Hippie
Le mouvement hippie est un courant de contre-culture apparu dans les années 1960 aux États-Unis, avant de se diffuser dans le reste du monde occidental.
Les hippies, issus en grande partie de la jeunesse nombreuse du baby-boom de l'après-guerre, rejetaient les valeurs traditionnelles, le mode de vie de la génération de leurs parents et la société de consommation.
L'ouverture à d'autres cultures, un besoin d'émancipation et la recherche de nouvelles perceptions sensorielles, les amenèrent aux expressions artistiques du psychédélisme. Dans leurs communautés, ils tentèrent de réaliser leur aspiration à vivre librement, dans des rapports humains qu'ils voulaient plus authentiques.
En rupture avec les normes des générations précédentes, le mouvement a eu une influence culturelle majeure, en particulier dans le domaine musical. L'assimilation de nombreuses valeurs issues de ce courant a apporté une évolution des mœurs de la société dans son ensemble même si le mouvement lui-même s'est rapidement dissous, en partie par son manque d'organisation et à la suite de ses excès.
Définition
Le lexicographe Jesse Sheidlower, principal éditeur de l’Oxford English Dictionary, considère que les termes hipster et hippie dérivent du mot hip, dont l'origine est mal connue. Cependant, selon lui, le terme « hippie » trouverait son origine dans un vocable africain « hip », dérivé du terme wolof « hipi » signifiant « ouvrir ses yeux »[1], également repris dans le mot anglais « hipster », forgé par Harry Gibson en 1940[2] et désignant les amateurs de bebop des années 1940. Il pourrait être également un jeu de mot avec « hype » signifiant « décontracté, branché, dans le coup ». Comme le hipster, le hippie devait en effet être « cool »[3].
Une autre origine du terme parfois donnée est une dérivation de l'acronyme « H.I.P. », référant à un quartier de San Francisco, le Haight-Ashbury Independant Property, occupé par les hippies, mais la première occurrence du mot dans les médias, antérieure à cette époque, semble être trouvée dans un numéro du Time de novembre 1964 évoquant l'usage de drogue d'un jeune homme de 20 ans qui avait fait scandale[4]. C'est ce magazine qui selon l'historien Ronald Creagh « fixe l'épicentre du mouvement dans le quartier de Haight-Ashbury » et en 1967, le San Francisco Chronicle annonce en une que cent mille hippies vont envahir San Francisco l'été à venir[5].
Cependant, les hippies n'utilisaient pas ce terme pour se désigner eux-mêmes, et les étiquettes les laissaient assez indifférents. Ils se disaient plutôt « flower children », « beautiful people » ou plus ironiquement « freaks » ou « heads » voire « acid heads » (respectivement : « les monstres », « les têtes » ou encore « les têtes à acide »)[6].
De manière générale, les hippies contestaient le matérialisme et le consumérisme des sociétés industrielles ainsi que tout ce qui y était lié. Ils rejetaient en particulier les valeurs associées au travail, à la réussite professionnelle et le primat des biens technologiques au détriment des biens naturels. Ils aspiraient à une sorte de fraternité universelle pour laquelle ils espéraient trouver idées et techniques dans des sociétés traditionnelles[7]. Ce complexe idéologique, essentiellement constitué en une praxis, n'a pas réellement été théorisé et n'a jamais fait l'objet d'une homogénéité pratique parmi celles et ceux se reconnaissant pourtant comme hippies.
Beaucoup étaient des étudiants de la classe moyenne[8], issus de la nombreuse génération du baby boom de l'après-guerre. Jack Weinberg, membre du « Free Speech Movement » dans les années 1960, était l'auteur de la célèbre phrase : « Ne faites pas confiance à quelqu'un de plus de trente ans »[9] qui traduisait sans équivoque la volonté de se distinguer de la génération précédente.
Histoire
Les précurseurs
Même si le phénomène hippie à proprement parler naît véritablement aux États-Unis au début des années 1960, il existe des similitudes avec les philosophes cyniques, tel le Grec Diogène de Sinope, au IVe siècle av. J.-C.[10]. Le mouvement hippie a également des racines communes avec l'amour libre du mazdakisme iranien du VIe siècle[11]. Mais les prémices les plus claires se manifestent au XIXe siècle.
En Allemagne, dès 1896, la Lebensreform, inspirée du paganisme ancien, avec les wandervogel et les naturmensch, précédait les hippies de plusieurs décennies. Adolf Just ouvrit son premier centre en 1896 dans les montagnes du Harz et publia son livre best-seller intitulé Retour à la nature, qui devint le modèle des « enfants de la nature » la même année[12]. Les photographies de l’époque, si elles n’étaient pas en noir et blanc, pourraient ainsi donner l’impression d’avoir été prises dans une communauté hippie des années 1960 aux États-Unis[13]. Un immigrant allemand, Bill Pester, s'installa en 1906 à Palm Canyon en Californie dans une hutte pour vivre un mode de vie en tout point identique à celui qui allait surgir au sein de la société américaine soixante ans plus tard[13]. Un autre Allemand, Maximillian Sikinger, s'installa à Santa Monica Mountains à partir de 1935 pour inspirer les Américains à devenir des « nature boys » (des « garçons de la nature ») et fut très actif au sein du mouvement hippie des années 1960[13].
Les précurseurs directs dans les années 1950 sont les beatniks, dont les figures emblématiques William Burroughs, Allen Ginsberg et Jack Kerouac furent des références pour le mouvement hippie.
Le mouvement hippie est considéré par l'historien de l'anarchisme Ronald Creagh comme la dernière résurgence spectaculaire du socialisme utopique[14], qui se caractérise par une volonté de transformation de la société non pas à travers une révolution politique, ni sur une action réformiste impulsée par l'État, mais sur la création d'une contre-société socialiste au sein même du système, en mettant en place des communautés idéales plus ou moins libertaires. Cette filiation est par ailleurs revendiquée par certains d'entre eux[a 1],[a 2], comme par exemple les Diggers de San Francisco dont le nom est une référence à un collectif de squatteurs du XVIIe siècle.
