Voir la source de Histoire de Venise

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[[Fichier:1573-Pinargenti-Venedig.jpg|vignette|upright=2.5|L'archipel vénitien en 1573, plan de Pinargenti.]]

L’'''histoire de Venise''' repose sur un paradoxe : quelques îlots du nord-ouest de l'[[Mer Adriatique|Adriatique]], cernés par la vase, ont permis l'érection de la capitale d'un [[Thalassocratie|empire maritime et commercial]], qui fut le plus grand port du [[Moyen Âge]] après [[Constantinople]], dont elle dépendit à ses débuts et qu'elle pilla au {{s-|XIII}}. Placée au fond du [[Golfe de Venise|golfe le plus profond]] de la [[Méditerranée]], en bordure de deux grands fleuves italiens, le [[Pô]] et l'[[Adige]] qui conduit au [[col du Brenner]], passage le plus bas des [[Alpes]], la ville émerge au {{s-|IX}}.

Elle bénéficie d'une [[Théorie de la localisation|situation privilégiée]] sur les routes d'échange entre le [[Saint-Empire romain germanique]], l'[[empire byzantin]] et le [[monde musulman]]. L'expansion prend forme au {{s-|XIV}}, via la [[Histoire des bourses de valeurs#Venise, première place pour l'échange de parts dans des navires|Bourse du Rialto]] en plein air, où on échange des parts de navire, ce qui facilite le développement d'une [[Marineria veneziana|flotte commerciale]] et le quadruplement de la superficie de l'[[Arsenal de Venise]], mené par les autorités de la ville.

À partir du {{s-|XVI}}, le déclin politique et économique n'empêche pas un intense rayonnement culturel. En 1797, [[Napoléon Ier|Bonaparte]] met fin à son indépendance. La cité passe sous contrôle [[Empire d'Autriche|autrichien]] avant de rejoindre le [[Royaume d'Italie (1861-1946)|royaume d'Italie]] en 1866.

== Formation progressive de la ville ({{s-|V}}-{{s-|IX}}) ==
L'historiographie vénitienne tourne au mythe quand elle aborde les premiers siècles de son histoire{{sfn|Crouzet-Pavan|1999|}}, aucune [[Source (information)|source historique]] fiable ne relatant cette période<ref>{{Ouvrage|langue=it|auteur1=[[Apostolo Zeno]]|titre=Compendio della storia veneta di Apostolo Zeno continuata fino alla caduta della repubblica|éditeur=Bonvecchiato|année=1847|passage=9}}</ref>. Traditionnellement, le mythe fondateur relaté par la ''{{Lang|it|texte=Cronaca Veneziana del Diacono Giovanni}}'' ([[Chronique médiévale|Chroniques]] vénitiennes du diacre Jean, {{sp-|X|-|XI}}) raconte que la ville fut précisément fondée sur le coup de midi le {{date|25|mars|421}}<ref group=N>Le 25 mars est une date volontairement choisie, coïncidant avec le jour de l’[[Annonciation]] de la naissance de Jésus à la Vierge Marie et celle de la [[Translation (reliques)|translation du corps]] de [[Marc (évangéliste)|saint Marc]] dans la [[Basilique Saint-Marc|basilique éponyme]] : la Vierge est ainsi devenue la protectrice de Venise et saint Marc son [[saint patron]].</ref> dans les îlots du ''rivus altus'' (devenu le [[Rialto (Venise)|Rialto]]) par trois [[Consul (Rome antique)|consuls]] venus de [[Padoue]] pour fonder un comptoir et jeter les bases de l'[[église de San Giacomo di Rialto]]. L'invasion de l'[[Péninsule italienne|Italie]] par les [[Huns]] d'[[Attila]] aurait provoqué l'installation de réfugiés sur les îlots de sable de la [[lagune de Venise|lagune]], en particulier sur le Rialto. Au {{s-|VII}}, les Vénitiens auraient érigé un système politique avec à sa tête un [[Doge de Venise|doge]] dont le pouvoir est encadré, contrairement à celui des rois qui s'imposent à la même époque sur le continent. Il s'avère que ces quelques jalons historiques sont faux ou caricaturaux. Il n'en reste pas moins que Venise est « un fait d'urbanisation exceptionnelle »<ref name="Heers">[[Jacques Heers]], ''La ville au Moyen Âge en Occident'', Hachette Littérature, 1990, p. 28</ref>.

=== La période romaine ===
{{Article détaillé|Altinum}}

Les fouilles [[Archéologie|archéologiques]] ont révélé que les îles et le [[Lido de Venise|cordon littoral]] de la [[lagune]] étaient déjà occupés par les hommes au temps de l'[[empire romain]]. Il s'agissait surtout de pêcheurs, appelés les ''{{Lang|la|texte=incolae lacunae}}'' (« habitants de la lagune »), exploitant les salines et vivant dans des hameaux. Depuis 1995-2000, les découvertes sur des sites aujourd'hui immergés révèlent la forte densité de peuplement dans certaines zones<ref>''Archäologie in Deutschland'', {{n°|5}}, 2006</ref>. Les vestiges de l'époque romaine sont sous un ou deux mètres d'eau. Des bouleversements hydrographiques, ainsi que la [[transgression marine]], provoquèrent des inondations, et obligèrent la population à évacuer la plupart des îlots aux {{s2|V|e|VI|e}} : de sorte que lorsque [[Cassiodore]], fonctionnaire du [[royaume ostrogoth]], décrivit la lagune en [[537]]-[[538]], elle offrait un paysage de roseaux et de vase, où quelques pêcheurs menaient une vie chiche et étriquée<ref>{{Ouvrage|auteur1=Richard Goy|titre=Venise. La ville et son architecture|éditeur=Éd. Phaidon|année=2002|passage=16|isbn=}}</ref>.

=== L'exode massif vers la lagune ===
{{Article détaillé|Vénétie maritime}}
Couplée à une stabilisation puis à une baisse du niveau de la mer, l'invasion des [[Huns]] puis des [[Ostrogoths]] en Italie amena les premiers réfugiés sur la lagune. Mais ce fut surtout l'arrivée des [[Lombards]] en [[568]] dans la région de [[Vicence]], [[Vérone]], [[Trévise]] et [[Padoue]], qui déclencha une migration massive vers le littoral, les îlots de la [[lagune de Venise]] offraient une excellente protection contre les envahisseurs à la fois terrestres qui s’y envasaient, et maritimes qui s’y échouaient : seuls des bateaux à fond plat pouvaient y accéder à condition que le pilote connaisse bien le [[labyrinthe]] de [[Marais maritime|canaux]] (''velme''), de [[vasière]]s (''piane''), de [[Lais (terrain)|lais naturels]] (''barene'') et de [[Schorre|sansouires]] (''palude''). Les hommes y vivaient de la chasse, de la [[Pêche (halieutique)|pêche]], de l’agriculture et de la [[Marais salant|production de sel]]. La population romaine fuyait devant l'envahisseur, parfois en désordre, parfois derrière son clergé et ses chefs, formant la « [[Vénétie maritime]] », initialement partie de la « [[Italie byzantine|Romanie italienne]] » (à l'origine du nom « [[Romagne (Italie)|Romagne]] »). Ce fut le cas :
* des habitants d'[[Oderzo]], ville prise par le roi lombard [[Rothari]] en [[639]] : ils fondèrent sur le cordon littoral ''Civita Nova'' ;
* des réfugiés d'[[Altinum]], guidés par leur évêque jusqu'à l'îlot de [[Torcello]] ;
* des [[Padoue|Padouans]] installés à [[Malamocco]] ;
* des habitants d'[[Aquilée]] venus à [[Grado (Italie)|Grado]].
[[Fichier:Bucentaur-Anon-SbarcodalBucintoro-16C.jpg|vignette|''Débarquement du [[Bucentaure (bateau vénitien)|Bucentaure]] du doge [[Sebastian Ziani]] au couvent de la charité'', miniature anonyme.]]
Ainsi, {{Citation|l'établissement fut d'abord diffus, éparpillé en un grand nombre de petites agglomérations, chaque communauté se fixant à part, isolée des autres}}<ref name="Heers"/>. Certains habitats furent précaires et disparurent, sous les eaux parfois ; d'autres apparaissaient mieux ancrés, comme à [[Torcello]]. Cette population, issue de la terre ferme, trouva dans ces îles vaseuses une double protection : celle du [[Lagune de Venise|milieu lagunaire]] où les chevaux et les fantassins des « [[Invasions barbares|Barbares]] » se seraient envasés, et celle de l'[[exarchat de Ravenne]] de l'[[Empire romain d'Orient]] entre les {{s2|VI|e|VIII|e}}, dont la [[Marine byzantine|puissante marine]] contrôlait alors une partie du littoral italien.

