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« Programme d'Erlangen » : différence entre les versions

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Le '''programme d'Erlangen''' est un [[Liste des programmes de recherche|programme de recherche]] publié par le mathématicien allemand [[Felix Klein]] en [[1872]], dans le mémoire ''{{lang|DE|Vergleichende Betrachtungen über neuere geometrische Forschungen}}'' (ou « Étude comparée de différentes recherches en géométrie »). L'objectif est d'unifier les différentes géométries apparues au cours du XIXe siècle pour en dégager les points de similitude : on peut ainsi unifier la [[géométrie affine]], la [[géométrie projective]], la [[géométrie euclidienne]], la [[géométrie non euclidienne]]. La clef de voûte de ce programme est de fonder la géométrie sur les notions d'action de groupe et d'invariant. Ce programme apparut comme une remise en question de la géométrie et influa très fortement sur son développement et son évolution. Encore aujourd'hui sa philosophie influence de nombreux mathématiciens, ainsi que des programmes d'enseignement et de recherche.
Le '''programme d'Erlangen''' est un [[Liste des programmes de recherche|programme de recherche]] publié par le mathématicien allemand [[Felix Klein]] en [[1872]], dans le mémoire ''{{lang|DE|Vergleichende Betrachtungen über neuere geometrische Forschungen}}'' (ou « Étude comparée de différentes recherches en géométrie »). L'objectif est d'unifier les différentes géométries apparues au cours du XIXe siècle pour en dégager les points de similitude. La clef de voûte de ce programme est de fonder la géométrie sur les notions d'action de groupe et d'invariant. Ce programme apparut comme une remise en question de la géométrie et influa très fortement sur son développement et son évolution. Encore aujourd'hui sa philosophie influence de nombreux mathématiciens, ainsi que des programmes d'enseignement et de recherche.


==Contexte historique et principes==
==Contexte historique==


Depuis l'écriture des [[Éléments d'Euclide]] (et même avant), la géométrie se limitait à l'étude de l'espace environnant, c'est-à-dire à la [[géométrie euclidienne]] en dimensions 2 ou 3. Le {{s-|XIX|e}} a connu un épanouissement des mathématiques et en particulier de la géométrie. En réponse à la question de l'indépendance des [[Axiome d'Euclide|axiomes d'Euclide]], de nouvelles géométries furent introduites, à l'instar de la [[géométrie hyperbolique]] ou de la [[géométrie projective]]. A l'époque, on voyait ces géométries non pas comme des espaces de travail donnés mais plutôt comme des modèles répondant à une collection d'axiomes desquels les résultats géométriques devaient se déduire. Cette vision de la géométrie se place dans une volonté de rigueur mathematique.
Depuis l'écriture des [[Éléments d'Euclide]] (et même avant), la géométrie se limitait à l'étude de l'espace environnant, c'est-à-dire à la [[géométrie euclidienne]] en dimensions 2 ou 3. Le {{s-|XIX|e}} a connu un épanouissement des mathématiques et en particulier de la géométrie. En réponse à la question de l'indépendance des [[Axiome d'Euclide|axiomes d'Euclide]], de nouvelles géométries furent introduites, à l'instar de la [[géométrie hyperbolique]] ou de la [[géométrie projective]]. A l'époque, on voyait ces géométries non pas comme des espaces de travail donnés mais plutôt comme des modèles répondant à une collection d'axiomes desquels les résultats géométriques devaient se déduire. Cette vision de la géométrie se place dans une volonté de rigueur mathematique.
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[[Image:Felix Christian Klein.jpg|right|200px]]
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En prenant possession de sa chaire à l'université d'[[Erlangen]], alors âgé de vingt-quatre ans, Klein devait selon la tradition proposer un programme de travail. Le sien est une remise en question de cette vision traditionnelle. Son idée est d'appuyer la géométrie sur la [[théorie des groupes]], et de placer le concept de [[symétrie]] (ou transformation) au centre de la géométrie.
En prenant possession de sa chaire à l'université d'[[Erlangen]], alors âgé de vingt-quatre ans, Klein devait selon la tradition proposer un programme de travail. Le sien est une remise en question de cette vision traditionnelle. Son idée est d'appuyer la géométrie sur la [[théorie des groupes]], et de placer le concept de [[symétrie]] au centre de la géométrie.


