Giovanni di Paolo

peintre italien

Giovanni di Paolo di Grazia ou Giovanni dal Poggio (Sienne 1403 - Sienne, 1482) est un miniaturiste et un peintre italien de l'école siennoise. Il est un illustrateur prolifique de manuscrits, notamment des textes de Dante. Il est l'un des peintres les plus importants de l'école siennoise du XVe siècle.

Giovanni di Paolo
Naissance
Décès
Activités
Lieu de travail
Mouvement
Baptême de saint Ansanus.

Ses premières œuvres montrent l'influence des premiers maîtres siennois, mais son style ultérieur est plus individuel, caractérisé par des couleurs froides et dures et des formes allongées. Son style subit également l'influence d'artistes gothiques internationaux tels que Gentile da Fabriano. Beaucoup de ses œuvres ont une atmosphère onirique inhabituelle, comme le surréaliste Miracle de Saint Nicolas de Tolentino peint vers 1455 et maintenant conservé au Philadelphia Museum of Art[1], tandis que ses dernières œuvres, en particulier Jugement dernier, Paradis et Enfer datant d'environ 1465 et l' Assomption de la Vierge peinte en 1475, toutes deux à la Pinacothèque nationale de Sienne, sont des traitements grotesques de leurs nobles sujets. La réputation de Giovanni décline après sa mort, puis est relancée au XXe siècle.

Jeunesse et premières œuvres

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L'année exacte de naissance de Giovanni di Paolo di Grazia est inconnue. Il est documenté pour la première fois en 1417, travaillant pour l'ordre des Prêcheurs de Sienne en tant que miniaturiste (enlumineur de manuscrits)[2]. Des influences nordiques et franco-flamandes sont évoquées dans son œuvre, en particulier dans les paysages ; certains ont émis l'hypothèse qu'il a fait son apprentissage auprès des frères de Limbourg, qui sont à Sienne vers 1413, bien que cela reste peu concluant ; Taddeo di Bartolo et Martino di Bartolomeo ont également été proposés[3].

La plupart de ses commandes proviennent de communautés monastiques locales : bon nombre de ses premières œuvres sont des retables pour leurs églises[3], par exemple, La Vierge et l'Enfant avec les saints Bernardin, Antoine Abbé, François et Sabine et La Lamentation sur le Christ mort (1462-1463), un retable de « peinture sur panneau carré » commandé par le pape Pie II (de la noble famille Piccolomini de Sienne) pour la cathédrale Santa Maria Assunta de Sienne récemment achevée[4].

Œuvres picturales et influences

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Sainte Catherine de Sienne, vers 1475, Fogg Art Museum, Cambridge (Massachusetts).

La plupart des peintures pour lesquelles Giovanni di Paolo est aujourd'hui connu sont en fait des panneaux et des fragments de retables et de prédelles démontés, comme la série de panneaux représentant sainte Catherine de Sienne, sainte Claire d'Assise et des scènes de la vie de saint Jean-Baptiste, qui sont désormais tous dispersés dans des musées et des collections à travers l'Europe et l'Amérique du Nord. Giovanni di Paolo est connu pour avoir peint quatre retables pour les chapelles de la basilique San Domenico de Sienne : Le Christ souffrant et triomphant (début des années 1420), le Retable de Pecci (1426), le Retable de Branchini (1427) et le Retable de Guelfi (1445), qui comprenait La Création et l'expulsion du Paradis aujourd'hui au Metropolitan Museum of Art de New York[5].

Il a été influencé par de nombreux grands artistes du trecento et du quattrocento italien. On pense qu'il possédait peut-être un livre de modèles des œuvres d'autres artistes qu'il pouvait feuilleter et utiliser pour adapter ses peintures, comme les deux retables florentins de Gentile da Fabriano, La Présentation au Temple d' Ambrogio Lorenzetti et les reliefs du baptistère Saint-Jean de Florence de Donatello. Il aurait pu alors altérer, modifier et combiner les œuvres de ces artistes dans ses propres rendus[6]. Tout au long de sa carrière, on peut voir comment ce livre de modèles a été utilisé en raison de certaines figures qu'il a utilisées à plusieurs reprises : « Son détail isolé, une seule figure ou un groupe copié à partir d'une autre image montre qu'il est naturellement attiré par les inventions de ses collègues artistes. »[7] Même si la copie est aujourd'hui méprisée, au trecento et au quattrocento, à Sienne, la culture valorise un artiste capable de manipuler le travail des autres et de se l'approprier de manière aussi créative que Giovanni[8].