L'insécurité sur les terres fermes empêchant le retour des réfugiés, ces derniers finirent par constituer une nouvelle ville sur la lagune, en plantant des millions de pieux dans la vase (à cette époque, les plaines côtières étaient encore couvertes de forêts) et en recouvrant les îles de planchers en bois. Des travaux d'aménagement furent entrepris : on consolida les rives, on draina les sols, on construisit des maisons en bois et des monuments en brique ou en pierre. Les matériaux furent cherchés sur la terre ferme et les villes romaines ruinées servirent de carrières de pierre. Rapidement, s'élevèrent de petites cités et des églises comme la basilique de la Vierge à Torcello, en [[639]]. D'agricole (pêche, vignes, arboriculture et surtout le sel dont les Vénitiens assurent la production et le négoce), l'économie se diversifia dès le {{s-|VII}} vers l'artisanat (travail du verre, de la corne, puis du bronze), l'industrie (chantiers navals) et surtout le commerce trans-méditerranéen.

La ville naissante devint un intermédiaire commercial entre l'Occident et l'[[Empire romain d'Orient]] (que l'on n'appelait alors pas encore « byzantin », cette dénomination tardive ayant été inventée au {{s-|XVI}} seulement). Par elle, plus exactement par Torcello, transitaient les produits d'Orient (soieries, épices, miel, encens, gemmes, métaux précieux, bois imputrescibles) et ceux d'Europe de l'Ouest (sel, peaux, bois ordinaires, ambre, esclaves)<ref>Élisabeth Crouzet-Pavan, ''La mort lente de Torcello. Histoire d'une cité disparue'', Fayard, Paris 1995</ref>.

=== Émergence d'un centre : Rialto ===
[[Fichier:Canaletto Entrance to the Grand Canal Venice.jpg|vignette|<center>[[Giovanni Antonio Canal|Canaletto]] : le [[Grand Canal (Venise)|grand Canal]] à hauteur de la [[basilique Santa Maria della Salute de Venise]].</center>]]
Au {{VIIIe siècle}}, Venise formait une agglomération multipolaire. Chacun sur leurs îlots ou leur bande de sable, [[Torcello]], le grand comptoir commercial, Cittanova et [[Malamocco]], où résidait le pouvoir politique, [[Rialto (Venise)|Rialto]] constituaient les principaux centres de la lagune. Peu à peu, les hommes, les richesses, les activités tendirent à se concentrer à Rialto, l'île au cœur de l'enclave aquatique. Parmi ses avantages, elle offrait un accostage facile pour les embarcations de grand tirant d'eau (Rialto vient de « Rivo Altus », la rive haute). Le commerce maritime s'en trouvait facilité. Au contraire, à cause d'une modification du cours des rivières qui se jettent au nord de la lagune, le Dese, le Sile, les autres îles connaissaient une sédimentation qui obstruait la navigation. La prééminence de Rialto fut renforcée en [[810]] par l'installation du chef de Venise, le [[Doge de Venise|doge]] [[Angelo Participazio]] alors que les troupes de [[Pépin d'Italie]] menacent la lagune après avoir franchi les [[Lido (Venise)|lidi]]. Ce fut donc progressivement que Rialto devint le centre de Venise<ref name="Hocquet">{{Article|auteur=[[Jean-Claude Hocquet]]|titre=697-1697 : Venise, les doges, l'empire, la République|périodique=GEO Histoire|date=mai-juin 2012|volume=|numéro=3|pages=|url texte=}}</ref>.

=== Émancipation ===
[[Fichier:Venice - St. Mark's Basilica – Lunetta 04.jpg|vignette|gauche|''La [[Translation (reliques)#Rituels liés aux reliques|receptio]]'' de saint Marc, {{s-|XIII}} s., [[basilique Saint-Marc de Venise]].]]
La chronique de Giovanni Diacono, chroniqueur du {{XIe siècle}}, raconte qu'au {{VIIe siècle}}, les Vénitiens élurent un doge (dux) pour les gouverner. L'historien Donald M. Nicol a montré que ce fait relève du mythe<ref>Donald M. Nicol, ''Byzantium and Venice. A Study in Diplomatic and Cultural Relations'', Cambridge University Press, 1992</ref>. En fait, le doge n'était pas un Vénitien élu par ses compatriotes mais un [[provéditeur (Venise)|provéditeur]] romain d'Orient, nommé par l'[[Exarchat|exarque]] de [[Ravenne]], dont Venise faisait partie.

Après la disparition de l'[[Empire romain d'Occident]] en [[476]], les Romains d'Orient assurèrent la défense de la [[péninsule italique]] et de Rome contre les [[Invasions barbares|Barbares]]. Mais au cours du haut Moyen Âge, ils tenaient de plus en plus difficilement leurs points d'ancrage : les [[Lombards]] les chassèrent de [[Ravenne]]. Menacé par d'autres ennemis venus du Nord et de l'Est, l'Empire d'Orient s'appuya de plus en plus sur la richesse et la [[Marineria veneziana|puissance navale croissante de Venise]]. D'un statut de « cité byzantine autonome », la ville lagunaire glissa vers une position d'alliée. Au {{s-|XI}}, elle finit par organiser elle-même des expéditions navales pour le compte de l'Empire. En récompense des victoires militaires, les marchands vénitiens obtinrent des privilèges commerciaux. L'appartenance à l'[[Italie byzantine]] s'avérait de plus en plus théorique.

En [[810]], la ville résista à [[Charlemagne]], empereur [[Francs|franc]] mais aussi roi des Lombards. C'est en [[814]] que les doges de Venise deviennent pleinement indépendants à la tête d'une république oligarchique, prospère [[thalassocratie]] de marchands et d'armateurs<ref>[[Edward Luttwak]], ''La grande stratégie de l'Empire byzantin'', 2009 Harvard University Press, trad. Odile Jacob 2010 {{p.|168}}</ref>.

Un [[mythe fondateur]] réinterprète ''[[a posteriori]]'' l'émancipation de Venise à l'égard de [[Byzance]] : en [[828]], [[Marc (évangéliste)#Saint Marc et Venise|saint Marc]], dont les reliques venaient d'[[Translation (reliques)|être ramenées]] d'[[Alexandrie]] par deux marins, remplaça [[Théodore Tiron|Théodore]] comme patron de la ville. Autrement dit, un saint qu'on pourrait qualifier de « [[Latin (homonymie)|latin]] » (bien qu'il ait fallu aller le chercher à [[Alexandrie]], en [[Égypte]]) remplaçait un saint « [[Grec (homonymie)|grec]] »<ref group=N>Selon l'historien [[Andrew Michael Chugg|Andrew Chugg]] dans son ouvrage ''Alexandre le Grand, le tombeau perdu'', Richmond Ed. 2004, {{ISBN |1-902699-63-7}}, il est possible que les reliques de saint Marc ne soient même pas celles de l'évangéliste, mais celles du conquérant antique [[Alexandre le Grand]] dont le [[Tombeau d'Alexandre le Grand|tombeau]] a toujours été l'objet de nombreuses spéculations, car la momie de saint Marc apparaît subitement à Alexandrie à la fin du {{s|IV}}, alors que tous les auteurs anciens affirment que sa dépouille a été brûlée vers la fin du {{s|I}}. Il y aurait eu confusion (voulue, selon ''History Today'' du {{1er}} juillet 2004) entre les deux tombeaux, la momie d'Alexandre le Grand étant désormais prise pour être celle de saint Marc, et vénérée comme telle. Puis, en 828, les vénitiens Rustico da Torcello et Buono da Malamocco l'enlèvent et l'emmènent à Venise, sous l'autel majeur de la [[basilique Saint-Marc]] où l'on trouve également plusieurs symboles [[Royaume de Macédoine|macédoniens]] en marbre incrustés dans les murs. Mais en l'absence d'expertises [[génétique]]s comparatives avec les ossements de la [[tombe de Philippe II de Macédoine]], aucune preuve concrète ne vient étayer l'hypothèse d'Andrew Chugg.</ref>, Venise devenant désormais une des capitales du [[Pentarchie|monde chrétien]], pouvant concurrencer [[Patriarcat d'Aquilée|Aquilée]] et même [[Rome]] qui disposait quant à elle des [[relique]]s de l'[[apôtre Pierre]]<ref>{{Ouvrage|auteur1=Guide Vert|titre=Venise|éditeur=Michelin Éditions des Voyages|année=2007|passage=143|isbn=}}</ref>.