La notion de groupe avait été introduite par [[Évariste Galois]] en [[1831]] pour comprendre l'éventuelle résolution d'[[équation polynomiale|équations polynomiales]]. C'est cette même notion que Klein emploie pour comprendre la géométrie, mais dans un tout autre contexte. Dans le programme d'Erlangen, une géométrie est décrite comme l'action d'un groupe ''G'' sur un ensemble ''X''. Il s'agit moins d'une définition que d'une recherche d'esthétique. Dans ce contexte, on définit un objet géométrique par le lieu des points de ''X'' invariants par un sous-groupe isotropique de ''G''. On peut aussi s'interesser a une classe d'objets laissée invariante par l'action induite de ''G'', qui forme alors un nouvel espace sur lequel opère ''G'', et on cherche alors classifier ces objets pour l'opération du groupe ''G''. On peut aussi prendre un sous-groupe de ''G'' et comparer les deux géométries obtenues.
La notion de groupe avait été introduite par [[Évariste Galois]] en [[1831]] pour comprendre l'éventuelle résolution d'[[équation polynomiale|équations polynomiales]]. C'est cette même notion que Klein emploie pour comprendre la géométrie, mais dans un tout autre contexte. Dans le programme d'Erlangen, une géométrie est décrite comme l'action d'un groupe ''G'' sur un ensemble ''X''. Il s'agit moins d'une définition que d'une recherche d'esthétique. Dans ce contexte, on définit un objet géométrique par le lieu des points de ''X'' invariants par un sous-groupe isotropique de ''G''. On peut aussi s'interesser a une classe d'objets invariante par l'action induite de ''G'' ' sous- .

Voici des exemples qui permettent d'illustrer ces principe.

* Considérons un [[espace euclidien|plan euclidien]] ''X''. On considère trois groupes : le [[groupe affine]] de ''X'', le groupe des [[isométrie]]s de ''X'' et le groupe des [[similitude]]s affines de ''X''. On obtient trois géométries. Ces groupes opères transitivement sur ''X'' et prenons comme classe d'objets invariants de X pour ces géométries l'ensemble des couples de points distincts de ''X'' (ou les [[segment]]s de ''X''). Le groupe affine et le groupe des similitudes opère transitivement sur couples, et il n'y alors pas lieu de les classifier pour ces groupes. Pour le groupe des isométries, ce qui permet de les classifier c'est leur distance.

* Considérons un [[espace euclidien|plan euclidien]] ''X''. On considère trois groupes : le [[groupe affine]] de ''X'', le groupe des [[isométrie]]s de ''X'' et le groupe des [[similitude]]s affines de ''X'' prenons comme classe d'objets invariants de X pour ces géométries l'ensemble des [[triangle]]s de ''X''. Le groupe affine opère transitivement sur les triangles, et il n'y alors pas lieu de les classifier. Pour le groupe des similitudes affines, ce qui permet de classifier les triangles, ce sont les angles des triangles (cas de similitudes des triangles). Pour le groupe des isométries, ce qui permet de classifier les triangles, ce sont les longueurs des côtés (cas d'égalité des triangles).

* On prend un plan euclidien ''X''. Le groupe affine de ''X'' opère transitivement sur ''X'' et l'ensemble des couples de [[droite|droites]] sécantes de X forme une classe d'objets de ''X'' invariant pour ce groupe et ce groupe opère transitivement sur cette classe d'objets, et alors il n'y a pas lieu de les classifier pour ce groupe (ces paires de droites sont toutes équivalentes). D'autres part, si on prend le groupe des isométries (ou des similitudes affines) de ''X'', il opère sur ''X'' et l'ensemble des couples de droites sécantes de ''X'' est stable par ce groupe et qui permet de classifier ces couples de droites, c'est l'[[angle]] de droites (c'est un nombre réel). Notons que l'on peut aussi considérer les couples de droites parallèles de X, et alors le groupe affine et le groupe des similitudes affines opèrent transitivement sur cet ensemble et la distances entre les droites sert à les classifier pour le groupe des isométries. Du point de vue de la géométrie projective, si on prend le [[complété projectif]] ''P'' de ''X'' (c'est un [[plan projectif]]), alors les droites de ''X'' deviennent des droites de ''P'', et alors les deux types de couples de droites de ''X'' se confondent dans ''X'' pour le groupe projectif de ''P'', et ce groupe opère transivement sur les couples de droites distinctes de ''P'' (deux droites de ''P'' sont nécessairement sécantes et il n'y donc pas de droites parallèles distinctes dans ''P'').

