« Projet de Royaume arabe d'Algérie » : différence entre les versions
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Le '''projet de Royaume arabe d'Algérie''' est un projet politique porté par Napoléon III et [[Ismaÿl Urbain]] visant à transformer l'Algérie, alors [[Conquête de l'Algérie par la France|conquête française récente]], en « royaume arabe » associé. Ce projet a vu le jour entre 1860 et 1870, suite au voyage de Napoléon III en Algérie en 1860<ref>{{Ouvrage|langue=FR|prénom1=Georges (1899-1980) Auteur du texte|nom1=Spillmann|titre=Napoléon III et le royaume arabe d'Algérie / par le général Georges Spillmann|date=1975|passage=8-17|lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k33867580/f18.item|consulté le=2024-11-16}}</ref>. |
Le '''projet de Royaume arabe d'Algérie''' est un projet politique porté par Napoléon III et [[Ismaÿl Urbain]] visant à transformer l'Algérie, alors [[Conquête de l'Algérie par la France|conquête française récente]], en « royaume arabe » associé. Ce projet a vu le jour entre 1860 et 1870, suite au voyage de Napoléon III en Algérie en 1860<ref>{{Ouvrage|langue=FR|prénom1=Georges (1899-1980) Auteur du texte|nom1=Spillmann|titre=Napoléon III et le royaume arabe d'Algérie / par le général Georges Spillmann|date=1975|passage=8-17|lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k33867580/f18.item|consulté le=2024-11-16}}</ref>. |
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Le concept du « Néo - arabisme » est ainsi lancé par Napoléon III qui envisagea la création d'un « Royaume Arabe » s'étendant d'Alger jusqu'à Bagdad. Ce projet est repris par l'idéologie « panarabe » des années 1940, notamment [[Parti Baas|baathiste]] et [[Nassérisme|nassériste.]] Le Néo-arabisme se consolide avec la formation de la ligue |
Le concept du « Néo - arabisme » est ainsi lancé par Napoléon III qui envisagea la création d'un « Royaume Arabe » s'étendant d'Alger jusqu'à Bagdad. Ce projet est repris par l'idéologie « panarabe » des années 1940, notamment [[Parti Baas|baathiste]] et [[Nassérisme|nassériste.]] Le Néo-arabisme se consolide avec la formation de la ligue arabe, organisation regroupant 22 pays arabophones et créée en 1945<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Dmoh|nom1=Bacha|titre=Algerie Culture Identite: Maghreb Algerie Maroc Tunisie|éditeur=Illindi Publishing|date=2019-04-23|passage=195|isbn=978-1-0955-9126-0|lire en ligne=https://www.google.fr/books/edition/Algerie_Culture_Identite/6e6YDwAAQBAJ?hl=fr&gbpv=1&dq=arabisme+napol%C3%A9on+dmoh+bacha&pg=PA192&printsec=frontcover|consulté le=2024-11-16}}</ref>. Les bureaux arabes sont mis à contribution notamment par une politique de dé-berbérisation et la généralisation de l'enseignement de l'arabe à l'écrit<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Youcef|nom1=Allioui|titre=Les Archs, tribus berbères de Kabylie: histoire, résistance, culture et démocratie|éditeur=L'Harmattan|date=2006|passage=58|isbn=978-2-296-01363-6|lire en ligne=https://www.google.fr/books/edition/Les_Archs_tribus_berb%C3%A8res_de_Kabylie/-rYuAQAAIAAJ?hl=fr&gbpv=0&bsq=bureaux%20arabes%20aid%C3%A8rent%20hardiment%20%C3%A0%20cette%20%C5%93uvre%20n%C3%A9faste%20de%20d%C3%A9berb%C3%A9risation|consulté le=2024-11-16}}</ref>. |
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La politique du royaume arabe, motivée par Ismaÿl Urbain, et les [[Saint-simoniens]], veut constituer un royaume associé à la France, avec une identité propre et arabe. L'empereur Napoléon serait le souverain autant des Français que des « Arabes ». Dans ce cadre, certaines mesures sont prises en faveur des indigènes comme le [[Sénatus-consulte]] de 1863, qui se veut protecteur des droits tribus avec une réorganisation des de leurs terres face à l'avancée économique de la colonisation. Toutefois certains colons s'opposent à ces dispositions