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Vie de Plotin

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Vie de Plotin
Auteur Porphyre
Pays Grèce antique
Genre biographie, philosophie
Date de parution vers 301

La Vie de Plotin (en grec ancien : Περὶ Πλωτίνου[Note 1]) est un livre du philosophe néoplatonicien grec Porphyre de Tyr, paru vers 301 ap. J.-C. L'auteur, d'une part, donne la biographie de son maître Plotin, et d'autre part, établit l'édition et l'ordre des traités de ce derniers, réunis aujourd'hui sous le titre de Ennéades. C'est la source principale sur la vie de Plotin pour les historiens. Il s'agit d'un texte majeur de l'Antiquité tardive, et de l'un des premiers de cette époque[1].

Dans le domaine de la biographie, on doit aussi à Porphyre une Vie de Pythagore.

Porphyre conversant avec Plotin (manuscrit médiéval, s.d.).

L'ouvrage a été composé vers 301[2], soit quelques années avant la mort de Porphyre (305) et une trentaine d'années après celle de Plotin. Porphyre voulait d'abord donner une introduction aux Ennéades, tout en justifiant son projet éditorial[1]. Conçu comme une sorte de préface à l'œuvre majeure du maître, le livre de Porphyre offre donc au lecteur avant tout une « vie intellectuelle »[3]

On a pu voir dans cette biographie un aspect hagiographique, car elle fait de Plotin un homme exemplaire, voire saint, et lie sa vie à des miracles et des extases mystiques. Ainsi, pour Cyril Morana et Éric Oudin, la Vie de Plotin « est une véritable hagiographie »; ils rappellent par ailleurs le contexte de sa rédaction : « À l'instigation de ses élèves, Plotin commence tardivement (en 255) à rédiger des traités qui reflètent son enseignement […]. Il laisse à Porphyre le soin de leur donner un titre, de les corriger et de les éditer »[4].

Projet éditorial

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Porphyre donne, aux paragraphes 4 à 6 de la Vie de Plotin, l'ordre chronologique des traités, avant de les réorganiser de manière systématique en six collections de neuf (aux paragraphes 24 à 26)[Note 2]. Il explique[5]: « J'avais les cinquante-quatre livres de Plotin, et je je les ai partagés en six Ennéades (...). J'ai réuni en chaque Ennéade les livres qui s'apparentaient par leur sujet, et j'ai donné, en chacune, la première place aux questions les plus faciles. »

Pierre Hadot relève qu'avec cette réorganisation et cette systématisation, Porphyre infléchit la pensée de son maître, car il distribue les traités selon une division de la philosophie tout à fait particulière, qui induit un chemin de progrès spirituel jalonné de différentes étapes: éthique, physique[Note 3], théologie (ou métaphysique)[2].

Projet biographique

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En fait, Porphyre connaît mal la vie de Plotin avant de commencer à suivre ses cours car, dit-il, Plotin « se refusait à rien raconter sur sa famille, ses parents ou sa patrie »[3] .

La Vie de Plotin relate des expériences mystiques vécues à quatre reprises par Plotin au cours de sa vie, aux dires de Porphyre, et une fois par Porphyre lui-même. Ce dernier écrit à propos de Plotin : « En effet, son but, sa fin était de s'approcher du Dieu suprême et de s'y unir. Pendant que je demeurais avec lui, il eut quatre fois le bonheur de toucher à ce but, non par simple puissance, mais par un acte réel et ineffable », et à propos de sa propre expérience : « J'ai eu moi-même une fois le bonheur d'approcher de ce Dieu et de m'y unir, lorsque j'avais soixante-huit ans »[6].

Porphyre s'oppose à Jamblique, un autre philosophe néoplatonicien qui deviendra le scholarque de l'école néoplatonicienne de Rome après Porphyre, en préconisant un mode de vie philosophique et en récusant les pratiques de théurgie, une forme de magie. La philosophie plotinienne ne consiste pas seulement en l'apprentissage de connaissances externes, elle implique un changement de vie intérieure ou conversion, comme l'explique Maël Goarzin, chercheur spécialiste du néoplatonisme[7]. Ce dernier ajoute que selon Porphyre, Plotin « arrivait à concilier présence à soi et au divin d'un côté, et présence au monde sensible et aux autres de l'autre. Concrètement, cela passe par une conversion continue vers la partie la plus haute de son âme, l'intellect, qui ne l'empêche nullement de passer du temps, de prendre soin et de dialoguer avec les autres »[7]. Plotin parvient à concilier vie active et vie contemplative.