Giovanni di Paolo a aussi été influencé par de nombreux artistes à son époque, comme en témoignent plusieurs de ses peintures. La Résurrection de Lazare est basée sur la même scène que La Maestà de Duccio di Buoninsegna, « mais là où les figures de Duccio sont sobres et retenues, celles de Giovanni di Paolo sont volubiles et animées »[9]. Il est ouvert à des solutions autres que la tradition siennoise qui, « ... le rendait également réceptif à des sources plus lointaines », comme pour un tableau qu'il a dessiné à partir d'une peinture murale de la basilique Saint-François d'Assise[7]. Son œuvre et son style montrent la transition du style siennois et gothique vers la Renaissance[10].

Son style subit également l'influence d'artistes gothiques internationaux tels que Gentile da Fabriano, un artiste de grande importance qui avait été invité par le pape Martin V à Rome[11]. Sur son chemin vers Rome, Gentile s'est arrêté à Sienne[12] où Giovanni a rapidement assimilé ses techniques[13]. Une technique qu'il a conservée est la fascination de Gentile pour la nature. Au lieu de figurer des saints debout, comme c'est alors l'habitude, Giovanni utilise dans sa peinture des brins de plantes à fleurs[14].

L'Adoration des mages de Giovanni di Paolo et L'Adoration des mages de Gentile da Fabriano sont des exemples de la façon dont la nature a été utilisée par les deux artistes et de la manière dont Giovanni crée des animaux et des plantes à la façon de Gentile et se l'approprie. Là où Gentile est capable d'obscurité et de mystère, Giovanni, « ... voyait la nature comme intacte et toujours inoffensive »[15]. Ces œuvres d'art que Giovanni a intégrées aux siennes sont « ... en attente d'être imprégnées d'une signification personnelle »[6], une création que Giovanni est capable de réussir.

En 1447 il collabore avec Michele di Matteo à la décoration de l'abside du baptistère San Giovanni[16].

On raconte qu'au cours de ses dernières années, même si son imagination ne s'est jamais affaiblie, ses capacités à peindre se sont détériorées et des assistants l'ont aidé à exécuter son travail. Il fait son dernier testament le 29 janvier 1484 et meurt quelque temps avant le 27 mars de la même année[5].

Style des manuscrits enluminés

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Antiphonary III, v. 1442, Biblioteca comunale degli Intronati, Sienne.

Plus tard dans sa vie, Giovanni est devenu très habile à peindre des manuscrits enluminés ; il enlumine des livres de chœur pour les moines augustins de Lecceto ainsi que la Divine Comédie de Dante[17]. Les enluminures qu'il crée pour le poème de Dante comptent parmi ses œuvres les plus célèbres et les mieux conservées. Ses enluminures sont un domaine où les spectateurs peuvent voir comment Giovanni di Paolo se différencie des autres artistes siennois. Il a peut-être été en contact avec des enlumineurs franco-flamands, présents à Sienne dans ses premières années. Il semble que leur influence nordique ait déteint sur Giovanni car ses paysages ressemblent à ceux du célèbre tableau des Frères de Limbourg, Les Très Riches Heures du duc de Berry[18].

Son maître présumé, Taddeo di Bartolo, lui a probablement appris à peindre avec une « dureté de trait », visible dans chacune de ses œuvres. La qualité la plus frappante de l'œuvre de Giovanni di Paolo est sa qualité fantastique. John Pope-Hennessy explique avec éloquence l'œuvre de Giovanni di Paolo : « Peu d'expériences dans la peinture italienne sont plus excitantes que de suivre Giovanni di Paolo alors qu'il plonge, comme Alice, à travers le miroir. Si l'on regarde la Madone de l'Humilité (1435) le paysage en damier confirme le monde au-delà de la scène du jardin au premier plan (également appelé hortus conclusus). Cet effet panoramique en damier est fréquemment utilisé par Giovanni pour sa capacité à créer une abstraction de l'espace, dont l'attrait n'est pas tant l'optique fixe du spectateur, que le vol ailé du voyageur du rêve. »[18]