== La ville médiévale ({{s-|IX|e}}-1500) ==
[[Fichier:Grand Procession of the Doge of Venice.png|redresse|vignette|Gravure de J. Amman ({{XVIe siècle}}) : ''Le Doge en procession à Venise.'']]

=== Organisation politique ===
Le gouvernement est entre les mains d'une [[oligarchie]] qui domine le grand conseil (''[[Maggior Consiglio]]'' institué en [[1172]]), un organisme de forme républicaine, qui élit le [[Doge de Venise|doge]]<ref group=N>Son nom vient du mot Duce [http://www.etimo.it/?term=doge Doge du latin ''Ducem'', ''duc'' ou ''duce'', en vénitien ''duse'', ''Dogaressa'' désigne la femme du doge]</ref> à vie.

Au cours de la séance du {{date|28 février 1297}}, dite ''[[Maggior Consiglio#La « Serrata » du Maggior Consiglio|Serrata del Maggior Consiglio]]'', seuls sont admis ceux qui ont siégé au cours des quatre années précédentes et les descendants de ceux qui en avaient fait partie jusqu'en 1172 : la charge des conseillers majeurs devient héréditaire (apparition de la noblesse vénitienne) ce qui par la suite, après une trêve politique, provoquera deux tentatives de coup d'État ([[Marin Bocconio]], [[1299]] ou [[1300]] et [[Bajamonte Tiepolo]], [[1310]]) de la part des « bourgeois » exclus après la lourde défaite militaire de [[Bataille de Curzola|Curzola]] le {{date-|8 septembre 1298}}<ref>{{Ouvrage|auteur1=Alessandro Fontana|auteur2=Georges Saro|titre=Venise, 1297-1797|sous-titre=La République Des Castors|éditeur=ENS Editions|année=1997|passage=55|isbn=|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=c8jjIRW5Eq8C&pg=PA55&dq=venise+%2B+1297+%2B+%22serrata%22}}</ref>.

Le [[conseil des Dix]] créé en [[1310]] était un comité exécutif et un tribunal spécial doté de pouvoirs exceptionnels, il assura la protection du pouvoir, ce fut un instrument de lutte politique et il fut même utilisé pour envoyer à l'échafaud le doge ([[Marino Faliero]] en [[1355]]). Ce conseil associé aux [[trois inquisiteurs d'État]] (institué en 1454 d'après [[Pierre Daru]]) avait institué un état policier où chaque personne suspectée de comploter contre l'État indépendamment de son rang social, était éliminée physiquement sans procès<ref>[https://books.google.fr/books?id=FaxMAAAAMAAJ Henri Léo : ''Histoire d'Italie pendant le Moyen Âge'', publié en 1838, page 502]</ref>.

Le Grec [[Georges de Trébizonde]] écrit en [[1451]] que les Vénitiens ont modelé leur constitution sur l’idéal de la ''[[République (Platon)|République]]'' de [[Platon]]<ref>{{Ouvrage | auteur1=Marie Gaille-Nikodimov | titre=Le gouvernement mixte : de l'idéal politique au monstre constitutionnel en Europe, {{sp-|XIII|-|XVII}} | lieu=Saint-Étienne | éditeur=Université de Saint-Etienne | année=2005 | pages totales=232 | isbn=978-2-86272-363-1 | lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=L89mNl-Oj5kC&pg=PA41}}</ref>. La ville, gouvernée avec ordre, connaît en effet peu de rivalité entre les nobles ni soulèvements populaires. <br />
La noblesse apparaît comme une élite solidaire, qui a peu de privilèges même si certaines charges lui sont réservées, et se fond par mariage à la classe marchande. <br />
Le clergé paye également des impôts et est contrôlé par l’État. Un [[Liste des patriarches de Venise|patriarche siège à Venise]] depuis 1451, choisi par le doge, ainsi que les chanoines de Saint-Marc. Les évêques sont élus par le Sénat. Celui-ci, le ''[[Consiglio dei Pregadi]]'', comprend alors {{nobr|120 membres}} élus, auxquels s’ajoutent le [[Quarantie|Conseil des Quarante]] et le ''[[Minor Consiglio|Consiglio Minor]]'', ou [[Seigneurie de Venise|Seigneurie]]. Ses attributions concernent essentiellement la politique étrangère, le choix des ambassadeurs, la défense de la république. <br />
La catégorie des citoyens (« originaires », si leur père et grand-père était déjà citoyens, ou « d’adoption spéciale par le Sénat » sur rapport préalable des avocats de la commune), aisée, n’a pas le droit d’exercer un métier « mécanique » (physique) et doit se consacrer au commerce ou bénéficie d’emplois réservés à la chancellerie ducale.<br />
Les artisans se regroupent par professions. Similaires aux ''[[arti]]'' florentins, les [[corporations]] sont appelées ''[[Liste des scuole de Venise|scuole]]''. Leur implication d'abord économique, puis politique, est aussi artistique par le soutien à certains artistes. Le premier grand imprimeur de la ville est [[Alde Manuce]], fondateur des [[Presses aldines]] en 1494.
<br />
Étroitement surveillé par l’État, mais rarement très pauvre, le peuple se révolte peu. Quelques esclaves demeurent, mais leur nombre est en constante diminution. Aux côtés des {{formatnum:100000}} vénitiens, vivent de nombreux autres groupes : [[Histoire des Juifs en Italie|Juifs]], rassemblés dans le [[ghetto]], qui portent à certaines périodes un ''O'' jaune sur leurs vêtements, Allemands autour du ''Fondado dei Tedeschi'', Albanais, nombreux Grecs fuyant la domination ottomane regroupés autour de Saint-Georges.

=== Une ville en chantier ===
Le grand commerce dynamisait l'agglomération qui connut par conséquent une forte expansion démographique. Il fallait donc conquérir sur la lagune. Les Vénitiens apportèrent de la terre, ils asséchèrent le sol, enfoncèrent des milliers de pieux pour servir de fondations aux bâtiments. Un réseau de canaux se dessina autour du principal d'entre eux : le ''Canal Grande''. Jean-Claude Hocquet évalue que 80 % ou 90 % de l'actuelle Venise est peut-être gagné sur l'eau<ref>« Venise. Les chantiers d'exception d'une cité bâtie contre l'eau », ''Cahiers de Sciences et Vie. Les racines du Monde'', {{n°|81}}, juin 2004, {{p.|42}}</ref>. On comprend donc l'expression de [[Pétrarque]] au {{XIVe siècle}} : une « cité très miraculeuse ».

Jusqu'à la fin du {{XIe siècle}}, Venise était une ville de bois hormis le [[Palais des Doges|palais du duc]] et quelques églises, mais des incendies ravageurs obligèrent à revoir les matériaux de construction. La brique l'emporta ensuite tandis que la pierre d'[[Istrie]] qui résiste à l'eau salée, occupaient les parties basses. La cité se composait d'une soixantaine de paroisses rassemblée depuis 1169 en six quartiers ou ''[[sestiere (Venise)|sestieri]]'' symbolisés par les six dents que porte la proue des gondoles (San Marco, Cannaregio, Castello, Dorsoduro, San Polo, Santa Croce).

La municipalité intervint par des règlements pour encadrer l'évolution urbaine, jusque-là anarchique. Les alignements de façade devaient être respectés. En [[1224]], un organisme chargé d'entretenir les canaux fut créé. On entreprit également de bonifier l'îlot de ''[[Giudecca]] nuova''.
[[Fichier:Venise_et_ses_territoires.png|vignette|Les villes, territoires et aires d'influence de la république vénitienne, avec les trois entités administratives : le [[Dogado|Dogat]] (''Dogado''), les [[Domini di Terraferma|Domaines de la Terre ferme]] (''Domini di Terraferma'') et l'[[Stato da Màr|État de la Mer]] (''Stato da Màr'').]]
=== La capitale d'un empire maritime ===
Venise est considérée depuis le {{s-|XI|e}} comme la plus grande puissance économique de Méditerranée. Conduite par son [[doge]] et ses grandes familles marchandes, Venise s'est peu à peu imposée comme le principal intermédiaire commercial entre l'Orient, dominé par les cultures musulmane et byzantine, et le monde occidental dominé par les cultures germanique et catholique<ref>{{Lien web |auteur=Annick Peters-Custot |titre=Les marchands et négociants vénitiens, acteurs de l’empire de Venise |url=https://ehne.fr/fr/encyclopedie/thématiques/l’europe-et-le-monde/les-routes-du-commerce-européen%C2%A0/les-marchands-et-négociants-vénitiens-acteurs-de-l’empire-de-venise |site=Encyclopédie d'histoire numérique de l'Europe - EHNE |date=mis en ligne le 08/09/20 |consulté le=28/04/24}}</ref>. Au {{XIVe siècle}}, elle et [[République de Gênes|Gênes]] régnaient sur le commerce de la [[Mer Méditerranée|Méditerranée]].

