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« Qhapaq Ñan » : différence entre les versions

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Ce “Chemin Principal” a permis l’unification de cet empire immense et hétérogène, un des mieux organisés du monde sur le plan administratif. Au delà des frontières modernes, il continue de constituer ce trait d’union entre les différentes cultures andines.
Ce “Chemin Principal” a permis l’unification de cet empire immense et hétérogène, un des mieux organisés du monde sur le plan administratif. Au delà des frontières modernes, il continue de constituer ce trait d’union entre les différentes cultures andines.

« Ce que j’ai le plus admiré, en contemplant et en constatant les affaires de ce royaume, c’est la manière dont ils ont pu construire des chemins aussi grands et admirables que ceux que nous voyons ; la quantité d’hommes qui a été nécessaire à leur édification, et avec quels outils et instruments ils ont pu niveler les montagnes et se frayer à travers les roches des chemins aussi larges et bien faits. Il me semble que si l’Empereur voulait donner l’ordre de bâtir une autre route royale, comme celle qui va de Quito à Cuzco ou comme celle qui sort de Cuzco pour aller au Chili, il ne pourrait pas la réaliser malgré tout son pouvoir. »
Pedro Cieza de León, La Crónica del Perú, 2, 1553


== Patrimoine en péril ==
== Patrimoine en péril ==

Version du 24 mai 2009 à 12:33

Dessin du Qhapaq Ñan de Felipe Guaman Poma de Ayala dans "El primer nueva corónica y buen gobierno" (1615/1616).
Carte du Qhapaq Ñan.

Le Qhapaq Ñan ("chemin royal" en quechua) était l’axe principal du projet économique et politique de l’Empire Inca. Long de plus de 6000 kilomètres, il permettait à l’Inca de contrôler son Empire, de déplacer ses troupes depuis la capitale, Cusco.

« Je crois que de mémoire d’homme aucun récit n’a présenté quelque chose d’aussi magnifique que cette route qui traverse de profondes vallées, de hautes montagnes, des monts enneigés, des cascades, des formations rocheuses et qui suit les rives de torrents furieux. Dans tous ces endroits, elle est plate et pavée, bien creusée le long des flancs des montagnes, […] supportée par des murs le long des berges des rivières […] , partout balayée, débarrassée des pierres, avec des postes, des réserves et des temples du Soleil à intervalles réguliers. Oh ! Comme de meilleures choses pourraient être dites sur Alexandre, ou sur n’importe quel autre roi puissant qui a dirigé dans le monde, s’ils avaient construit une telle route ! » Pedro Cieza de León, La Crónica del Perú, 1553

Histoire de la Grande Route Inca

Section du Qhapaq Ñan, la Grande Route Inca, au Pérou à l'est de la Cordillère Blanche.

Quand au début du XVIe siècle, les conquistadores espagnols atteignirent l’isthme de Panama, ils entendirent les indigènes parler d’un fabuleux royaume dont les princes étaient recouverts d’or. Bien que l’existence de ce pays mythique, l’Eldorado, n’ait jamais pu être prouvée, les Européens découvrirent au cours de leurs explorations l’immense Empire Inca ainsi que les vestiges des civilisations qui l’avaient précédé.

A son apogée, celui-ci couvrait une région immense qui s’étendait de Pasto, au sud de la Colombie actuelle, à Santiago du Chili, en passant par l’Argentine, le Pérou et la Bolivie.

Le Qhapaq Ñan – Chemin Principal Andin - constituait alors l’axe principal du projet économique et politique de l’Empire Inca. C’était une gigantesque colonne vertébrale longue de plus de 6000 kilomètres que l’on peut comparer à la mythique Route de la soie en Orient ou au réseau des routes pavées romaines en Europe. Son tracé principal joint les villes de Pasto en Colombie, Quito et Cuenca en Equateur, Cajamarca et Cusco au Pérou, l’Aconcagua en Argentine et Santiago du Chili. Il permettait à l’Inca de contrôler son Empire, de déplacer ses troupes depuis la capitale, Cusco. Le long de ces routes parfois pavées, des auberges, des postes de garde, des ponts…

Dessin du Chroniqueur Felipe Guaman Poma de Ayala dans "El primer nueva corónica y buen gobierno (1615/1616)"

Un réseau secondaire de routes transversales, long de plus de 45 000 km, reliait alors le Qhapaq Ñan à la côte et au bassin amazonien. Les chasquis, les coursiers à pieds, pouvaient alors, grâce à un système de relais extrêmement efficace, véhiculer l’information à une vitesse incroyable.

A une altitude située entre 800 et 5000 mètres, cette route monumentale, qui peut atteindre jusqu’à 20 mètres de largeur, reliait les zones habitées, les centres administratifs, les zones agricoles et minières ainsi que les lieux de cultes.

Ce “Chemin Principal” a permis l’unification de cet empire immense et hétérogène, un des mieux organisés du monde sur le plan administratif. Au delà des frontières modernes, il continue de constituer ce trait d’union entre les différentes cultures andines.

« Ce que j’ai le plus admiré, en contemplant et en constatant les affaires de ce royaume, c’est la manière dont ils ont pu construire des chemins aussi grands et admirables que ceux que nous voyons ; la quantité d’hommes qui a été nécessaire à leur édification, et avec quels outils et instruments ils ont pu niveler les montagnes et se frayer à travers les roches des chemins aussi larges et bien faits. Il me semble que si l’Empereur voulait donner l’ordre de bâtir une autre route royale, comme celle qui va de Quito à Cuzco ou comme celle qui sort de Cuzco pour aller au Chili, il ne pourrait pas la réaliser malgré tout son pouvoir. » Pedro Cieza de León, La Crónica del Perú, 2, 1553

Patrimoine en péril

Le Qhapaq Ñan en péril: graffitis sur les murs de style cuzquénien du centre administratif de Huanuco Pampa au Pérou.