La Désobéissance civile, œuvre de Henry David Thoreau théorisant ce radicalisme, fut une référence pour les pacifistes des années 1960[15].
Les débuts aux États-Unis
Aux États-Unis, les débuts du mouvement se situent autour des années 1960[16] dans un contexte de contestation et de refus de l'ordre établi ; les manifestations contre la guerre du Viêt Nam et les émeutes des Noirs dans les grandes villes américaines fédérèrent en effet une partie de la jeunesse. Mais cette génération, née juste après la Seconde Guerre mondiale, rejetait aussi l'« American way of life » et son conformisme, la soumission au pouvoir et aux canons de l'art. Elle cherchait à fuir la société de consommation en mettant en avant des valeurs écologistes et égalitaires inspirées des philosophies orientales[7].
Beaucoup des aspirations hippies sont héritées des écrivains de la Beat Generation, également considérés comme précurseurs du mouvement car eux aussi exprimaient une rupture avec la société de masse. Ils menaient une vie libérée, faite de déplacements constants : Sur la route (On the Road, 1957) fut un livre emblématique de cette quête et le restera pour les hippies, bien que Kerouac se désintéressa des hippies. Allen Ginsberg en revanche en resta proche, et inspira entre autres Bob Dylan. Gary Snyder, au travers de ses écrits et de son expérience personnelle, contribua grandement à la promotion de la philosophie orientale et bouddhiste qui n'étaient pas encore populaires à cette époque.
À l'idéal d'une vie centrée sur la liberté, une sexualité sans tabou et la musique, les hippies ajoutèrent le psychédélisme et sa recherche de nouvelles perceptions par l'usage de drogues. Timothy Leary prônait la révolution psychédélique par le LSD - à cette époque encore légal - et en 1964 l'écrivain Ken Kesey fonda les Merry Pranksters avec qui il sillonnait les États-Unis dans un bus décoré par leurs soins afin d'organiser des acid tests autour du rock psychédélique des Grateful Dead.
La médiatisation des Merry Pranksters entraîna la naissance de communautés comme l'East Village à New York ou Haight-Ashbury à San Francisco[17] où, à partir de 1965, de nombreux hippies commencèrent à s'installer. Les diggers, un groupe de théâtre de rue, en assurèrent l'intendance, en pratiquant entre autres la récupération des surplus de la ville, et distribuant gratuitement nourriture, soins et LSD.
L'essor des communautés hippies, leur consommation de drogues, et l'attrait qu'elles exerçaient sur les mineurs en fugue, inquiétèrent les autorités. La Californie interdit l'usage du LSD le 6 octobre 1966, rapidement suivie par le reste du pays. L'image populaire du LSD changea et devint celle d'un produit dangereux[17].
Summer of Love
En 1967, de grandes réunions ou love-in (ou be-in également) et des concerts gratuits furent organisés au Golden Gate Park, à proximité de Haight-Ashbury, un quartier de San Francisco. Au mois de janvier de cette année-là, le happening géant du Human Be-In fut considéré comme l'instant de grâce du mouvement, rassemblant des centaines de personnes, issues des différentes « tribus » de la contre-culture de l'époque, venues lire de la poésie, être ensemble et écouter la musique de groupes comme les Grateful Dead, Jefferson Airplane ou Country Joe and the Fish[18]. Au coucher du soleil, la foule se dirigea vers la plage pour y passer la soirée. Au même moment, la police profita de l'absence des habitants de Haight-Ashbury pour arrêter cinquante personnes, ce qui occasionna une période de traque aux dealers de drogues douces[19].
Des étudiants des colleges (les universités) et high schools (les lycées) commencèrent à arriver sur place durant leurs vacances de printemps 1967. Bien que les dirigeants de la municipalité aient été déterminés à arrêter l'afflux de jeunes gens laissés libres par leurs écoles pour l'été, ils attirèrent malgré eux l’attention sur l'événement. Une série d'articles d'actualité dans les journaux locaux alerta les médias nationaux sur le mouvement hippie grandissant[20]. Certains membres de la communauté de Haight Ashbury y répondirent en formant le Council of the Summer of Love, donnant ainsi un nom officiel à un mouvement créé par le bouche-à-oreille[21].
L'évènement de l'été fut le festival international de musique pop de Monterey qui rassembla 200 000 personnes et où Jimi Hendrix et The Who jouèrent pour la première fois. L'évolution personnelle et artistique des Beatles à cette époque a également joué un rôle dans la portée du Summer of Love : All You Need Is Love, écoutée dans le monde entier, insistait sur les idéaux d'amour, de paix et d'unité véhiculés par la contre-culture. L'album Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band, sorti en juin 1967, synthétisait par ses influences psychédéliques, l'usage des instruments indiens, sa pochette aux couleurs vives, l'essence même du Summer of Love[22].
Durant l'été, pas moins de 100 000 jeunes originaires du monde entier ont convergé dans le quartier d'Haight-Ashbury, à San Francisco, à Berkeley, et dans d'autres villes de la région, pour se joindre à une version populaire de l'expérience hippie[23].
Haight-Ashbury fut alors victime de son succès : tandis que des hippies, de plus en plus jeunes, continuaient d'affluer, les drogues dures y firent leur apparition et les descentes de police se multiplièrent[24]. Les hippies estimaient alors leur nombre à 300 000 dans tout le pays[7].
Les révolutions de 1968
Dans les années 1960, le mouvement hippie était encore peu présent en Europe continentale, où il commençait cependant à s'introduire par le biais de la musique[a 3]. En France, les relais du courant hippie au début de la décennie étaient le magazine Rock & Folk ainsi que le Pop Club sur France Inter, animé par Patrice Blanc-Francard[25]. Le magazine Actuel, la référence du mouvement en France, ne sera créé qu'en 1970. Les paroles d'un jeune hippie français de ces années-là n'étaient pas différentes de celles d'outre-Atlantique :
« Ainsi vont les choses dans nos sociétés dites de consommation : passée l’adolescence, âge irrécupérable mais dont on sait qu’il n’a qu’un temps, une certaine image de vous-même vous attend, tirée d’ailleurs à plusieurs millions d’exemplaires ; elle vous guette d’autant plus tôt que votre famille ne dispose pas des ressources financières qui, quelques années encore, vous garantiraient le droit à l’irresponsabilité. Gare à vous si vous ne marchez pas ensuite. On vous culpabilisera d’abord ; quelques bonnes lois feront le reste »
— Propos recueilli par Bernard Plossu[26].