Cette place de quasi-monopole fut acquise, entre autres, grâce à l'aide apportée à l'[[Empire byzantin]] dans ses guerres contre les puissances [[slaves]] telles que les [[Premier Empire bulgare|Bulgares]]. Cette situation changea en 1171 lorsque l'empereur byzantin [[Manuel Ier Comnène|Manuel {{Ier}}]] fit saisir toutes les possessions des Vénitiens sur son territoire et concéda les droits d'escale jusque-là vénitiens, à leurs rivaux [[République de Gênes|génois]].

Venise prit sa revanche en prenant une part active à la [[quatrième croisade]] ([[1202]]-[[1204]]). Elle avait assuré le transport par mer des Croisés, avait conquis grâce à leur aide militaire de multiples [[comptoir]]s sur la route de l'Orient ([[Zadar|Zara]], [[Corfou]]...) et enfin avait participé au [[Siège de Constantinople (1204)|pillage de Byzance]] et à la partition son empire. Les quatre chevaux dorés qui ornent aujourd'hui la [[Basilique Saint-Marc de Venise|basilique Saint-Marc]] proviennent du butin ramené de l'ancienne Constantinople. Cette victoire changea profondément les rapports de forces dans cette partie de la Méditerranée, les nobles vénitiens (officiers de marine ne pouvant avoir de grands fiefs à Venise) en profitant pour se constituer, comme les Génois, un empire insulaire avec des possessions telles que le duché de Crète, le duché de Naxos (les [[Cyclades]]) ou encore les [[îles Ioniennes]] (plus des [[Comptoir|comptoirs commerciaux]] en mer Noire et en Méditerranée orientale)<ref name="Hocquet"/>. Il en résulta un affaiblissement irrémédiable de l'[[Empire byzantin]], dont profitèrent les [[Période des beylicats|émirs, beys et sultans turcs]] qui finiront par substituer leur [[Empire ottoman|empire musulman]] à l'Empire romain chrétien d'Orient.

Dans la seconde moitié du {{s-|XIII|e}}, Venise, avec environ {{nombre|100000|habitants}}, figurait avec [[Paris]], [[Pise]], [[Milan]], [[Florence]], [[Gênes]] et [[Gand]] parmi les plus grandes villes d'Europe occidentale. Elle se trouvait à la tête d'un État, certes de petite taille mais indépendant : la [[république de Venise]].

L'expansion s'appuie sur la [[Histoire des bourses de valeurs#Venise, première place pour l'échange de parts dans des navires|''Bourse du Rialto'']], où s'échangent des parts de navire, d'où l'augmentation de la flotte commerciale et la quadruplement de la superficie de l'[[Arsenal de Venise]], mené par les autorités de la ville. La puissance navale des Vénitiens s'appuyait notamment sur ses [[Galère (navire)|galères]]. En [[1325]], débutèrent les travaux d'agrandissement de l'Arsenal d'où sortaient ces bateaux<ref group=N>Le nouveau bassin qui fut créé pouvait accueillir 80 galères en construction.</ref>.

À partir du {{XIIIe siècle}}, les rives du ''[[Grand Canal (Venise)|Canal Grande]]'' se peuplèrent de belles demeures, les ''casa'' des notables. [[Philippe de Commynes]], le conseiller du roi de France [[Louis XI de France|Louis XI]] resta admiratif devant ce spectacle. Pour lui, Venise est « la plus triomphante cité que j'ai jamais vue » et le ''Canal Grande'' « ''la plus belle rue que je croy qui soit en tout le monde et la mieux raisonnée'' ».

Bien qu'à l'époque personne ne pût le deviner, la montée en puissance des [[Ottomans]] en Orient et la [[Découverte et exploration de l'Amérique|découverte de l'Amérique]] en 1492 signifiaient à terme la fin de Venise en tant que grande puissance commerciale, et de transfert progressif du centre des échanges avec le reste du monde de la Méditerranée vers l'Europe [[atlantique]].

=== La rivalité avec Gênes ===
[[Image:Venise et Gênes.jpg|vignette|Les thalassocraties [[méditerranée]]nnes rivales de [[République de Venise|Venise]] (jaune) et de [[République de Gênes|Gênes]] (rouge) au {{XVe siècle}}.]] 
La rivalité historique avec Gênes avait pour origine la concurrence entre les [[République maritime|républiques maritimes]] pour le contrôle des routes commerciales avec l'Orient, et en Méditerranée. Si, avec [[Pise]], la république de Venise réussit, à plusieurs reprises, à trouver des accords de partition de zones d'influence, avec Gênes, les rapports étaient moins cordiaux.

Au {{XIIIe siècle}}, les hostilités se limitaient à la [[Corsaire|guerre de course]]. Vers [[1218]], les républiques de Venise et de Gênes s'accordèrent pour mettre fin à cette situation, Gênes obtenant la garantie de la liberté de trafic vers les terres du [[Levant (Proche-Orient)|Levant]].

Les deux républiques s'affrontèrent violemment au cours de la seconde moitié du {{XIIIe siècle}}, au cours de la [[guerre de Saint-Sabas]].

Venise poursuivit la lutte pour la maîtrise des routes commerciales ; après une [[Bataille de Porto-Longo|défaite à Portolungo]] ([[1354]]), les hostilités reprirent en [[1376]] pour la conquête de l'île de [[Ténédos]], importante place stratégique à l’entrée du [[détroit des Dardanelles]]. Après des victoires alternées, la [[Traité de Turin (1381)|paix de Turin]] ([[1381]]) conclut, en apparence, la [[guerre de Chioggia]] : Ténédos resta byzantine et ne fut remise à aucun des belligérants. En fait, Gênes, qui n'avait pas réussi à chasser sa rivale du commerce avec l'Orient, se trouva engagée dans une période de luttes intestines qui compromit sa puissance. Venise, au contraire, réussit à maintenir la cohésion de son empire ; si elle ne gagnait pas la guerre, elle gagnait la paix. La [[chute de Constantinople]] aux mains des [[Empire ottoman|Ottomans]] de [[Mehmed II]] ([[1453]]) révéla qui était devenu la première puissance navale de la Méditerranée orientale, et contraignit les deux républiques maritimes à chercher d'autres voies de développement. Gênes la trouva dans la finance internationale, Venise dans l'expansion terrestre.

== De la Renaissance au déclin ==
=== L'époque des villas vénitiennes ===
Au cours des dernières décennies du {{XIVe siècle}} et au début du {{XVe siècle}}, Venise, administrée par une petite caste militaire et des commerçants, réussit à conquérir l'entre terre italien, déplaçant ainsi son centre un peu plus vers l'occident.

À la suite de cette conquête, afin d'assurer un meilleur contrôle du territoire, de nombreux membres de la noblesse en prirent possession. L'épisode de [[Catherine Cornaro]], veuve du roi de [[Chypre (pays)|Chypre]], est exemplaire : elle cédait à Venise, à perpétuité, l'île méditerranéenne et ses droits dynastiques ; en échange, la [[République de Venise|Sérénissime]] lui concédait le duché d'[[Asolo]], afin qu'elle pût finir ses jours d'une façon digne de son rang de reine. Sous les collines assoles, la noble dame fit construire une fastueuse villa avec un parc, composé de plusieurs bâtiments et richement décoré suivant le goût de l'époque. La reine de Chypre y accueillit de nombreux écrivains et artistes.

Beaucoup d'autres familles patriciennes, à la fin du {{XVe siècle}} et pendant tout le {{XVIe siècle}}, s'installèrent dans les nouveaux territoires, menant une activité agraire, à la façon de véritables colons. C'est ainsi que naquit la ''[[villa veneta]]'', formé d'un corps central - en général haut, mais de proportion raisonnable - destinée à accueillir le propriétaire et sa famille. Le noyau de l'habitation patronale disposait à proximité de dépendances pour les paysans, d'entrepôts pour les récoltes et de remises pour les outils.
[[Fichier:VillaPalladioVersVeniseItalie021028.jpg|vignette|La [[Villa Rotonda|Villa Capra dite Villa Rotonda]], près de [[Vicence]].]]
Au cours du {{XVIe siècle}}, sous l'impulsion d'[[Andrea Palladio]] et surtout à proximité de [[Vicence]], les ''villa veneta'' constituent de véritables œuvres d'art. Autour de Venise, le long des voies de communication qui mènent à [[Padoue]] et à [[Trévise]], des villas sont édifiées côte à côte, qui rivalisent de beauté.

