« Théorème de Cauchy-Lipschitz » : différence entre les versions
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A l'aide d'un habile jeu d'écriture<ref>Voir : {{BergerGostiaux1}} p 49. Attention, cette référence ne traite pas le cas où ''f'' est uniquement localement lipschitzienne par rapport à la deuxième variable.</ref>, il est possible de généraliser le cas particulier précédent aux équations dépendantes du temps. On considère maintenant l'équation ''(1)'' du théorème, associée à la condition de Cauchy ''C''. Soit ''g'', la fonction de Ω dans le Banach '''R'''x''E'', définie par : |
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<center><math>\forall y \in \Omega \quad g(y) = (1, f(y))\quad\text{avec}\quad y = (t,x)</math></center> |
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Si ''y''<sub>0</sub> désigne le point de Ω égal à (''t''<sub>0</sub>, ''x''<sub>0</sub>), on considère l'équation différentielle et la condition de Cauchy suivante : |
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<center><math>(2)\quad y' = g(y) \quad\text{avec la condition de Cauchy }C_2\quad y(t_0) = y_0</math></center> |
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La fonction ''g'' est localement lipschitzienne si ''f'' l'est. En effet, si ''y'' est un élément de Ω, il existe un voisinage ''V'' de ''y'' et le réel ''k'' strictement positif associée à ''f'' (qui est localement lipschitzienne par rapport à la deuxième variable) tel que, si les coordonnées de ''y''<sub>1</sub> (resp. ''y''<sub>2</sub>), un point de ''V'', sont notées ((''t''<sub>1</sub>, ''x''<sub>2</sub>) (resp. (''t''<sub>2</sub>, ''x''<sub>2</sub>)) |
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<center><math>\|g(y_1) - g(y_2)\| = \|(1, f(y_1)) - (1, f(y_2))\| = \|f(t_1, x_1) - f(t_2, x_2)\| \le k\|(t_1-t_2,x_1-x_2)\|</math></center> |
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Le théorème annoncé est néanmoins un peu plus fort que le résultat issu de la remarque précédente. Le théorème général ne suppose pas que ''f'' est localement lipschitzien, mais uniquement que ''f'' continue et localement lipschitzien par rapport à la deuxième variable. En fait, pour se rendre compte que ces hypothèses suffisent, il suffit de remarquer que le caractère lipschitzien n'intervient qu'à deux endroits, dans la démonstration. |
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Dans un premier temps, il apparaît nécessaire que l'image par ''g'' de la boule ''B'' soit majorée. Remarquons tout d'abord, avec les notations des paragraphes précédents, que la fonction de [-b + t<sub>0</sub>, b + t<sub>0</sub>] dans Ω, qui à ''t'' associe ||''f''(''t'', ''x''<sub>0</sub>)|| est continue d'un [[espace compact|compact]] dans '''R'''<sub>+</sub>, elle est donc majorée. Soit ''m''<sub>1</sub> un tel majorant. Montrons maintenant que ''g'' est borné sur ''B''. Soit ''y'' égal à (''t'',''x'') un point de ''B'' : |
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<center><math>\|g(y)\| \le \|g(y_0)\| + \|g(y_0) - g(y)\| \le \|g(y_0\| + \|f(t_0, x_0) - f(t,x_0)\| + \|f(t,x_0) - f(t,x)\| \le \|g(y_0)\| + m_1 + ka</math></center> |
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On dispose donc d'un majorant de la norme de g(''y'') indépendant de ''y'' si ''y'' est un élément de ''B''. |
