Selknam

peuple indigène disparu de la Terre de Feu

Les Selknam, aussi appelés Selk'nam, Shelknam ou Onas (par les Yagans), forment un petit peuple amérindien originaire de la Grande Île de Terre de Feu longtemps dit disparu après les effets dévastateurs de la colonisation. Invisibilisé pendant des décennies[1], il a été officiellement reconnu en tant que peuple vivant en 1995 par le gouvernement argentin (Communauté Indigène Selk'nam Rafaela Ishton, décret du 12 décembre 1995)[2] et en 2023 par le gouvernement chilien (bulletin n°12862)[3]. Certains habitent toujours la grande île de la Terre de Feu. Le nom d’« Onas » s'applique aussi aux mánekenks ou hausch, étroitement apparentés aux Selknam.

Chasseur selknam (1904)

Le recensement national de 2010 en Argentine révèle l'existence de 2.761 personnes qui s'autodéterminent comme selk'nam dans l'ensemble du pays, 294 d'entre eux vivant dans la province de Terre de Feu, Antarctique et Îles de l'Atlantique Sud. Dans le recensement chilien de 2017, 1 144 personnes s'identifient selk'nam, vivant dans toutes les régions du Chili[4],[5].

La langue selknam était une langue amérindienne, andine méridionale qui se parlait en Patagonie. On la classifie aussi dans le groupe chon de la famille « mosetén-chonán » du tronc des langues « macro-pano ». C'était le rameau le plus austral du tehuelche et on le parlait en Terre de Feu, et en Patagonie argentine et chilienne.

Un dictionnaire selknam-français a été établi en 1898 par Emil Racoviță, naturaliste de l'expédition antarctique Belgica[6].

Histoire

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Distribution des populations pré-hispaniques au Chili.

Lors de leur arrivée, en 1520, les Espagnols rencontrèrent les Selknam au nord-est de la grande île de la Terre de Feu. Ce peuple était un rameau des « patagons » ou « Tehuelches » qui avaient pénétré dans l'île depuis le XIVe siècle, forçant ainsi les Yagans (ou yamanas) et les Kawéskar (ou Alakalufs) à se déplacer vers les côtes méridionales et occidentales.

Ils étaient chasseurs et cueilleurs et vivaient principalement du guanaco qu'ils chassaient avec de petits arcs et des flèches à pointe en pierre. En plus du guanaco, ils s'alimentaient de divers autres animaux : pinnipèdes, manchots, cétacés, mollusques, crustacés et cormorans. Ils consommaient aussi en abondance un champignon parasite du Nothofagus, le Cyttaria.

 
Selknam rassemblés sur l'île Dawson.

À partir de 1880, les estancieros ou propriétaires terriens d'estancia (ferme d'élevage), principalement d'origine britannique, commencèrent la colonisation des terres des Selknam. Celles-ci, qui étaient un espace libre pour ces chasseurs nomades, furent en grande partie clôturées par le développement de l'élevage des ovins. Beaucoup de Selknam brisèrent ces nouvelles clôtures afin de continuer à chasser librement pour se nourrir[7]. Ils tuèrent des moutons importés, qu'ils appelèrent les « guanacos blancs ». Bénéficiant de la passivité, si ce n'est de la complicité des gouvernements chilien et argentin, des éleveurs firent de la réaction des indigènes un prétexte pour s'organiser en milices ou recruter des tueurs à gage, afin de les chasser et les assassiner. Inférieurs en nombre, disposant seulement d'arcs et de couteaux, ces Amérindiens se défendaient malgré tout ; des colons se concertèrent alors et projetèrent l'extermination des hommes et la déportation dans des réserves d'une partie des femmes et des enfants selknam.

Il existe des photos, bien ou mal légendées Exposition Universelle de Paris, 1898, dans ou hors d'un zoo humain. Certaines photos ont été prises dans des villes occidentales[8],[9].

En 1905, il ne restait plus que 500 Selknam sur une population estimée à 4 000 en 1880. Quelques-uns furent pris en charge et survécurent auprès de missions salésiennes de Terre de Feu, où ils furent sujets à des épidémies à la suite de maladies contractées auprès des colons. Parmi les Selknam connus, Kiepja (Lola) est décédée en 1966, Ángela Loij en 1974[10] et Virginia Choquintel, une selk'nam ayant vécu la majeure partie de sa vie en banlieue de Buenos Aires, en 1999[11]. Un musée de Rio Grande porte son nom : le Museo Virgina Choquintel[12].

L'extermination des Selknam, longtemps ignorée ou occultée par l'histoire nationale, fut qualifiée de génocide en 2003 par une commission instituée par le gouvernement chilien, la « commission pour la vérité historique et un nouveau traitement des peuples indigènes », et des sénateurs chiliens proposèrent en 2007 de reconnaître officiellement le génocide[13],[14]. Depuis 2021 en Terre de Feu argentine, le 25 novembre est le Jour de commémoration du Génocide Selk'nam[15].