jugées trop favorables pour les indigènes<ref name=":0">{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Hosni|nom1=Kitouni|titre=La Kabylie orientale dans l'histoire: pays des Kutama et guerre coloniale|éditeur=L'Harmattan|date=2013|passage=178-184|isbn=978-2-336-29343-1|lire en ligne=https://www.google.fr/books/edition/La_Kabylie_orientale_dans_l_histoire/kKrrt1fRWP4C?hl=fr&gbpv=0|consulté le=2024-11-16|titre chapitre=Le royaume arabe et la naissance du parti colonial}}</ref>. Toutefois dans la [[Kabylie orientale]], cette politique mène à la destruction du cadre tribal, les terres de [[zaouia]] ou celles de statut « ''melk »'' (privée) sont qualifiées en terre de statut « ''arch »'' (tribales) ce qui aboutit à une dépossession des communautés. La « néo-djemaa » instituée par cette loi est une négation de la djemaa traditionnelle, en plus de promouvoir une politique d'arabisation linguistique de la région de la Kabylie Orientale (de [[Jijel]] à [[Skikda]]) : berbérophone au {{XIXe siècle}}, elle est arabophone au {{XXe siècle}}<ref name=":0" />. |
La politique du royaume arabe, motivée par Ismaÿl Urbain, et les [[Saint-simoniens]], veut constituer un royaume associé à la France, avec une identité propre et arabe. L'empereur Napoléon serait le souverain autant des Français que des « Arabes ». Dans ce cadre, certaines mesures sont prises en faveur des indigènes comme le [[Sénatus-consulte]] de 1863, qui se veut protecteur des droits tribus avec une réorganisation des de leurs terres face à l'avancée économique de la colonisation. Toutefois certains colons s'opposent à ces dispositions jugées trop favorables pour les indigènes<ref name=":0">{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Hosni|nom1=Kitouni|titre=La Kabylie orientale dans l'histoire: pays des Kutama et guerre coloniale|éditeur=L'Harmattan|date=2013|passage=178-184|isbn=978-2-336-29343-1|lire en ligne=https://www.google.fr/books/edition/La_Kabylie_orientale_dans_l_histoire/kKrrt1fRWP4C?hl=fr&gbpv=0|consulté le=2024-11-16|titre chapitre=Le royaume arabe et la naissance du parti colonial}}</ref>. Toutefois dans la [[Kabylie orientale]], cette politique mène à la destruction du cadre tribal, les terres de [[zaouia]] ou celles de statut « ''melk »'' (privée) sont qualifiées en terre de statut « ''arch »'' (tribales) ce qui aboutit à une dépossession des communautés. La « néo-djemaa » instituée par cette loi est une négation de la djemaa traditionnelle, en plus de promouvoir une politique d'arabisation linguistique de la région de la Kabylie Orientale (de [[Jijel]] à [[Skikda]]) : berbérophone au {{XIXe siècle}}, elle est arabophone au {{XXe siècle}}<ref name=":0" />. |
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== Conséquences == |
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Cette politique du « royaume arabe » donne une conception [[Jacobinisme|jacobine]] de l'Algérie, pour la première fois il en donne une définition centralisée autour d'une seule langue, l'arabe classique, et refoulant les langues berbères et l'arabe dialectal. [[Napoléon III]] marque son attachement à un « rêve arabe », ce qui passe par des réformes comme le [[décret impérial]] de 21 Avril 1866 portant sur l'enseignement de la [[langue arabe]] en primaire et secondaire. Ces écoles bilingues vont voir leur nombre chuter à partir de la IIIe République (1871) où la place de la langue arabe sera plus marginale. Cet épisode de centralisation d'une identité de l'Algérie autour d'une référence arabe influence la politique linguistique et scolaire post-indépendance pour fonder une identité nouvelle fondée sur la légitimité du postulat : « une religion et une langue » : l'[[arabe]] et l'[[islam]]<ref name=":1">{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Chahrazed|nom1=Dahou|titre=Langues et identité(s) en Algérie: Enquêtes sur les représentations sociolinguistiques auprès de jeunes Algériens.