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{{coord|33|22|43|N|43|42|57|E|display=title|source:frwiki}}
'''Nehardea''' était une ville de [[Babylone (civilisation)|Babylonie]], située à ou près de la jonction de l'[[Euphrate]] avec le Nehar Malka (également appelé Nâr Sharri, Ar-Malcha, Nahr el-Malik, ou Canal du Roi), et l'un des premiers centres du [[Histoire des Juifs en Irak|judaïsme babylonien]].

== Aux origines ==
La présence juive à Nehardea remonte au roi [[Joachin (roi de Juda)|Yehôyakîn]], qui y établit sa résidence. Elle demeura d'ailleurs le siège de l'[[exilarque]]. D'après [[Sherira Gaon]]<ref>Lettre de Sherira Gaon, in [[Adolf Neubauer|Neubauer]], ''Med. Jew. Chron.'' i. 26</ref>, Yehôyakîn et ses pairs construisirent une [[synagogue]] à Nehardea, pour la fondation de laquelle ils utilisèrent de la terre et des pierres qu'ils avaient emportées, selon [[Livre des Psaumes|Ps.]] 102:17, de [[Jérusalem]]<ref>Une assertion similaire a été faite à propos de la cité juive d'[[Ispahan]] — ''Monatsschrift'', 1873, pp. 129, 181</ref>. Cette synagogue fut appelée « Shaf we-Yatib; » il y est fait plusieurs fois référence dans la littérature talmudique du {{IIIe siècle}} et du {{IVe siècle}}<ref>[[Talmud de Babylone|T.B.]] [[Roch Hachana (traité)|R. H.]] 24b; [[Avoda Zara]] 43b; [[Niddah]] 13a.</ref>. [[Abaye]] affirme<ref>[[Talmud de Babylone|T.B.]] [[Meguila (traité)|Meg.]] 29a</ref> que c'est en ce lieu que repose la [[Shekhina]] en Babylonie.

== Mentions par Josèphe et parallèles talmudiques ==
Les [[Cohen (judaïsme)|Cohanim]] de Nehardea descendraient, toujours selon le Talmud, d'esclaves de Pashour ben Immer, le contemporain de Yehôyakîn<ref>T.B. [[Kiddouchine]] 70b</ref>. D'autres allusions talmudiques<ref>ib.</ref> mettent également en doute l'ascendance des Juifs nehardéens. Le fait qu'[[Hyrcan II]] ait, selon [[Flavius Josèphe]], vécu à [[Babylone]] lorsqu'il était prisonnier des [[Empire parthe|Parthes]]<ref>[[Flavius Josèphe]], ''[[Antiquités judaïques]]'', [http://remacle.org/bloodwolf/historiens/Flajose/juda15.htm#14 xv, {{II}}, § 2].</ref> pourrait expliquer que, jusqu'au {{IIIe siècle}}, certains faisaient remonter leur lignage aux [[Hasmonéens]]. L'importance de la ville au cours du dernier siècle d'existence du [[Second Temple de Jérusalem|Second Temple]] ressort de la déclaration du même auteur<ref name="J2">ib. xviii. 9, § 1</ref>:

{{citation|La ville de Nehardea est densément peuplée, et possède entre autres avantages un territoire extensif et fertile. Elle est de plus imprenable, étant entourée par l'Euphrate et solidement fortifiée.}}
<br />Le Talmud fait lui aussi référence à l'importance du territoire de Nehardea<ref>T.B. [[Ketoubot]] 54a</ref>. Outre l'Euphrate, le ''Nehar Malka'' formait l'une des défenses naturelles de la ville<ref>T.B. [[Kiddouchine]] 70b; [[Shabbat (traité)|Shabbat]] 108b</ref>; le passage au-dessus de la rivière (ou peut-être du canal) est mentionné de même<ref>T.B. [[Kiddouchine]] 70b; [[Houlin]] 50b</ref>.

