« Affaire Clément Méric » : différence entre les versions
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L’'''affaire Clément Méric''' fait suite à la mort du militant d'[[Extrême gauche en France|extrême gauche]] Clément Méric le {{date de décès-|5 juin 2013}}, à la suite d'une rixe entre deux nationalistes et un groupe de gauche radicale. |
L’'''affaire Clément Méric''' fait suite à la mort du militant d'[[Extrême gauche en France|extrême gauche]] Clément Méric le {{date de décès-|5 juin 2013}}, à la suite d'une rixe entre deux nationalistes et un groupe de gauche radicale. |
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Cette affaire déclenche une vague d'indignation dans les milieux de [[gauche]] et d’[[extrême gauche]], et conduit à la [[#Suites politiques|dissolution]] du groupe [[Troisième Voie (France)|Troisième Voie]] {{incise|dont étaient issus les skinheads}} et de son service d'ordre, les [[Jeunesses nationalistes révolutionnaires]] (JNR), dirigées par [[Serge Ayoub]]. L'affaire a aussi entraîné la dissolution par [[Manuel Valls]] de [[L'Œuvre française]] et des Jeunesses nationalistes d'[[Alexandre Gabriac]], dont l'implication n'a jamais été démontrée<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Manuel Valls annonce la dissolution de l'Oeuvre française et des Jeunesses nationalistes|url=https://www.france24.com/fr/20130724-manuel-valls-annonce-dissolution-oeuvre-francaise-jeunesses-nationalistes|site=France 24|date=2013-07-24|consulté le=2019-04-15}}</ref>. |
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Dans cette affaire, trois [[skinhead]]s sont renvoyés en cour d'assises pour [[Homicide#Violence ayant entraîné la mort sans intention de la donner|violences volontaires en réunion ayant entraîné la mort sans intention de la donner]]. En premier instance, en septembre 2018, deux d’entre eux, Esteban Morillo et Samuel Dufour, sont condamnés respectivement à onze et sept ans d’emprisonnement ferme, tandis que le troisième est acquitté ; les condamnés et le parquet font [[Appel dans la justice française|appel]], ce qui doit donner lieu à un [[Cour d'assises d'appel (France)|deuxième procès]]. |
Version du 26 avril 2019 à 15:05
Affaire Clément Méric | |
Fait reproché | Homicide |
---|---|
Chefs d'accusation | Violences volontaires ayant entraîné la mort sans l'intention de la donner |
Pays | France |
Ville | Paris |
Date | |
Nombre de victimes | Un mort, trois blessés |
Jugement | |
Statut | Affaire jugée en première instance |
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L’affaire Clément Méric fait suite à la mort du militant d'extrême gauche Clément Méric le , à la suite d'une rixe entre deux nationalistes et un groupe de gauche radicale.
Cette affaire déclenche une vague d'indignation dans les milieux de gauche et d’extrême gauche, et conduit à la dissolution du groupe Troisième Voie — dont étaient issus les skinheads — et de son service d'ordre, les Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR), dirigées par Serge Ayoub. L'affaire a aussi entraîné la dissolution par Manuel Valls de L'Œuvre française et des Jeunesses nationalistes d'Alexandre Gabriac, dont l'implication n'a jamais été démontrée[1].
Dans cette affaire, trois skinheads sont renvoyés en cour d'assises pour violences volontaires en réunion ayant entraîné la mort sans intention de la donner. En premier instance, en septembre 2018, deux d’entre eux, Esteban Morillo et Samuel Dufour, sont condamnés respectivement à onze et sept ans d’emprisonnement ferme, tandis que le troisième est acquitté ; les condamnés et le parquet font appel, ce qui doit donner lieu à un deuxième procès.
Évenement
Faits présumés
Deux ans et demi après les événements, l'enquête et l'instruction sont toujours en cours. Ce récit des événements est donc établi sur les informations diffusées dans les médias, notamment celles contenues dans la décision de la chambre de l'instruction en date du 29 avril 2014[2].