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Le deuxième endroit de la démonstration où le caractère lipschitzien apparait est celui qui prouve que la fonction φ (maintenant définie à l'aide de la fonction ''g'') est bien contractante. Cette fois ci, ''F''<sub>x<sub>0</sub></sub> est l'ensemble des fonctions ''u''<sub>1</sub>(''t'') de [-b + t<sub>0</sub>, b + t<sub>0</sub>] dans ''B'', qui à ''t'' associe (''t'', ''u''(''t)'') où ''u''(''t'') est une fonction ''m''-lipschitzienne, à valeurs dans ''E'' et qui vaut ''x''<sub>0</sub> en ''t''<sub>0</sub>. Les mêmes calculs montrent que ''F''<sub>x<sub>0</sub></sub> est stable par φ et que φ est bien contractant. Pour montrer que φ est contractant, on considère encore deux fonctions ''u''<sub>1</sub> et ''v''<sub>1</sub> de ''F''<sub>x<sub>0</sub></sub> : |
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<center><math>\|\varphi_{u_1}(t) - \varphi_{v_1}(t) \| = \left\|\int_{t_0}^t g(u_1(\tau)) - g(v_1(\tau))\mathrm d \tau \right\| \le \left| \int_{t_0}^t \|f(\tau, u(\tau))- f(\tau, v(\tau))\| \mathrm d \tau \right| \le bk\|u-v\| = bk\|u_1-v_1\|</math></center> |
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== Généralisations == |
== Généralisations == |
Version du 24 février 2009 à 18:57
En mathématiques, le théorème de Cauchy-Lipschitz est un théorème qui assure l'existence locale et l'unicité de la solution d'une équation différentielle. Énoncé par Augustin Louis Cauchy en 1820, c'est Rudolf Lipschitz qui lui donnera sa forme définitive en 1868. Dans de nombreux pays, l'appellation la plus courante est celle de théorème de Picard-Lindelöf, du nom des mathématiciens Émile Picard et Ernst Lindelöf.
Théorème
Un vocabulaire doit être précisé pour permettre d'exprimer le théorème. Dans tout le reste de l'article, E désigne un espace de Banach, Ω un ouvert de RxE et f une fonction continue de Ω dans E. L'objectif est d'étudier l'équation différentielle du premier ordre suivante :
Avec la condition de Cauchy C : x(t0) = x0, où le couple (t0, x0) est un élément de Ω.
Il existe plusieurs manières d'exprimer le théorème de Cauchy-Lipschitz, l'une des plus générales est la suivante[1] :
- Si la fonction f est localement lipschitzienne par rapport à la deuxième variable, il existe une et une seule solution maximale à l'équation (1) respectant la condition de Cauchy C. Son intervalle de définition est ouvert[2].
Ce théorème dispose des corollaires suivant :
- Sous les mêmes conditions que le théorème, si σ est une solution de l'équation différentielle (1) respectant la condition C et définie sur un intervalle, cet intervalle est inclus dans celui de la solution maximale et la restriction de la solution maximale à cet intervalle est confondue avec σ.
- Les graphes des solutions maximales forment une partition de Ω.
Vocabulaire
Plusieurs termes ne sont pas nécessairement intuitifs, ce paragraphe propose les définitions.[Note 1]
Espace de Banach
Un espace de Banach[3] est un espace vectoriel normé et complet, c'est à dire que toute suite de Cauchy converge. Un exemple simple est un espace vectoriel réel normé de dimension finie. Pour une compréhension plus facile, le lecteur peut imaginer que E désigne par exemple l'ensemble des nombres réels. Dans l'article tous les Banach considérés sont des espaces réels.
Courbe intégrale
Si ce terme n'a pas été utilisé ici pour l'expression du théorème et de ses corollaires, on le trouve néanmoins fréquemment dans la littérature.
- Une courbe intégrale[4] de l'équation (1) est une fonction d'un intervalle de R dans E dont le graphe est élément de Ω et qui est solution de l'équation (1).
Condition de Cauchy
L'équation différentielle (1) possède plusieurs solutions maximales, mais si le couple (t0, x0) appartient à Ω, il existe une seule solution maximale s qui vérifie s(t0) = x0. Ce qui amène aux définitions suivantes :
- Une condition de Cauchy C est un couple (t0, x0) élément de Ω. Une fonction s définie sur un intervalle de R et à valeurs dans E solution de l'équation (1) vérifie la condition de Cauchy C si, et seulement si, l'intervalle contient t0 et s(t0) = x0.