Alors qu'aux États-Unis, sous l'influence d'activistes comme Jerry Rubin et Abbie Hoffman, une partie du mouvement hippie se radicalisait et parlait de révolution[27], dans de nombreux autres pays du monde, les années 1960 virent également fleurir une contestation de l'ordre établi plus vaste et plus violente que celle prônée par les hippies. Ainsi, en Europe, alors que la proportion de la population née après 1945 dépassait 25 %, la Seconde Guerre mondiale ne semblait avoir été qu'une parenthèse : les mêmes dirigeants étaient toujours présents au pouvoir dans certains pays, comme l'Espagne de Franco. L'ambiance était particulièrement lourde en Allemagne, où pesait un tabou sur le passé de la génération du nazisme[28].
Aux Pays-Bas, les provos d'Amsterdam se firent remarquer en organisant des manifestations lors du mariage de la reine Beatrix avec Claus von Amsberg, ancien membre des Jeunesses hitlériennes. Ce mouvement de gauche prônait la gratuité et invitait chacun à peindre son vélo en blanc et à le laisser à la libre disposition des habitants[29]. Plus provocateurs, plus politisés et militants que les hippies, ils sont parfois crédités des changements survenus à cette époque en Europe[30]. Pour Dany Cohn-Bendit, « sans les provos et l'exemple qu'ils ont donné aux jeunes des autres pays, l'Europe d'aujourd'hui ne serait pas ce qu'elle est devenue »[31].
En France, les situationnistes prônaient l'autogestion et la révolution de la vie quotidienne, projet libertaire et hédoniste résumé par ce slogan : « Vivre sans temps mort et jouir sans entrave ».
L'année 1968 fut marquée, dans un contexte d'ébullition générale de part et d’autre du Rideau de fer, par l'explosion de ces mouvements de révolte dans les milieux étudiants et ouvriers d'un grand nombre de pays notamment en Allemagne, en France, en Italie, aux États-Unis, au Japon, au Mexique et au Brésil ainsi que dans la Tchécoslovaquie du printemps de Prague.
En France, mai 1968 vit se déployer une contestation de toutes les formes d'autorité. Une partie active du mouvement lycéen et étudiant revendiqua notamment la « libéralisation des mœurs » et, au-delà, contesta la « vieille Université », la société de consommation, le capitalisme et la plupart des institutions et valeurs traditionnelles. Si ces revendications étaient proches des leurs, l'ouvriérisme et les arguments liés à la « lutte des classes » sont en revanche étrangers à la contre-culture hippie qui se situe plus dans ce qu'Edgar Morin appellera un « gauchisme existentiel » amenant à changer la vie quotidienne plus que le système politique[15].
Répondant à ces contestations violentes, le retour à l'ordre fut brutal, et certains militants basculèrent dans l'action armée. D'autres renoncèrent à changer la société et adoptèrent le principe hippie, expliquant que « le personnel est politique »[15] ; ceux-là prirent la route ou rejoignirent des communautés hors des villes. C'est, par exemple, après le massacre de Tlateloco en 1968 que naquit le mouvement hippie mexicain, les Jipitecas[32].
À partir de 1968, les jeunes européens prennent également la route, d'abord vers Ibiza, et vers Amsterdam qui devint la capitale européenne des hippies. C'est là que Yoko Ono et John Lennon organisèrent en 1969 le premier « Bed-in for Peace ».
L'apogée du mouvement
En août 1969 eut lieu le festival de Woodstock, un festival de musique et un rassemblement emblématique de la culture hippie. Il eut lieu à Bethel sur les terres du fermier Max Yasgur[33], à une soixantaine de kilomètres de Woodstock dans l'État de New York.
Organisé pour se dérouler du au , et rassembler 50 000 spectateurs, il en accueillit finalement plus de 500 000, et beaucoup de spectateurs ne payèrent pas leur place ; il se poursuivit un jour de plus, soit jusqu'au au matin. Le festival proposa les concerts de 32 groupes et solistes de musiques folk, rock, soul et blues[34].
En dépit de la pluie et d'une organisation totalement dépassée par les évènements, le festival resta dans les mémoires comme un moment exceptionnel, épargné par toute violence, et devint un mythe. Joe Cocker sortit de scène sur ces mots : « Aucun de ceux qui étaient ici n'aura plus jamais besoin de se sentir seul »[a 4] et quarante ans plus tard, Arlo Guthrie évoque encore son « sentiment d’avoir retrouvé foi en l’individu »[35].
Une semaine plus tard, le festival de l'île de Wight, avec Bob Dylan en vedette et 250 000 spectateurs eut une ampleur comparable.
Contrairement aux États-Unis et à l'Angleterre, les grands festivals rock n'eurent pas en France le même caractère rassembleur. En 1967, le premier spectacle psychédélique à Paris, La Fenêtre rose, n'attira que peu de monde. Le premier festival, refusé par plusieurs municipalités françaises, eut finalement lieu à Amougies, en Belgique, fin 1969[a 5]. En 1971, un festival gratuit fut organisé à Auvers-sur-Oise, mais s'il ressemblait bien à celui de Woodstock à cause de la pluie et de la boue, il fut finalement annulé dans la nuit à cause de divers problèmes techniques alors que 20 000 personnes étaient rassemblées[25].
