Annie Pétain
Annie Pétain ou Alphonsine Eugénie Berthe Pétain[1], née Hardon selon l’état civil, née le à Courquetaine (Seine-et-Marne), morte le à Paris (7e arrondissement de Paris[2]), est l'épouse du maréchal Pétain de 1920 à 1951, date du décès de ce dernier. De toutes les femmes que le maréchal a connu dans sa vie sentimentale, Annie Pétain est la seule qu'il a épousée[3].
Surnoms
Détestant son prénom d'usage, Eugénie, elle se fait surnommer « Ninie »[4] par ses amis et « Annie » par ses interlocuteurs[5]. Elle est aussi surnommée « la maréchale Pétain », en qualité d'épouse d'un maréchal de France.
Biographie
Enfance
Annie Pétain naît le 5 octobre 1877 à Courquetaine, en Seine-et-Marne. Elle est la fille d'Alphonse Eugène Hardon, homme divorcé, et de sa seconde épouse, Marie Porlier. Eugénie rencontre Philippe Pétain pour la première fois en 1881, à Menton. Il a alors vingt-cinq ans, elle quatre[6],[7],[8] .
Un premier mariage arrangé et un fils
En 1901, à 24 ans, elle retrouve Philippe Pétain, alors commandant, qui la demande en mariage[7],[8]. Mais sa famille refuse de donner la main de leur fille à ce prétendant[7],[8].
Le 19 février 1903, elle accepte d'épouser François Déhérain, un interne des hôpitaux, ancien président des Bâtiments Demaintrois à Montreuil, dans le Pas-de-Calais. Le couple a un fils, Pierre[5] connu sous son nom d'artiste : Pierre de Hérain. En 1914, après plusieurs semaines de séparation, le divorce est prononcé entre les deux époux.
Le second mariage
Elle devient ensuite la maîtresse de Philippe Pétain[9], récemment promu général, avant que celui-ci ne parte pour la guerre.
Elle l'épouse civilement à la mairie du 7e arrondissement de Paris, le [7], lors d'une cérémonie tenue secrète[10]. Son premier mariage religieux est ensuite annulé, par décision du tribunal de l’officialité de Paris le , puis de l'officialité de Versailles le 18 mars suivant[11],[12],[13]. Une dizaine d'années après, le couple se marie religieusement en 1941, pendant l'Occupation, la situation matrimoniale du maréchal entraînant des dissensions au sein de l'Église française[14] pour laquelle Pétain fait figure d'homme providentiel[15] et qui ne cesse de faire des déclarations en faveur du régime[15], déclarations dont la propagande officielle ne manque pas de se servir[15]. Pétain désirant échapper au devoir de la confession, ce mariage est fait par procuration[16],[14]. Cette dernière cérémonie est également tenue secrète — elle a lieu dans la chapelle privée de l’archevêque de Paris, [[Emmanuel Suhard|MModèle:Gr Suhard]][14] — mais le pape Pie XII en est informé car il s'est inquiété de la situation matrimoniale du chef de l'État français[17]. Selon l'historien W. D. Halls, les péripéties conjugales du maréchal montrent que celui-ci n'était pas très croyant[17].
La femme fidèle
Elle accompagne son mari à Sigmaringen lorsque qu'il est emmené en Allemagne, le [18]. Celui-ci ayant décidé, dès son départ de Vichy, de cesser ses fonctions, et donc de ne plus prendre de décision pour protester contre cette mesure d'exil, elle assure un rôle d'intermédiaire, à l'occasion d'un différent entre le maréchal et la Commission gouvernementale de Sigmaringen, concernant l'utilisation du drapeau français, en territoire allemand, sans son consentement[19].