Illuminations du Paradis de Dante

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Après avoir été nommé recteur de la guilde des peintres en 1441, Giovanni di Paolo est le choix évident pour illustrer le Paradis (Divine Comédie) de Dante[19].Travaillant sur ce qui est aujourd'hui connu sous le nom du Yates Thompson 36 dans le catalogue de la British Library, il crée 61 images pour accompagner le poème vernaculaire[20]. Deux autres artistes inconnus ont travaillé sur les illuminations de l'Enfer (Divine Comédie) et du Purgatoire (Divine Comédie)[21]. Giovanni di Paolo utilise son style unique pour créer un panorama évidemment toscan dans un monde ensoleillé, beaucoup plus léger et frais que les deux artistes de l' Enfer et du Purgatoire.

 
La Création et l'expulsion du Paradis, 1445, Metropolitan, New York.

La création et l'expulsion du paradis (1445) dans la collection Lehman du Metropolitan Museum of Art est une peinture sur panneau créée après et inspirée par ce cycle d'enluminures. Giovanni crée une image unique en montrant deux scènes distinctes en une seule : Dieu flottant au-dessus de l'univers et l'expulsion d'Adam et Ève. Selon une théorie, Dieu expulse simultanément Adam et Ève et les bannit sur terre[22]. Mais pourquoi alors sa main ne pointe-t-elle pas directement vers la Terre ? Un argument valable pour répondre à cette question est qu'en suivant le regard du geste de Dieu, l'œil du spectateur est dirigé vers un point spécifique du cercle du zodiaque. En regardant la position 11h00 du cercle du Zodiaque, le seul symbole encore reconnaissable, on peut discerner le symbole des Poissons qui n'est pas dans sa position traditionnelle. Dans le cercle, en position 12h00 se trouve Aires (Bélier) et en position 1h00 se trouve Taureau. Traditionnellement à l'époque médiévale, ces signes représentent le printemps, et plus important encore pour cette image, ils représentent la saison de la fête de l'Annonciation. Dieu semble indiquer directement la date de la fête, le 25 mars. L'une des raisons proposées pour expliquer un tel geste est qu'il s'agit de rappeler au spectateur la signification de l'Annonciation et de réfléchir sur le but de la venue du Christ, « réparer la Chute » commise par Adam et Ève dans le panneau adjacent de l'Annonciation, et pour racheter les péchés de l'homme représentés leur expulsion[23].

La Terre est entourée d’anneaux multicolores : à cette époque, une vision géocentrique de l'univers est largement acceptée ; Giovanni suit simplement la description de Dante d'un « monde terrestre délimité par les orbites des sphères célestes »[22]. Cette théorie est souvent contestée en soulignant que Dante n'attribue que dix cercles alors que Giovanni en représente douze. Certains érudits pensent que Giovanni fait référence à un livre appelé la Sphère, qui a été conçu pour les profanes afin de leur donner une meilleure compréhension de l'univers basée sur la cosmologie grecque (Chaos), qui expliquerait le nombre de cercles de Giovanni ainsi que leurs couleurs[24].

Liste des œuvres

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Panneaux

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Autres œuvres non datées

Enluminures

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Illustration d'un manuscrit de Dante, BL, f.147

