Dispersion (mécanique ondulatoire)

phénomène affectant la célérité d'une onde

En mécanique ondulatoire, la dispersion est le phénomène affectant une onde se propageant dans un milieu dit « dispersif », c'est-à-dire dans lequel les différentes longueurs d’onde constituant l'onde ne se propagent pas à la même vitesse. On rencontre ce phénomène pour tous types d'ondes, comme la lumière, le son et les ondes mécaniques (vagues, séismes, etc.). À l'exception du vide, tous les milieux sont dispersifs à des degrés divers.

Dispersion de la lumière blanche au passage d'un dioptre.

Le phénomène de dispersion possède de multiples origines qui peuvent varier selon le type d'onde.

Ondes dans un milieu dispersif

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Une onde sinusoïdale est caractérisée par sa fréquence   ou sa pulsation   (en rad/s), et par son vecteur d'onde de norme   (en rad/m), où   est la longueur d'onde.

On observe alors qu'il existe deux vitesses caractéristiques différentes :

  • la vitesse de phase   qui correspond au déplacement des fronts d'onde ;
  • et la vitesse de groupe   qui correspond au déplacement de l'enveloppe de l'onde, ou autrement dit, de l'énergie.

Ces deux vitesses ont alors des comportements différents selon le type de milieu.

  • Si le milieu est non dispersif, c'est-à-dire   ne dépend pas de k, alors   est forcément proportionnel à k. On obtient donc que les deux vitesses sont égales, et constantes.
  • Si le milieu est dispersif, ces deux vitesses ne sont alors plus égales, et dépendent de k.

Ces propriétés sont remarquables dans l'étude de la propagation d'un paquet d'onde : c'est, par définition, une superposition de plusieurs ondes sinusoïdales de différentes longueurs d'onde. On peut montrer que sa vitesse correspond à la vitesse de groupe.

Dans un milieu non dispersif, comme  , la vitesse du paquet d'ondes est la même que les ondes sinusoïdales qui le composent. L'animation suivante illustre ce phénomène :

 
Les ondulations serrées, à l'intérieur du paquet d'onde, se déplacent en bloc sans se déformer (l'ondulation la plus haute au centre du paquet reste en son centre).


Dans un milieu dispersif, le paquet d'onde ne va pas à la même vitesse que les ondes qui le composent, comme le montre l'animation suivante :

 
Les ondulations serrées défilent à l'intérieur du paquet, parce qu'elles avancent moins vite que la forme du paquet.

En optique

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Variation de l'indice de réfraction

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Un milieu est caractérisé par son indice de réfraction  , où c est la célérité de la lumière dans le vide et v sa vitesse dans le milieu considéré. Une variation de cet indice sur le trajet d'un rayon lumineux va dévier ce trajet par réfraction selon les lois de Snell-Descartes. Par ailleurs, lorsque le milieu de propagation est dispersif, la vitesse de propagation, et donc l'indice de réfraction dépendent de la fréquence : la déviation des rayons dépend de la fréquence, c'est-à-dire de la « couleur » de la lumière.

On qualifie la dispersion de « normale » lorsque l'indice croit avec la fréquence de l'onde, et « anormale » lorsqu'il décroit avec la fréquence de l'onde ; la dispersion normale se situe en général dans des domaines de longueur d'onde éloignés des domaines d'absorption, et la dispersion devient anormale lorsque l'on s'en approche[1].

Dans les liquides et les solides, l'indice augmente lorsque la longueur d'onde   diminue. Pour décrire numériquement ce phénomène, un modèle empirique souvent utilisé est la formule de Cauchy qui approxime celui-ci par la relation[2] :

 

où A, B, C... sont des grandeurs caractéristiques du milieu (dont seuls les 2 premiers termes sont pris en compte).