Deux groupes de trois personnes[2], un de militants de l'Action antifasciste Paris-Banlieue, l'autre de militants des Jeunesses nationalistes révolutionnaires, se rencontrent par hasard le 5 juin 2013, en fin d'après-midi, alors qu'ils se rendent à une vente privée de vêtements de la marque Fred Perry[3], au 60 de la rue de Caumartin, dans le 9e arrondissement de Paris[4],[5]. Ni Clément Méric, ni Esteban Morillo, principal inculpé dans cette affaire, ne sont présents sur les lieux à ce moment-là[2].
Un militant d'extrême gauche, Steve Domas, interpelle d'abord les nationalistes qui se trouvent dans la salle de vente en leur disant, de son propre aveu : « Alors les nazis, on fait ses courses ? »[2]. Selon les nationalistes, le groupe d'antifascistes aurait alors continué à les provoquer, menaçant de les « attendre en bas », tandis qu'eux-mêmes auraient demandé aux antifascistes de les laisser faire leurs courses[2],[5].
Les militants d'extrême gauche (Steve Domas, Aurélien Boudon, Matthias Bouchenot) quittent alors l'espace de vente vers 18 heures et se postent un peu plus loin rue Caumartin, au pied des marches de l'église Saint-Louis-d'Antin. Selon la chambre de l'instruction, ils attendent alors « ostensiblement » l'autre groupe « en faisant téléphoniquement appel à du renfort », ce que les intéressés démentent en expliquant qu'ils attendaient l'arrivée de Clément Méric avec lequel ils avaient prévu de faire des courses, puis le départ des militants d'extrême droite pour l'accompagner à la vente[6]. Clément Méric les rejoint un quart d'heure plus tard. Pendant qu'il attend avec le groupe le départ des nationalistes, il échange des SMS dont le contenu sera dévoilé par Le Parisien[7] : ils ont trait à l'organisation de la fête d'anniversaire d'une amie qui devait avoir lieu le soir même. Pendant ce temps, les nationalistes terminent leurs courses et appellent du renfort par téléphone. Samuel Dufour appelle en particulier Esteban Morillo[2].
Un vigile, alerté par une cliente des tensions entre les deux groupes, tente d'abord de calmer les nationalistes, puis descend à la rencontre des antifascistes. L'un d'eux, Matthias Bouchenot, lui signifie que les nationalistes ont caché un poing américain dans un sac avant de pénétrer dans le magasin et l'invite à prendre des dispositions. Selon le vigile, Clément Méric aurait alors déclaré : « Ce sont des gens qui ne devraient même pas être vivants », ou, dans une autre version du même témoin, « Ces gens-là ne devraient pas exister ». Lorsque le vigile retourne dans le magasin, Clément Méric le suit. En montant, il croise les nationalistes dans les escaliers et envoie à 18 h 27 un dernier SMS à ses amis : « ils descendent »[2],[7]. En haut, le vigile et un de ses collègues lui enjoignent, au vu notamment de sa faible corpulence, de ne pas s'engager dans une bagarre. En redescendant de la salle de vente où il est resté quelques minutes, il aurait de nouveau croisé les nationalistes, désormais rejoints par Esteban Morillo, dans la cour de l'immeuble. Selon ces derniers, il leur aurait dit « On vous attend ».
Au lieu d'esquiver l'affrontement comme le vigile le leur avait conseillé, les nationalistes partent alors directement à la rencontre des antifascistes, qui attendent depuis une quarantaine de minutes sur le parvis de l'église Saint-Louis-d'Antin. Une des nationalistes reconnait qu'elle a vu Esteban Morillo ranger un poing américain dans le sac à dos de Samuel Dufour avant de faire ses courses, et un témoin affirme avoir vu ce dernier enfiler l'arme en quittant la boutique[2].