* On prend un plan affine euclidien ''X''. Il y a trois orbites de les [[conique]]s propres de ''X'' pour le groupe affine : les [[ellipse]]s ([[cercle]]s compris), les [[hyperbole]]s et les [[parabole]]s (c'est la classification des coniques pour le groupe affine). Pour le groupe des similitudes affines de X (sous-groupe du groupe affine), ces coniques propres de ''X'' forment une classe d'objets invariants, et ce qui les classifie c'est leur [[conique|excentricité]]. Pour le groupe des isométries de X (sous-groupe du groupe des similitudes de X), ce qui classifie ces coniques, c'est leur « équation normalisée ». Du point de vue de la géométrie projective, si on prend le complété projectif ''P'' de ''X'' (c'est un plan projectif), alors le groupe projectif de ''P'' opère transitivement sur les coniques propres de ''P'', alors que les traces sur ''X'' de ces coniques de ''P'' sont exactement les coniques propres de ''X'' : ainsi, en ajourant une droite à l'infini de ''X'', on ne peut plus distingué les coniques de ''X''.

En pratique, les groupes qui interviennent dans les géométries du XIXe siècle sont les [[groupe classique|groupes classiques]], c'est-à-dire des sous-groupes des [[groupe linéaire|groupes linéaires]] <math>GL_n(\R)</math>, et de sous-groupes des [[groupe affine|groupes affines]] et des [[groupe projectif|groupes projectifs]] qui leurs sont associés. Ces groupes sont encore très utilisés en géométrie.


Le second mérite du progamme d'Erlangen est de clarifier les particularités de chaque type de géométrie. Par exemple, la [[géométrie projective]] rend bien compte de l'alignement des [[conique|sections coniques]], mais non des [[cercle]]s, des [[angle]]s et des distances, car ces notions ne sont pas invariantes par les transformations projectives (il suffit de les imaginer en [[perspective]] pour le comprendre). Dans l'optique de ce programme, comprendre la liaison entre les différents types de géométrie revient alors à considérer des [[sous-groupe]]s d'un groupe de symétries.
Le second mérite du progamme d'Erlangen est de clarifier les particularités de chaque type de géométrie. Par exemple, la [[géométrie projective]] rend bien compte de l'alignement des [[conique|sections coniques]], mais non des [[cercle]]s, des [[angle]]s et des distances, car ces notions ne sont pas invariantes par les transformations projectives (il suffit de les imaginer en [[perspective]] pour le comprendre). Dans l'optique de ce programme, comprendre la liaison entre les différents types de géométrie revient alors à considérer des [[sous-groupe]]s d'un groupe de symétries.


==Tableau explicatif==
Selon [[Bourbaki]], la géométrie classique serait morte en tant que champs de recherche, puisque, avec la clarté obtenue en classifiant les résultats des géométrie d'un espace à l'aide des groupes dont il relève, et surtout depuis les progrès de la [[théorie des invariants]], on peut obtenir de manière presque automatique et systèmatique les résultats de la géométrie classique. Il reste toutefois à trouver dans quel langage ces résultats seront le plus simple et élangant : « Dépassée en tant que science autonome et vivante, la géométrie classique s'est ainsi transfigurée en un langage universel de la mathématiques contemporaine, d'une souplesse et d'une commodité incomparables. » (N. Bourbaki, ''Éléments de mathématiques, Algèbre'', chap. 9, Notes historiques (1959).)

==Les différentes géométries à la lumière du programme d'Erlangen==


Ce tableau donne la correspondance entre les principales géométries introduites au XIXe siècle et les actions de groupes :
Ce tableau donne la correspondance entre les principales géométries introduites au XIXe siècle et les actions de groupes :
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! Groupe
! Groupe
! Invariants
! Invariants
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| [[géométrie affine|Affine]] || Espace affine <math>R^n</math> || <math>GA(R^n)\simeq R^n\times GL_n(R)</math> <br>groupe des isomorphismes affines de <math>R^n</math> || Sous-espaces affines
| [[géométrie affine|Affine]] || Espace affine <math>R^n</math> || <math>GA(R^n)\simeq R^n\times GL_n(R)</math> <br>groupe des isomorphismes affines de <math>R^n</math> || Sous-espaces affines

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| [[géométrie euclidienne|Euclidienne]] || Espace euclidien <math>R^n,g</math> || <math>Isom(R^n)= R^n\times O_n(R)</math> <br>groupe des isométries affines de <math>R^n</math> || Sous-espaces affines, sphères