Cette définition est un peu intuitive. Si l'équation différentielle modélise un courant parcourant une étendue d'eau, c'est à dire qu'à l'instant t et au point x le courant est égal à f(t,p), il est possible de poser dans l'eau un bouchon à l'instant t0 au point x0, la trajectoire du bouchon est la solution de l'équation. Il existe bien une solution pour chaque couple (t0, x0) (qui peuvent d'ailleurs être confondues).
Remarque : A la place de l'expression condition de Cauchy, on parle parfois de condition initiale[5]. Les deux expressions sont synonymes.
Résoudre le problème de Cauchy[6] consiste à trouver une solution de l'équation (1) vérifiant la condition de Cauchy C.
Fonction lipschitzienne
Pour que les hypothèses du théorème soient vérifiées, il est nécessaire que la fonction f vérifie une propriété de régularité. Si P(Ω) est la projection canonique sur E de Ω :
- La fonction f est dite localement lipschitzienne par rapport à la deuxième variable si, et seulement si, pour tout x de P(Ω) , il existe un réel k strictement positif et un voisinage V de x dans P(Ω) tel que :
Solution maximale
Considérons l'ensemble S des solutions de l'équation (1) vérifiant la condition de Cauchy C et définies sur un intervalle. Cet ensemble est munis d'une relation d'ordre. Une solution s1 de S est plus petite qu'une solution s2 de S lorsque le domaine de définition de s1 est inclus dans celui de s2.
- Une courbe intégrale de S est dite maximale si, et seulement si, elle l'est pour la relation d'ordre définie dans ce paragraphe.
Équation différentielle du premier ordre
L'équation (1) est dite du premier ordre. Dans le cas général, une équation différentielle d'ordre n est du type[7], si g désigne une fonction définie sur un ouvert de RxEn :
Il peut sembler étonnant de restreindre le théorème uniquement aux équations du premier ordre. En fait, le théorème se généralise aisément à une équation d'ordre n. L'équation (2) peut se lire[8] aussi comme une équation du premier ordre à valeur dans En de variable y(t) = (x1(t),...,xn(t)). L'équation (2) s'écrit encore :
La solution est alors la première coordonnée de la fonction y(t).
Exemples et contre-exemple
Si l'on affaiblie les hypothèses en ne supposant que la continuité en y de f(x,y) au voisinage de (x0, y0) donc sans la condition de Lipschitz, il se peut qu'il n'y ait pas unicité de la solution. C'est par exemple le cas dans les exemples suivants donnés par Peano[9]
L'équation où le second membre est continu en x=0 sans être lipschitzien, admet les solutions x=t^3 et x=0 qui s'annulent toutes les deux en t=0 ainsi que les fonctions qui sont nulles dans l'intervalle [0,a] et qui prennent la valeur (t-a)^3 pour t>a.
L'équation toujours avec la condition y(0)=0, admet les cinq solutions (C étant une constante arbitraire positive)
Fragments d'histoire
Origines
L'origine de la question traitée par le théorème est ancienne, elle porte initialement le nom de « problème inverse des tangentes »[10]. A chaque point de l'espace, une droite est associée, le problème à résoudre est de trouver la courbe ayant, comme tangente en chaque point, une de ces droites, ce qui correspond en terme moderne à une équation différentielle autonome, de la forme x' = f(x). Kepler est un initiateur de cette question dans une étude sur la contenance d'un tonneau de vin en 1615[11]. Si cette question est abordée par des mathématiciens comme Descartes, Fermat ou Roberval, qui développent cette approche dans des cas particuliers durant le XVIIe siècle, le progrès essentiel est l'œuvre de Newton et Leibnitz avec la découverte du calcul infinitésimal[12]. Newton cherche surtout à obtenir un résultat à l'aide d'une série, Leibnitz recherche aussi des solutions exactes, sous forme de primitives de fonctions connues[13].