Conséquences

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Une onde lumineuse est caractérisée par son spectre, qui est la répartition de l'intensité émise en fonction de la longueur d'onde. Dans le cas de la lumière visible, la longueur d'onde est reliée à la couleur perçue par l'œil. En général, une onde lumineuse est polychromatique, c’est-à-dire qu'elle est composée de plusieurs longueurs d'onde. Ainsi, la lumière du soleil contient la plupart des couleurs visibles. La dispersion va permettre de les séparer et de visualiser ainsi les couleurs qui composent le rayonnement, ce qui permet notamment de faire de la spectroscopie.

L'un des exemples visibles dans la vie courante est l'arc-en-ciel. L'arc-en-ciel observable à l'extérieur est le résultat de la dispersion de la lumière du soleil par les gouttelettes d'eau en suspension dans l'air. Le calcul du phénomène d'arc-en-ciel démontre que, pour le voir, il faut toujours tourner le dos au soleil ; c'est une chose facile à vérifier.

Mais la dispersion a aussi pour conséquence de limiter les performances des systèmes optiques. On peut citer :

  • la dispersion chromatique dans les fibres optiques limitant la bande passante d'une transmission. Dans un milieu dispersif, chaque longueur d'onde se propage à une vitesse différente, d'où un élargissement temporel d'une impulsion lors de sa transmission. C'est pour cette raison, entre autres, qu'on utilise des diodes laser dont la largeur spectrale est faible ;
  • dans les systèmes optiques, la différence de déviation pour chaque longueur d'onde implique un trajet différent selon la couleur, ce qui entraîne les aberrations chromatiques. Elles se manifestent par un point de convergence variant selon la longueur d'onde, provoquant ainsi une colorisation erronée de l'image. Voir à ce sujet les articles lunette astronomique et Microscope optique, par exemple.

Caractérisation des milieux dispersifs

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Pour mesurer un indice de réfraction dans un milieu dispersif, il faut une radiation monochromatique de référence, comme la raie D de l'hélium (longueur d'onde dans le vide 587,6 nm), proche du milieu du spectre visible, qui est souvent utilisée.

Pour la radiation D, l'indice absolu   de l'eau à 20 °C est de 1,333 ; celui d'un verre ordinaire est compris entre 1,511 et 1,535. L'indice de l'air est égal à 1,000 292 6 dans les conditions normales de température et de pression, mais il dépend aussi de la longueur d'onde dans le vide. Une différence   aussi faible est mesurée, avec cette précision, par interférence entre deux rayons lumineux dont l'un passe dans l'air tandis que l'autre passe dans un tube vidé d'air. C'est la légère différence d'indice entre le vert et le rouge qui produit le « rayon vert » au coucher du Soleil sur la mer (par très beau temps sans nuage) : la lumière verte est un peu plus déviée que la lumière rouge par la traversée très oblique de la couche d'air ; et de ce fait, le dernier rayon vert disparaît une ou deux secondes après le dernier rayon rouge.

Dans le domaine du visible (longueurs d'onde dans le vide comprises entre 380 nm et 780 nm) la dispersion est caractérisée par le nombre d'Abbe, ou constringence. On classe alors les verres en type Crown (moins dispersif) ou Flint (plus dispersif) suivant que la constringence est inférieure ou supérieure à 50. La constringence, encore appelée nombre d'Abbe, est définie par la formule :

 

F et C désignant deux raies de l'hydrogène (longueurs d'onde dans le vide   = 486,1 nm et   = 656,3 nm). D désigne lui une raie de l'hélium (longueur d'onde dans le vide   = 587,6 nm).

Dispersion par un prisme

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La dispersion par des matériaux tels que le verre a été utilisée pour analyser la lumière du Soleil. Les expériences de Newton à l'aide de prismes sont célèbres. Dans les expériences de démonstration, on utilise toujours des prismes qui, lorsque la lumière franchit les deux dioptres, permettent d'observer une bonne dispersion des couleurs[3].

Dans la pratique, on utilise aussi des « prismes à vision directe » qui sont en réalité des systèmes optiques constitués de 3 prismes accolés, choisis de façon à minimiser la déviation tout en optimisant la dispersion.