Une rixe éclate alors, décrite par le procureur comme une « scène de violence avec des échanges de coups », sans que l'on sache qui initie le combat, les deux groupes se renvoyant mutuellement cette responsabilité[2],[8]. Un des antifascistes affirme que Samuel Dufour utilisait un poing américain, tandis que celui-ci affirme au contraire n'avoir porté que des bagues de combat, version contredite par des SMS trouvés sur son téléphone dans lesquels il se vante d'avoir frappé avec un poing américain[9]. Le même antifasciste est également formel sur un point : Samuel Dufour n'a pas frappé Clément Méric, malgré des dépositions contradictoires de témoins de la scène. Esteban Morillo porte au moins deux coups à Clément Méric, dont celui qui entraîne sa mort[2],[5]. Selon l'expertise médico-légale, la victime aurait reçu « au moins cinq coups »[2] au visage, dont l'impact est qualifié de « très violent »[10]. La question de savoir qui serait l'auteur des autres coups reste ouverte.
Les nationalistes prennent ensuite la fuite[4]. L'enquête établira qu'ils se retrouvent tous ensemble au Local, le bar de Serge Ayoub avec qui ils ont été en communication téléphonique juste avant et juste après la rixe[11], puis tout au long de la nuit[9].
Clément Méric est transporté à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière dans un état de mort cérébrale[12]. Il est déclaré mort le lendemain[4]. Trois et sept jours d'incapacité totale de travail sont délivrés à deux militants d'extrême gauche et deux jours pour l'un des militants d'extrême droite[5].
Protagonistes
Les protagonistes appartiennent à des groupes d'extrême gauche et d'extrême droite, dont les codes, les méthodes et les valeurs sont proches de ceux des Redskins et des Skinheads[13].
Clément Méric
Né le 30 novembre 1994 à Brest, Clément Méric est le fils de deux enseignants de droit de l'université de Bretagne occidentale à Brest. En 2012, il est élève au lycée de l'Harteloire de cette même ville, où il obtient un baccalauréat scientifique avec mention très bien[14].
Il commence à militer à l'âge de 15 ans à la Confédération nationale du travail, anarcho-syndicaliste ; dans ce cadre, il anime localement un mouvement contre la réforme du lycée en 2010[14]. Bon élève, il entreprend à la rentrée 2012 des études à l'Institut d'études politiques de Paris, et commence à militer au sein de Solidaires Étudiant-e-s contre le fascisme, pour les droits des étrangers et l'égalité hommes-femmes. Joueur de guitare, Clément Méric est également membre du groupe de musique Ze Ravacholians — nom en hommage à Ravachol[15]. Il fréquente la tribune Rino Della Negra[16] du kop Bauer des supporters du Red Star[14],[17]. Il est également « antifa », membre de l'Action antifasciste Paris-Banlieue et, selon une source policière, « il était connu des services spécialisés comme appartenant à un groupe de militants d'extrême gauche qui recherchaient la confrontation avec des militants d'extrême droite, notamment la vingtaine d'activistes constituant le noyau dur des JNR (Jeunesses nationalistes révolutionnaires, groupuscule radical)[14] ». Anti-homophobie avec Act-Up, il participe à des contre-manifestations en marge de manifestations contre le mariage homosexuel début 2013. Décrit comme frêle (il pesait 66 kg pour 1,80 m)[18], il venait de se remettre d'une leucémie en 2013[14].
Esteban Morillo
Esteban Morillo est un immigré d'origine populaire né à Cadix (Espagne) le . Il a grandi à Neuilly-Saint-Front, petite commune rurale de l'Aisne[19] où il a suivi un apprentissage de boulanger.