Les réactions
La révolte contre l'ordre établi eut des conséquences sur le mouvement hippie. Outre les poursuites pour usages ou possessions de drogues, des condamnations pour outrage aux mœurs répondirent à leurs provocations en ce domaine. Des personnalités hippies faisaient scandale, comme Grace Slick réputée « capable de tout », comme chanter les seins nus plutôt que mouiller sa chemise quand il pleuvait, lever le poing avec les Black Panthers, ou d'amener du LSD lors d'une invitation à la Maison Blanche[36],[37]. Jim Morisson pour le même genre « d'outrage aux bonnes mœurs » et « d'exhibition indécente » fut condamné en 1970 à huit mois de prison ferme[38]. Les communautés de hippies plus anonymes connurent aussi diverses tracasseries, qu'elles soient ou non des squats.
La « société de consommation » tant décriée des hippies s'accommoda en revanche fort bien de ce mouvement qu'elle ne voulut voir que comme un effet de mode. Les productions décrivant les hippies furent des succès commerciaux, comme la comédie musicale Hair ou, pour les livres, L'Antivoyage de Muriel Cerf[a 6]. Après avoir moqué les « cheveux longs, idées courtes » Johnny Hallyday lui-même s'afficha un temps en look hippie pour chanter Jésus Christ est un hippie. Les majors étaient largement présents à Woodstock[39] ; le film du festival fut présenté à Cannes, et les idoles pop connurent la gloire à Hollywood. Cette utilisation commerciale était vue par les hippies comme contraire à leurs idéaux[a 7] ; dès le festival de Monterey, Grateful Dead la refusait en ces termes : « Personne ne sait exactement comment, mais nous savons par expérience que quelqu'un, quelque part, va faire de l'argent avec toute cette musique gratuite et tout cet amour libre (...) »[18].
Le déclin
Le concert gratuit des Rolling Stones à Altamont en décembre 1969, qui se voulait un second Woodstock, rassembla 300 000 personnes à l'est de San Francisco. Tout aussi mal organisé que Woodstock, il eut cette fois un déroulement catastrophique : le service d'ordre constitué de Hell's Angels déclencha des bagarres avec les spectateurs et poignarda l'un d'eux, Meredith Hunter, un jeune homme de 18 ans, qui aurait pointé un revolver en direction de Mick Jagger[40]. À la même époque, l'adoption du style hippie par des personnalités comme Charles Manson et sa « famille » de criminels, condamnés pour meurtres (dont celui de Sharon Tate) dans la région de Los Angeles, portèrent un coup fatal au « Peace and Love » du mouvement. L'Amérique choquée et une bonne partie des hippies eux-mêmes commencèrent à prendre des distances sans pour autant que le mouvement disparaisse tout à fait. Le passage aux « drogues dures » et la mort de Jimi Hendrix, de Jim Morrison puis de Janis Joplin, entre autres, à la suite d'abus d'alcool, de médicaments ou par overdose, contribua grandement à l'impression de chute. Neil Young écrivit The Needle and the Damage Done (L'Aiguille et les dommages causés) pour évoquer, tardivement, le problème. Avec la fin de la guerre du Vietnam, les médias perdirent leur intérêt pour les hippies. L'arrivée du heavy metal, du disco, firent que les hippies commencèrent même à apparaître ridicules ; plus tard, ils furent désignés sous le terme de « baba cool » qui en est devenu un synonyme[41]. Le mouvement punk qui vient après eux est un autre type de révolte qui revendique son désespoir à travers l'expression nihiliste « no future ».
La plupart des hippies finirent par abandonner leur envie de régénérer le « vieux monde » et se rangèrent dès la fin des années 1970 et le courant des années 1980. La trentaine venue, ils trouvèrent du travail, fondèrent une famille et s'intégrèrent dans la société de consommation qu'ils dénonçaient auparavant. Une étude américaine a estimé que 40 % des hippies californiens s'étaient rangés, moins de 30 % restant cependant toujours « en marge »[a 8]. Jerry Rubin, devenu un des premiers actionnaires d'Apple[42], déclarait en 1985 : « Non, je ne lutte plus contre l'État. Ce n'est plus la peine, ce n'est plus le bon combat (...). La meilleure, la seule façon aujourd'hui de combattre l'État, c'est de le remplacer. Et nous sommes assez nombreux pour le faire. »[31]
La contre-culture hippie
Le refus de l'autorité
Les hippies remettaient en cause l'idée d'autorité, et en premier lieu l'autorité parentale[43], et tout ce qui en découlait : toute domination de l'un sur l'autre. Cherchant à établir d'autres rapports avec leurs propres enfants, les hippies adoptèrent les pédagogies anti-autoritaires ; dans les communautés naquirent des « écoles sauvages » ou « écoles parallèles »[a 9], et le livre Libres enfants de Summerhill, traduit en français en 1971, fut un succès pendant toute la décennie[44]. Ils refusaient aussi les frontières et la violence en général ; le mot « pigs » (« porcs ») était régulièrement utilisé à l'encontre des forces de l'ordre[45].
Les hippies n'avaient pas le désir de contrôler la société, contrairement aux rébellions des générations précédentes, comme les wobblies ou les « activistes de la nouvelle gauche ». Bien que très critiques, ils étaient perçus comme ne proposant pas d'alternative à la société, avec un mot d'ordre étant plutôt « faites ce que vous voulez faire et ne vous préoccupez pas de ce que les autres en pensent » (« do your own thing and never mind what everyone else thinks »)[7].
Selon Chuck Hollander, expert en drogues pour la National Student Association au début des années 1960 : « S'il existait un code hippie, on pourrait le présenter ainsi : faites ce que vous avez envie de faire, où vous le voulez et quand vous le voulez. Lâchez la société que vous avez connue. Explosez l'esprit de toutes les personnes rigides que vous rencontrez, branchez-les, sinon par la drogue, au moins par la beauté, l'amour, l'honnêteté et la rigolade »[7].
Pour les hippies, la révolution de la vie privée passait avant la lutte pour la réforme de la société[15] ; ils considéraient que les politiciens, fussent-ils « de gauche », étaient avant tout des straight, des conformistes. Les yippies sont des représentants notoires de cette prise de position. Un de leurs fondateurs, Jerry Rubin, initiateur de manifestations contre la guerre du Viêt Nam, fut arrêté et condamné pour conspiration et incitation à l'émeute, il écrivit en particulier Do it! scénarios de la révolution[46] en 1973. Perçus comme des « hippies avec des fusils », ils étaient aux États-Unis la frange la plus radicale du mouvement[a 10].