|éditeur=Editions L'Harmattan|date=2019-09-20|passage=13 ; 52 - 58|isbn=978-2-14-013096-0|lire en ligne=https://www.google.fr/books/edition/Langues_et_identit%C3%A9_s_en_Alg%C3%A9rie/CFSxDwAAQBAJ?hl=fr&gbpv=0|consulté le=2024-11-16}}</ref>. Dans une démarche de « réappropriation identitaire », le premier président [[Ahmed Ben Bella|Ben Bella]], déclare le 5 juillet 1963, un an après l'Indépendance : « Nous sommes des Arabes, dix millions d'Arabes... Il n'y a d'avenir pour ce pays que dans l'arabisme ». Ce discours soulève la colère des [[Berbères]] car la pluralité ethno-socioculturelle est niée et la diversité perçue comme un germe de division menaçant l'identité nationale. Les références à la berbérité, à la francité, voire à l'algérianité sont considérée comme « une redoutable volonté de semer la division ». L'unilinguisme arabe repose ainsi sur l'éradication de toute autre langue en Algérie<ref name=":1" />, mais cette tentative de linguicide, dans la lignée de la politique coloniale est déjouée par la mobilisation des Berbères dont le point culminant est le [[Printemps berbère|Printemps berbère de 1980]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|titre=Mots|éditeur=Presses de la Fondation nationale des sciences politiques|date=2004|pages totales=143|isbn=978-2-84788-056-4|lire en ligne=https://www.google.fr/books/edition/Mots/_kkqAQAAIAAJ?hl=fr&gbpv=1&bsq=linguicide+berb%C3%A8re+alg%C3%A9rie&dq=linguicide+berb%C3%A8re+alg%C3%A9rie&printsec=frontcover|consulté le=2024-11-16}}</ref>. La politique de [[Napoléon III]] aura des détracteur, notamment dans les milieux coloniaux, comme Warnier qui avancent pour leur démonstration que la population est composé de 500 000 Arabes tout au plus, de 1 200 000 Berbères arabisés et de 1 million de Berbères berbérophones au {{XIXe siècle}} en Algérie<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Christiane|nom1=Chaulet-Achour|titre=Abécédaires en devenir: idéologie coloniale et langue française en Algérie|éditeur=Entreprise algérienne de presse|date=1985|lire en ligne=https://www.google.fr/books/edition/Ab%C3%A9c%C3%A9daires_en_devenir/x0LWAAAAMAAJ?hl=fr&gbpv=0&bsq=warnier%201%20200%20000%20arabophones%20et%20%C3%A0%20un%201%20000%20000%20de%20Berb%C3%A8res%20berb%C3%A9rophones|consulté le=2024-11-16}}</ref>. |
Cette politique du « royaume arabe » donne une conception [[Jacobinisme|jacobine]] de l'Algérie, pour la première fois il en donne une définition centralisée autour d'une seule langue, l'arabe classique, et refoulant les langues berbères et l'arabe dialectal. [[Napoléon III]] marque son attachement à un « rêve arabe », ce qui passe par des réformes comme le [[décret impérial]] de 21 Avril 1866 portant sur l'enseignement de la [[langue arabe]] en primaire et secondaire. Ces écoles bilingues vont voir leur nombre chuter à partir de la IIIe République (1871) où la place de la langue arabe sera plus marginale. Cet épisode de centralisation d'une identité de l'Algérie autour d'une référence arabe influence la politique linguistique et scolaire post-indépendance pour fonder une identité nouvelle fondée sur la légitimité du postulat : « une religion et une langue » : l'[[arabe]] et l'[[islam]]<ref name=":1">{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Chahrazed|nom1=Dahou|titre=Langues et identité(s) en Algérie: Enquêtes sur les représentations sociolinguistiques auprès de jeunes Algériens.