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Guerre commerciale

Droits de douane : Trump promet de «répliquer» aux représailles de l’Union européenne

Les droits de douane de 25 % s’appliquent à partir de ce mercredi 12 mars aux principaux partenaires commerciaux des Américains, dont l’UE, qui a dans la foulée annoncé des représailles fortes mais proportionnées pour le 1er avril... auxquelles Donald Trump a menacé de riposter.
(Plainpicture/Reilika Landen)
publié le 12 mars 2025 à 7h44
(mis à jour le 12 mars 2025 à 17h12)

Les droits de douane de 25 % sur l’acier et l’aluminium voulus par Donald Trump sont devenus effectifs ce mercredi 12 mars à 00 h 01 heure locale (5 h 01 en France), marquant une nouvelle étape dans la guerre commerciale entre les Etats-Unis et ses principaux partenaires commerciaux. Le président américain avait déjà taxé les importations d’acier et d’aluminium durant son premier mandat (2017-2021), mais cette nouvelle taxe se veut «sans exception et sans exemption», avait-il assuré lors de leur annonce, début février.

Ces nouvelles surtaxes «vont plus loin en couvrant toute une gamme de produits transformés. Et le gouvernement renforce également leur application, en réduisant les possibilités de contournement via des pays tiers», a souligné dans une note le chef économiste d’EY, Gregory Daco. Le but affiché de Donald Trump : protéger l’industrie sidérurgique américaine, qui voit sa production baisser d’année en année, confrontée à une concurrence de plus en plus vigoureuse, provenant notamment d’Asie. Le Canada, la Chine, l’Union européenne, le Japon ou encore l’Australie sont concernés.

En représailles, la Commission européenne a annoncé tôt ce mercredi matin qu’elle appliquerait des droits de douane «forts mais proportionnés» sur une série de produits américains à partir du 1er avril. L’UE «regrette profondément» les mesures décidées par le président Donald Trump, a déclaré la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, dans un communiqué, avant d’ajouter : «Les droits de douane sont des taxes. Elles sont mauvaises pour les affaires et encore pires pour les consommateurs.» La Commission européenne estime que les mesures américaines affecteront 28 milliards de dollars de marchandises, soit 26 milliards d’euros. Elle a annoncé que la réplique de l’UE toucherait le même montant de marchandises américaines.

Une riposte pas vraiment du goût de Washington. Le représentant de la Maison Blanche pour le commerce (USTR), Jamieson Greer, a jugé que l’UE était «déconnectée de la réalité». D’après lui, Bruxelles aurait «rejeté les tentatives des précédents gouvernements américains pour lutter efficacement ensemble contre la surproduction mondiale d’acier et d’aluminium». Par ailleurs, Jamieson Greer a estimé que «les actions punitives de l’UE ne prennent pas en compte les impératifs de sécurité nationale des Etats-Unis, et de fait la sécurité internationale». Donald Trump a, en outre, promis de «répliquer», répétant que «les Etats-Unis ne se laisseront plus maltraiter».

Appel à la «désescalade»

Sur le Vieux Continent, des appels à l’apaisement se sont toutefois aussi fait entendre. En conférence de presse, le président du Conseil européen Antonio Costa a appelé ce mercredi à la «désescalade» précisant que Bruxelles «propose une réponse proportionnée et adéquate à la situation actuelle», qui nécessite de «dialoguer et négocier avec les États-Unis». Sortant de la même conférence, le chancelier allemand Olaf Scholz a dénoncé de «mauvaises» décisions de Washington tout en précisant que l’Allemagne y répondra «de manière appropriée et rapide» avec l’examen des «propositions de la Commission» européenne en la matière.

Si le Royaume-Uni, lui, jugeant «décevante» l’application de ces nouvelles taxes, il n’entend pas mettre en place de contre-mesures immédiates. «Nous nous concentrons sur une approche pragmatique et négocions rapidement un accord économique plus large avec les Etats-Unis afin d’éliminer les droits de douane supplémentaires», a déclaré sobrement le secrétaire d’Etat britannique au Commerce, Jonathan Reynolds, dans un communiqué. La Chine promet pour sa part de prendre «toutes les mesures nécessaires», quand le Japon estime «regrettable» de ne pas être exempté des taxes douanières américaines. Le porte-parole du gouvernement nippon, Yoshimasa Hayashi, a averti que ces barrières commerciales «risquent d’avoir un impact considérable sur les relations économiques entre le Japon et les Etats-Unis».

