces personnages, ce qui contribue à faire leur épaisseur et leur singularité. Les signes d’une écriture collaborative sont aussi visibles dans les différents types de langage inclusif utilisés, ainsi que dans le côté expérimental de la syntaxe choisie pour un des personnages (Onik ?). J’ai lu certaines critiques qui regrettent cet aspect en ce qu’il peut rebuter ou freiner la lecture. C’est une critique légitime parce que la lecture n’est pas un exercice accessible et fluide pour tout le monde. Pour ma part, si je pense que c’est important de garder ces limites en tête, j’ai quand même apprécié de voir ces écritures plurielles se côtoyer dans un même texte, et ce côté « laboratoire d’écriture » qui affirme sa dimension collective. Alors que son écriture a commencé en 2007, Subtil béton résonne avec l’actualité de cette première moitié d’année 2023. C’est la preuve que les tendances observées au début des années 2000 se renforcent, et pour moi cette lecture tombe à pic. J’ai beaucoup apprécié de ne pas lire de passages explicitement violents, comme on nous en impose trop souvent dans les dystopies. Le cadre dans lequel se déroule le récit est celui d’une société autoritaire et discriminatoire comme on en voit dans la plupart des récits de fiction dystopiques, mais on ne s’appesantit pas ici sur les violences subies par les personnages jugés « hors-normes ». Ce qui compte, ce n’est pas de montrer comment la société violente, écrase et cherche à lisser les corps et les identités, mais plutôt de faire la place aux contre-récits, à l’espoir, à la construction de lendemains meilleurs. Il y a évidemment un côté idéaliste à tout ça, mais les ami·es et camarades en lutte que l’on suit dans ce roman ne sont pas présenté·es comme parfait·es et toujours d’accord. Laisser de la place à leurs imaginaires et à leurs joies, tempérés par les tensions que n’importe quel groupe peut traverser, donne une idée de ce que c’est qu’être solidaire et militer ensemble. On retrouve dans tout ça l’idée d’une « joie militante » qui m’a fait beaucoup de bien. C’est aussi la première fois que je vois dans un roman un aussi bon exemple de ce qu’Ursula Le Guin (dont une citation ouvre d’ailleurs le livre) ou Donna Haraway appellent de leurs vœux lorsqu’elles évoquent la puissance des récits de spéculation. On a déjà notre lot de récits de fiction qui dépeignent un futur sombre, et s’ils sont intéressants pour mettre en garde, ils ne sont pas toujours très bons pour le moral. Les Aggloméré·es répondent ici à la nécessité d’écrire, de créer, de laisser s’épanouir des imaginaires où on se bat pour protéger ce et celleux qu’on aime. Ce n’est pas un manuel pratique, mais pour moi c’est tout comme un phare. ...more
Dans ma pile à lire depuis un moment, Sirem et l’oiseau maudit m’a encore plus donné envie après avoir écouté l’interview de Yasmine Djebel dans le poDans ma pile à lire depuis un moment, Sirem et l’oiseau maudit m’a encore plus donné envie après avoir écouté l’interview de Yasmine Djebel dans le podcast Les Grimoires de l’imaginaire. L’autrice y explique comment l’idée de ce roman lui est venue en partie de la colère devant le manque de représentation de certaines cultures dans la fantasy. J’étais impatiente de découvrir un univers nourri d’inspirations qui ne soient pas euro-centrées, et ce roman qui puise dans la culture amazigh m’a mis des étoiles plein les yeux. La structure en elle-même est assez classique, avec des péripéties inspirées de contes ou de scènes de contes. Les personnages aussi sont assez classiques et correspondent à de grands « types » (le sorcier orgueilleux, le petit rusé, le personnage maudit…). Ces éléments familiers permettent d’être encore plus sensibles aux influences qui ont nourri l’univers du roman, qu’on ressent dans les descriptions du cadre et les traditions des personnages rencontrés. Je l’ai lu en une petite semaine mais si j’avais pu, je l’aurais terminé en un ou deux jours. Le rythme soutenu et l’évolution perceptible des personnages me donnait toujours envie de lire le chapitre suivant. Pour moi c’est un excellent premier roman, qui tient la route et qui tient ses promesses. J’espère que l’autrice ne s’arrêtera pas là !...more
Cet essai est une bombe. Il me semble essentiel pour rappeler les origines de l'écoféminisme, sa nature radicale et son croisement des luttes queers, Cet essai est une bombe. Il me semble essentiel pour rappeler les origines de l'écoféminisme, sa nature radicale et son croisement des luttes queers, anticoloniales, antispécistes, antivalidistes, écologistes, etc. Je reviendrai peut-être plus tard en faire une review plus aboutie, mais à chaud je suis juste encore pleine de l'enthousiasme de l'avoir lu. Ca m'a fait du bien, ça m'a donné de l'espoir, et surtout je ne me suis pas sentie comme une quiche pendant les 3/4 de la lecture comme c'est souvent mon cas face à des essais. Comme le propos part de récits (très) intimes pour construire la réflexion, même lorsque des concepts philosophiques sont invoqués le tout reste accessible, et c'est déjà quelque chose de fort. Je pense que je n'avais jamais aussi bien saisi l'idée de "vivre avec le trouble" de Donna Haraway qu'en lisant Myriam Bahaffou. Je suis hyper enjouée et reconnaissante face à ce travail ...more
Abolitionist intimacies might be the most important and most moving essay I have read this year. I don’t know much about abolitionism, and I am happy Abolitionist intimacies might be the most important and most moving essay I have read this year. I don’t know much about abolitionism, and I am happy it got to be one of the first books I read on the subject. As stated from the beginning, El Jones’ essay is deeply rooted in her everyday practice as an abolinionist and commnutiy activist. And it shows. This book is an impressive work of (re)collecting stories and voices that we too often choose to ignore and silence. By giving a space to these voices and stories she makes it hard to ignore the violence the carceral insitution perpetuates and inflicts upon the bodies of those imprisoned. But while El Jones uncompromisingly denounces a capitalist, racist, violent system, the most striking part for me was the ongoing and radical love she show throughout the whole essay. It’s a praise for community work and for those who stay to fight and to care for each other. I was impressed by El Jones’ commitment to this fight against injustice and how she articulates it in a way that is vibrant and at times very personal. Her testimony as a community worker and activist intertwined with her poetry makes this essay a very singular and powerful one. I am very grateful to Fernwood Publishing and NetGalley for allowing me to read an advanced copy of this essay. Living in France, I don’t know if and when it would be translated but I’m really hoping it will....more