Références

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  1. Strehlke, « Saint Nicholas of Tolentino Saving a Shipwreck », The John G. Johnson Collection: A History and Selected Works, a Philadelphia Museum of Art free digital publication
  2. Hyman 2023, p. 160.
  3. a et b Christiansen et Kanter Strehlke, p. 169.
  4. Norman 2003, p. 212.
  5. a et b Christiansen et Kanter Strehlke, p. 168-169.
  6. a et b Christiansen et Kanter Strehlke, p. 11.
  7. a et b Ladis 2001, p. 276.
  8. Ladis 2001, p. 272.
  9. Pope-Hennessy 1993, p. 24.
  10. Mackenzie 1938, p. 108.
  11. Pope-Hennessy 1993, p. 21.
  12. Pope-Hennessy 1988, p. 11.
  13. Pope-Hennessy 1993, p. 23.
  14. Pope-Hennessy 1993, p. 26.
  15. Ladis 2001, p. 282.
  16. Nepi Sciré 2008, p. 586.
  17. Christiansen et Kanter Strehlke, p. 168.
  18. a et b Hyman 2003, p. 162.
  19. Hyman 2003, p. 164.
  20. Biggs, Sarah, « To Hell and Back: Dante and the Divine Comedy », British Library, (consulté le )
  21. Hyman 2003, p. 166.
  22. a et b Dixon 1985, p. 604.
  23. Dixon 1985, p. 611-612.
  24. Dixon 1985, p. 606, 610.
  25. Vierge de l'humilité.
  26. « Cinq anges dansant », notice no 00000077298, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Joconde, ministère français de la Culture.
  27. Saint ansanus baptisant.
  28. Création et expulsion du paradis.
  29. Nancy Grubb, Figures d’anges : Messagers célestes à travers les arts, Editions Abbeville, (ISBN 2-87946-082-4), p. 61.
  30. Musée Thyssen Bornemisza.
  31. La tête de saint Jean-Baptiste apportée à Hérode.
  32. Saint Jean-Baptiste au désert.
  33. Saint Nicolas de Tolentino sauvant un bateau.
  34. couronnement de la Vierge.
  35. Carlo Falciani et Pierre Curie (dir.), La Collection Alana : Chefs-d'œuvre de la peinture italienne, Bruxelles, Fonds Mercator, , 216 p. (ISBN 978-94-6230-154-2)
    Ouvrage publié à l'occasion de l'exposition au musée Jacquemart-André du 13 septembre 2019 au 20 janvier 2020, notice de Christopher Daly p. 123.
  36. Nativité.
  37. sainte Catherine devant le pape à Avignon.
  38. Adoration des mages.
  39. Notice de la miniature
  40. Notice de la BL

Voir aussi

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Bibliographie

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  • (en) Jonathan J. G. Alexander, The Painted Book in Renaissance Italy : 1450-1600, New Haven/London, Yale university press, , 400 p. (ISBN 978-0-300-20398-1), p. 37.
  • (it) Cesare Brandi, Giovanni di Paolo, Firenze, Le Monnier, .
  • (en) Keith Christiansen, Laurence B. Kanter et Carl Brandon Strehlke, Painting in Renaissance Siena, 1420–1500, New York, Metropolitan Museum of Art, , 400 p. (ISBN 978-0300201154).
  • (en) Benjamin David, « The Paradisal Body in Giovanni di Paolo's Illuminations of the"Commedia », Dante Society of America, no 122,‎ , p. 45-69.
  • (en) Laurinda S. Dixon, « Giovanni di Paolo's Cosmology », The Art Bulletin, vol. 67, no 4,‎ , p. 604.
  • (en) Dorothy Hughes Gillerman, « Trecento Illustrators of the "Divine Commedia" », Dante Society of America, no 118,‎ , p. 129-165.
  • (en) John Pope-Hennessy, Giovanni di Paolo, 1403-1483, New York, Oxford University Press, , 193 p..
  • (en) John Pope-Hennessy, « Giovanni di Paolo », The Metropolitan Museum of Art Bulletin, vol. 46, no New Series,‎ , p. 11.
  • (en) John Pope-Hennessy et John Wyndham, Paradiso : The Illuminations to Dante's Divine Comedy by Giovanni di Paolo, New York, Random House, .
  • (en) Timothy Hyman, Sienese Painting, New York, Thames & Hudson, coll. « World of Art », , 243 p. (ISBN 9780500204870).
  • (en) Andrew Ladis, Studies In Italian Art, London, The Pindar Press, , 420 p. (ISBN 978-1899828326).
  • (en) Helen F. Mackenzie, « Panels by Giovanni di Paolo of Siena (1403–1483) », Bulletin of the Art Institute of Chicago (1907–1951), vol. 32, no 7,‎ , p. 108.
  • Giovanna Nepi Sciré, La Peinture dans les musées de Venise, Editions Place des Victoires, , 605 p. (ISBN 978-2-8099-0019-4).
  • (en) Diana Norman, Painting in Late Medieval and Renaissance Siena, New Haven, Yale University Press, , 352 p. (ISBN 978-0300099331).
  • (en) Kristi Ann Wormhoudt, Manuscript illuminations by Giovanni di Paolo, Ph. D. University of Iowa, , 452 p. (ISBN 978-0679428053).

Liens externes

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