Le pacifisme : « peace and love »
Peace and love, « paix et amour », est l'expression du pacifisme hippie des années 1960. Un autre slogan, issu de la guerre du Viêt Nam, Make Love, not War[47], « faites l'amour, pas la guerre » a été repris par le courant hippie pour les mêmes raisons ; l'expression apparaît en 1974 dans la chanson Mind Games de John Lennon.
Flower Power, « le pouvoir des fleurs », est une autre expression pacifique qui trouve son origine dans le Summer of Love de 1967 à San Francisco. Consigne était alors donnée de « porter des fleurs dans les cheveux », comme l'illustre la chanson de Scott McKenzie San Francisco (Be Sure to Wear Flowers in Your Hair). Les hippies furent dès lors communément appelés flower children, les « enfants-fleurs ». L'ensemble de ces expressions cherchaient à traduire une opposition à la guerre et à la violence en général, sans pour autant que les revendications soient toujours plus élaborées ou véritablement théorisées.
Les communautés
Selon Jean-Pierre Bouyxou et Pierre Delannoy, « les communautés sont l'expression par excellence du movement : son infrastructure, l'ancrage social sans lequel il aurait vite été réduit à une simple mode aussi extravagante qu'éphémère. Les communautés sont sa signature au bas de l'histoire du XXe siècle. » Ces communautés se comptaient en effet par milliers aux États-Unis vers 1969, au point que dans les Rocheuses les hippies furent près d'élire un des leurs comme shérif. En France, on en dénombrait environ 500 au début des années 70[a 11].
Il n'y eut pas d'unité d'organisation entre ces communautés ; les unes étaient des communautés urbaines, d'autres tentèrent de vivre d'agriculture et d'élevage et certaines n'étaient que des lieux de passage[a 11]. Confrontées aux problèmes de subsistance, et aux difficultés de la vie en commun en réinventant de nouvelles relations, la plupart eurent une durée d'existence assez brève[a 12]. La plus longue expérience européenne fut celle de la commune libre de Christiania, à Copenhague : créée en septembre 1971, elle existe encore en 2010. Au début du XXIe siècle, il existait encore une quarantaine de communautés hippies en Allemagne[48]. En France, il n'en resterait qu'une à Charleval, en Normandie[49].
Le retour à la nature
Après les premières manifestions pacifiques contre la pollution en 1968 à San Francisco, et leur répression, de nombreux hippies rejoignirent des communautés rurales[a 13]. En France, le Larzac fut un lieu de prédilection du mouvement ; il rassembla 60 000 personnes en août 1973 pour une manifestation intitulée « Ouvriers et paysans, même combat », où les hippies se mêlèrent aux antimilitaristes et aux maoïstes[50] pour protester contre l'extension d'un camp militaire.
Ce retour à la terre amenait l'idée d'un plus grand respect de la planète incluant produits bios, utilisation d'énergies renouvelables et recyclage[51]. Le Whole Earth Catalog, un guide créé par Stewart Brand, un des Merry Pranksters, décrivait les techniques pour tout faire soi-même, en privilégiant la récupération et les moyens non polluants ; il fut ensuite repris en français sous le nom de Catalogue des Ressources[52]. Selon Timothy Leary, les hippies sont à l'origine du mouvement écologique dans le monde[53]. Dans la filiation de l'hypothèse Gaïa, formulée par James Lovelock à cette période où les premières craintes pour l'environnement commençaient à s'exprimer[54], se sont bâties des croyances écologistes mystiques, nommées les « théories Gaïa » par Lynn Margulis.
La liberté sexuelle
La liberté sexuelle fait partie intégrante de l'idéologie hippie. Elle prônait la légalisation de la pilule contraceptive et le droit universel à l'avortement, ce qui allait à l'encontre, aux États-Unis, de l'idéologie conservatrice américaine des autorités religieuses, en majorité chrétiennes. Les hippies vivaient alors en communauté et avaient des pratiques sexuelles diverses s'inspirant parfois du Kama sutra hindou, mais surtout rompant avec les stéréotypes du couple traditionnel exclusif. Le mot d'ordre était « Free Love » (« amour libre »), que l'on retrouve dans l'appellation du « Summer of Love ». Il est généralement considéré que c'est au retour de ce rassemblement que les valeurs et le mode de vie du mouvement hippie ont commencé à vraiment se diffuser. Symbole du refus de la discipline, l'amour libre hippie est véhiculé par le rock[55].
La route
« La route des hippies » (Hippie trail en anglais) est une expression utilisée pour évoquer les voyages entrepris par cette génération des années 1960, principalement vers l’Europe et l’Asie. Le voyage se faisait fréquemment par bus ou en auto-stop, les étapes obligées étaient Amsterdam, Londres, Istanbul et les destinations Goa (Inde), Katmandou (Népal) mais aussi la Turquie, l’Iran et l'Afghanistan. Un des objectifs déclarés de ces voyages était la « quête de soi » ou « la recherche de Dieu » mais également la recherche de toutes nouvelles expériences. Des ouvrages comme Sur la route et Les Clochards célestes de Jack Kerouac, ouvrages fondateurs de la Beat Generation[56] servaient de guides à leur cheminement spirituel.