À la fin du {{s-|XVI}}, selon [[Jean Delumeau]], on comptait à Venise "plus de 100 palais, plus de 120 églises, 17 hôpitaux, 450 ponts (...) Entre 1509, où la ville comptait {{nombre|100000|habitants}}, et 1575, ce sont {{nombre|75000|habitants}} supplémentaires qu'il a fallu loger"<ref> Jean Delumeau, ''Rome au {{s-|XVI}}'', Hachette Littératures, 1975, {{p.|84}}. Le nombre de ponts doit être relativisé, souligne l'auteur, car beaucoup étaient sans doute de simples passerelles.</ref>. De nombreuses constructions monumentales étaient dues à l'architecte [[Jacopo Sansovino]].

=== L'expansion dans la plaine padano-vénitienne ===
Initialement, la politique continentale de Venise restait orientée vers un équilibre des ambitions des diverses [[Commune (Moyen Âge)|communes]] et des ''[[Signoria|signorie]]'' du centre et du nord de l'Italie (dont les cités de [[Bergame]], [[Brescia]], [[Vérone]], [[Padoue]], [[Trévise]] et [[Udine]]). La sérénissime avait acquis, par la diplomatie et la guerre, la domination sur les petits territoires de l'entre-terre vénitien qui étaient nécessaires au commerce et à l'augmentation des revenus gouvernementaux. Ses intérêts concernaient surtout l'expansion maritime.

À la fin du {{XIVe siècle}}, après le traité de Turin, pour empêcher les visées expansionnistes du [[duché de Milan]], Venise engagea des [[mercenaire]]s commandés par des capitaines comme Gattamelata ([[Gattamelata|Erasmo da Narni]]) ou Carmagnola ([[Francesco Bussone da Carmagnola|Francesco Bussone]]), reprenant l'expansion sur la terre ferme sous les ordres du doge [[Francesco Foscari]] ([[1423]]-[[1457]]). Venise conquit une partie des territoires lombards.

Pour s'opposer à la puissance milanaise, Venise réussit à trouver un accord avec [[Florence]] ([[1425]]), qui petit à petit s'amenuisait en raison de la diversité des intérêts. En [[1427]], la [[république de Venise]] remporte la [[Bataille de Maclodio]] contre le [[duché de Milan]].

En [[1433]] ([[Paix de Ferrare (1433)|paix de Ferrare]]), [[Philippe Marie Visconti]] fut obligé de céder [[Brescia]] et [[Bergame]] et avec la [[Histoire de Crémone|paix de Crémone]] ([[1441]]) il fut obligé de céder d'autres terres, en raison des actions menées par le capitaine [[Scaramuccia da Forlì]]. Avec la [[paix de Lodi]] ([[1454]]) [[Francesco Sforza|François Sforza]] reconnut la frontière vénitienne de l'[[Adda]] qui resta inchangée pendant des siècles. Venise eut à cette occasion à son service le [[condottiere]] [[Bartolomeo Colleoni]], comme capitaine général, qu'elle honora avec le monument équestre du [[Andrea del Verrocchio|Verrocchio]].

Au sommet de sa puissance, Venise contrôlait une grande partie de la côte de l'[[Mer Adriatique|Adriatique]], beaucoup d'îles de la [[mer Égée]], [[Crète]] incluse, et une grande partie des comptoirs commerciaux du [[Moyen-Orient]]. Le territoire de la république dans la péninsule s'étendait jusqu'au [[lac de Garde]], le fleuve [[Adda]] et même [[Ravenne]], qui lui permettait d'influencer la politique des villes de la [[Romagne (Italie)|Romagne]], par exemple en soutenant, en [[1466]], la prise de pouvoirs de [[Pino III Ordelaffi]] à [[Forlì]], ville sur laquelle Venise ne réussit jamais à avoir un contrôle direct. En 1499, le chroniqueur [[Marino Sanuto le Jeune|Marin Sanudo]], écrit qu'à Venise « tout le monde est riche »<ref>Cité par Pierre Milza, ''Histoire de l'Italie'', Fayard, 2005, {{p.|437}}.</ref>.

Au début du {{XVIe siècle}}, la république était une des principales puissances européennes<ref>{{harvsp|René Guerdan|1971|p=140}}</ref> et la richesse du commerce, l'habileté de la diplomatie et des commandants militaires et une bonne administration la plaçait à un niveau supérieur à ceux des autres États de l'époque. Elle est cependant menacée par l'Empire ottoman de [[Bajazed II]] sur ses possessions orientales. Elle perd [[Naupacte|Lépante]] en 1499 et d'autres comptoirs dans le [[Péloponnèse]]. Elle résiste grâce à l'alliance conclue avec la papauté et le [[royaume de Hongrie]], mais doit conclure la paix en 1502 avec l'empire Ottoman en cédant [[Durrës|Durazzo]] et les comptoirs du Péloponnèse contre de nouvelles capitulations commerciales<ref>[[Jean-Michel Sallmann]], ''Géopolitique du {{s-|XVI}} (1490-1618)'', (Nouvelle histoire des relations internationales, tome 1) , Paris, Le Seuil, "Points histoire", 2003 {{p.|73-74}}</ref>. Venise conservait encore la Crète et Chypre, mais se voyait supplantée en [[Bassin Levantin|Méditerranée orientale]] par la [[Marine ottomane|flotte ottomane]].

=== Les guerres d'Italie ===
L'élargissement territorial de la Sérénissime entra en opposition avec les intentions expansionnistes du pape [[Jules II]].
[[Louis XII de France|Louis XII]], [[Maximilien Ier du Saint-Empire|Maximilien]] d’Autriche et le nouveau pape Jules II (Julien della Rovere) s'unissent le {{date|22 septembre 1504}} par le [[Traité de Blois (1504)|traité de Blois]] dirigé contre la Sérénissime.

Face à cette triple alliance, le gouvernement de Venise temporisa, mais inutilement : car ce fut Jules II qui débuta les hostilités. Le pape alors se désista, craignant la supériorité militaire vénitienne. En [[1508]], l'empereur Maximilien d'Autriche entra dans le [[Province autonome de Trente|Trentin]], et les milices vénitiennes de [[Bartolomeo d'Alviano]] le repoussèrent, l'obligeant à demander une trêve. Cette victoire de Venise contribua à compléter son isolement.
[[Fichier:Northern Italy in 1494.png|vignette|redresse|Carte de l'Italie du Nord en 1494.]]
Le {{date|10 décembre 1508}}, la [[ligue de Cambrai]] unifia le pape Jules II, le roi de France Louis XII, l'empereur Maximilien, le roi [[Ferdinand II d'Aragon]], l'[[Angleterre]], la [[Savoie]] [[Mantoue]] et [[Ferrare]], tandis que Florence restait neutre, occupée comme elle l'était à faire plier la résistance de Pise. Battue par les ennemis étrangers et italiens, abandonnée par les nobles et les riches bourgeois des villes de la terre ferme, la république connut des jours difficiles.

À la bataille d'[[Bataille d'Agnadel|Agnadel]], le {{date|14 mai 1509}}, les Vénitiens furent durement battus par les Français<ref>{{harvsp|René Guerdan|1971|p=124}}</ref> à cause de la décision du sénat de diviser l'armée entre [[Bartolomeo d'Alviano]] et [[Niccolò di Pitigliano]], le premier impétueux, le second prudent. les Français attaquèrent l'arrière-garde commandée par Bartolomeo d'Alviano qui ne fut pas soutenu pas le comte de Pitigliano. La population locale et les paysans se rebellèrent contre le gouvernement étranger ; et à [[Trévise]], après que le peuple sut l'intention de la noblesse locale de céder la ville aux Français, un fourreur du nom de Marco Caligaro souleva le peuple aux cris de « Viva San Marco » et demanda des renforts au camp de [[Mestre (Venise)|Mestre]] qui lui envoya {{nobr|700 fantassins}}. La république contre-attaqua et reconquit Padoue, avec l'aide du peuple qui n'acceptait pas le gouvernement impérial qui était assisté de quelques centaines de fantassins et d'une cinquantaine de cavaliers. Maximilien envoya une armée de {{nombre|30000|hommes}} à la conquête de Padoue, mais la ville était prête au siège : à l'intérieur, de nombreux nobles vénitiens étaient présents, parmi lesquels les deux fils du doge, soutenus par plusieurs milliers de fantassins et de cavaliers, avec grande quantité de vivres, de munitions et d'artilleries. L'armée impériale fut battue, provoquant une grande joie à Venise.