|éditeur=Editions L'Harmattan|date=2019-09-20|passage=13 ; 52 - 58|isbn=978-2-14-013096-0|lire en ligne=https://www.google.fr/books/edition/Langues_et_identit%C3%A9_s_en_Alg%C3%A9rie/CFSxDwAAQBAJ?hl=fr&gbpv=0|consulté le=2024-11-16}}</ref>. Dans une démarche de « réappropriation identitaire », le premier président [[Ahmed Ben Bella|Ben Bella]], déclare le 5 juillet 1963, un an après l'Indépendance : « Nous sommes des Arabes, dix millions d'Arabes... Il n'y a d'avenir pour ce pays que dans l'arabisme ». Ce discours soulève la colère des [[Berbères]] car la pluralité ethno-socioculturelle est niée et la diversité perçue comme un germe de division menaçant l'identité nationale. Les références à la berbérité, à la francité, voire à l'algérianité sont considérée comme « une redoutable volonté de semer la division ». L'unilinguisme arabe repose ainsi sur l'éradication de toute autre langue en Algérie<ref name=":1" />, mais cette tentative de linguicide, dans la lignée de la politique coloniale est déjouée par la mobilisation des Berbères dont le point culminant est le [[Printemps berbère|Printemps berbère de 1980]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|titre=Mots|éditeur=Presses de la Fondation nationale des sciences politiques|date=2004|pages totales=143|isbn=978-2-84788-056-4|lire en ligne=https://www.google.fr/books/edition/Mots/_kkqAQAAIAAJ?hl=fr&gbpv=1&bsq=linguicide+berb%C3%A8re+alg%C3%A9rie&dq=linguicide+berb%C3%A8re+alg%C3%A9rie&printsec=frontcover|consulté le=2024-11-16}}</ref>. La politique de [[Napoléon III]] aura des détracteur, notamment dans les milieux coloniaux, comme Warnier qui avancent pour leur démonstration que la population est composé de 500 000 Arabes tout au plus, de 1 200 000 Berbères arabisés et de 1 million de Berbères berbérophones au {{XIXe siècle}} en Algérie<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Christiane|nom1=Chaulet-Achour|titre=Abécédaires en devenir: idéologie coloniale et langue française en Algérie|éditeur=Entreprise algérienne de presse|date=1985|lire en ligne=https://www.google.fr/books/edition/Ab%C3%A9c%C3%A9daires_en_devenir/x0LWAAAAMAAJ?hl=fr&gbpv=0&bsq=warnier%201%20200%20000%20arabophones%20et%20%C3%A0%20un%201%20000%20000%20de%20Berb%C3%A8res%20berb%C3%A9rophones|consulté le=2024-11-16}}</ref>. |
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[[Charles de Gaulle|De Gaulle]] fera lui-même l'éloge du projet de royaume arabe dans une confidence à Alain Peyrefitte, le 10 décembre 1960, rapportée par le député [[Jean de Broglie]]<ref>{{Lien web |langue=fr |titre=FMGACMT - SECOND EMPIRE : Des Bureaux Arabes au Royaume arabe, le projet de Napoléon III pour l’Algérie |url=https://www.fm-gacmt.org/memoires-et-savoirs/articles/second-empire-des-bureaux-arabes-au-royaume-arabe-le-projet-de-napoleon-iii-pour-lalgerie#chapitre-conclusion |site=www.fm-gacmt.org |consulté le=2024-11-17}}</ref> : |
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{{Bloc citation|Le royaume arabe, c’était plus qu’une politique algérienne, c’était une politique arabe. Vous avez lu la lettre d’instructions d’une centaine de pages que Napoléon III a envoyée à Mac-Mahon en 1865 pour tirer aussitôt les conclusions de son long voyage en Algérie ? […] La France aurait pu devenir la protectrice des intérêts musulmans depuis la Mauritanie jusqu’à l’Euphrate. Elle aurait aidé tous ces pays à se moderniser sans prétendre à les gouverner. Cette politique-là permettait d’avoir une influence prépondérante en Egypte, au Levant, dans tout le Proche-Orient. Nous avons creusé le canal de Suez en faisant valoir aux Egyptiens qu’il faciliterait le pèlerinage de La Mecque. La politique de l’Algérie française a réussi à la fois à nous enfermer dans un piège en Algérie, à nous chasser de Suez et d’Egypte, à nous mettre à dos tout le monde arabe.}} |
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== Références == |
== Références == |
Version du 17 novembre 2024 à 14:45
Le projet de Royaume arabe d'Algérie est un projet politique porté par Napoléon III et Ismaÿl Urbain visant à transformer l'Algérie, alors conquête française récente, en « royaume arabe » associé. Ce projet a vu le jour entre 1860 et 1870, suite au voyage de Napoléon III en Algérie en 1860[1].