Lors du retour en France de Pétain, le , le commissaire de la République de Dijon, venu en Suisse notifier le mandat d'amener dressé contre le maréchal, l'interroge sur l'endroit où elle désire se rendre. Elle indique : « Je ne souhaite pas me séparer du Maréchal. », « Telle est aussi l'intention du gouvernement [...] », répond le représentant de l'État[20]. Lors du voyage en train vers Paris, à l'occasion d'un arrêt à Pontarlier, des manifestations d'hostilité ont lieu, elle demande l'intervention du service d'ordre : « Est-ce ici [...] qu'on doit nous assassiner ? ». Arrivés au fort de Montrouge[21], ils sont installés dans la même pièce[20].
Annie Pétain assiste au procès de son mari (23 juillet-15 août 1945). Elle confie d'ailleurs, à propos de ce dernier, à Jacques Isorni, un des avocats du maréchal, qui vient de finir un discours émouvant (après lequel le procureur général Mornet va même jusqu'à l'étreindre[22] et le maréchal l’embrasser[23]) : « Je ne l'ai jamais vu aussi bouleversé. Il vous considère comme un fils »[22],[23].
Pendant la peine à perpétuité et l'incarcération de son mari à L'Île-d'Yeu (en Vendée), elle bénéficie d’un droit de visite quotidien et lui envoie, lorsqu'elle est en déplacement, un courrier régulier, lui témoignant de son soutien fidèle : « Tant d'amis se précipitent pour avoir de tes nouvelles - on s'occupe tant de toi de tous côtés en France et à l'étranger. Ta lettre si belle a produit une impression extraordinaire. Tes anciens soldats disent « Ah ! c'est bien lui - il est toujours le même » » (lettre de Paris, le 12 mai 1948)[24].
Pour Jean-Yves Le Naour, Mme Pétain est « une vieille femme acariâtre et prétentieuse qui a pris des habitudes de grandeur au bon temps de Vichy »[25]. Après avoir rappelé que les nostalgiques du pétainisme ont voulu faire d'elle « une icône de douceur et de dévouement », il confirme en citant deux témoignages. Pour Joseph Simon, qui dirige l'équipe des gardiens du maréchal, elle a « la méchanceté dans la peau ». Il écrit même dans son journal intime en octobre 1945 : « Quelle garce ! Avec quel plaisir je lui botterais les fesses ». Même le curé de Port-Joinville juge que « Mme Pétain n'est pas sociable. Grossière et mal embouchée, elle scandalise tout le monde »[26].
Mort
Le , Annie Pétain décède à l'âge de 84 ans. Elle est enterrée au cimetière du Montparnasse, division 29, après des obsèques célébrées en l'église Saint-Pierre-du-Gros-Caillou, en présence du maréchal Juin et du général Weygand[27].
Notes et références
- ↑ Nommée le plus souvent Eugénie Hardon dans les ouvrages historiques.
- ↑ Lieu de décès indiqué dans L’Intermédiaire des chercheurs et curieux (ICC), année 2002, colonne 846.
- ↑ Pétain par Marc Ferro, éd. France Loisirs
- ↑ Louis-Dominique Girard, Mazinghem : ou, Le vie secrète de Philippe Pétain, 1856-1951, éd. Girard, 1971, 503 pages, p. 192.
- « Vente du vendredi 7 novembre 2008 - Autographes – Lot no 426 », sur le site galileoauction.com, consulté le 5 juin 2009.
- ↑ Jacques Isorni, Philippe Pétain
- Robert Aron, Grands dossiers de l'histoire contemporaine, « Pétain : sa carrière, son procès », édit. Librairie Académique Perrin, Paris, 1962-1964 ; réédit. CAL, p. 27.
- (en) [PDF] The Making of a Soldier, 1856–1914, p. 12, sur le site potomacbooksinc.com., consulté le 17 novembre 2009.
- ↑ François Brigneau, Philippe Pétain, vol. 1, no 3 de Mes derniers cahiers, Publications FB, 1991, 80 pages, p. 19.
- ↑ Henri Amouroux, Pétain avant Vichy – La Guerre et l'amour, éd. Fayard, Paris, 1967, 312 p..