En 2010, une enquête de la gendarmerie est ouverte à la suite des provocations auxquelles il se livre avec trois de ses amis, portant des habits avec la croix gammée et faisant des saluts nazis. Lors d'une perquisition à son domicile, la gendarmerie découvre des drapeaux à croix gammée et des insignes SS et Totenkopf. Cette enquête n'a aucune suite judiciaire[19],[20],[21],[22]. Installé en région parisienne depuis fin 2011, il est agent de sécurité[19]. En mai 2011, il fait l'objet d'un « fichage Stic » pour port illégal d'arme de sixième catégorie[19]. Il a un casier judiciaire vierge[23]. Selon le procureur, deux poings américains sont retrouvés par la police lors de la perquisition menée après les faits à son domicile[24].
Il déclare être « sympathisant de Troisième Voie », mais « n'avoir été encarté que 6 mois »[19]. Sa proximité avec Serge Ayoub et le mouvement Troisième Voie est cependant attestée par diverses photos et vidéos[11],[25], par ses tatouages, notamment celui du trident de Troisième Voie sur sa poitrine[11],[26], et par leurs contacts le jour des faits[9],[11]. Il est également vu un mois avant les faits comme porte drapeau de la jeunesse nationaliste révolutionnaire (JNR), « le bras armé de Troisième Voie ». Morillo affirme avoir été là « par hasard ». Au procès, s'il affirme n'avoir été que quelques mois sympathisant de Troisième Voie, il considère cependant le mouvement comme « une seconde famille »[27].
Samuel Dufour
Élevé « le plus droit possible » par son père, Samuel Dufour est surnommé, « le Führer » au Centre de formation d’apprentissage de boulangerie qu’il intègre à 14 ans, à cause de ses convictions et de son apparence. Il est renvoyé du centre après une bagarre[28]. Comme Morillo, il rejoint le mouvement troisième voie à 19 ans via leur bar le Local[29]. Au moment des faits, il est skinhead et fait de la musculation pour rejoindre la jeunesse nationaliste révolutionnaire, « le bras armé de Troisième Voie ». Il porte des tatouages, dont le slogan nazi sang et honneur et est fasciné par le troisième Reich et le White Power, les enquêteurs ayant trouvé des dizaines de photos de symboles nazis sur une clef USB lui appartenant. Selon des témoignages contradictoires il aurait porté un troisième coup à Méric et aurait crié « one shot » lorsque celui-ci s'est écroulé. Pendant les 15 mois de détention provisoire il subit des violences de la part de ses codétenus qui savaient qui il était et finit à l'isolement six mois pour sa sécurité[28]. Lorsqu’il sort prison il reconnait avoir rompu avec Troisième voie surtout parce qu'il n'est plus à Paris et que son contrôle judiciaire lui interdit de contacter certains membres[29].
Suites judiciaires
Grâce aux images de vidéosurveillance, et aux témoignages recueillis, quatre personnes sont interpellées dès le 6 juin, à Saint-Ouen[30]. Parmi elles se trouve Esteban Morillo, qui reconnaît en garde à vue avoir porté deux coups au visage de Clément Méric, dont celui — mortel d'après l'autopsie — ayant entraîné sa chute[30]. Le même jour, trois autres personnes se rendent d'elles-mêmes à la police[30]. Une huitième personne est interpellée le lendemain[30]. Le 7 juin, trois de ces personnes sont relâchées[30]. Les cinq personnes gardées à vue ont entre 19 et 32 ans[30].
Le 8 juin 2013, lors d'une conférence de presse, le procureur de Paris, François Molins, précise que selon les premiers résultats de l'autopsie, « le décès n'est pas dû à un hématome qui aurait été causé par la chute par terre mais aux traumatismes crano-faciaux occasionnés par les coups de poing portés à la victime » et annonce l'ouverture d'une information judiciaire pour « homicide volontaire » à l'encontre d'Esteban Morillo[5]. Mais le juge d'instruction décide de mettre Esteban Morillo en examen pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner » avec placement en détention provisoire[5]. Ensuite, Esteban Morillo change d'avocat, passant de David Dassa-Le Deist, avocat du Bloc identitaire, à Patrick Maisonneuve, ancien membre du Parti socialiste. « Esteban Morillo, explique Me Maisonneuve, refuse désormais que son nom soit utilisé par quelque association que ce soit et encore moins associé à la manifestation que certains prévoient d’organiser en son soutien prochainement »[31].