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| [[géométrie euclidienne|Euclidienne]] || Espace euclidien <math>R^n,g</math> || <math>Isom(R^n)= R^n\times O_n(R)</math> <br>groupe des isométries affines de <math>R^n</math> || Sous-espaces affines, sphères
| [[géométrie sphérique|Sphérique]] || Sphère euclidienne <math>S^n</math> || <math>{n+1}(R)</math> || cercles


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| [[géométrie sphérique|Sphérique]] || Sphère euclidienne <math>S^n</math> || <math>O_{n+1}(R)</math>: groupe orthogonal || Grands cercles


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| [[géométrie projective|Projective]] || Espaces projectifs réels <math> P_nR</math> || <math>PG_nR</math> : groupe projectif || Sous-espace projectif
| [[géométrie projective|Projective]] || Espaces projectifs réels <math> P_nR</math> || <math>PG_nR</math> : groupe projectif || Sous-espace projectif

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| [[géométrie elliptique|Elliptique]] || Espace projectif réels <math> P_nR</math> || <math>PO_{n+1}(R) = O_{n+1}(R)/Z/2Z</math>: groupe projectif orthogonal || Sous-espaces projectifs

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Pour inclure une plus grande classe d'objets, il est souhaitable d'étendre la définition d'invariants. Il peut être intéressant de porter l'étude sur des ensembles de parties globalement invariants par l'action induite du groupe. Ainsi les coniques forment un ensemble de parties plan projectif invariant par le groupe projectif.


la géométrie de la sphère orientée et à l'espace projectif est associé, ''en dimension paire'' le même groupe, à savoir <math>SO_{n+1}(R)</math>. Cependant ces géométries sont à rapprocher : on dit aujourd'hui que <math>S^n</math> est le [[revêtement universel]] de <math>P_nR</math>, revêtement .
Une des idées fondamentales de Klein de de plonger les différentes géométrie dans la géométrie projective : on fixe une figure d'un espace projectif et on induite sur cette figure, ou une figure qui est elle associée, le groupe des transformations projectives qui la laisse stable. On cherche alors des invariants et des quantitées qui permettent les classifier sous l'action du groupe. On obtient de cette façon les principales géométries classiques : la [[géométrie affine]], la [[géométrie euclidienne]], la [[géométrie sphérique]] la [[géométrie elliptique]], la [[géométrie hyperbolique]] et la [[géométrie conforme]]. Notons que, puisque la géométrie projective peut être basée sur l'algèbre linéaire, toutes ces géométries admettent des modèles basés sur l'algèbre linéaire. De plus l'algèbre linéaire est un outil théorique puissant pour l'étude ces géométries.

On interprète ici les principales géométries comme sous-géométries de la géométrie projective (ou affine).

* La géométrie affine peut obtenue à l'aide de la géométrie projective de la mainière suivante : on prend un [[espace projectif]] ''P'' déduit d'un [[espace vectoriel]] réel ''E'' de dimension finie (<math> P_nR</math> par exemple) et on fixe un [[hyperplan]] ''L'' de ''P'' (<math> P_{n-1} R</math> par exemple) et on prend le stabilisateur ''G'' de ''L'' pour le groupe projectif de ''P'' (qui induit par le groupe linéaire de ''E''). Ensuite, le complémentaire de ''L'' dans ''P'' s'identifie à un [[espace affine]] réel de dimension ''n'' (<math>R^n </math> dans l'exemple) et le groupe de transformations induites sur ce espace affine est son groupe affine (le groupe affine de <math>R^n </math> dans l'exemple). En fait, on a fait l'opération inverse de la [[complété projectif|complétion projective]] d'un espace affine, qui consiste à plonger un espace affine dans un espace projectif et de plonger son groupe affine dans le groupe projectif. Ainsi, la géométrie affine est un sous-géométrie de la géométrie projective. Tout ceci fonctionne si on remplace le corps des nombres réels par le corps des nombres complexes (ou par un corps commutatif).

