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Écuyer (gentilhomme)

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Un chevalier et son écuyer.

L’écuyer, parfois écrit écuier[1] (du bas latin scutarius « soldat de la garde impériale qui portait un bouclier », dérivé en -arius du latin scutum « écu »[2]) est, à l'origine, un gentilhomme ou un anobli qui accompagne un chevalier et porte son écu. De là, écuyer a été employé comme titre pour un jeune homme qui se prépare à devenir chevalier par adoubement.

Le terme est ensuite devenu, à l'époque moderne, un rang détenu par tous les nobles non armés chevaliers (abréviation : Ec.). Il convient de rappeler à ce titre que les rangs d'écuyer et de chevalier, sous l'Ancien Régime, n'étaient pas des titres de noblesse mais des qualifications nobles ; l'éventuel titre de noblesse attaché à une terre ne venant qu'après cette qualification. À ce titre, M. de Ludre a rappelé « qu'avant 1500 les plus grands seigneurs s'intitulaient tantôt écuyers, tantôt chevaliers et que les princes de sang royal eux-mêmes ne rougissaient pas de la qualification d'écuyer. »[3] Cette qualification est restée officiellement en vigueur jusqu'en 1848, mais dans les faits, elle cesse d'être portée après 1789.

En Angleterre, le mot, sous sa forme esquire, est utilisé, placé après le nom, comme un titre de respect sans signification particulière, pour indiquer un haut rang social mais indéterminé (abréviation Esq.) ; au moyen âge tardif, des gentilshommes ont refusé le titre de chevalier en déclarant qu'être écuyer du corps du roi était un bien plus grand honneur.

Tandis qu'aux États-Unis son usage est souvent lié à la profession juridique comme le titre de Maître dans les pays francophones[4]. C'est toujours un qualificatif de noblesse en Belgique (également connu sous le nom de « Jonkheer » en néerlandais).

Le tortil, symbole héraldique des chevaliers et écuyers.

Écuyers au temps des chevaliers

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Les chevaliers, à l'époque des tournois, devaient présenter leurs armes afin de s'identifier. Ils étaient assistés en cela par leur écuyer, jeune homme chargé de tenir leur écu armorié. En général, l'écuyer s'occupait également de l'équipement du chevalier et de son cheval, et il apprenait le métier de chevalier à partir de 14 ans ; ceci explique les sens dérivés d'écuyer comme apprenti chevalier, puis comme voltigeur à cheval (au cirque).

Lorsque des figures distinctives ornent l’écu, l’écuyer qui porte l’écu peut représenter le chevalier, même en son absence. L'écuyer qui porte l'écu sur sa poitrine est d'ailleurs sans doute à l'origine des tenants, dans les ornements extérieurs des armoiries, puisque les cinq régions principales de l'écu (chef, cœur, flancs dextre et sénestre, pointe) renvoient justement aux parties du corps de celui-ci. Comme l’écuyer est vu de face, « dextre » et « sénestre » sont inversés en héraldique par rapport à leur signification primitive : la dextre de l’écuyer est à la gauche de l’observateur, et inversement.

Écuyers à l'époque moderne

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À l'époque moderne (XVIe – XVIIIe siècles), les nobles non titrés utilisaient les termes « écuyer » ou « noble » pour montrer leur appartenance à la noblesse dans les documents officiels. La qualification d'écuyer était strictement réservée à la noblesse comme le montre cet édit de  :

« Défendons à tous nos sujets d'usurper le titre de noblesse, prendre la qualité d'écuyer et porter armoiries timbrées, à peine de 2.000 livres d'amende, s'ils ne sont de maison et extraction noble. »[5]

Depuis le déclin de la chevalerie, cette qualification était en perte de prestige; elle connut néanmoins un regain d’intérêt à partir de la fin du XVIe siècle, lorsque les souverains l'imposent comme la seule marque de noblesse pour les non titrés.

À l'époque moderne, cette qualification était aussi portée en raison de l'exercice de certaines charges.[réf. nécessaire]

Écuyers-bannerets

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Dans certains cas, il est arrivé de trouver des écuyers-bannerets qui se distinguaient par leur rang plus élevé que celui des écuyers sans bannières. Ils avaient donc reçu un droit de porter bannière et de mener leurs vassaux sur le champ de bataille. Ainsi et malgré leur non appartenance à la chevalerie, ils avaient le même rang que les chevaliers banneret et se situaient entre les barons et les chevaliers bacheliers[6], même si initialement, cela ne semblait pas être le cas. La solde était la même pour tous les bannerets et était donc plus élevée que celle des simples chevaliers.