« Nehardea et [[Nusaybin|Nisibis]], » dit encore Josèphe<ref name="J2"/>, « étaient les trésoreries des [[Juifs Mizrahim|Juifs d'Orient]], où les  [[dîme|taxes du Temple]] étaient entreposées jusqu'aux jours dits pour les envoyer à Jérusalem. » Nehardea était également la ville natale de [[Hanilaï et Hassinaï]], deux frères qui, au premier tiers du {{Ier siècle}}, fondèrent brièvement un royaume brigand sur l'Euphrate, qui causa une réaction locale violemment anti-juive après leur mort<ref>Antiquités judaïques 18:9</ref>{{,}}<ref>{{Chapitre|langue=en|titre chapitre=The political history of Iran under the Arsacids|titre ouvrage=The Cambridge History of Iran|volume=3|sous-titre ouvrage=The Seleucid, Parthian and Sasanid Periods|prénom1=Adrian David Hugh|nom1=Bivar|lien auteur1=David Bivar|auteurs ouvrage=Ehsan Yarshater (dir.)|année=1983|isbn=9780521200929|passage=69-73}}</ref>. Après la destruction de Jérusalem, Nehardea est mentionné une première fois en rapport avec le séjour de [[Rabbi Akiva]]<ref>[[Yebamot]] 16:7</ref>. Dans la période [[tannaïm|tannaïtique]] qui fait suite à [[Hadrien]], une anecdote fait référence à la dette collectée par Aḥaï ben Yoshia à Nehardea<ref>T.B. [[Guittin]] 14b; [[Wilhelm Bacher|Bacher]], ''Ag. Tan.'' ii. 385</ref>.

== Nehardea à la fin de la période tannaïtique ==

Nehardea apparaît clairement devant de la scène de l'histoire juive à la fin de la période [[Tannaïm|tannaïtique]]. L'école de [[Rabbi Chila|Shila]] est alors prééminente, et pave la voie à l'activité des [[académies talmudiques en Babylonie|académies talmudiques de Babylone]]. [[Shmouel]] (Samuel de Nehardea), dont le père, [[Abba bar Abba]], était une autorité à Nehardea, établit la réputation de l'académie, tandis que [[Rav (Amora)|Abba bar Ayvo]], qui y avait probablement enseigné un temps, fonde l'académie de [[Soura (Babylonie)|Soura]], située sur l'Euphrate à environ vingt [[parasange]]s de Nehardea, dont la réputation sera plus grande encore. L'histoire de Nehardea est résumée dans celle de l'activité de Shmouel. Peu après la mort de celui-ci, l'académie est détruite par [[Odénat|Papa ben Nesser]], en 259, et son collège est transféré à [[Poumbedita]].

À cette époque, les gens de [[Lod (Israël)|Lydda]] et de Nehardea sont mentionnés comme particulièrement fiers et ignorants<ref>[[Talmud de Jérusalem|Yer.]] [[Pessahim]] 32a; comp. T.B. [[Pessahim]] 62b; voir aussi [[Wilhelm Bacher|Bacher]], ''Ag. Pal. Amor.'' i. 60</ref>.

=== Naḥman ben Jacob ===

Nehardea regagne cependant rapidement son importance, grâce à [[Naḥman ben Jacob|Rav Naḥman]]. Le [[Talmud de Babylone]] comprend de nombreuses références à son activité<ref>T.B. [[Kiddouchine]] 70a; [[Baba Batra]] 153a; [[Ketoubot]] 97a; [[Meguila (traité)|Meguila]] 27b</ref>. [[Raba]] relate une promenade qu'il effectue avec Rav Naḥman dans la « rue du cordonnier » ou, selon une autre version, la « rue des savants<ref>T.B. [[Houlin]] 48b</ref>. » Certaines portes de Nehardea qui avaient été, même au temps de Shmouel, couvertes de terre de sorte qu'elles ne pouvaient être fermées, furent déterrées par Rav Naḥman<ref>T.B. [[Erouvin]] 6b</ref>. À deux reprises, il désigne Nehardea comme « [[Babel]]<ref>[[Baba Kamma]] 83a; Baba Batra 145a</ref>. »

Outre Rav Naḥman, [[Rav Sheshet]] y habita également pour un temps<ref>T.B. [[Nedarim]] 78a</ref>. Selon une assertion datée du {{IVe siècle}}, un [[amoraïm|amora]] avait entendu à Nehardea certaines sentences tannaïtiques, jusque-là inconnues des maîtres<ref>T.B. [[Shabbat (traité)|Shabbat]] 145b; [[Niddah]] 21a.</ref>. Nehardea demeure la résidence d'un certain nombre d'hommes instruits, dont certains appartiennent au collège de [[Veh-Ardashir|Mahoza]], dont l'importance est considérable en ce temps, et d'autres à celui de [[Poumbedita]]. Vers le milieu du {{IVe siècle}}, Rav Ḥama y vit; la maxime « Par les 'amoraïm de Nehardea', comprend Ḥama<ref>T.B. [[Sanhédrin (traité)|Sanhédrin]] 17a</ref> » devient un canon dans les écoles babyloniennes.