* On peut interpréter la [[géométrie euclidienne]] avec son groupe des [[similitude|similitudes]] en terme de géométrie projectif (c'est plus abstrait). Il y a sur <math> P_{n-1} R</math> ce que l'on appelle une « quadrique imaginaire » : la norme au carrée de <math>R^n </math> définie un [[polynôme]] homogène réelle de degré 2 de <math>R^n </math> et, en remplaçant les coordonnées réelles par des coordonnées complexes, on obtient un polynôme homogène complexe de degré 2 de <math>C^n </math> (même équation, mais en variables complexes). Les points de l'espaces projectif complexe <math> P_{n-1} C</math> qui annulent ce polynôme est une quadrique projective de <math> P_{n-1} C</math> (une conique projective si ''n'' = 2 et deux points si ''n'' = 2). C'est la quadrique imaginaire de <math> P_{n-1} R</math>. On a vu dans l'exemple précédent de la géométrie affine, que le groupe affine de <math>R^n </math> s'identifie à un sous-groupe du groupe projectif de <math> P_nR</math>. Le groupe des similitudes affines de <math>R^n </math> est le sous-groupe du groupe projectif (ou du groupe affine) des transformations qui laissent stable la quadrique imaginaire (on remplace les coordonnées réelles par des coordonnées complexes, et tout ici a un sens). Ainsi la géométrie euclidienne semblable est une sous-géométrie de la géométrie projective.

* On peut donner une autre interprétation de la géométrie elliptique. Pour cela, on reprend la quadrique imaginaire de <math> P_n R</math> de l'exemple précédent (on augmente la dimension de 1). Alors le groupe projectif orthogonal de <math> P_n R</math> est le sous-groupe du groupe projectif de <math> P_n R</math> qui laisse stable la quadrique imaginaire. On dit que cette quadrique imaginaire est l'absolu de l'espace elliptique <math> P_n R</math>. En peut ainsi dire que l'hyperplan à l'infini d'un espace euclidien est un espace elliptique. Notons que la distance d'un espace elliptique peut s'exprimier à l'aide de la quadrique imaginaire et des [[birapport]]s.

* Le géométrie sphérique peut être obtenue de la géométrie affine de la manière suivante. On fixe la sphère unité ''S'' de <math>R^n </math>. Alors le groupe orthogonal est le groupe des transformations affines (ou linéaires) de <math>R^n </math> qui laissent stable S, et alors le groupe des isométries de S est le groupe des transformations de S induites par le groupe orthogonal.

* On peut interpréter la [[géométrie hyperbolique]] en terme de géométrie projective. On prend comme espace l'espace hyperbolique) comme l'intérieur ''H'' d'une [[quadrique projective|quadrique ovale]] ''Q'' d'un espace projectif réel ''P'' de dimension ''n'' (l'intérieur d'une conique projective d'un plan projectif réel, par exemple) et dont le groupe est le groupe de transformations de ''H'' obtenu par restriction à ''H'' des élément du sous-groupe du groupe projectif de ''P'' qui laissent stable ''H'' (on obtient le groupe des isométries de l'espace hyperbolique ''H''). On dit que la quadrique ovale ''Q'' est l'absolu de l'espace hyperbolique ''H'' C'est le modèle projectif de Klein de la géométrie hyperbolique. On peut exprimier la distance d'un espace hyperbolique à l'aide de ''Q'' et des ''birapport''s.

* Il y a aussi la [[transformation de Möbius|géométrie de Möbius]] (ou [[géométrie conforme]]). En part du même espace projectif ''P'' et de la même quadrique ''Q'' que dans la cas de la géométrie hyperbolique. On prend comme espace la quadrique ovale ''Q'' de ''P'' et on prend comme groupe le groupe des transformations de ''Q'' obtenue par restriction à ''Q'' des élément du groupe projectif de ''P'' qui laissent stable ''Q''.

* L'espace de la géométrie de Möbius avec son groupe est essentiellement équivalent (si ''n'' est supérieur à 3) à une sphère euclidienne avec comme groupe non pas son groupe des isométries (le [[groupe orthogonal]] vu plus haut), mais un groupe qui le contient strictement : c'est son [[groupe conforme]] (ou [[transformation de Möbius|groupe de Möbius]]), c'est-à-dire le groupe des transformations de la sphère qui envoient les cercles sur des cercles (ou encore le groupe des difféomorphismes de cet sphère qui préservent les angles des courbes tracées sur cette sphère). Pour le voir, il suffit de voir que le [[complété projectif]] d'une sphère euclidienne est une quadrique ovale d'un espace projectif (il n'y a pas de points à l'infini à une sphère euclidienne).