Le siècle suivant est l'objet d'une systématisation de l'étude. Dans un premier temps « Des trésors d'ingéniosité ont été dépensés pour ramener à des quadratures d'innombrables équations différentielles particulières et comme l'écrit Painlevé : la vague s'arrêta quand tout ce qui était intégrable, dans les problèmes naturels fût intégré. »[14]. Euler, en 1768 étudie la manière d'approximer une solution[15]. Il étudie le cas particulier x'(t) = f(t) et cherche une solution sur un intervalle [a, b]. Pour se faire, il partitionne l'intervalle à l'aide d'une suite a0 = a, a1, ..., an = b et, si c est élément de l'intervalle [ai, ai+1] il propose l'approximation suivante :
Dans le cas plus général de l'équation x'(t) = f(t, x(t)), il utilise la même méthode, qui donne :
Euler ne se pose pas la question de la convergence si le découpage est de plus en plus fin.
Le formalisme actuel
Augustin Louis Cauchy (1789 - 1857) établit les premiers résultats généraux. Dans un premier temps, il précise sa méthode « Dans mes leçons données à l'École Polytechnique, comme dans la plupart des ouvrages ou mémoires que j'ai publié sur le calcul intégral, j'ai cru devoir renverser cet ordre et placer placer en premier lieu la recherche, non pas des intégrales générales, mais des particulières; en sorte que la détermination des constantes ou des fonctions arbitraires [pour l'équation aux dérivées partielles] ne fût plus séparée de la recherche des intégrales. »[16]. Ce que Cauchy décrit ici est la démarche formalisée par le problème de Cauchy.
A l'aide de la formalisation de la notion de limite par Bolzano, son approche lui permet d'aller plus loin. La question x' = f(x) sur l'intervalle [a, b], si on lui ajoute la condition de Cauchy x(a) = x0, change de nature. Ce n'est plus la recherche d'une primitive de f, mais le calcul d'une intégrale. Il montre que, avec les notations du paragraphe précédent, si ai+1 - ai tend vers 0 et que f est continue, la limite converge. Cette démarche est appliquée à l'équation x'(t) = f(t, x(t)) dans le cas où f, ainsi que sa différentielle sont continues et bornées, avec les mêmes conditions, on obtient encore une convergence. C'est la première version du théorème de l'article[17]. En 1835, sa méthode est généralisée aux fonctions holomorphes[18].
Rudolf Lipschitz (1332 - 1903) reprend la même direction que son prédécesseur Cauchy, sans manifestement connaître la teneur de ses travaux. Il ne suppose plus que f possède une différentielle continue et bornée mais uniquement qu'elle vérifie la condition qui porte maintenant son nom. Cauchy utilise dans sa démonstration originale cette même propriété, mais la déduit à l'aide de l'une de ses découvertes, qu'il affectionne particulièrement : le théorème des accroissements finis[19].[Note 2]
Paul Painlevé (1863 - 1933) avec Picard s'intéresse aux singularités des équations différentielles de premier et second ordre. C'est dans ce contexte qu'il établit l'existence et l'unicité d'une solution maximale, généralisant ainsi le résultat de Cauchy[20].[Note 3]
Démonstration
Préambule
Pour comprendre le mécanisme de la preuve, illustrons là sur un cas particulier d'équation différentielle définissant la courbe logistique, avec la condition de Cauchy C :
On définit une suite de fonctions polynomiales (un) par récurrence :
Sur l'intervalle [-5/2, 5/2], la suite (un) converge uniformément. Sa limite est un point fixe de la fonction φ qui à une fonction continue f de [-5/2, 5/2] dans R associe la fonction φf :
En dérivant l'égalité φu = u, on vérifie que u est bien une solution de l'équation différentielle étudiée et par construction u(0) = 1/2. Cette démarche est celle de la démonstration de Rudolf Lipschitz. Il constate que si l'intervalle est bien choisi, la fonction φ vérifie la condition de Lipschitz avec un coefficient strictement plus petit que 1, elle est donc contractante, ce qui permet de faire usage du théorème du point fixe. Comme une application contractante n'admet qu'un unique point fixe, l'unicité d'une solution locale est démontrée.
Cette méthode permet de trouver localement une solution. En revanche, pour la valeur 3, la suite (un) diverge. Cependant rien n'empêche de répéter la même démarche avec les deux conditions de Cauchy (5/2, u(5/2)) et (-5/2, u(-5/2)), il devient ainsi possible de prolonger la solution, quitte à réitérer la démarche une infinité de fois, jusqu'à obtenir une solution maximale.