Katia Veloso est mise en examen pour « complicité de violences volontaires » pour avoir appelé des amis à les rejoindre[32], et libérée sous contrôle judiciaire[5]. La mise en examen de cette dernière sera finalement annulée par la cour d'appel de Paris, le 29 avril 2014, faute d'éléments à charge suffisants[33].
Les trois autres personnes ont également été mises en examen pour violences volontaires en réunion[5],[34]. Deux d'entre elles sont libérées sous contrôle judiciaire[5] tandis que le troisième, Samuel Dufour, reste incarcéré ; en septembre 2013, il est à son tour mis en examen pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner[35].
Le parquet a également ouvert une enquête préliminaire pour « violences volontaires en réunion, violences volontaires ou complicité de violences volontaires en réunion » portant sur l'ensemble des protagonistes de la rixe[5].
En janvier 2014, un rapport d'expertise médico-légale est remis aux juges d'instruction chargés de l'affaire. Libération en révèle les conclusions : « Les lésions traumatiques, que ce soit le coup porté au visage ou la chute à terre sont directement responsables de l’hémorragie méningée », qui a conduit à la mort du jeune homme »[10]. Quant à l'usage d'un poing américain, le rapport n'est pas concluant[10],[36].
En février 2014, l'examen des appels et des SMS envoyés par les militants d'extrême droite impliqués dans la rixe révèle que l'un d'eux aurait bien été porteur d'un poing américain : « j'ai frappé avec ton poing américain », « on les a défoncés »[9]. Selon Le Figaro, Samuel Dufour s'en serait vanté par des SMS envoyés le soir des faits[8].
Le 17 juin 2014, Samuel Dufour est remis en liberté bien que toujours mis en examen pour « violences volontaires en réunion et avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». L'un des camarades de Clément Méric, présent lors de la bagarre, a en particulier confirmé aux juges d'instruction la version de Samuel Dufour, qui « a toujours nié avoir frappé Clément Méric »[37].
Le 2 septembre 2014, Esteban Morillo est remis en liberté. Il est soumis à un contrôle judiciaire qui lui interdit notamment de quitter son département de résidence[38].
Le 12 mai 2015, un des skinheads protagonistes de la bagarre est agressé de manière préméditée à coups de planche par deux antifascistes qui ont été placés en examen[39].
Le 26 mai 2015, une reconstitution est organisée par les enquêteurs rue Caumartin[40]. À cette occasion, l’avocat d’Esteban Morillo affirme que celui-ci « n’avait pas l’intention de donner la mort. C’est une rixe qui a mal tourné »[41].
En mars 2017, suivant les réquisitions du parquet, la juge d'instruction Isabelle Rich-Flament ordonne le renvoi de quatre skinheads aux assises. Esteban Morillo et Samuel Dufour sont mis en accusation pour violences volontaires ayant entrainé la mort de Clément Méric sans intention de la donner, avec les circonstances aggravantes d'action en réunion et usage ou menace d'armes.
Le 5 décembre 2017, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris rejette l'appel d'Esteban Morillo qui contestait l'usage d’un poing américain[42],[43]. Elle fait droit à la demande de non lieu du quatrième mis en examen qui, appelé en renfort, n'a eu qu'un rôle marginal.
En septembre 2018, au terme d'un procès de deux semaines, Esteban Morillo et Samuel Dufour sont condamnés respectivement à onze ans et sept ans de prison ferme, tandis qu’Alexandre Eyraud est acquitté[44],[45],[46]. Esteban Morillo et Samuel Dufour font appel. Le parquet général fait aussi appel des deux condamnations, mais pas de l’acquittement d’Alexandre Eyraud[47].