=== Amemar ===

Vers la fin du {{IVe siècle}} et le début du {{Ve siècle}}, Nehardea redevient un important centre du judaïsme babylonien, grâce à l'activité d'[[Amemar]], bien que celle-ci fut éclipsée par celle de [[Rav Achi]], [[rosh yeshiva|directeur]] de l'académie de [[Soura (Babylonie)|Soura]]. Rav Achi réussit d'ailleurs à faire transférer le siège de l'[[exilarque]] de Nehardea, où il avait jusque-là été fixé par privilège, à Soura<ref>Lettre de [[Sherira Gaon]] 1:32</ref>. Par ailleurs, il dissuada Amemar d'introduire la récitation du [[Décalogue]] dans le [[Prière dans le judaïsme|rituel liturgique quotidien]]<ref>Sur les relations entre Rav Achi et Amemar, voir [[Yitzhak Isaac Halevy Rabinowitz|Halevy]], ''Dorot ha-Rishonim'', ii. 515 et suivantes, iii. 68 et suivantes.</ref>. Il réussit cependant à faire passer une autre innovation dans ce domaine<ref>T.B. [[Soukkot (traité)|Soukkot]] 55a.</ref>.

Le Talmud mentionne d'autres sages natifs ou résidents de Nehardea pendant cette période, parmi lesquels:
* [[Rav Dimi]]<ref>T.B. [[Houlin]] 113a.</ref>, qui présida Poumbedita comme second successeur à Ḥama<ref>Lettre de Sherira Gaon.</ref>
* [[Rav Zebid]]<ref>T.B. [[Baba Kamma]] 27b.</ref>
* Ḥanan<ref>T.B. [[Kiddouchine]] 81b; [[Niddah]] 66b.</ref>
* Simaï<ref>[[Shevouot]] 12b; [[Makkot]] 16a</ref>
* Adda bar Minyomi, parfois appelé le « juge de Nehardea<ref>T.B. [[Sanhédrin (traité)|Sanhédrin]] 17b</ref> »

Après la période talmudique, s'illustrent Aḥa de Be-Ḥatim, dans le voisinage de Nehardea, mentionné par [[Sherira Gaon]]<ref>Halevy, ''Dorot'' i. 25</ref> comme l'une des autorités [[savoraïm|saboraïques]] du {{VIe siècle}}, et Mar Rav Ḥanina, l'un des premiers [[gueonim]]s de Poumbedita, et contemporain de [[Mahomet]]. Il s'agit de la dernière référence à Nehardea dans l'histoire juive.<br />[[Benjamin de Tudèle]] mentionne cependant les ruines de la synagogue Shaf Yatib, à deux jours de marche de Soura, et une et demie de Poumbedita <ref>''Itinéraire'', ed. Grünhut, p. 64</ref>.

== Informations non datées ==

Le Talmud comporte certaines mentions éparses, sans datation précise sur Nehardea:
* selon une ancienne coutume, on y lisait des [[péricope]]s des [[Ketouvim]] lors des offices de [[Min'ha]] le [[shabbat]]<ref>T.B. [[Shabbat (traité)|Shabbat]] 116b</ref>;
* le pays était peu sûr du fait des brigands [[bédouins]]<ref>T.B. [[Baba Batra]] 36a</ref>;
* une ancienne règle de procédure des tribunaux de Nehardea est mentionnée dans T.B. [[Ketoubot]] 87a.

Par ailleurs, Nehardea est célèbre dans l'histoire de la ''[[Massorah]]'' du fait d'une ancienne tradition relative au nombre de versets dans la Bible ; ce serait [[Hamnuna]]<ref>Bacher, op. cit. i. 2</ref> qui l'aurait rapportée de Nehardea, où il l'aurait reçu de Naḳḳaï<ref>Voir ''Med. Jew. Chron.'' i. 174; Strack, ''Diḳdouḳ Ṭe'amim'', p. 56</ref>. Certains passages du texte biblique sont caractérisés par la tradition, et en particulier la [[massorah]] du [[Targoum Onkelos|Targoum du Pentateuque]], comme étant ceux de Soura, et d'autres comme ceux de Nehardea<ref>[[Abraham Berliner|Berliner]], ''Die Massorah zum Targum Onkelos'', pp. xiii. et suiv., 61-70, Leipzig, 1877</ref>.

== Notes et références ==
{{Références|colonnes=2)}} 
{{Jewish Encyclopedia|article=NEHARDEA (NEARDA)|author=[[Richard Gottheil]] & [[Wilhelm Bacher]]|url=http://www.jewishencyclopedia.com/view.jsp?artid=168&letter=N}}, qui cite comme bibliographie:
* [[Adolf Neubauer|Neubauer]], G. T. pp.&nbsp;230, 350;
* Hirschensohn, Sheba Ḥokhmot, p.&nbsp;164, Lemberg, 1885.

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