La démarche possède un intérêt surtout théorique. Dans le cas particulier de l'exemple, il est aisé d'intégrer directement l'équation différentielle[Note 4]. Dans le cas général, il existe des méthodes plus rapides pour obtenir une approximation de la solution, comme celle d'Euler décrite dans la partie histoire ou encore celle de Runge-Kutta. En revanche, il est possible de démontrer, le cadre du théorème de l'article qu'une fonction construite comme φ est contractante, ce qui montre l'existence et l'unicité d'un point fixe, ici solution de l'équation différentielle.
Solution locale d'une équation différentielle autonome
On considère, dans un premier temps, le cas où la fonction f ne dépend pas de la variable t. L'équation (1) s'écrit : x'(t) = f(t) et l'ouvert Ω est maintenant un ouvert de E. Une telle équation différentielle est dite autonome. L'objectif de ce paragraphe est de montrer que l'équation (1) admet localement une unique solution satisfaisant la condition de Cauchy C. On suppose de f est localement lipschitzienne . Comme Ω est un ouvert, il existe un réel strictement positif a tel que la boule, noté B, fermée de centre x0 et de rayon a soit inclus dans Ω et tel que la fonction f soit k-lipschitzienne avec k strictement supérieur à 0[Note 5]. Soit m un majorant strictement positif de la norme de f sur B, qui existe car f est k-lipschitzienne sur B. Soit enfin b un entier positif, strictement plus petit que a/m et que 1/k. Ce réel b permet de définir un espace de fonctions sur lequel on définit une application contractante.
Soit Fx0 l'ensemble des fonctions de [-b + t0, b + t0] à valeurs dans B, m-lipschitziennes et dont l'image de t0 soit égale à x0.
- Lemme 1 : Munis de la norme de la convergence uniforme, Fx0 est un espace complet.
Il devient maintenant possible de définir de manière générale la fonction φ du paragraphe précédent. C'est une fonction définie sur Fx0, qui à la fonction u associe la fonction φu définie par :
Deux lemmes sont nécessaire pour pouvoir appliquer le théorème du point fixe :
- Lemme 2 : La fonction φ est à valeurs dans Fx0.
Une application est dite contractante lorsqu'elle est α-lipschitzienne avec α strictement plus petit que 1.
- Lemme 3 : La fonction φ est contractante.
Les hypothèses du théorème du point fixe sont réunies, on en déduit que φ admet un unique point fixe s dans Fx0. En remarquant que la fonction qui à τ associe f(s(τ)) est continue on en déduit que s est une application continument dérivable. En dérivant l'égalité définissant φs, on en déduit l'existence et l'unicité d'une fonction de Fx0 qui vérifie :
Ce qui se résume en un premier théorème :
- Théorème : Il existe une unique fonction définie sur [-b + t0, b + t0] solution de l'équation (1) et vérifiant la condition de Cauchy C.[Note 6]
Une méthode pratique pour trouver le point fixe est de construire une suite (un) qui vérifie la relation de récurrence : un+1 = φun, la suite converge nécessairement vers le point fixe. Cette technique est celle utilisée dans le préambule.
- Munis de la norme de la convergence uniforme, Fx0 est un espace complet :
Pour montrer ce lemme, il suffit de montrer qu'une suite de Cauchy (un) de Fx0 converge vers un élément de Fx0. L'espace des fonctions continues définie sur [-b + t0, b + t0] et à valeurs B est complet car B l'est. La suite (un) admet donc une limite u à valeurs dans B, il suffit de montrer que cette limite est m-Lipschitzienne. Le fait que la suite (un) converge uniformément vers u montre que si ε est un réel strictement positif :
Le fait que toutes les fonctions de Fx0 soient m-lipschitziennes, montre que :
On en déduit, si n est un entier plus grand que N :
La dernière majoration est vraie pour tout ε strictement positif, ce qui montre que la fonction u est bien m-lipschitzienne.