Le 7 novembre 2018, soit 55 jours après avoir été condamné, Esteban Morillo est remis en liberté sous contrôle judiciaire en attendant le procès en appel[48].
Vidéo
Le 25 juin 2013, RTL annonce l’existence d'une vidéo, qui aurait été enregistrée par une caméra de surveillance de la RATP[49]. Cet enregistrement, le seul existant de la rixe, montrerait Clément Méric se jetant sur un Esteban Morillo lui tournant le dos[49] et occupé à frapper une autre personne[50]. Celui-ci lui assénerait alors en retour un coup de poing au visage[49]. La vidéo ne permettrait pas d'établir si un deuxième coup a été porté, mais montrerait qu'aucun coup n'a été porté après la chute de Clément Méric[49], ce qui avait été rapporté par des témoins[50]. Cette vidéo conforterait la thèse du juge d'instruction privilégiant la qualification de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner[49]. Ce récit est largement repris dans la presse[51] et, sur cette base, le journal de 20 Heures de France 2 mettra en images une reconstitution de la bagarre[52].
Le même jour, Libération corrige cette présentation de la vidéo en indiquant que seuls les pieds des protagonistes ont pu être filmés et que le début de la rixe est masqué par un poteau, de sorte qu'il est difficile de tirer des conclusions de ce document[50]. Cependant, selon Libération, la vidéo « prouve que le groupe d’extrême gauche a attendu longtemps les militants d'extrême droite à côté de la station de métro pour en découdre[50] ». Le 26 juin, la RATP dément que l'enregistrement soit issu de ses caméras de surveillance, qui ne filmeraient que vers l'intérieur des stations[53].
Le 24 novembre 2014, le magazine Spécial Investigation de Canal+ diffuse un documentaire de Thierry Vincent, « Violences de l'extrême droite : Le retour »[11],[54]. Le film divulgue la vidéo objet de controverses et confirme ainsi qu'il est impossible d'en déduire de quelle façon s'est déroulée l'agression.
Conséquences
Annonce
L’état de mort cérébrale de Clément Méric a été annoncé dès le 5 juin sur le blog d’Alexis Corbière, conseiller de Paris, et secrétaire national du Parti de gauche (PG). Dans ce communiqué il accuse les Jeunesses nationalistes révolutionnaires d'être impliquées, et termine son billet en ces termes : « Le Parti de gauche interpelle le Ministre de l'Intérieur et exige que les forces de police agissent dans les plus brefs délais pour retrouver les responsables de ce crime odieux. Le PG exige également la dissolution des Groupes d’extrême droite qui multiplient les actes de violence à Paris et à travers le pays depuis plusieurs semaines[55]. »
Manifestations
Le 6 juin 2013, des rassemblements sont organisés en l'hommage de Clément Méric dans plusieurs villes de France, dont Brest, Nantes, Marseille, Paris, Rennes, Strasbourg, Lille[56],[57],[56]. D'autres manifestations de soutien ont lieu le 8 juin et réunissent environ 6 000 personnes, dont 4 000 à Paris[58]. Le 23 juin 2013, environ 6 000 personnes défilent à Paris sous une bannière « le fascisme tue, l'islamophobie tue »[59],[60].
Une manifestation de soutien à Esteban Morillo, prévue le 14 septembre, a été interdite par la préfecture de police de Paris, tout comme la contre-manifestation prévue le même jour, pour des raisons de sécurité[61]. Quelques manifestants décident cependant de braver l'interdiction, donnant ainsi lieu à plusieurs interpellations[62].
Un an après les événements, le 7 juin 2014, entre 1 000 et 3 500 personnes manifestent à Paris en mémoire de Clément Méric[63],[64],[65],[66],[67]. Le 6 juin 2015, place de la Bastille, quelque 2 200 personnes se rassemblent en mémoire de Clément Méric[68],[69].