Les Etats-Unis importent environ la moitié de l’acier et de l’aluminium utilisés dans le pays, pour des secteurs aussi variés que l’automobile ou l’aviation, la pétrochimie ou les produits de consommation de base, telles les conserves. «Les deux industries les plus consommatrices d’acier aux Etats-Unis sont le secteur automobile et la construction, qu’il s’agisse de bâtiments résidentiels ou commerciaux», a souligné Clark Packard, chercheur au Cato Institute.

«Enorme incertitude»

Depuis le début de son mandat, Trump a fait un usage extensif des droits de douane, les utilisant à la fois comme outil de négociations avec les partenaires commerciaux des Etats-Unis, incitation à l’implantation d’entreprises dans le pays et source de revenus pour les finances fédérales. La hausse a tout d’abord visé le Canada et le Mexique (25 %), et la Chine (10 %, avant de porter le taux à 20 %), accusant les trois pays de ne pas agir suffisamment pour lutter contre le trafic de fentanyl, un puissant opioïde cause d’une grave crise sanitaire dans le pays.

Mais les produits canadiens et mexicains importés aux Etats-Unis et respectant le cahier des charges de l’accord de libre-échange Canada-Etats-Unis-Mexique (ACEUM) ont finalement été exemptés jeudi, épargnant de fait une large part des importations. Les droits de douane visant les produits chinois ont en revanche été maintenus et ont poussé Pékin à annoncer des représailles, visant en particulier des produits agricoles provenant d’Etats américains ayant largement voté en faveur de Donald Trump en novembre. Le président américain a également menacé brièvement mardi le Canada de doubler les droits de douane sur l’acier et l’aluminium, avant de reculer dans la même journée.

En guise de réplique, le Canada a annoncé ce mercredi imposer de nouveaux droits de douane sur certains certains produits américains pour répondre aux tarifs douaniers «injustifiés et déraisonnables» imposés par Donald Trump sur l’acier et l’aluminium. Des taxes douanières de 25% seront mises en place sur 29,8 milliards de dollars canadiens (18 milliards d’euros) d’importations américaines, a déclaré mercredi Dominic LeBlanc, le ministre des Finances lors d’une conférence de presse. Cela concernera notamment les ordinateurs, les équipements sportifs et les produits en fonte.

D’autres matières premières telles que le bois de construction ou les produits laitiers canadiens ont été menacés et Trump a régulièrement répété, depuis le 20 janvier, son intention d’imposer des droits de douane aux importations européennes. Certains pays ont tenté de convaincre le président américain de les exempter, à l’image du Japon, dont le ministre de l’Economie, Yoji Muto, a fait le déplacement à Washington, mais sans grand succès, de son propre aveu. L’Australie a également entamé des négociations avec Washington, le président américain assurant «accorder une très grande importance» à la requête de Canberra, principalement du fait de l’excédent commercial des Etats-Unis dans leurs échanges bilatéraux.

Cette frénésie trumpienne d’annonces de nouvelles taxes à l’importation pèse de plus en plus sur les marchés : Wall Street a ainsi effacé lors des dernières la quasi-totalité des gains réalisés depuis l’élection de Donald Trump, sur fond de crainte de récession aux Etats-Unis. Avec également un risque sur l’inflation, comme le rappelle Clark Packard, qui juge qu’il «ne serait pas étonnant que les droits de douane se voient rapidement sur les prix», ajoutant que ces annonces multiples ne faisaient que «créer une énorme incertitude» sur la trajectoire de l’économie américaine.

Mis à jour à 16 heures avec Washington qui estime que l’UE est «déconnectée de la réalité» puis à 17 heures avec la réaction de Donald Trump.

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