- ↑ Dominique Rossignol, Histoire de la propagande en France de 1940 à 1944 : l'utopie Pétain, Presses universitaires de France, 1991, 351 pages (ISBN 2130434746).
- ↑ Arnaud Chaffanjon, Les Grands maîtres et les grands chanceliers de la Légion d'honneur : de Napoléon Ier à François Mitterrand, Éditions Christian, 1983, 271 pages (ISBN 2864960125), p. 63.
- ↑ Pierre Bourget, Un certain Philippe Pétain, éd. Casterman, 1966, 317 pages, p. 111.
- Jean-Louis Clément, Les évêques au temps de Vichy – Loyalisme sans inféodation – Les relations entre l'Église et l'État de 1940 à 1944, éd. Beauchesne, Paris, 1999, 279 pages (ISBN 2701013550 et 9782701013558) [lire en ligne], p. 155-156.
- Jacques Duquesne, Les Catholiques français sous l'Occupation, Éditions du Seuil, coll. « Points histoire », Paris, 1996 (ISBN 2-246116023), p. 48-51.
- ↑ Jacques Isorni, Philippe Pétain, La Table ronde, 1972, 560 pages, p. 215.
- (en) W. D. Halls, Politics, Society and Christianity in Vichy France, éd. Berg, Oxford/ Providence (USA), 1995, 419 p., p. 53-54 [lire en ligne].
- ↑ Robert Aron, Grands dossiers de l'histoire contemporaine, op. cit., p. 45.
- ↑ Robert Aron, Grands dossiers de l'histoire contemporaine, op. cit., p. 45. « Lorsque le 1er octobre 1944, le drapeau français, à son insu, est hissé sur le château à côté des armes des Hohenzollern, sa réaction sera double. D’une part, il adresse à l'ambassadeur Otto Abetz une lettre de protestation : « J'apprends que le pavillon français vient d’être hissé sur le château qui m’a été désigné comme résidence forcée, lequel jouirait au surplus, du privilège de l’extraterritorialité. Ces mesures donnent à ma présence ici une apparence de consentement qui est absolument contraire à mon sentiment et contre lequel je m’élève avec énergie [...] »
D’autre part, il laisse la Maréchale prévenir l’amiral Bléhaut : celui-ci, avec des officiers, monte sur le toit, décroche le drapeau tricolore, qui sera dorénavant caché au fond d’un poêle. » - Robert Aron, Grands dossiers de l'histoire contemporaine, op. cit., p. 49.
- ↑ « Fort de Montrouge – Plan de demi-ensemble du maréchal Pétain montant dans un fourgon pénitentiaire pour se rendre au Palais de justice, avril-juillet 1945 », Archives nationales, sur le site archivesdefrance.culture.gouv.fr, consulté le 21 novembre 2009.
- Nathalie Roze, « Maître Isorni... », sur le site histoire-en-questions.fr.
- Robert Aron, Grands dossiers de l'histoire contemporaine, op. cit., p. 61.
- ↑ « Lot 336 : Annie Pétain (1877-1962). L.A.S. Annie , Paris 12 mai 1948 », sur le site alde.auction.fr.
- ↑ Jean-Yves Le Naour, On a volé le Maréchal !, Larousse, coll. « L'Histoire comme un roman », (ISBN 978-2-03-584838-3), p. 5.
- ↑ Jean-Yves Le Naour, op. cit., p. 34 et 39.
- ↑ « Pétain, Henri Philippe », sur voila.fr.
Annexes
Bibliographie
- Jacques Isorni, Correspondance de l'île d'Yeu (lettres de Jacques Isorni et de la Maréchale Pétain présentées et annotées par Jacques Isorni), Paris, Flammarion, 1966.
Filmographie
« Eugénie Pétain » est incarnée par l’actrice Antoinette Moya dans le film Pétain réalisé par Jean Marbœuf en 1993.
Lien interne
Lien externe
- « La maladie du maréchal Pétain », Les Actualités françaises, 26 avril 1951, sur le site de l'INA