Trois ans après les événements, le 4 juin 2016, une marche à Paris en mémoire de Clément Méric dégénère avec des affrontements entre antifascistes et forces de l'ordre[70].
La manifestation lors de l'anniversaire suivant (3 juin 2017), qui rassemble cinq cents personnes selon les autorités, est au contraire remarquée pour son absence de débordements[71]. En 2018, ce sont plus de neuf cents personnes qui marchent en mémoire de Clément Méric le , au côté d'une manifestation contre le projet de loi Immigration maîtrisée, droit d'asile effectif et intégration réussie. Assa Traoré, militante antiraciste et sœur d'Adama Traoré, un jeune de 24 ans mort lors de son interpellation par la police, s'y exprime[72],[73].
Le 18 avril 2018, des étudiants de Sciences Po Paris qui bloquent des locaux de l'établissement pour protester contre la loi ORE, renomment symboliquement l'IEP de Paris « Institut Clément-Méric »[74],[75].
Réactions des politiques
Le 6 juin, le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls exprime sa « totale détermination à éradiquer cette violence qui porte la marque de l’extrême droite »[76],[77]. Le coprésident du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon, déclare que « la violence sauvage qui a assassiné Clément Méric n'est pas fortuite », et met en cause « une culture méthodiquement inculquée et entretenue par des groupes d'extrême droite » liés selon lui au Front national[78]. Interrogée sur RTL, la présidente du Front national, Marine Le Pen, affirme que son parti « n’a aucun rapport, ni de près ni de loin » avec « ces actes inadmissibles et insupportables[79] ».
Le même jour, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault déclare devant le Sénat vouloir que le gouvernement trouve les moyens pour « tailler en pièces », « de façon démocratique », les groupes d'extrême droite montrés du doigt après le coup porté la veille à Clément Méric[80]. Le président de l'UMP, Jean-François Copé, demande quant à lui la dissolution des groupuscules « d'extrême droite comme d'extrême gauche »[81].
Les Jeunesses nationalistes révolutionnaires ayant été mises en cause dès le 5 juin, leur leader, Serge Ayoub, a réfuté le 6 juin toute implication de son groupe dans cette bagarre tout en soutenant qu'elle avait été déclenchée par les militants d'extrême gauche[82]. Le même jour, le ministre des Relations avec le Parlement, Alain Vidalies, déclare que « l’identité [des personnes interpellées après l'agression de Clément Méric] confirme leur appartenance à un groupuscule d’extrême droite » et, plus précisément, aux Jeunesses nationalistes révolutionnaires[83].
Suites politiques
Le 8 juin 2013, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault annonce qu'il demande au ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, « d’engager immédiatement » une procédure en vue de la dissolution des Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR), sur la base d’éléments antérieurs et « plus larges » que la rixe au cours de laquelle Clément Méric a trouvé la mort[84]. Le 11 juin, il annonce qu'une procédure similaire va être engagée pour le groupe Troisième Voie, dont seraient proches les agresseurs de Clément Méric[85]. La procédure contradictoire est initiée le lendemain par sa notification au meneur des deux mouvements, Serge Ayoub[86].
Le 25 juin 2013, Serge Ayoub annonce l'autodissolution des mouvements Troisième Voie et JNR, expliquant avoir « pris cette décision pour l'honneur, avant d'être dissous par d'autres »[87].
Le Conseil des ministres du 10 juillet 2013 prononce la dissolution de Troisième Voie et des JNR ainsi que de l'association Envie de rêver, gestionnaire du Local, le lieu de ralliement des deux groupes, au motif que « ces trois entités propagent une idéologie incitant à la haine et à la discrimination envers les personnes à raison de leur non-appartenance à la nation française et de leur qualité d'immigrés »[88],[89]. Serge Ayoub annonce le même jour qu'il compte engager un recours pour excès de pouvoir contre ce décret de dissolution devant le Conseil d'État, car selon lui « aucun des écrits de Troisième Voie n'incite à la haine raciale » et les « JNR ne sont pas une milice privée, c'est un service d'ordre »[89]. L'association Envie de rêver dépose par ailleurs une requête en référé-liberté demandant la suspension du décret de dissolution le temps de l'examen de ce recours, mais le Conseil d'État rejette cette requête le 23 juillet 2013[90].