* L'espace de la géométrie de Möbius avec son groupe est aussi essentiellement équivalent à l'espace obtenu en ajoutant un point à l'infini à un espace euclidien ''X'' (son [[compactifié]] d'Alexandrov) et en considérant le groupe de transformations engendré par les [[réflexion|réflexions]] de ''X'' par rapport à des hyperplans affines de ''X'' et par les [[nversion|inversions]] de ''X'' par rapport à des sphères ''X''. Pour le voir, il suffit de se ramener à une sphère euclidienne à l'aide d'une [[projection stéréographique]]. Notons que alors, le stabilisateur du point à l'infini de ''X'' pour ce groupe induit sur ''X'' le groupe des [[similitude]]s affines de X, et obtient alors la géométrie euclidienne semblable.


Pour inclure une plus grande classe d'objets, il est souhaitable d'étendre la définition d'invariants. Il peut être intéressant de porter l'étude sur des ensembles de parties globalement invariants par l'action induite du groupe. Ainsi les quadriques ovales (ou les coniques propres) forment un ensemble de parties d'un espace projectif réel (ou d'un plan projectif réel) invariant par le groupe projectif.

Il faut remarquer qu'à deux types de géométrie peuvent correspondre des groupes isomorphes, sans que les géométries soient équivalentes. Voici deux exemples.

* À la géométrie de la sphère orientée et à l'espace projectif est associé, ''en dimension paire'' le même groupe, à savoir <math>SO_{n+1}(R)</math>. Cependant ces géométries sont à rapprocher : on dit aujourd'hui que <math>S^n</math> est le [[revêtement universel]] de <math>P_nR</math>, revêtement à deux feuillets.

* De même, les groupes de la géométrie hyperbolique et de la géométrie conforme sont isomorphes (ils sont induits par le même sous-groupe du groupe projectif), mais les espaces ne sont pas isomorphes : un espace hyperbolique est homéomorphe à un espace affine euclidien (donc non [[compact]]), alors que l'espace de la géométrie conforme est homéomorphe à une sphère euclidienne (donc compact). Il y a toutefois un lien entre ces géométries : la géométrie conforme est l'absolu de la géométrie hyperbolique.


==Influence sur la géométrie moderne==
==Influence sur la géométrie moderne==
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L'impact du programme d'Erlangen dépasse complètement la vision de Felix Klein. Elle se retrouve dissimulée à travers chaque utilisation des groupes en géométrie. Evidemment, le progamme d'Erlangen n'aurait pu correspondre avec les nouvelles structures géométriques rencontrées au cours du XXe siècle : [[variété différentielle]], [[variété algébrique]], ... Mais une trace demeure présente.
L'impact du programme d'Erlangen dépasse complètement la vision de Felix Klein. Elle se retrouve dissimulée à travers chaque utilisation des groupes en géométrie. Evidemment, le progamme d'Erlangen n'aurait pu correspondre avec les nouvelles structures géométriques rencontrées au cours du XXe siècle : [[variété différentielle]], [[variété algébrique]], ... Mais une trace demeure présente.


* En géométrie différentielle, un [[espace homogène]] est une variété différentielle ''X'' sur laquelle agit transitivement un [[groupe de Lie]]. Les espaces homogènes jouent un rôle central, et plus particulièrement en [[géométrie riemannienne]]. La classification des [[espaces symétriques]] s'appuie sur la géométrie des espaces homogènes (parmi les espaces symétriques, on retrouve les espaces euclidiens, les sphères euclidiennes, les [[espaces elliptiques]] et les [[espaces hyperboliques]]).
* espace homogène est une variété différentielle ''X'' sur laquelle agit transitivement un groupe de Lie. Les espaces homogènes jouent un rôle central, et plus particulièrement en géométrie riemannienne. La classification des symétriques s'appuie sur la géométrie des espaces homogènes.


* Le [[groupe fondamental]] d'un [[espace topologique]] ''X'' agit sur tout [[revêtement]] ''Y'' de ''X''. Cette action est centrale dans la théorie des revêtements. Elle permet par exemple la classification des revêtements à isomorphisme près.
* Le [[groupe fondamental]] d'un espace topologique ''X'' agit sur tout revêtement ''Y'' de ''X''. Cette action est centrale dans la théorie des revêtements. Elle permet par exemple la classification des revêtements à isomorphisme près.