Les Portes de la perception et l'influence orientale
Le message d'Aldous Huxley
Les hippies recherchèrent un sens à la vie dans des spiritualités qu'ils jugeaient plus authentiques que les pratiques religieuses dont ils avaient héritées, s'aidant parfois de substances psychotropes[57]. Le livre Les Portes de la perception (The Doors of Perception) d'Aldous Huxley (1954) fut une inspiration pour beaucoup (il a, entre autres, inspiré le nom du groupe The Doors). Huxley prône l'usage des drogues pour atteindre une nouvelle perception du monde, préliminaire à un sentiment de plénitude et de communion avec le cosmos. Sa contribution est également éthique et est liée à la critique du positivisme scientifique :
« Aujourd'hui, après deux guerres mondiales et trois révolutions majeures, nous savons qu'il n'y a pas de corrélation nécessaire entre la technologie plus avancée et la morale plus avancée. »
Les psychotropes
Le LSD (communément appelé « acide ») fut découvert en 1938 par Albert Hofmann[59] dans le laboratoire suisse Sandoz mais sera déclaré illégal aux États-Unis le , ainsi que stupéfiant par l'ONU dans une convention de 1971. Jusqu'à cette interdiction sur le sol américain, la firme Sandoz mit le LSD à disposition des chercheurs sous la forme d'une préparation appelée delysid. Le LSD était d'abord apparu comme prometteur dans le traitement de certaines maladies psychiatriques au point d'être popularisé comme un traitement miraculeux par les médias à partir du milieu des années 1950. Dès les années 1960, il est devenu un ingrédient du courant hippie.
L'esthétique psychédélique, « véritable insurrection de l'imaginaire »[60] prend ses racines dans les visions provoquées par le LSD qui induit une déformation de la vision et entraîne un état rêveur où réalité et rêve sont confondus (hypnagogie). Le psychologue Timothy Leary, le chimiste Augustus Owsley Stanley III et le romancier Ken Kesey ont, parmi d'autres, encouragé la consommation de LSD. À cette époque, « l'acide » a notamment été distribué gratuitement lors des acid tests des Merry Pranksters. L'écrivain William S. Burroughs est considéré comme l'un des théoriciens de la pratique junkie liée à la mentalité hippie. Dans Junky (1953, il explique en quoi la drogue est une philosophie qui mène à ouvrir les portes de la perception et à découvrir l'« équation de la came ». Le point culminant de l'usage du LSD aux États-Unis fut atteint à l'été 1967, au cours du Summer of Love (« Été de l'amour »).
Il est possible de rattacher de nombreux courants artistiques à la consommation de psychotropes, aussi bien en musique (rock psychédélique, acid rock) que dans le dessin et la mode. Outre le LSD, le cannabis était aussi massivement consommé par les hippies, en particulier sous sa forme la plus répandue, la Marijuana (qu'ils appelaient « maryjane » ou « thé »)[7]. Pour les hippies, le but de cette consommation de psychotropes est présenté comme une volonté d'ouverture d'esprit et d'abolition des frontières mentales, suivant le précepte d'Aldous Huxley. Une étude des années 1960 de l'Université de Californie du Sud avait dégagé trois tendances dans la communauté hippie de l'époque : les « groovers » (« les fêtards »), qui prenaient du LSD pour faire la fête et trouver des partenaires, les « mind trippers » (« les touristes de l'esprit »), qui portaient des vêtements à fleurs et cherchaient une thérapie, et les « cosmic conscious » (« les mystiques »), « planant », dont la consommation de drogue était « par nature eucharistique »[7].
Balbutiements du New Age
Selon certains témoins de l'époque, c'est au moment du Summer of Love de 1967 que furent fondées les prémices du New Age[61]. Les hippies avaient commencé à explorer les traditions orientales — le bouddhisme, l'hindouisme et le taoïsme — et certains ouvrages populaires tentaient d'en faire une analyse syncrétique « libre »[62], une manière d'aborder la spiritualité qui allait devenir la marque du New Age. Le leader hippie Ira Einhorn fut ainsi l'un des premiers gourous rattaché au New Age[63].
Les hippies trouvaient leur inspiration spirituelle chez des personnalités comme Gautama Bouddha (qui, incarnant la négation du monde matérialiste en tant que seule voie possible d'atteindre le bonheur permanent, avait tourné le dos au roi, son père, et voyageait comme un mendiant), François d'Assise, qui abandonna également une famille riche pour vivre dans la pauvreté et dans la nature, et bien sûr le Christ ainsi que Gandhi, Aldous Huxley et J.R.R. Tolkien[7]. Élève d'Alan Watts, introducteur de la pensée orientale à San Francisco, Gary Snyder, rejoint par Jack Kerouac puis plus tard par Allen Ginsberg, vont également populariser la pratique de la méditation, et plus généralement du tao et du bouddhisme zen.
L'esthétique hippie
Le corps et le vêtement
En partie par rébellion contre les usages, le hippie portait les cheveux longs, pour les hommes comme pour les femmes. Ces dernières les portaient le plus souvent défaits, sans aucun apprêt ; la liberté du corps (body freedom) étant complémentaire de la liberté de l'esprit qu'il préconisait. Les relations sexuelles libérées et le naturisme étaient des valeurs mises en avant dans le mode de vie hippie[64]. Allant pieds nus dans la poussière, ce mode de vie heurtait également les valeurs d'hygiène mises en avant dans le modèle américain[65].
Les vêtements du hippie, aux couleurs vives, étaient contrastés et parfois choquants pour une époque où les tenues étaient assez uniformes et sombres. Leurs pantalons étaient à « pattes d’éléphants », style lancé par les hippies californiens et l’influence de l’Orient leur avait donné le goût des sandales, des gilets afghans, des tuniques indiennes aux motifs très fleuris et colorés. Ils pouvaient tout aussi bien être nus quand la situation le permettait[66],[a 14].
En cohérence avec l'idée d'anticonsommation, les hippies achetaient souvent leurs vêtements dans des friperies. Le blue-jeans, déjà apprécié des beatniks, fut également un vêtement emblématique de la génération hippie ; il était souvent porté peint, brodé, cousu, couvert de coquillages, de strass, de bijoux, de fleurs, et toujours avec les pattes d'éléphant. Le vêtement devint un mode d'expression de la personnalité[8].
