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Les saluts nazis ? Circulez, y a rien à voir, par Michaël Fœssel

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Après Musk, c’est au tour de Bannon de tendre le bras. Reste à ne pas fermer les yeux devant le scandale. A l’instar de Charles Péguy, il nous faut voir ce que l’on voit.
Steve Bannon lors de la Conférence d'action politique conservatrice (CPAC) à National Harbor (Maryland, Etats-Unis), le 20 février 2025. (REUTERS)
par Michaël Fœssel, professeur de philosophie à l’Ecole polytechnique
publié le 26 février 2025 à 15h36

Rendant hommage à Joseph Reinach (1856-1921), de tous les partisans du capitaine Dreyfus celui qui lui semblait le plus lucide, Charles Péguy (1873-1914) a écrit : «Il faut toujours dire ce que l’on voit. Surtout, il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit.» Aujourd’hui, cette formule est citée dans un contexte bien différent par des influenceurs d’extrême droite. A propos des violences perpétrées par des musulmans ou des chiffres de l’immigration, ils ne nous invitent pas seulement à parler librement, mais aussi à oser voir ce qui leur semble évident : le «grand remplacement» qui menace, à leurs yeux, la civilisation occidentale, alors qu’on sait pourtant que la notion est sans fondement.

La formule de Péguy a l’avantage de définir ce qu’il y a de plus ardu dans la position de l’observateur : non pas seulement témoigner de ce que l’on voit, mais oser le regarder en face. Le poète nous invite à voir ce que personne n’avait ni prévu ni imaginé. Péguy pointe avec une grande justesse le plus difficile : se laisser interpeller par ce que l’on pensait ne jamais voir et qui, contre toute attente, est là, devant nos yeux.

En un mot, Péguy nous invite à ne pas fermer les yeux devant le scandale. A son époque, le scandale désignait l’injustice faite à Dreyfus. Alors que les preuves de l’innocence d

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