- La fonction φ est à valeurs dans Fx0 :
Soit u une fonction de Fx0, φu est une fonction à valeurs dans E dont l'image de t0 est égale à x0. Il suffit de montrer qu'elle prend ses valeurs dans B et qu'elle est m-lipschitzienne. Montrons dans un premier temps qu'elle est m-lipschitzienne. Soient t1 et t2 deux éléments de [-b + t0, b + t0], on a :
La dernière majoration montre que φu est m-lipschitzienne, il reste à montrer qu'elle est à valeurs dans B. Soit t un élément de [-b + t0, b + t0], il faut montrer que φu(t) est à une distance inférieure ou égale à 2.a de x0 :
Cette dernière majoration montre que φu est à valeurs dans B et termine la démonstration du lemme.
- La fonction φ est contractante :
Soit u et v deux fonctions de Fx0, déterminons la distance entre leurs deux images par φ. Soit t un élément de [-b + t0, b + t0] :
Par définition de b, le réel bk est strictement plus petit que 1, ce qui montre le caractère contractant de φ.
Solution maximale d'une équation différentielle autonome
Le paragraphe précédent n'offre encore aucune information sur l'existence ou l'unicité d'une solution globale vérifiant la condition de Cauchy C. Ces résultats, plus tardifs, sont presque une conséquence directe du paragraphe précédent. On peut les résumer de la manière suivante[21]:
- Théorème : Il existe une unique solution de l'équation (1), vérifiant la condition C et maximale. Tout autre solution, définie sur un intervalle J, est confondue avec la restriction de la solution maximale sur J et J est inclus dans l'intervalle de définition de la solution maximale.
- Proposition : L'intervalle de définition d'une solution maximale est ouvert.
Pour démontrer ces résultats, commençons par un lemme :
- Soient deux solutions s1 et s2 de l'équation (1), vérifiant la condition C. Sur l'intersection des deux intervalles de définition, les solutions sont confondues :
Soit In l'intersection des deux intervalles et Ic la partie de In sur laquelle les deux solutions sont confondues. L'objectif est de montrer que l'ensemble Ic est à la fois non vide, ouvert et fermé dans In. Comme In est un connexe, Ic est nécessairement égal à In.
L'ensemble Ic contient au moins le point t0, ce qui montre qu'il n'est pas vide. Soit t un point de Ic, le théorème précédent montre qu'il existe un ouvert ]-b+t, b+t[, avec b un réel strictement positif, sur lequel il existe une unique solution s de l'équation (1) avec la condition de Cauchy s(t) = s1(t). Sur cet ouvert, les deux solutions sont confondues, ce qui montre que Ic est ouvert. Par ailleurs, Ic est l'image réciproque du fermé {0} par la fonction continue (car dérivable) s1 - s2, c'est donc un fermé. Ic est un ouvert, fermé non vide d'un connexe, il est donc égal à In.
- L'intervalle de définition d'une solution maximale est ouvert :
Considérons un point t quelconque d'un intervalle de définition M d'une solution maximale s. Le paragraphe précédent montre qu'il existe un voisinage V de ce point contenant une unique solution sV vérifiant la condition de Cauchy (t, s(t)). On en déduit que sur l'intersection de M et de V les solutions s et sV sont confondues. Il est donc possible de prolonger s sur le voisinage V et comme s est maximal, M contient nécessairement V.
Tout point de M contient un voisinage V contenu dans M, ce qui montre que M est ouvert.
- Il existe une unique solution de l'équation (1), vérifiant la condition C et maximale. Tout autre solution, définie sur un intervalle J, est confondue avec la restriction de la solution maximale sur J et J est inclus dans l'intervalle de définition de la solution maximale.
Considérons l'ensemble des intervalles, domaines de définition de solution de l'équation (1) et vérifiant la condition C. Soit J1 et J2 deux intervalles maximaux dans cet ensemble. Sur l'intersection des deux intervalles, les solutions sont confondues. Autrement dit, il existe une solution définie sur l'union de J1 et J2 qui est égal à la première solution sur J1 et à la deuxième sur J2 (le fait que J1 et J2 soient ouverts est indispensable pour arriver à cette conclusion). Comme J1 et J2 sont maximaux, ils sont confondus, ce qui montre l'unicité de l'intervalle maximal.