Quand elles n'étaient pas en mini-jupes ou en jupes, les femmes adoptaient fréquemment ce même type d'habillement. Ce caractère androgyne réactualisé par la culture hippie[67], notamment dans l'habillement, était également surprenant à cette époque, hommes comme femmes portant sans distinction des bandeaux dans les cheveux, des colliers et des bracelets de perles, et se parfumaient au patchouli[68],[8]. À la fin des années 1970, de nombreux aspects vestimentaires hippies seront récupérés par la mode disco, adaptés sous une forme plus urbaine. Par la suite, les tuniques indiennes ou les vêtements brodés de fleurs sont réapparus périodiquement. Au final, le pantalon en jeans est probablement le seul attribut vestimentaire hippie à avoir résisté au temps et aux diverses modes qui se sont succédé, puisqu'il est toujours resté très présent depuis 40 ans. Mais c'est surtout la décontraction dans la façon de s'habiller qui est le changement marquant hérité de cette époque, ainsi que la personnalisation du vêtement[8].
La musique
Le phénomène hippie fut une période d'expérimentation musicale (le style de The Doors, par exemple, emprunte à la fois au blues, au jazz mais aussi au flamenco et aux musiques de fanfare) et de créativité. La plupart des courants musicaux issus de cette génération prospèrent encore aujourd'hui. La liberté de ces créations musicales est considérée comme une révolution dans l'histoire de la musique[39].
Le festival de Woodstock reste un des plus grands moments de l'histoire de la musique populaire et a été classé parmi les « 50 Moments qui ont changé l'histoire du rock and roll »[69]. À Custrin, en Pologne, à la frontière de l'Allemagne, un Woodstock local est organisé chaque année depuis 16 ans. Il a rassemblé un public aussi important que le premier du nom, soit 500 000, en 2009[70]. D'autres festivals furent aussi de véritables événements : Monterey en 1967, Woodstock en 1969, l'Île de Wight en 1970, rassemblant des centaines de milliers de spectateurs à chaque occasion. Une nouvelle génération de chanteurs apparaît à la suite de Bob Dylan, renouvelant le genre musical de la protest song et créant une nouvelle musique populaire exprimant leurs révoltes[71], leur refus du racisme, leur refus de la guerre au Vietnam, leur refus de la répression ou leur désir d'un nouveau monde. La reprise sous forme de medley de deux chansons de Hair : Aquarius/Let the sunshine in par The 5th Dimension eut un succès considérable en 1969, les paroles annonçant un nouvel âge à venir. Blowin' in the Wind de Bob Dylan, inspiré d'un negro spiritual, fut reprise par les 250 000 manifestants de la marche sur Washington organisée par les leaders des droits civiques ; plus tard vinrent Ohio de Crosby, Stills & Nash (and Young), ou Alice's Restaurant d'Arlo Guthrie.
C'est dans les années hippies qu'apparaissent le space rock, le hard rock et le rock progressif. Le groupe Gong, créé en France, modèle de space rock et de free jazz, est lui-même constitué sous forme d'une communauté hippie (dans l'Aude pendant un temps, suite à un refus de visa de Daevid Allen, leader du groupe, pour retourner en Angleterre). À la même époque, le rock psychédélique et plus spécifiquement l'acid rock accompagne les acid tests organisés par les Merry Pranksters dès 1966 ; inspiré par l'usage de drogues hallucinogènes et notamment du LSD, il tente d'en retraduire les effets. Il est caractérisé par une construction rythmique peu complexe et hypnotique, des mélodies répétitives et pénétrantes, des solos instrumentaux longs et tortueux, modelés d'effets sonores tels que la wah-wah et la distorsion, dans de longues improvisations. Les hippies apprécient le folk-rock de Bob Dylan et Crosby, Stills & Nash (and Young) ou le rock psychédélique de Janis Joplin, de Grateful Dead ou Jefferson Airplane. Si ces derniers peuvent être considérés comme hippies, d'autres musiciens populaires à la même époque se sont distanciés du courant. Frank Zappa, en particulier, était connu pour ses critiques caustiques du mouvement hippie, dès 1968 avec Who Needs the Peace Corps ?[72].
L'héritage des valeurs hippies
Les mœurs
Il est difficile de déterminer dans les changements de mœurs survenus dans les années 1960 et 1970 ce qui peut être attribué aux hippies, à la jeunesse en général, ou au mouvement féministe. Mais ils ont joué un rôle dans l'évolution des mentalités concernant la sexualité qui fut considérable à cette époque : selon une enquête de l'institut Gallup le nombre d'Américains pensant qu'il était « mal de faire l'amour avant le mariage » avait chuté de 68 % en 1969 à 48 % en 1973[73].
En plus de la liberté exprimée dans les relations amoureuses, les premiers sex-shops vendant divers jouets sexuels (l'enseigne Good Vibrations à San Francisco était le premier) ainsi que la diffusion des films pornographiques et leurs projections en salle de cinéma sont apparus au sein de la communauté hippie, à une époque où la masturbation était publiquement condamnée et où personne n’aurait jamais ouvertement fait la promotion du plaisir[74]. Les hippies considéraient plus l'homosexualité comme une expérimentation parmi d'autres que comme un tabou ; c'est à cette époque que la première Gay Pride a lieu à New York, et San Francisco demeurera la capitale des deux tendances.
La société humaine et de son rapport à la nature
Le « mouvement hippie », bien que peu structuré, portait en lui les germes d'un bouleversement du mode de vie des années d'après-guerre qui arrivait, à la fin des Trente Glorieuses, à un essoufflement particulièrement perceptible par la jeunesse. Dans différents domaines, des idées nouvelles perçaient comme l'autogestion, l'écologie et le rejet, attitude rarement affichée à cette époque aux États-Unis, des religions traditionnelles. Il est difficile de déterminer précisément quelle influence peut être exclusivement attribuée aux hippies, mais ils sont, entre autres, crédités de l'émergence des communautés écologiques et des coopératives[74]. Le collectif « Don't make a wave », qui est devenu ensuite Greenpeace, a été fondé par des hippies à Vancouver en 1971[75] et les écovillages peuvent être vus comme l'aboutissement de certaines de leurs propositions[76].