Religion

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De religion monothéiste, ils croyaient en leur dieu nommé Temaukel, avec une croyance pour une vie après la mort. Ils avaient beaucoup de rituels mystiques, comme le fait de se peindre le corps.[réf. nécessaire]

De récentes découvertes archéologiques de l'Université de Magallanes et menées par Alfredo Prieto décrivent des rituels funéraires complexes et démontrent des interactions riches entre ce peuple et les peuples voisins (Kawesqar et Yagan)[16].

Personnalités selknam

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Notes et références

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  1. https://www.dw.com/es/selknam-la-reaparici%C3%B3n-de-un-pueblo-que-se-cre%C3%ADa-extinguido/a-59653058
  2. (es) Instituto Nacional de Asuntos Indígenas, « Comunidades con personería jurídica registrada y/o relevamiento efectuado al 11/15/2023 »  , sur public.tableau.com, (consulté le )
  3. Karukinka, « Le Chili intègre le peuple selk'nam à la liste des peuples indigènes reconnus par l'Etat (source: site internet de la chambre des députés chiliens, le 4 septembre 2023) - Karukinka », sur karukinka.eu, (consulté le )
  4. Censo Nacional 2010, Argentina
  5. Karukinka, « "Selk'nam: réapparition d'un peuple que l'on croyait disparu" par Victoria Dannemann (DW, 28/10/2021) - Karukinka », sur karukinka.eu, (consulté le )
  6. Alexandre Marinescu, Émile Racovitza et l'expédition Belgica, éd. All, 1998 (ISBN 973-9431-06-2).
  7. Irène Bellier, Les peuples autochtones face au génocide, à l’ethnocide, à l’écocide.. Penser les génocides. Itinéraires de recherches, CNRS Editions, 2021, (ISBN 978-2-271-13845-3), ffhal-04079357f
  8. (en) « HugeDomains », sur HugeDomains (consulté le ).
  9. http://www.cairn.info/zoos-humains-et-exhibitions-coloniales--9782707169976-page-543.htm.
  10. Anne Chapman, « Angela Loij », sur www.thereedfoundation.org, (consulté le ).
  11. « Le Peuple oublié d’Argentine », .
  12. (es) « Page Facebook du Musée Municipal Virginia Choquintel »
  13. (en) Jérémie Gilbert, Nomadic Peoples and Human Rights, coll. « Routledge Research in Human Rights Law », , 272 p. (ISBN 978-1-136-02016-2, lire en ligne), p. 23-24.
  14. (es) « Informe Comisión Verdad Histórica y Nuevo Trato con les pueblos indígenas », 16 octobre 2008, 684 pages, texte intégral.
  15. Karukinka, « Le premier événement officiel commémorant la Journée du génocide de Selk’nam s’est tenu à Río Grande (Gouvernement de Terre de Feu, 25/11/2022) », sur https://karukinka.eu, (consulté le )
  16. Karukinka, « Des objets inconnus apparaissent dans la sépulture d’un enfant Selk’nam en Terre de Feu (Agencia SINC, 23/10/2019) », sur https://karukinka.eu, (consulté le )

Annexes

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Bibliographie

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  : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (es) Romina Casali, Conquistando el fin del mundo : La Misión La Candelaria y la salud de la población Selk'nam (Tierra del Fuego 1895-1931), Prohistoria, Rosario, 2013, 258 p. (ISBN 978-987-185565-0)
  • Anne Chapman, Quand le soleil voulait tuer la lune, Rituels et théâtre chez les Selk’nam de Terre de Feu, Métaillé, 2008, (ISBN 9782864246503)
  • Patricio Manns, Cavalier seul, Phébus, 1996
  • « L'histoire oubliée des Selk'nam », in Sciences Humaines, no 195, (dont un article sur la cérémonie du Hain).
  • Martin Gusinde, L'Esprit des hommes de la Terre de feu, catalogue de l'exposition (Arles, 2015), éditions Xavier Barral, 2015.
  • (es) Los Selknam (Onas) de Tierra del Fuego : muestra homenaje a la antropóloga Dra. Anne Chapman (1922-2010), Museo Mitre, Buenos Aires, 2010?, 32 p.
  • (es) Nelly Iris Penazzo de Penazzo et Guillermo Tercero Penazzo, Wot'n : documentos del genocidio Ona, Vol. 1, 2 et 3, Éditions Arlequín de San Telmo, 1995, notice Sudoc.
  • (en) Arnoldo Canclini, The Fuegian Indians : Their life, habits and history, Buenos Aires, Ediciones Monte Olivia, , 158 p. (ISBN 978-950-754-377-7)
  • Fernand Lahille, Matériaux pour servir à l'histoire des Oonas indigènes de la Terre de feu (1926)

Filmographie

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  • Le peuple Ona : vie et mort en Terre de Feu, film documentaire de Ana Montes de Gonzales, en collab. avec Anne Chapman, CNRS Audiovisuel, Meudon, 2009 (cop. 1977), 49 min (DVD)
  • Le Bouton de nacre (2015), essai documentaire de Patricio Guzmán
  • Blanc sur blanc (Espagnol : Blanco en blanco), film hispano-chilien réalisé par Theo Court (2019), 100 min

Articles connexes

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Liens externes

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