Aujourd’hui seulement une partie de cette route est encore visible, le reste ayant été détruit par le temps et la construction d’infrastructures modernes. Entre crêtes, vallées d’altitude et déserts, la Grande route des Andes est parsemée de trésors archéologiques, dont Ingapirca en Équateur, mais aussi de sites de moyenne importance qui ont besoin d’une urgente protection. Cette route traverse 15 écosystèmes différents, dont 4 sont en danger: les Jungas péruviennes, la forêt sèche de Marañon, la forêt humide et le Mattoral chiliens. Le Qhapaq Ñan passe aussi par de nombreuses régions indigènes à la culture fascinante mais en péril.

Différentes organisations, dont l’UNESCO, IUCN et Conservation International ont commencé à travailler sur cette route, mettant en exergue l’urgence de sa protection, en collaboration étroite avec les gouvernements des 6 pays par lesquels passe la Gran Ruta Inca.

L’idée de fond est de mettre en place un système qui associe la conservation du patrimoine avec des projets de protection de l’environnement (par l’intermédiaire de la création de Parcs Naturels ou de Réserves) et des cultures des communautés andines, tout en développant une économie durable à travers le tourisme.

L'objectif de l’UNESCO est d'assister les pays qui partagent ce patrimoine commun dans un projet pionnier : la préparation d'une candidature unique pour l'inscription du Qhapaq Ñan sur la Liste du Patrimoine Mondial.

Quatre tronçons majestueux

De la Colombie à l'Argentine, six pays abritent des vestiges de la « Route royale inca ». Certains sont spectaculaires :

  • En Équateur,
    un tronçon de l'« Inganan » (60 km) relie le village d'Achupallas (province de Chimborazo) au site inca d'Ingapirca (province du Canar). Parfois pavée, la route grimpe entre des murs de soutènement pour culminer, souvent dans le brouillard, à 4350 m.
  • Au Pérou,
    de Huari à Huanuco Pampa, ce tronçon (80 km) est le mieux préservé du Qhapaq Ñan péruvien. La route pavée est jalonnée de ponts et de canaux de drainage. Elle débouche sur le site archéologique de Huanuco Pampa, capitale provinciale et deuxième ville de l'Empire après Cuzco.
  • Le célèbre « chemin de l'Inca » (40 km) est une voie secondaire du Qhapaq Ñan. Il conduit à travers la vallée sacrée jusqu'au Machu Picchu (2430 m), résidence impériale et sanctuaire religieux construit vers 1440 sous le règne de Pachacutec.
  • En Argentine,
    le Qhapaq Ñan passe en son point le plus élevé (le col d'Abra del Acay, à 4895 m), avant de descendre sur 8 km vers les vallées Calchaquies.

L'exploration du Qhapaq Ñan

Les Incas ignorant l'écriture, le Qhapaq Ñan est pour la première fois mentionné en 1532 par Hernando Pizarro, demi-frère du conquistador Francisco Pizarro : « Dans toute la chrétienté, on ne trouve nulle part de routes comparables », écrit-il. D'autres chroniqueurs lui emboîtent le pas : Juan de Betanzos, Pedro Sarmiento de Gamboa, Garcilaso de La Vega et surtout Pedro Cieza de Leon dans sa « Cronica del Peru » en 1553. Le Qhapaq Ñan est redécouvert au XIXe siècle par l'explorateur Alexander von Humboldt. En 1984, l'archéologue américain John Hyslop en publie une étude détaillée : « The Inca Road System » et, en 1999, le Péruvien Ricardo Espinosa la parcourt à pied de Quito à La Paz, provoquant la candidature du Qhapaq Ñan au Patrimoine Mondial de l'UNESCO - pour la première fois de l'histoire, six pays proposent une candidature commune à cette liste. Enfin, le français Laurent Granier et sa compagne américaine Megan Son marchent et documentent pour la première fois le Qhapaq Ñan dans son intégralité entre 2005 et 2007 et produisent un livre illustré sur leur expédition ainsi qu'un film.

Bibliographie

  • Megan Son et Laurent Granier : À la recherche de la Grande Route Inca, 6000 km à pied à travers les Andes. Éditions GEO, 2008.
  • Ricardo Espinosa Reyes, La Gran Ruta Inca, el Capaq Ñan, Petróleos del Perú, Lima, 2002. Seconde Edition: Lima, 2006.
  • John Hyslop, The Inca Road System, Academic Press, New York, 1984.
  • Pedro Cieza de León, The travels of Pedro de Cieza de León contained extrait de The First Part of his Chronicle of Peru, traduit par Clements R. Markham, The Hakluyt Society, Londres, 1864 (réédité en poche par Elibron Classics, 2001).

Films

  • Megan Son et Laurent Granier : Qhapaq Ñan 6000 km à pied... à la recherche de la Grande Route Inca Coproduction France 5 - Gedeon Programmes 4x26', 2008.
  • Sébastien Jallade et Stéphane Pachot : Qhapaq Ñan, la voix des Andes, Elkin communication, 90', 2007.

Liens externes