Le 24 juillet 2013, Manuel Valls annonce, à l'issue du Conseil des ministres, la dissolution de L'Œuvre française et des Jeunesses nationalistes d'Alexandre Gabriac. Un recours sur le fond est déposé devant le Conseil d'État contre ce décret de dissolution, pour lequel une décision sera rendue « vraisemblablement au cours du dernier trimestre 2014 »[91]. Le recours en référé demandant la suspension du décret de dissolution dans l'attente de cette décision est rejetée par le Conseil d'État le 25 octobre 2013[92].
Le 30 juillet 2014, le Conseil d'État valide la dissolution des JNR et de Troisième Voie, mais ne retient pas le motif d'incitation à la haine invoqué par le décret du gouvernement. Les deux entités sont dissoutes car, selon le Conseil d'État, elles « doivent être regardées comme formant ensemble une milice privée ». La dissolution de l'association Envie de rêver est par ailleurs jugée illégale et est annulée, l'État étant condamné à lui verser 2 000 euros au titre de ses frais de justice[93].
Notes et références
- Cet article est partiellement ou en totalité issu de l'article intitulé « Troisième Voie (France) » (voir la liste des auteurs).
- Cet article est partiellement ou en totalité issu de l'article intitulé « Jeunesses nationalistes révolutionnaires » (voir la liste des auteurs).
- ↑ « Manuel Valls annonce la dissolution de l'Oeuvre française et des Jeunesses nationalistes », sur France 24, (consulté le )
- Seelow 2014.
- ↑ « Mort de Clément Méric: Fred Perry, marque historique des Skinheads », L'Express, 7 juin 2013.
- « Le militant d'extrême gauche Clément Méric est mort des suites de ses blessures », sur Francetvinfo.fr, (consulté le ).
- « Le principal suspect mis en examen dans l'affaire Clément Méric », sur Reuters, (consulté le ).
- ↑ Violette Lazard, « Mort de Clément Méric : ce qui s'est vraiment passé ce 5 juin 2013 », Libération, (lire en ligne)
- Elisabeth Fleury, « Les derniers SMS de Clément Méric », Le Parisien, (lire en ligne)
- Julien Licourt, « Affaire Clément Méric : un an après, des zones d'ombre subsistent », sur Le Figaro.fr, (consulté le ).
- Violette Lazard, Mort de Clément Méric : des SMS accablent un des skinheads, Libération, 24 février 2014, lire en ligne.
- Violette Lazard, « Mort de Clément Méric : des responsabilités difficiles à établir », Libération, (lire en ligne)
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Annexes
Bibliographie
- Pierre Carles, L'affaire Clément Méric, dans Siné Hebdo, juillet 2013 [1]
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- Serge Ayoub, L'affaire Clément Méric - Du fait divers au scandale politique, Paris, éd. du Pont d'Arcole, 2013. Postface de Nicolas Gardères.
- Le verdict Méric, hors-série no 4 de Présent, novembre-décembre 2018
Radio
- Fabrice Drouelle, Jean-Yves Camus, Clément Méric, 18 ans, mort pour ses idées, France Inter, 24 mai 2018, 54 minutes, écouter en ligne.
Vidéo
- Hazem El Moukaddem, Régis Dubois, Acta non verba, film documentaire, Marseille, Collectif Nosotros, 2014, 66 minutes, voir en ligne.
Articles connexes
- Antifascisme
- Extrême gauche en France
- Extrême droite en France
- Liste d'affaires criminelles françaises
- ↑ « L’affaire Clément Méric - Pierre Carles », sur Siné Mensuel, (consulté le )