La domination française sur le nord de l'Italie, conséquence de la bataille, fut ressentie comme une menace par Jules II, qui signa la paix avec les Vénitiens. En [[1511]] Venise entra avec l'Angleterre, l'Espagne et l'Empire dans la [[Ligue catholique (Italie)|Sainte Ligue]] voulue par le pape contre la France. La ligue contraignit au retrait l'armée française. Maximilien réclama la possession de la Vénétie si elle ne lui payait pas un tribut de {{formatnum:200000}} florins, suivi d'une rente annuelle de {{formatnum:30000}} florins. Le pape essaya de convaincre les Vénitiens d'accepter la demande de l'empereur. La république refusa, et se rapprocha de la France - ceci afin de chasser les impériaux de Vérone et de la Lombardie vénitienne, encore sous domination impériale.

Quand le {{date|23 mars 1513}}, à [[Blois]], fut signé un traité entre Louis XII et la république, l'armée de la ligue conquit tous les territoires du [[duché de Milan]], mais une sortie des [[Suisse]]s lors du [[Bataille de Novare (1513)|siège de Novare]] détruisit l'armée française, qui fut obligée de se retirer. La guerre fut menée sans vigueur par les vassaux de l'Empereur : une guerre faite de saccages et de sièges de petits châteaux. Les milices impériales commandées par Cristoforo Frangipane, connues pour leur cruauté, torturant et mutilant les paysans et les civils, conduisirent la Sérénissime à autoriser les Frioulans à se rendre, afin de ne pas subir le sort qu'ils craignaient tant. À [[Osoppo]], Girolamo Savorgnan refusa de se rendre à Frangipane, lequel assiégea la forteresse ; ce qui permit à l'armée vénitienne, commandée par Bartolomeo d'Alviano, de rejoindre Osoppo et d'anéantir l'armée allemande, capturant Frangipane, puis reconquérant le Frioul.

Les Vénitiens se tinrent sur la défensive ; mais en [[1514]], le pape [[Léon X]] à peine élu fit la paix avec la France, l'Espagne et l'Empire. L'unique guerre qui se poursuivait était ainsi celle qui opposait Maximilien à Venise. À la fin des [[guerres d'Italie]], Venise avait consolidé ses territoires, mais se trouvait encerclée par les puissances continentales (l'Espagne dans le duché de Milan, l'Empire des [[Habsbourg]] au nord, l'[[Empire ottoman]]), qui lui interdisaient toute nouvelle expansion - et qui, dans le cas de l'Empire Ottoman, représentait une menace pour les possessions maritimes.

[[Fichier:Repubblica di Venezia.png|centré|upright=2|vignette|Territoires de la république de Venise au {{XVe siècle}} et {{XVIe siècle}}.]]

=== La crise ===
Bien que la population de la ville ait été en majorité catholique, l'État resta laïc et caractérisé par une extrême tolérance envers les autres religions : il n'y eut aucun « acte d'hérésie » pendant la période de la [[Contre-Réforme]]. Cette attitude indépendante et [[Laïcité|laïque]] la mettait en opposition avec les [[États pontificaux]], et ce fut [[Paolo Sarpi]] qui défendit la laïcité de l'État vénitien contre les prétentions hégémoniques de la papauté.

La perte de l'importance des routes méditerranéennes au profit des nouvelles voies commerciales atlantiques (ouvertes par les Espagnols et les Portugais depuis la [[Découverte et exploration de l'Amérique|découverte de l'Amérique]] par le Génois [[Christophe Colomb]]) ainsi que l'ouverture maritime vers les Indes, par le [[cap de Bonne-Espérance]], permirent les voyages d'exploration, et la colonisation des continents hors d'Europe, qui signèrent le déclin du commerce vénitien, situation aggravée, du reste, par l'avancée continue de l'[[Empire ottoman]].

En 1571, après le long [[siège de Famagouste]], [[Chypre (île)|Chypre]] fut perdue. Au cours de cette même année, en réaction, lors de la [[bataille de Lépante]], la flotte chrétienne, commandée par [[Don Juan d'Autriche]] et composée de navires espagnols, vénitiens, génois, pontificaux et des [[Ordre souverain militaire et hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte|chevaliers de Malte]] vainquit la flotte ottomane<ref>{{harvsp|René Guerdan|1971|p=132}}</ref>. En [[1669]], après la sanguinaire [[Siège de Candie|guerre de Candie]], qui dura vingt ans et laissa Venise exsangue malgré le soutien de la France, les Turcs prirent Candie<ref>Pierre Daru : ''Histoire de la République de Venise'' 1853 page 214 à 219</ref> (en grec [[Héraklion]]), acquérant ainsi le contrôle complet de la [[Crète]]. Dans la période qui suivit (1683-1687) et sous le commandement de [[Francesco Morosini]], les Vénitiens réussirent à conquérir la Morée (l'actuel [[Péloponnèse]]), au cours de la [[guerre de Morée]]. Ils la reperdirent cependant en 1718.

=== La capitale culturelle : la seconde vie de Venise (1500-1797) ===
[[image:Albrecht Dürer 055.jpg|thumb|[[Albrecht Dürer]] : ''Le Lion de saint Marc'', miniature à la gouache sur parchemin, Venise, 1494, Kunsthalle, Hambourg.]]
Durant le dernier quart du {{s-|XVI}}, Venise s'est appauvrie. Comme souligne Pierre Milza, "gêné par l'insécurité des mers, par la perte d'une partie de l'Empire, par la crise des épices et du poivre, par la concurrence génoise, le capitalisme vénitien tend à se reconvertir dans les activités manufacturières, notamment dans l'industrie lainière. Il se tourne surtout vers les investissements fonciers et immobiliers en Terre ferme"<ref>Pierre Milza, ''Histoire de l'Italie'', Fayard, 2005, {{p.|438}}.</ref>. Si l'[[Arsenal]] émerveillait toujours les spectateurs avec ses {{nombre|2000|ouvriers}} et ouvrières et son système de production intégré, la Sérénissime n'était plus le centre du monde. Venise abritait désormais une aristocratie de rentiers.

Décadente économiquement, la ville se révéla au contraire « vivante, saine, brillante sur le plan de l'esprit, triomphante encore et rendez-vous encore de l'Europe »<ref>[[Fernand Braudel]], « Venise », Fernand Braudel (dir.), ''La Méditerranée. L'espace et l'histoire. Les hommes et l'héritage'', Flammarion, 1986, {{p.|317}}</ref>. Elle connut un bouillonnement culturel favorisé par les commandes artistiques des familles patriciennes et des confréries religieuses. De célèbres artistes y naquirent ou s'y installèrent. [[Albrecht Dürer]] vint y consulter [[Giovanni Bellini]] de l'automne 1494 au printemps 1495. La peinture fut représentée par [[Titien]] ([[1485]]-[[1576]]), la dynastie des [[Bellini (famille)|Bellini]], [[Le Tintoret]] et [[Paul Véronèse|Véronèse]] (né à [[Vérone]] mais établi à Venise en 1556). L'architecte [[Andrea Palladio]] ([[1508]]-[[1580]]), originaire de Padoue mais installé à Venise, conçut plusieurs demeures dans le [[style Renaissance]]. Le dynamisme toucha aussi la musique avec des figures telles que [[Gabrieli]], [[Claudio Monteverdi|Monteverdi]], [[Antonio Vivaldi|Vivaldi]].

Une loi de [[1646]] permet de monnayer auprès de la cité le statut de [[Liste de familles nobles de Venise|patricien]]. Les nouveaux nobles fortunés purent financer de somptueuses résidences et faciliter le travail de nombreux artistes jusqu'au {{s-|XVIII}}. Les arts sont représentés par Le [[Giovanni Antonio Canal|Canaletto]] mort en [[1768]], [[Pietro Longhi]], mort en [[1785]] et [[Francesco Guardi]] mort en 1793. [[Giambattista Tiepolo]] décora de nombreux palais comme ceux de l'éditeur Baglioni, de [[Labia]], célèbre pour ses banquets, puis des [[Famille Sandi|Sandi]] et des [[Zenobio]]<ref>{{article |langue=français |auteur=Françoise Monnin|titre=De Würzburg à Venise avec Tiepolo|sous-titre =|périodique= Connaissances des arts|volume=|numéro=608|jour= |mois=Septembre|année=2003|pages=83|lire en ligne=}}</ref>. Dans la littérature on trouve le librettiste [[Apostolo Zeno]], [[Carlo Goldoni]], les frères Gasparo et de [[Carlo Gozzi]].