Au Moyen Âge, on trouve un autre terme équivalent de la qualification d'écuyer : « varlet », à la différence que sa fonction semblait plus se rapprocher de celle du page. De plus, contrairement à écuyer qui pouvait être un état définitif, varlet semblait être une qualification provisoire, car souvent attribuée à un jeune fils d'un chevalier héréditaire, qui était lui aussi destiné à la chevalerie[7]. La qualification semble être tombée en désuétude bien avant la période moderne.

Offices d'écuyers modernes

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À partir du XIVe siècle apparaissent, dans les cours princières, des charges d'écuyer sans rapport avec la chevalerie. Il existe différents offices d'écuyers : le Grand écuyer qui a la charge des chevaux de selle de la Cour, et l'écuyer tranchant qui découpe la viande royale ; à la Cour de France, il y a également un Premier écuyer qui s'occupe des chevaux de trait de la Cour.

Grand écuyer

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Le Grand écuyer de France, communément appelé « Monsieur le Grand », était l'un des grands officiers de la couronne de France pendant l’ancien Régime. Il était responsable des écuries royales. Il dirigeait personnellement la Grande Écurie du roi à Versailles alors que son subordonné le Premier écuyer de France, (voir plus bas) usuellement appelé « Monsieur le Premier », avait la charge de la Petite Écurie. La première était principalement composée des commanderies chevalières ainsi que du haras royal tandis que la seconde s'orientait vers les montures d'usage civil, y compris celles pour les carrosses et autres voitures.

Le Grand écuyer de France dirigeait l’École des pages du roi en sa Grande Écurie réservée aux fils des familles de la noblesse militaire remontant à au moins 1550, tandis que son adjoint le Premier écuyer (voir ci-dessous) dirigeait celle des pages de la Petite Écurie réservée aux fils des familles de la noblesse remontant à au moins 1550[8], La réception comme page du roi en sa Grande Écurie ou sa Petite Écurie était, pour une famille, un honneur qui venait juste après celui des Honneurs de la Cour.

Écuyer tranchant

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Ornements extérieurs de l'écu du Grand écuyer tranchant.

En 1306, une ordonnance de Philippe le Bel précise que le Premier « valet tranchant », qui prendra par la suite le nom de « Premier écuyer tranchant », avait la garde de l'étendard royal et qu'il devait dans cette fonction marcher à l'armée « le plus prochain derrière le roi, portant son panon qui doit aller çà et là partout où le roi ira, afin que chacun connaisse où le roi est. »[9]

Ces deux charges étaient possédées par la même personne sous Charles VII et sous Charles VIII, et l'ont presque toujours été depuis. C'était sous cet étendard royal, nommé depuis cornette blanche, que combattaient les officiers commensaux du roi, les seigneurs et gentilshommes de sa maison et les gentilshommes volontaires.

En temps de paix, il est l'officier de bouche qui découpe les aliments à la table du souverain, le plus souvent il s'agit de la viande : tenant la pièce de viande dans une fourchette de la main gauche, il la tranche avec son épée dans la main droite sans que jamais les doigts ne touchent la viande[10]. Par extension, il porte également ce titre dans les maisons princières et aristocratiques, se distinguant alors du Grand (écuyer) tranchant qui appartient à la maison du roi. Le terme « écuyer de cuisine » désigne le maître cuisinier d'un prince ou d'un grand seigneur[2].

Ce gentilhomme avait le droit d'ajouter à ses armoiries un couteau et une fourchette placés en croix et aux manches une couronne royale[11].

Le premier traité consacré à cette fonction est l’Arte cisora, écrit en 1423 par Henri de Villena. Ce manuel témoigne de la professionnalisation de cet office, la Renaissance voyant se développer un art de la découpe espagnol, italien et français[12].

Premier écuyer

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Le Premier écuyer usuellement appelé « Monsieur le Premier », est l'adjoint du Grand écuyer de France appelé pour sa part « Monsieur le Grand » (voir ci-dessus). Il commande la Petite Écurie du roi, c'est-à-dire les chevaux dont le roi se sert le plus ordinairement, les carrosses, les calèches, les chaises à porteurs. Il commande également l'école des pages du roi en la Petite Écurie, réservée aux fils des familles de la noblesse remontant au moins à 1550[8] et les valets-de-pied attachés au service de la Petite Écurie, desquels il a droit de se servir, comme aussi des carrosses et chaises du roi. La réception comme page du roi en sa Petite Écurie était, pour une famille, un honneur qui venait juste après celui des Honneurs de la Cour et celui de la réception comme page du roi en la Grande Écurie.