Des hippies aux yuppies
Selon certaines analyses, la « révolution hippie », rapidement éteinte malgré ses apports à la société de l'époque, aurait souffert principalement d'un manque de discernement dans son attaque en bloc des institutions[77]. En se coupant ainsi de possibles ressources, à cause de ce qui pouvait être perçu comme une forme de paranoïa, le mouvement était condamné à disparaître. La prédominance des drogues dans la culture et les communautés hippies ainsi que les décès qui en ont résulté ont contribué à ternir l'idéal des premiers temps[77]. L'explosion de liberté s'est faite au détriment d'un projet structuré dont l'absence a fini par provoquer la dissolution du mouvement[78].
Le sénateur de New York, Robert Kennedy, présentait en 1967 la revendication hippie de cette manière : « Ils veulent être reconnus comme des individus dans une société où l'individu joue un rôle de moins en moins important. Voilà une combinaison difficile »[7]. Cet individualisme est pourtant passé dans les mœurs et l'arrivée du néolibéralisme aurait pour certains récupéré, en les dénaturant, les valeurs hippies. Selon Charles Shaar Murray , « Le chemin qui mène des hippies aux yuppies n'est pas aussi tortueux que beaucoup aiment le croire. Une bonne partie de la vieille rhétorique hippie pourrait parfaitement être reprise par la droite pseudo-libertaire, ce qui s'est d'ailleurs produit. Rejet de l'État, liberté pour chacun de faire ce qu'il veut, cela se traduit très facilement par un yuppisme « laissez-faire ». Voilà ce que cette époque nous a légué. »[79]
Notes et références
Référence de traduction
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Hippie » (voir la liste des auteurs).
Ouvrages utilisés
- Jean-Pierre Bouyxou et Pierre Delannoy, L'Aventure hippie, 10/18, , 426 p. (ISBN 2-264-03970-1)
- Selon Patrick Rambaud, l'un des piliers d' Actuel, acteur et observateur du mouvement soixante-huitard français : « Les communautés ne sont pas nées dans les années 1960 aux États-Unis en France et en 70 en France. Ça existait au XIXe siècle avec Fourier, Cabet qui part en Floride fonder l'Icarie, et même les pirates du XVIe siècle ! » cité p. 158.
- Bernard Thésée, Les Aventures communautaires de Wao le laid, 1974, cité p. 160.
- p. 86
- p. 95
- p. 120
- p. 244-245
- p. 245
- Enquête de l'Institut national d'hygiène mentale, citée p. 352
- p. 142 et 185
- p. 90
- p. 141 et 166.
- « Treize mois, six jours, durée moyenne d'une communauté rurale », p. 175-176
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Autres références utilisées
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- En partie parce que les journaux et magazines de l'époque commencent à utiliser le terme « hippie » (voir les archives du Times de 1967 : Les hippies) et parce que des prises de position plus affirmées contre les décisions du gouvernement commencent à apparaître cette année-là (en opposition au tournant dans la guerre du Vietnam qui provoqua des réactions plus vives à partir de 1964).
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- « The Flowering of The Hippies par Mark Harris (The Atlantic Monthly) », sur theatlantic.com/,
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- Cité dans « Cashing in on the 60sCashing in on the 60s », The Guardian, (lire en ligne) - Repris dans Thatcher, héritière des hippies, Courrier international, no 894-895.
Notes
- Le terme anglais « straight » qui se traduit généralement par « droit, rectiligne » prend ici le sens de « conventionnel » qui dans le contexte hippie de rupture avec la norme s'inscrit quelque part dans la gradation : normal, moyen, médiocre, banal, fossile, arriéré, rétrograde.
Voir aussi
Articles connexes
- Festival de Woodstock | Festival international de musique pop de Monterey
- Beatnik | Flower Power
- Socialisme utopique | communauté intentionnelle | simplicité volontaire
- New Age
- Mai 68
- Abbie Hoffman | Youth International Party
- Subculture | Contre-culture
Films
- Easy Rider de Dennis Hopper, 1969
- Zabriskie Point, Michelangelo Antonioni, 1970
- Quelques messieurs trop tranquilles de Georges Lautner, 1973
- Hair, Miloš Forman, 1979
- L'une chante, l'autre pas d'Agnès Varda, 1977
- Las Vegas Parano, de Terry Gilliam,1998
- Hippie Masala de Damaris Lüthi et Ulrich Grossenbacher, 2006
- Into The Wild, de Sean Penn, 2007
- Taking Woodstock, de Ang Lee, 2009
Liens externes
- (fr) De la misère en milieu hippie par Ken Knabb, du groupe Contradiction, 1972
- (fr) Hippie WebSite
- (en) Une collection de citations de personnalités autour du mouvement hippie
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Études du mouvement hippie
- (fr) Jean-Pierre Bouyxou et Pierre Delannoy, L'Aventure hippie, 10/18, , 416 p. (ISBN 2-264-03970-1).
- (fr) Alain Dister, Oh, hippie days !, Fayard, (ISBN 978-2213598833)
- (fr) Rory Maclean (trad. Béatrice Vierne), Magic Bus : sur la route des hippies d'Istanbul à Katmandou, Hoëbeke, (ISBN 978-2842303136)
- (fr) Barry Miles (trad. Denis Montagnon), Hippies, Octopus/Hachette, (ISBN 978-2012602106).
- (en) Lewis Yablonsky, The Hippie Trip: A Firsthand Account of the Beliefs and Behaviors of Hippies in America, iUniverse, (ISBN 978-0595001163)
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- (fr) Marie-Christine Granjon, « Révolte des campus et nouvelle gauche américaine », Matériaux pour l'histoire de notre temps, vol. 11, no 1, , p. 10-17 (lire en ligne)
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- (en) Scott MacFarlane, The hippie narrative: a literary perspective on the counterculture, McFarland, , 255 p. (ISBN 9780786429158)
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- (fr) Jacques Pessis et Émilie Leduc, Les années hippies, Dargaud, (ISBN 978-2205057782)
Ouvrages fondateurs
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- (fr) René Barjavel, Les Chemins de Katmandou, Hachette,
- (fr) Charles Duchaussois, Flash ou le grand voyage, Livre de poche
- (fr) Jean-Pierre Martin, Sabots suédois, Fayard,
- Portail des années 1960
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