La Vie de Plotin a donc pour fonction de proposer un modèle exemplaire de vie à imiter.

Notes et références

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  1. Le titre complet est : Περὶ Πλωτίνου βίου καὶ τῆς τάξεως τῶν βιβλίων αὐτοῦ, « Peri tou Plotinou biou kai tes taxeos ton bibliôn autou », soit  : La vie de Plotin et l’ordre de ses écrits.
  2. D'où le titre Énnéades, du grec ancien ἐννέα « énnéa » (neuf). Du fait de cette organisation, nous désignons aujourd'hui un traité de Plotin par trois chiffres : numéro de l'Ennéade, numéro du traité dans l'ennéade, et numéro chronologique. Le traité Du beau intelligible par exemple est ainsi désigné : V, 8 [31], soit cinquième ennéade, huitième traité, trente-et-unième dans la chronologie sur 54 en tout.
  3. On comprendra cette branche de la philosophie antique comme cette branche comme « l'étude le nombre et le type de "causes" ou de "principes" (du monde) admis  »

Références

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  1. a et b Morlet 2013, p. VII
  2. a et b Pierre Hadot, « Porphyre (234 env.-310) » Accès payant, sur universalis.fr (consulté le )
  3. a et b Morlet 2013, p. XIV
  4. Cyril Morana et Eric Oudin, Découvrir la philosophie antique, Editions Eyrolles, (ISBN 978-2-212-08578-5, lire en ligne)
  5. Vie de Porphyre, Belles Lettres, 2013, § 24, p. 71.
  6. Vie de Plotin, § XXIII, trad. Marie-Nicolas Bouillet, 1857. [lire en ligne (page consultée le 7 décembre 2023)]
  7. a et b Goarzin 2015.

Bibliographie

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  • Plotin, Traités 51-54, suivi de Porphyre, Vie de Plotin, (trad. sous la direction de Luc Brisson et Jean-François Pradeau), Paris, GF-Flammarion, 2010, 384 p. (ISBN 978-2-081-23136-8)
  • Porphyre (préf. de Jean Pépin, ouvrage sous la dir. de Luc Brisson), La Vie de Plotin, Paris, Vrin, 1981 (vol. i); 1992 (vol. ii), 436 p. (Vol. I); 780 p. (Vol. II) (ISBN 978-2-711-62035-7 et 978-2-711-61121-8)
    Vol. I : « Travaux préliminaires et index grec complet » ; Vol. II: « Études d'introduction, texte grec et traduction française, commentaire, notes complémentaires et bibliographie »
  • (fr + grc) Porphyre, Vie de Plotin, (Texte établi et trad. par Émile Bréhier; trad. révisée par Sébastien Morlet; introduction, notes et annexes par Sébastien Morlet), Paris, Les Belles Lettres, 2013, 150 p. (ISBN 978-2-251-80227-5)
  • Luc Brisson, « L'oracle d'Apollon dans la Vie de Plotin par Porphyre », Kernos, no 3,‎ , p. 77-88 (lire en ligne, consulté le ).
  • Maël Goarzin, « Manière de vivre et exemplarité dans la Vie de Plotin », sur biospraktikos.hypotheses.org, (consulté le ).
  • Lucien Jerphagnon, Au bonheur des sages, Paris, Hachette Littératures, coll. « Pluriel », , 334 p. (ISBN 978-2-012-79295-1), chap. 6 (« Les sous-entendus antichrétiens de la Vita Plotini ou l'évangile de Plotin selon Porphyre »), p. 101-120
  • Sébastien Morlet, « Introduction et notes », dans Porphyre, Vie de Plotin, Paris, Belles Lettres, coll. « Classiques en poche »,
  • Henri-Dominique Saffrey, Le Néoplatonisme après Plotin, Paris, Vrin, coll. « Histoire des doctrines de l'antiquité classique », , 320 p. (ISBN 978-2-7116-1476-9, lire en ligne).

Articles connexes

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Lien externe

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