Notons J cet intervalle maximal et J1 un intervalle de définition d'une solution quelconque. J1 est inclus dans un intervalle maximal et donc nécessairement dans J car il n'y en a qu'un. La première proposition de cette boite déroulante termine la démonstration.
Équation différentielle non autonome
A l'aide d'un habile jeu d'écriture[22], il est possible de généraliser le cas particulier précédent aux équations dépendantes du temps. On considère maintenant l'équation (1) du théorème, associée à la condition de Cauchy C. Soit g, la fonction de Ω dans le Banach RxE, définie par :
Si y0 désigne le point de Ω égal à (t0, x0), on considère l'équation différentielle et la condition de Cauchy suivante :
La fonction g est localement lipschitzienne si f l'est. En effet, si y est un élément de Ω, il existe un voisinage V de y et le réel k strictement positif associée à f (qui est localement lipschitzienne par rapport à la deuxième variable) tel que, si les coordonnées de y1 (resp. y2), un point de V, sont notées ((t1, x2) (resp. (t2, x2))
Le théorème annoncé est néanmoins un peu plus fort que le résultat issu de la remarque précédente. Le théorème général ne suppose pas que f est localement lipschitzien, mais uniquement que f continue et localement lipschitzien par rapport à la deuxième variable. En fait, pour se rendre compte que ces hypothèses suffisent, il suffit de remarquer que le caractère lipschitzien n'intervient qu'à deux endroits, dans la démonstration.
Dans un premier temps, il apparaît nécessaire que l'image par g de la boule B soit majorée. Remarquons tout d'abord, avec les notations des paragraphes précédents, que la fonction de [-b + t0, b + t0] dans Ω, qui à t associe ||f(t, x0)|| est continue d'un compact dans R+, elle est donc majorée. Soit m1 un tel majorant. Montrons maintenant que g est borné sur B. Soit y égal à (t,x) un point de B :
On dispose donc d'un majorant de la norme de g(y) indépendant de y si y est un élément de B.
Le deuxième endroit de la démonstration où le caractère lipschitzien apparait est celui qui prouve que la fonction φ (maintenant définie à l'aide de la fonction g) est bien contractante. Cette fois ci, Fx0 est l'ensemble des fonctions u1(t) de [-b + t0, b + t0] dans B, qui à t associe (t, u(t)) où u(t) est une fonction m-lipschitzienne, à valeurs dans E et qui vaut x0 en t0. Les mêmes calculs montrent que Fx0 est stable par φ et que φ est bien contractant. Pour montrer que φ est contractant, on considère encore deux fonctions u1 et v1 de Fx0 :
Généralisations
Extension aux équations aux dérivées partielles
Le théorème de Cauchy-Lipschitz assurant l'existence et l'unicité de la solution d'une équation différentielle admet une extension aux équations aux dérivées partielles : le théorème de Cauchy-Kovalevskaïa.
Annexes
Bibliographie
Liens externes
Notes
- ↑ Ce paragraphe s'inspire très largement de : Marcel Berger et Bernard Gostiaux, Géométrie différentielle : variétés, courbes et surfaces [détail des éditions]
- ↑ Les paragraphes historiques proviennent essentiellement de la référence : J. Mawhin Problème de Cauchy pour les équations différentielles et théorie de l'intégration : influences mutuelles Cahier du séminaire d'histoire des mathématiques T 9 (1988)
- ↑ Cette étude est généralisée aux nombres complexes : Jean Dieudonné (dir.), Abrégé d'histoire des mathématiques 1700-1900 [détail des éditions] pp 323 329
- ↑ Voir l'article Fonction logistique (Verhulst)
- ↑ Si k est égal à 0, la solution du problème de Cauchy est la fonction qui à t associe (t - t0).f(x0) + x0
- ↑ Cette démonstration est extraite de : Marcel Berger et Bernard Gostiaux, Géométrie différentielle : variétés, courbes et surfaces [détail des éditions] p 42 43. Elle est néanmoins un peu modifiée, l'espace E n'est plus supposée de dimension finie.