Parallèlement, Venise s'étourdissait dans la fête. Il y avait bien sûr le [[Carnaval de Venise|carnaval]] qui durait six mois de l'année<ref group=N>Exception du carême et de l'avent</ref>. En fait, tout était prétexte à des festivités : théâtre, concerts, fêtes publiques, fêtes des saints patrons, anniversaires, baptêmes ou mariages, réception d'illustres étrangers<ref>[[Fernand Braudel]], "Venise", [[Fernand Braudel]] (dir.), La Méditerranée, l'espace et l'histoire, Flammarion, France Loisirs, p.319</ref>. La [[Mariage avec la mer|fête de la Sensa]] au cours de laquelle le doge épousait symboliquement la mer marquait surtout les visiteurs. Venise inaugura les premiers théâtres publics d'[[Opéra (musique)|opéra]].

Un recensement compte {{formatnum:149500}} Vénitiens en [[1760]].

Au {{XVIIIe siècle}}, Venise est une des villes les plus raffinées d'[[Europe]], avec une forte influence sur l'[[art]], l'[[architecture]] et la [[littérature]]. Son territoire se compose de la [[Vénétie]], du [[Frioul]], de l'[[Istrie]], la [[Dalmatie]], [[Kotor]], une partie de la [[Lombardie]] et les [[Îles Ioniennes]].

== Venise contemporaine ==
=== Venise entre la France et l'Autriche (1797-1814) ===
[[Fichier:Prise de Venise par Napoléon en mai 1797, Musée de la Révolution française - Vizille.jpg|vignette|Prise de Venise par Napoléon en {{date-|mai 1797}} ([[musée de la Révolution française]]).]]
Le général [[Napoléon Ier|Bonaparte]] conquit l’Italie au cours de la [[campagne d'Italie (1796-1797)|campagne d'Italie]]. Le [[Directoire]] avait ordonné de déstabiliser la république de Venise, de la dépouiller sans la renverser et de lui demander la capitulation, mais Bonaparte, outrepassant les ordres, s'empara de la ville pour récupérer sa marine bien équipée et alimenter les caisses de l'armée d'Italie mal nourrie et mal équipée. Le {{date-|15 novembre 1796}}, il pénétra dans l'Arsenal de Venise. Puis le général réclama à la ville un prêt d'un million de francs-or par mois pendant six mois, avec la promesse de le rembourser une fois la guerre finie, mais essuya un refus<ref>{{Ouvrage|auteur1=Amable de Fournoux|titre=Napoléon et Venise|sous-titre=1796-1814|éditeur=Fallois|année=2002|passage=83|isbn=}}</ref>. Il profita alors de l'incident des [[Pâques véronaises]] pour déclarer la guerre à la république vénitienne le {{Date|1|mai|1797}}, envahir les États de Venise et exiger l'abandon du pouvoir par l'aristocratie de Venise, une cinquantaine de grandes familles monopolisant le pouvoir et la plupart des richesses dans un système [[clientélisme|clientéliste]]. Après {{nombre|1070|ans}} d'indépendance, le {{date|12 mai 1797}} la ville se rendit à [[Napoléon Ier|Napoléon Bonaparte]]. Le doge [[Ludovico Manin]] fut obligé d'abdiquer, le conseil major fut dissous et le gouvernement provisoire de la municipalité de Venise fut proclamé. C'était la fin de l'indépendance, Venise étant jusque-là le seul territoire italien à ne jamais avoir été occupé par des puissances étrangères. Napoléon fut cependant perçu comme une sorte de libérateur par les fractions pauvre et [[Histoire des Juifs de Venise|juive]] de la population vénitienne. Napoléon supprime en effet les barrières du [[Ghetto de Venise|Ghetto]] ainsi que les restrictions de circulation imposées aux Juifs.

Les Français emportèrent le tableau de [[Paul Véronèse|Véronèse]], ''[[Les Noces de Cana (Véronèse)|les Noces de Cana]]'', ainsi que le quadrige de [[Chevaux de Saint-Marc|chevaux de bronze]]<ref group=N>Les chevaux sont restitués en 1815 tandis que les ''Noces de Cana'' sont toujours au [[musée du Louvre]].</ref>, la flotte commerciale confisquée et envoyée en France, le [[Bucentaure (bateau vénitien)|Bucentaure]], véritable œuvre d'art, fut brûlé pour en récupérer l'or. Bonaparte appliqua la même politique que dans toutes les régions conquises : service militaire obligatoire, impôts importants pour soutenir l'effort de guerre.

Le domaine vénitien comprenant la [[Vénétie]], le [[Frioul]], l'[[Istrie]], la [[Dalmatie]], [[Bouches de Kotor|Cattaro]], [[Durrës|Durazzo]] et les [[îles Ioniennes]] passa, au [[traité de Campo-Formio]], le {{date|17 octobre 1797}}, sous occupation [[Empire d'Autriche|autrichienne]], à l'exception des îles Ioniennes, [[Départements français de Grèce|attribuées à la France]] pour devenir peu après la quasi-indépendante [[république des Sept-Îles]]. Les Autrichiens entrèrent dans Venise le {{date-|27 juin 1798}}, ce qui mit fin à la municipalité provisoire de Venise. L'empereur [[François Ier (empereur d'Autriche)|François II d'Habsbourg-Lorraine]] rassembla la Vénétie et le Frioul pour former la « Province Vénitienne d'Autriche ». Les retombées en termes de poids économique et politique sur la ville furent considérables. En Vénétie et au [[Frioul]], cette domination fut interrompue entre [[1806]] et [[1814]] par un [[Royaume d'Italie (1805-1814)|nouvel État-satellite]] de l'Empire français, le reste du domaine vénitien comprenant l'[[Istrie]], la [[Dalmatie]] et [[Bouches de Kotor|Cattaro]] formant les [[provinces illyriennes]] françaises. À Venise même, Napoléon mena de grands travaux (Palais royal, Arsenal, jardins publics appelés depuis {{Lien|langue=it|trad=Giardini Napoleonici|fr=jardins napoléoniens}}, via Garibaldi, création du cimetière)<ref>{{Ouvrage|auteur1=Amable de Fournoux|titre=Napoléon et Venise|sous-titre=1796-1814|éditeur=Fallois|année=2002|passage=398|isbn=}}</ref>.

=== Venise autrichienne (1814-1866) ===
En [[1815]] le [[congrès de Vienne]] rattacha l'ensemble du domaine vénitien à l'empire d'Autriche. La partie occidentale, Vénétie et Frioul, entra dans le [[Royaume de Lombardie-Vénétie]], le reste forma les provinces maritimes de l'Autriche. La montée du sentiment national pro-italien culmina lors de la mise en place d'une [[République de Saint-Marc|république]] lors des [[première guerre d'indépendance italienne|mouvements révolutionnaires]] des années [[1847]]-[[1849]] conduite par [[Daniele Manin]]. Mais la répression rétablit la domination autrichienne. 

Les Habsbourg-Lorraine se maintinrent en Vénétie jusqu'en [[1866]], jusqu'à leur défaite contre la [[Prusse]] ([[Alliance italo-prussienne|alliée de l'Italie]]) dans la [[guerre austro-prussienne]]. L'armistice prévoyait la cession de la Vénétie à la France qui la rétrocéda à son tour au [[Royaume d'Italie (1861-1946)|royaume d'Italie]]. Le {{date-|21 octobre 1866}}, lors d'un plébiscite, les Vénitiens entérinèrent leur rattachement à l'Italie à une très large majorité. Deux semaines plus tard [[Victor-Emmanuel II]] faisait une entrée triomphale dans la ville{{sfn|Bec|1993|p=101}}.

En revanche, l'Autriche conserva l'[[Istrie]], la [[Dalmatie]] et [[Bouches de Kotor|Cattaro]] jusqu'en [[1918]].

=== Venise dans l'Italie unifiée ===

La Vénétie constitua une des régions de plus fortes [[Diaspora italienne|émigrations]], on estime à quatre millions le nombre de personnes qui émigrèrent de 1876 à 1915.

Le peintre américain [[John Singer Sargent]] a fait deux séjours à Venise entre 1880 et 1882. Il y a réalisé des études sur la population locale et les coins pittoresques de la ville et met l'accent sur les habitants les plus humbles de la ville<ref>{{Lien web |langue=en |titre=Venetian Oinion seller |url=https://www.museothyssen.org/en/collection/artists/sargent-john-singer/venetian-onion-seller |site=Musée Thyssen-Bornemisza |consulté le=12 Mars 2022}}</ref>.