La dispersion dans d'autres domaines de la physique

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La dispersion intervient dans tous les types d'ondes en physique. On peut citer par exemple les vagues lorsque le fond de la mer n'est pas plat, les ondes de plasma, le son, les arcs-en-cieletc.

Formulation généralisée des ordres élevés de dispersion - Optique de Lah-Laguerre

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La description de la dispersion chromatique de manière perturbative par des coefficients de Taylor est avantageuse pour les problèmes d'optimisation où la dispersion de plusieurs systèmes différents doit être équilibrée. Par exemple, dans les amplificateurs laser à impulsions chirp, les impulsions sont d'abord étirées dans le temps par un étireur pour éviter les dommages optiques. Ensuite, dans le processus d'amplification, les impulsions accumulent inévitablement des phases linéaires et non linéaires en traversant des matériaux. Et enfin, les impulsions sont comprimées dans différents types de compresseurs. Pour annuler tout ordre supérieur résiduel dans la phase accumulée, les ordres individuels sont généralement mesurés et équilibrés. Cependant, pour les systèmes uniformes, une telle description perturbative n'est souvent pas nécessaire (par exemple, la propagation dans les guides d'ondes). Les ordres de dispersion ont été généralisés d'une manière conviviale sur le plan informatique, sous la forme de transformées de type Lah-Laguerre[4],[5].

Les ordres de dispersion sont définis par l'expansion de Taylor de la phase ou du vecteur d'onde.

 

 

Les relations de dispersion pour le vecteur d'onde   et la phase   peut être exprimée comme :

 ,  

Les dérivées de toute fonction différentiable   dans l'espace des longueurs d'onde ou des fréquences sont spécifiées par une transformée de Lah comme :

     

Les éléments matriciels de la transformation sont les coefficients de Lah :  

Écrite pour le GDD, l'expression ci-dessus indique qu'une constante de longueur d'onde GGD, aura des ordres supérieurs nuls. Les ordres supérieurs évalués à partir du GDD sont :  

En substituant l'équation (2) exprimée pour l'indice de réfraction   ou le chemin optique   dans l'équation (1), on obtient des expressions à forme fermée pour les ordres de dispersion. En général, la dispersion d'ordre   POD est une transformée de type Laguerre d'ordre négatif deux :

     

Les éléments matriciels des transformées sont les coefficients de Laguerre non signés d'ordre moins 2, et sont donnés comme :  

Les dix premiers ordres de dispersion, écrits explicitement pour le vecteur d'onde, sont :

 

L'indice de réfraction de groupe   est défini comme suit :  .  

 

 

 

 

 

 

 

 

Explicitement, écrits pour la phase  , les dix premiers ordres de dispersion peuvent être exprimés en fonction de la longueur d'onde en utilisant les transformées de Lah (équation (2)) comme :

     


 

 

 

 

 

 

 

   

 

Références

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  1. (en) Hans Bach et Robert Neuroth, The properties of optical glass, p. 20
  2. Optique géométrique: imagerie et instruments sur Google Livres
  3. Physique: Optique et physique moderne sur Google Livres
  4. (en) Dimitar Popmintchev, Siyang Wang, Zhang Xiaoshi, Ventzislav Stoev et Tenio Popmintchev, « Analytical Lah-Laguerre optical formalism for perturbative chromatic dispersion », Optics Express, vol. 30, no 22,‎ , p. 40779-40808 (DOI 10.1364/OE.457139  , Bibcode 2022OExpr..3040779P, lire en ligne)
  5. (en) Dimitar Popmintchev, Siyang Wang, Zhang Xiaoshi, Ventzislav Stoev et Tenio Popmintchev, « Theory of the Chromatic Dispersion, Revisited », arXiv,‎ (DOI 10.48550/ARXIV.2011.00066  , Bibcode 2020arXiv201100066P, lire en ligne)

Articles connexes

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