* Une [[variété différentielle]] est un espace topologique obtenu par recollement d'ouverts de '''R'''<sup>n</sup> par des [[difféomorphisme]]s, ce qui permet d'y faire du [[calcul différentiel]]. Mais on peut vouloir restreindre la donnée des recollements. En recollant des ouverts de '''R'''<sup>n</sup> par des isométries affines (resp. applications symplectiques affines, resp. applications affines), on obtient exactement les [[variété riemannienne|variétés riemanniennes]] plates (resp. les [[variété symplectique|variétés symplectiques]], resp. les variétés munies d'une [[connexion]] de courbure nulle). En restreignant les groupes, on enrichit la structure géométrique. On obtient la théorie des [[pseudogroupe]]s de transformations.
* Une variété différentielle est un espace topologique obtenu par recollement d'ouverts de '''R'''<sup>n</sup> par des . Mais on peut vouloir restreindre la donnée des recollements. En recollant des ouverts de '''R'''<sup>n</sup> par des isométries affines (resp. applications symplectiques , applications affines), on obtient exactement les variétés riemanniennes plates (resp. les variétés symplectiques, les variétés munies d'une connexion de courbure nulle). En restreignant les groupes, on la structure géométrique.


* Groupe structural d'un fibré ?
* En considérant sur les [[espace tangent|espaces tangents]] d'une variété différentielle ''X'' de dimension ''n'' toutes les bases, on obtient un espace ce que l'on appelle le fibré des repères de X, et le [[groupe linéaire]] réel de degré ''n'' opère sur ce nouvel espace. En enrichisant la variété ''X'' d'une structure vérifiant certaines propriétés (les [[G-structure]]s, une [[métrique riemannienne]] par exemple), on considère les repères adaptés à cette structure (les repères orthonormaux, par exemple) et alors le sous-groupe du groupe linéaire correspondant (le groupe orthogonal, dans cet exemple) opère sur ce nouvel espace de repères, de manière non transitive en général. Réciproquement, si on considère un sous-groupe de Lie du groupe linéaire (le groupe orthogonal par exemple), on peut déterminer les structure sur la variété qui admette ce groupe comme groupe structural (toutes les métriques riemanniennes dans cet exemple). C'est [[Élie Cartan]] qui a introduit ces concepts, et, avec la théorie des connexions, il a pu réconcilier le programme d'Erlangen avec la géométrie riemannienne de [[Bernhard Riemann]].


==Cas du plan vectoriel euclidien==
==Cas du plan vectoriel euclidien==

Version du 7 juillet 2007 à 20:39

Le programme d'Erlangen est un programme de recherche publié par le mathématicien allemand Felix Klein en 1872, dans le mémoire Vergleichende Betrachtungen über neuere geometrische Forschungen (ou « Étude comparée de différentes recherches en géométrie »). L'objectif est d'unifier les différentes géométries apparues au cours du XIXe siècle pour en dégager les points de similitude. La clef de voûte de ce programme est de fonder la géométrie sur les notions d'action de groupe et d'invariant. Ce programme apparut comme une remise en question de la géométrie et influa très fortement sur son développement et son évolution. Encore aujourd'hui sa philosophie influence de nombreux mathématiciens, ainsi que des programmes d'enseignement et de recherche.

Contexte historique

Depuis l'écriture des Éléments d'Euclide (et même avant), la géométrie se limitait à l'étude de l'espace environnant, c'est-à-dire à la géométrie euclidienne en dimensions 2 ou 3. Le XIXe siècle a connu un épanouissement des mathématiques et en particulier de la géométrie. En réponse à la question de l'indépendance des axiomes d'Euclide, de nouvelles géométries furent introduites, à l'instar de la géométrie hyperbolique ou de la géométrie projective. A l'époque, on voyait ces géométries non pas comme des espaces de travail donnés mais plutôt comme des modèles répondant à une collection d'axiomes desquels les résultats géométriques devaient se déduire. Cette vision de la géométrie se place dans une volonté de rigueur mathematique.

En prenant possession de sa chaire à l'université d'Erlangen, alors âgé de vingt-quatre ans, Klein devait selon la tradition proposer un programme de travail. Le sien est une remise en question de cette vision traditionnelle. Son idée est d'appuyer la géométrie sur la théorie des groupes, et de placer le concept de symétrie au centre de la géométrie.

La notion de groupe avait été introduite par Évariste Galois en 1831 pour comprendre l'éventuelle résolution d'équations polynomiales. C'est cette même notion que Klein emploie pour comprendre la géométrie, mais dans un tout autre contexte. Dans le programme d'Erlangen, une géométrie est décrite comme l'action d'un groupe G sur un ensemble X. Il s'agit moins d'une définition que d'une recherche d'esthétique. Dans ce contexte, on définit un objet géométrique par le lieu des points de X invariants par un sous-groupe isotropique de G. On peut aussi s'interesser a une classe d'objets laissee invariante par l'action induite de G. En pratique, les groupes qui interviennent dans les géométries du XIXe siècle sont les groupes classiques, c'est-à-dire des sous-groupes des groupes linéaires .