Le Premier écuyer doit donner la main au roi, s'il a besoin d'aide, pour monter en carrosse ou en chaise (écuyer de main par opposition à l’écuyer cavalcadour qui a soin des chevaux dont le prince se sert ordinairement)[13].

Le Premier tranchant est l'écuyer de la maison de la reine[2].

Le titre d'écuyer à l’époque contemporaine

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Sous l'Ancien régime, le titre peut être porté par tout noble. Il est aboli avec tous les autres titres et qualificatifs de noblesse le . À la Restauration, le terme est à nouveau (et toujours de nos jours, la noblesse ayant été de nouveau abolie mais pas les titres) légalement en vigueur pour tout membre d’une famille issue de la noblesse (titré ou non, se mettant après le nom et non avant le prénom contrairement aux titres), mais peu des familles qui le possédaient auparavant n'en demande le port sur les actes d’état civil, ou la confirmation de son droit à le porter[14]. Personne alors n'arbore cette qualification jugée alors trop vieillotte, si bien qu'avec le temps, elle disparaît presque entièrement de la mémoire collective en tant que titre de noblesse.

Il est intéressant de noter que dans les autres pays, ce titre a connu une tout autre évolution. Dans le monde anglophone, où il se porte après le nom, abrégé « Esq » (esquire), il s'est démocratisé en une formule de politesse, qui n'est plus uniquement le signe de l'appartenance à la noblesse. Aux États-Unis, il est souvent porté par les personnes de la magistrature et du corps diplomatique. En Belgique, ce titre n'est pas traduit pour les francophones, qui portent juste la formule « Messire » devant leur nom. En Allemagne, le titre de Junker a connu une forte popularité, et était même considéré comme plus prestigieux que d'autres, comme celui de chevalier (Ritter), pourtant supérieur. Dans le monde néerlandophone, il est considéré comme tous les autres titres, et est même parfois porté par les membres de la famille royale.

Depuis, et à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation en 1927, Jonkheer est jugé et considéré en Belgique comme un vrai titre nobiliaire[15].

Enfin dans d'autres pays comme l'Espagne ou l'Italie, ce terme pour désigner la noblesse n'existe tout simplement pas. Leurs équivalents seraient Hidalgo pour les Espagnols et Nobile pour les Italiens.

Notes et références

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  1. Memoire, servant a la iustification de Philippes de Procé, ecuier, sieur du Pas, ci-devant commandant à Naerden, touchant le siëge & rendition de la ville a son altesse monseigneur le prince d'Orange, chez Pierre Marteau, (lire en ligne)
  2. a b et c Informations lexicographiques et étymologiques de « écuyer » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
  3. Vicomte de Marsay, De l'âge des privilèges au temps des vanités
  4. (en) « esquire », sur LII / Legal Information Institute (consulté le )
  5. « MEMODOC, Écuyer, une qualification nobiliaire peu connue », sur www.memodoc.com (consulté le )
  6. Philippe Contamine, Guerre, État et société à la fin du Moyen Âge. Tome 1 : Études sur les armées des rois de France 1337-1494, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, (ISBN 978-2-7132-1816-3, lire en ligne)
  7. Annuaire de la pairie et de la noblesse de France et des maisons souveraines de l'Europe et de la diplomatie, Bureau de la Publ., (lire en ligne)
  8. a et b Sur les preuves à fournir pour être reçu page du roi en sa grande ou sa petite écurie, voir L. N. H. Chérin, « PREUVES DE NOBLESSE POUR LES PAGES DU ROI ET DE LA REINE » extrait de l'Abrégé chronologique d'édits.
  9. Premier écuyer tranchant sur blason-armoiries.org.
  10. Elisabeth Latrémolière, exposition « Festins de la Renaissance » du 7 juillet au 21 octobre 2012, château royal de Blois
  11. Brigades de cuisine.
  12. Beaujarret, « Alimentation de cour, alimentation à la cour : Sources et problèmes (du Moyen Âge à l’Époque contemporaine) », 29 septembre 2008.
  13. Premier écuyer du roi sur blason-armoiries.org.
  14. « MEMODOC, Écuyer, une qualification nobiliaire peu connue », sur www.memodoc.com (consulté le )
  15. « FAQ », sur belgium.be via Internet Archive, (consulté le ).

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Articles connexes

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Lien externe

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