Références
- ↑ H. Cartan Cours de calcul différentiel Hermann (2007) (ISBN 2705667024)
- ↑ On trouve ce résultat ainsi que les différents corollaires dans : Marcel Berger et Bernard Gostiaux, Géométrie différentielle : variétés, courbes et surfaces [détail des éditions] pp 42 52
- ↑ V. F. Bayart Espace de Banach par Bibm@th.net
- ↑ Marcel Berger et Bernard Gostiaux, Géométrie différentielle : variétés, courbes et surfaces [détail des éditions] p 40
- ↑ Marcel Berger et Bernard Gostiaux, Géométrie différentielle : variétés, courbes et surfaces [détail des éditions] p 40
- ↑ J. Mawhin Problème de Cauchy pour les équations différentielles et théorie de l'intégration : influences mutuelles Cahier du séminaire d'histoire des mathématiques T 9 p 233 (1988)
- ↑ Marcel Berger et Bernard Gostiaux, Géométrie différentielle : variétés, courbes et surfaces [détail des éditions] p 37
- ↑ Marcel Berger et Bernard Gostiaux, Géométrie différentielle : variétés, courbes et surfaces [détail des éditions] p 38
- ↑ Peano,Démonstration de l'intégrabilité des équations différentielles ordinaires,Mathematische annalen, T37,1890,p227
- ↑ J. Mawhin Problème de Cauchy pour les équations différentielles et théorie de l'intégration : influences mutuelles Cahier du séminaire d'histoire des mathématiques T 9 p 231 (1988)
- ↑ J. Kepler Nova Stereometria doliorum vinariorum J. Plancus 1615
- ↑ A. Dahan-Dalmedico et J. Peiffer, Une histoire des mathématiques : Routes et dédales, [détail des éditions] pp 178 197
- ↑ J. Mawhin Problème de Cauchy pour les équations différentielles et théorie de l'intégration : influences mutuelles Cahier du séminaire d'histoire des mathématiques T 9 p 232 (1988)
- ↑ J. Mawhin Problème de Cauchy pour les équations différentielles et théorie de l'intégration : influences mutuelles Cahier du séminaire d'histoire des mathématiques T 9 p 232 (1988)
- ↑ L. Euler Instutitiones Calculi Integrali publié en 1768
- ↑ A. L. Cauchy Note sur la nature des problèmes que présente le calcul intégral. Exercices d'analyse et de physique mathématique : Œuvre de Cauchy pp 263 271 (1840)
- ↑ J. Mawhin Problème de Cauchy pour les équations différentielles et théorie de l'intégration : influences mutuelles Cahier du séminaire d'histoire des mathématiques T 9 p 234 (1988)
- ↑ J. Mawhin Problème de Cauchy pour les équations différentielles et théorie de l'intégration : influences mutuelles Cahier du séminaire d'histoire des mathématiques T 9 p 235 (1988)
- ↑ P. Dugac Histoire du théorème des accroissements finis Archives Internationales d'Histoire des Sciences Oxford V 30 n° 105 pp 86 101 (1980)
- ↑ P. Painlevé Leçons sur la théorie analytique des équations différentielles Hermann Paris 1897
- ↑ On trouve ces résultats dans : Marcel Berger et Bernard Gostiaux, Géométrie différentielle : variétés, courbes et surfaces [détail des éditions] pp 45 et 46
- ↑ Voir : Marcel Berger et Bernard Gostiaux, Géométrie différentielle : variétés, courbes et surfaces [détail des éditions] p 49. Attention, cette référence ne traite pas le cas où f est uniquement localement lipschitzienne par rapport à la deuxième variable.
Articles connexes
- Équation différentielle
- Déterminisme
- Système dynamique
- Théorie du chaos
- Théorème de Cauchy-Kovalevskaïa
- Théorème de Cauchy-Peano-Arzelà
Notes