Le concept du « Néo - arabisme » est ainsi lancé par Napoléon III qui envisagea la création d'un « Royaume Arabe » s'étendant d'Alger jusqu'à Bagdad. Ce projet est repris par l'idéologie « panarabe » des années 1940, notamment baathiste et nassériste. Le « Néo-arabisme » se consolide avec la formation de la ligue arabe, organisation regroupant 22 pays arabophones et créée en 1945[2]. Les bureaux arabes sont mis à contribution notamment par une politique de dé-berbérisation et la généralisation de l'enseignement de l'arabe à l'écrit[3]. L'échec de l'équipée saint-simonienne en Égypte (1833) reporte sur l'Algérie ses projets de mise en valeur futuriste. Dans les années 1860, l'Algérie entretient le goût des Français pour l'exotisme surtout auprès des gens huppés et des intellectuels[4]. Lors de la conquête de l'Algérie par la France, la population mal connue est qualifiée de «Turque», ou de «Maure», mais avec l'avancée de la conquête, elle est désignée de plus en plus comme «Arabe»[5]. Dans le cadre du projet napoléonien, les « indigènes » se métamorphosent dans le langage en Arabes[4].
La politique du royaume arabe, motivée par Ismaÿl Urbain, et les Saint-simoniens, veut constituer un royaume associé à la France, avec une identité propre et arabe. L'empereur Napoléon serait le souverain autant des Français que des « Arabes ». Dans ce cadre, certaines mesures sont prises en faveur des indigènes comme le Sénatus-consulte de 1863, qui se veut protecteur des droits tribus avec une réorganisation des de leurs terres face à l'avancée économique de la colonisation. Toutefois certains colons s'opposent à ces dispositions jugées trop favorables pour les indigènes[6]. Toutefois dans la Kabylie orientale, cette politique mène à la destruction du cadre tribal, les terres de zaouia ou celles de statut « melk » (privée) sont qualifiées en terre de statut « arch » (tribales) ce qui aboutit à une dépossession des communautés. La « néo-djemaa » instituée par cette loi est une négation de la djemaa traditionnelle, en plus de promouvoir une politique d'arabisation linguistique de la région de la Kabylie Orientale (de Jijel à Skikda) : berbérophone au XIXe siècle, elle est arabophone au XXe siècle[6].
Conséquences
Cette politique du « royaume arabe » donne une conception jacobine de l'Algérie, pour la première fois il en donne une définition centralisée autour d'une seule identité, arabe et d'une seule langue, l'arabe classique, et refoulant les langues berbères et l'arabe dialectal. Napoléon III marque son attachement à un « rêve arabe », ce qui passe par des réformes comme le décret impérial de 21 Avril 1866 portant sur l'enseignement de la langue arabe en primaire et secondaire. Ces écoles bilingues vont voir leur nombre chuter à partir de la IIIe République (1871) où la place de la langue arabe sera plus marginale. Cet épisode de centralisation d'une identité de l'Algérie autour d'une référence arabe influence la politique linguistique et scolaire post-indépendance pour fonder une identité nouvelle fondée sur la légitimité du postulat : « une religion et une langue » : l'arabe et l'islam[7]. Dans une démarche de « réappropriation identitaire », le premier président Ben Bella, déclare le 5 juillet 1963, un an après l'Indépendance : « Nous sommes des Arabes, dix millions d'Arabes... Il n'y a d'avenir pour ce pays que dans l'arabisme ». Ce discours soulève la colère des Berbères car la pluralité ethno-socioculturelle est niée et la diversité perçue comme un germe de division menaçant l'identité nationale. Les références à la berbérité, à la francité, voire à l'algérianité sont considérée comme « une redoutable volonté de semer la division ». L'unilinguisme arabe repose ainsi sur l'éradication de toute autre langue en Algérie[7], mais cette tentative de linguicide, dans la lignée de la politique coloniale est déjouée par la mobilisation des Berbères dont le point culminant est le Printemps berbère de 1980[8]. La politique de Napoléon III aura des détracteur, notamment dans les milieux coloniaux, comme Warnier qui avancent pour leur démonstration que la population est composé de 500 000 Arabes tout au plus, de 1 200 000 Berbères arabisés et de 1 million de Berbères berbérophones au XIXe siècle en Algérie[9]. Le projet d'un royaume arabe en Algérie s'accompagne aussi d'un intérêt croissant de la France pour les affaires du Machrek à la fin du XIXe siècle, notamment autour de la question des minorités chrétiennes. Le projet de royaume arabe en Algérie, ainsi que la politique orientale dans les provinces ottomanes, est une des sources de la «politique arabe» de la France. Les Anglais suivent également avec intérêt cette politique française pour ne pas lui laisser le champs libre auprès des populations arabes. L'Orient devient ainsi le théâtre du « Grand Jeu » franco-anglais[10].