<gallery style="text-align:center" mode="packed" heights="170px" caption="Venise par [[John Singer Sargent]]">
John Singer Sargent - Street in Venice (1882).jpg|<center>''Une rue de Venise'', 1880-1882,<br>[[National Gallery of Art]], [[Washington (district de Columbia)|Washington]].</center>
John Singer Sargent - Venetian Onion Seller.jpg|<center>''Vénitienne vendeuse d’oignons'', 1882,<br>[[Madrid]], [[musée Thyssen-Bornemisza]].</center>
</gallery>

Lors de la [[Première Guerre mondiale]], l'Italie déclare la guerre à l'Autriche-Hongrie en mai [[1915]] après bien des hésitations. Le conflit s'est principalement déroulé sur les terres vénitiennes, dans un déluge de feu et de fer qui a détruit les récoltes, les animaux, les maisons et les hommes. Le territoire a été dévasté, l'agriculture anéantie pour des années.
[[Fichier:Italian Front 1915-1917.jpg|vignette|Front italien pendant la Première Guerre mondiale.]]
Venise a été décorée le {{date-|24 avril 1920}} de la [[Croix de guerre 1914-1918 (France)|croix de guerre 1914-1918]]<ref>[http://memorialdormans.free.fr/AlbumCeremonies11-11-2009/CommunesCroixDeGuerre14-18.pdf Communes décorées de la Croix de guerre 1914-1918]</ref>.

Venise perdit aussi son insularité : entre [[1841]] et [[1846]], un pont ferroviaire fut construit, doublé ensuite d'une liaison routière. Le progressif développement d'un tourisme d'élite, une industrialisation de la lagune (au-delà des verreries de [[Murano]]) explosèrent après [[1950]]. Dans la seconde moitié du {{XXe siècle}}, les Vénitiens prirent conscience des dangers que faisaient peser ces évolutions de leur cité. La pollution atmosphérique attaquait les vénérables monuments. La pollution aquatique menaçait la faune. Pour beaucoup, la lagune était considérée morte. L'inquiétude augmentait par la crainte de la montée des eaux. En [[1966]], Venise subit en effet une grande inondation qui alerta les autorités (Il y avait deux mètres d'eau sur la place Saint-Marc). En [[1975]], on ferma les stations qui pompaient l'eau de la nappe phréatique afin de ralentir l'affaissement du sol ; certaines maisons s'enfonçaient de {{unité|2.5|mm}} par an. Le [[projet Mose]], définitivement proposé en [[1989]], a pour but de contrer l'envahissement de la lagune par les [[Acqua alta|marées exceptionnelles]]. Mais son gigantisme et son coût effraient certains Vénitiens et les défenseurs de l'environnement. Les travaux, démarrés en 2003, continuent en 2019, non sans « vagues financières »<ref>En juin 2014, un énorme scandale financier éclate, mettant en cause une centaine de personnes qui auraient effectué des détournements d'argent public, dont le maire de Venise, [[Giorgio Orsoni]], qui a été interpellé ([https://www.lemonde.fr/europe/article/2014/06/05/scandale-a-venise-lie-a-la-construction-de-digues-de-protection_4432692_3214.html ''Scandale à Venise lié à la construction de digues de protection''], article sur le site ''Le Monde.fr'', le 5 juin 2014 et [http://www.lefigaro.fr/international/2014/06/04/01003-20140604ARTFIG00173-le-maire-de-venise-interpelle-pour-corruption.php ''Le maire de Venise interpellé pour corruption''] article sur le site ''Le Figaro.fr'', le 4 juin 2014). Les autorités judiciaires, qui mènent l'enquête sur les diverses malversations liées à ce projet, estiment à un milliard d'euros les sommes en jeu, soit un cinquième du coût final de la construction du projet Mose ([https://oliaklodvenitiens.wordpress.com/2014/06/08/pour-comprendre-le-scandale-notre-enquete-sur-le-mose/ ''Pour comprendre le scandale notre enquête sur le Mose''], dossier sur le site ''Oliaklovenitiens.wordpress.com'').</ref>.

== Notes et références ==
=== Notes ===
{{Références|groupe=N}}

===Références ===
{{Références|colonnes=2}}

== Voir aussi ==
=== Bibliographie ===
* {{Ouvrage|prénom1=Christian|nom1=Bec|titre=Histoire de Venise|volume=522|lieu=Paris|éditeur=[[Presses universitaires de France|PUF]]|collection=Que sais-je ?|année=1993|pages totales=126|isbn=9782130456773}}.
* {{Ouvrage|prénom1=Bertrand|nom1=Doumerc|titre=Venise et son empire en Méditerranée. IXe|sous-titre=XVe siècle|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Ellipses|Ellipses]]|année=2012|pages totales=218|isbn=}}.
* [[Sylvio De Franceschi]], ''Raison d'État et raison d'Église. La France et l'Interdit vénitien (1606-1607): aspects diplomatiques et doctrinaux.'' [[Éditions Honoré Champion]], 2009 {{ISBN|978-2-7453-1820-6}}
* {{ouvrage|prénom1=Élisabeth|nom1=Crouzet-Pavan|lien auteur=Élisabeth Crouzet-Pavan|titre=Venise triomphante|sous-titre=les horizons d'un mythe|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Albin Michel|Albin Michel]]|collection=|année=1999|pages totales=364|isbn=978-2226108678}}
* Élisabeth Crouzet-Pavan, ''La mort lente de Torcello. Histoire d'une cité disparue'', Fayard, Paris, 1995
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=René Guerdan|titre=La Sérénissime, Histoire de la République de Venise|éditeur=[[Librairie Arthème Fayard|Fayard]]|année=1971|pages totales=333|isbn=}}
* Jean-Claude Hocquet, ''Venise au Moyen Âge'', Guide Belles Lettres des Civilisations, Les Belles Lettres, Paris, 2003
* Frederic C. Lane, ''Venise, une république maritime'', Flammarion (collection ''champs'' {{numéro|184}}), Paris, 1985 {{ISBN|2-08-081184-3}}: {{p.}}661
* John Julius Norwich, ''Histoire de Venise'', Payot, Paris, 1986 {{ISBN|978-2-228-14120-8}}; {{p.}}636
* « Venise. Les chantiers d'exception d'une cité bâtie contre l'eau » in les ''Cahiers de Sciences et Vie. Les racines du Monde'', {{N°}}81, {{date-|juin 2004}}
* [https://www.academia.edu/10398627/_Venise_naissance_dune_grande_puissance_Histoire_and_civilisations_3_f%C3%A9vrier_2015_p._34-45 Julien Théry, "Venise : naissance d'une grande puissance", dans ''Histoire & civilisations'', 3, février 2015, p. 34-45, disponible en ligne].
* Alvise Zorzi, ''Une cité, une république, un empire : Venise '' (697-1797), Fernand Nathan, Paris, 1980 {{ISBN|978-2-09-284535-6}}; {{p.}}278
* Alvise Zorzi, ''Histoire de Venise : la République du Lion'', Librairie Académique Perrin (Tempus), Paris, 2004 {{ISBN|978-2-262-02324-9}}; {{p.}}626
* A. Zysberg et R. Burlet, ''Venise, la Sérénissime et la mer'', Gallimard, coll. « [[Découvertes Gallimard]] / Histoire » ([[Liste des volumes de « Découvertes Gallimard » (2e partie)|{{n°|396}}]]), 2000
* ''Mille ans d'Histoire'', Pygmalion, Paris, 2009 {{ISBN|978-2-7564-0207-9}}; {{p.}}466
* ''Venise dans l'''Encyclopédie ''de Diderot et d'Alembert'', Michel Delon et Michèle Sajous D'Oria (éd.), Venise, lineadacqua, 2022.

==== Ancienne ====
* [https://books.google.fr/books?id=LyMJAAAAQAAJ Histoire de la république de Venise], [[Pierre Daru]], [[Jean-Pons-Guillaume Viennet]], publié en 1853 par [[Famille Didot|Didot]]
* [https://books.google.fr/books?id=KXsKAAAAIAAJ Histoire de la république de Venise], [[Pierre Daru]], publié en 1819 par [[Famille Didot|Firmin Didot]]
* [[Pierre Daru]], ''Histoire de la république de Venise'' (2 tomes), Robert Laffont, Paris, 2004 {{ISBN|978-2-221-91361-1}}; {{p.}}1800

=== Articles connexes ===
* [[Venise]]
* [[Chronologie de Venise]]
* [[Doge de Venise]]
* [[Histoire économique de la République de Venise]]
* [[République de Venise]]
* [[République de Saint-Marc]]
* [[Siège de Famagouste]]
* [[Bataille de Lépante]]
* [[Risorgimento]]
* [[Magistrat des eaux]]
*[[Marineria veneziana]]

=== Liens externes ===
* [http://www.vivre-venise.com/histoire-de-venise.html Histoire de Venise sur ''vivre-venise.com'']
* [http://beledon.free.fr/vampire/venise/venisehistoire.htm Historique de Venise]

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