Le second mérite du progamme d'Erlangen est de clarifier les particularités de chaque type de géométrie. Par exemple, la géométrie projective rend bien compte de l'alignement des sections coniques, mais non des cercles, des angles et des distances, car ces notions ne sont pas invariantes par les transformations projectives (il suffit de les imaginer en perspective pour le comprendre). Dans l'optique de ce programme, comprendre la liaison entre les différents types de géométrie revient alors à considérer des sous-groupes d'un groupe de symétries.

Tableau explicatif

Ce tableau donne la correspondance entre les principales géométries introduites au XIXe siècle et les actions de groupes :

Géométrie Espace Groupe Invariants
Affine Espace affine
groupe des isomorphismes affines de
Sous-espaces affines
Euclidienne Espace euclidien
groupe des isométries affines de
Sous-espaces affines, sphères.
Sphérique Sphère euclidienne Les grands cercles
Projective Espaces projectifs réels  : groupe projectif Sous-espace projectif

Pour inclure une plus grande classe d'objets, il est souhaitable d'étendre la définition d'invariants. Il peut être intéressant de porter l'étude sur des ensembles de parties globalement invariants par l'action induite du groupe. Ainsi les coniques forment un ensemble de parties du plan projectif invariant par le groupe projectif.

Il faut remarquer qu'à deux types de géométrie peuvent correspondre le même groupe. A la géométrie de la sphère orientée et à l'espace projectif est associé, en dimension paire le même groupe, à savoir . Cependant ces géométries sont à rapprocher : on dit aujourd'hui que est le revêtement universel de , revêtement de degré 2.

Influence sur la géométrie moderne

L'impact du programme d'Erlangen dépasse complètement la vision de Felix Klein. Elle se retrouve dissimulée à travers chaque utilisation des groupes en géométrie. Evidemment, le progamme d'Erlangen n'aurait pu correspondre avec les nouvelles structures géométriques rencontrées au cours du XXe siècle : variété différentielle, variété algébrique, ... Mais une trace demeure présente.

  • Un espace homogène est une variété différentielle X sur laquelle agit transitivement un groupe de Lie G. Les espaces homogènes jouent un rôle central en géométrie différentielle, et plus particulièrement en géométrie riemannienne. La classification des variétés dites symétriques s'appuie sur la géométrie des espaces homogènes.
  • Le groupe fondamental d'un espace topologique X agit sur tout revêtement Y de X. Cette action est centrale dans la théorie des revêtements. Elle permet par exemple la classification des revêtements à isomorphisme près.
  • Une variété différentielle est un espace topologique obtenu par recollement d'ouverts de Rn par des difféomorphismes. Mais on peut vouloir restreindre la donnée des recollements. En recollant des ouverts de Rn par des isométries affines (resp. applications symplectiques linéaires, applications affines), on obtient exactement les variétés riemanniennes plates (resp. les variétés symplectiques, les variétés munies d'une connexion de courbure nulle). En restreignant les groupes, on augmente la structure géométrique.
  • Groupe structural d'un fibré ?

Cas du plan vectoriel euclidien

Dans le cas du plan vectoriel euclidien, les isométries sont composées des rotations et des symétries. Le groupe des rotations est isomorphe à un tore de dimension 1. Il est donc naturel de se poser la question réciproque: quelles sont les géométries du plan vectoriel contenant un groupe d'isométries isomorphe à un tore de dimension 1? L'isomorphisme respecte ici la structure de groupe continu, il respecte donc la structure topologique du tore et est bijectif. Un tel isomorphisme s'appelle une représentation.

  • Soit E un plan vectoriel réel et une représentation bijective]] du tore de dimension 1 dans les automorphismes de E. Alors il existe une unique structure d'espace euclidien de E tel que l'image de la représentation soit le groupe des rotations.

Le tore de dimension 1 est un groupe continu dont la topologie est celle d'un cercle, il correspond par exemple aux angles. On le définit par le quotient des nombres réels par les nombres entiers.

Fournir une représentation bijective du tore dans les automorphismes revient à exhiber un sous-groupe des automorphismes ayant une structure de groupe particulière. La définition d'un espace euclidien est alors donnée par la structure algèbrique d'un groupe, celui des rotations.


Voir aussi

Modèle:Algèbre bilinéaire

Modèle:Articles de géométrie