De Gaulle fera lui-même l'éloge du projet de royaume arabe dans une confidence à Alain Peyrefitte, le 10 décembre 1960, rapportée par le député Jean de Broglie[11] :
« Le royaume arabe, c’était plus qu’une politique algérienne, c’était une politique arabe. Vous avez lu la lettre d’instructions d’une centaine de pages que Napoléon III a envoyée à Mac-Mahon en 1865 pour tirer aussitôt les conclusions de son long voyage en Algérie ? […] La France aurait pu devenir la protectrice des intérêts musulmans depuis la Mauritanie jusqu’à l’Euphrate. Elle aurait aidé tous ces pays à se moderniser sans prétendre à les gouverner. Cette politique-là permettait d’avoir une influence prépondérante en Egypte, au Levant, dans tout le Proche-Orient. Nous avons creusé le canal de Suez en faisant valoir aux Egyptiens qu’il faciliterait le pèlerinage de La Mecque. La politique de l’Algérie française a réussi à la fois à nous enfermer dans un piège en Algérie, à nous chasser de Suez et d’Egypte, à nous mettre à dos tout le monde arabe. »
Références
- Georges (1899-1980) Auteur du texte Spillmann, Napoléon III et le royaume arabe d'Algérie / par le général Georges Spillmann, (lire en ligne), p. 8-17
- Dmoh Bacha, Algerie Culture Identite: Maghreb Algerie Maroc Tunisie, Illindi Publishing, (ISBN 978-1-0955-9126-0, lire en ligne), p. 195
- Youcef Allioui, Les Archs, tribus berbères de Kabylie: histoire, résistance, culture et démocratie, L'Harmattan, (ISBN 978-2-296-01363-6, lire en ligne), p. 58
- « Le rêve arabe de Napoléon III », sur www.lhistoire.fr (consulté le )
- Salem Chaker, « Réflexions sur les Etudes Berbères pendant la période coloniale (Algérie) », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, vol. 34, no 1, , p. 81–89 (DOI 10.3406/remmm.1982.1960, lire en ligne, consulté le )
- Hosni Kitouni, La Kabylie orientale dans l'histoire: pays des Kutama et guerre coloniale, L'Harmattan, (ISBN 978-2-336-29343-1, lire en ligne), « Le royaume arabe et la naissance du parti colonial », p. 178-184
- Chahrazed Dahou, Langues et identité(s) en Algérie: Enquêtes sur les représentations sociolinguistiques auprès de jeunes Algériens., Editions L'Harmattan, (ISBN 978-2-14-013096-0, lire en ligne), p. 13 ; 52 - 58
- Mots, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, , 143 p. (ISBN 978-2-84788-056-4, lire en ligne)
- Christiane Chaulet-Achour, Abécédaires en devenir: idéologie coloniale et langue française en Algérie, Entreprise algérienne de presse, (lire en ligne)
- Gérald Arboit, Aux sources de la politique arabe de la France: le Second Empire au Machrek, L'Harmattan, (ISBN 978-2-7475-0187-3, lire en ligne), p. 8 - 17
- « FMGACMT - SECOND EMPIRE : Des Bureaux Arabes au Royaume arabe, le projet de Napoléon III pour l’Algérie », sur www.fm-gacmt.org (consulté le )
Voir aussi
Articles connexes