Bona Dea
Bona Dea (la Bonne Déesse) est une divinité romaine. Elle n'est probablement qu'un vocable désignant la déesse Fauna, femme, fille ou sœur de Faunus.
Son culte, grec d'origine, fut importé à Rome dans la première moitié du IIIe siècle av. J.-C., après la prise de Tarente en -272. On trouve des traces de sa pratique dans plusieurs cités de l'Italie centrale, dont Ostie[1] et Bovillae, près de Rome[2].
Origine
modifierL'utilisation du vocable Bona Dea, correspond vraisemblablement à un tabou afin de ne pas révéler sa réalité, de Fauna ou Fatua (Serv A . VIII 314)[3].
Elle a été assimilée, peut-être par contresens, à la déesse grecque Damia, une déesse de la fécondité, liée à Déméter[4]. Elle reçut au début décembre un culte d'État, mais secret, strictement réservé aux femmes[4].
Mythe
modifierFille de Faunus, elle eut à défendre sa vertu contre les agressions incestueuses de son père. Celui-ci essaya en vain de parvenir à ses fins en l'enivrant. Excédé, il la fouetta avec une verge de myrte. Il réussit finalement à s'unir à elle, en prenant la forme d'un serpent. De fait, le myrte était interdit dans son culte.
Selon une autre version de sa légende, Bona Dea était la femme de Faunus. Fidèle à son mari et extrêmement pudique, elle ne quittait pas sa chambre, pour éviter de rencontrer des hommes. Mais un jour elle s'enivra. Son mari la battit si durement qu'elle mourut. Pris de remords, il la rendit immortelle.
Fonction
modifierElle possède une fonction curative. Outre ses capacités de prédiction qui rappellent Fauna, Bona Dea et son culte impliquent une contamination de la nature romaine originelle de la déesse avec des éléments italiques et grecs, bien que la guérison ne doive pas être considérée comme un ajout grec[3].
Elle était la déesse protégeant les femmes et leur fécondité. Par extension, elle s'occupait de la fertilité des champs, elle était donc confondue avec Junon, Ops, Cérès, Fauna, l'épouse de Faunus etc.
Culte
modifierDes inscriptions de Rome témoignent que Bona Dea possédait de nombreux sanctuaires plus petits et quelques temples dont le plus célèbre est situé sur la colline de l'Aventin et possède, selon Macrobe, une pharmacie. De nombreuses inscriptions lui sont dédiées en tant que guérisseuse, notamment sur l'île tibérine[3].
Sa fête principale consistait en des cérémonies nocturnes, organisées par l'épouse et dans la demeure d'un magistrat revêtu de l'imperium, célébrées en décembre (dans la nuit du 3 au 4). On retirait de la salle où elles se tenaient toutes les représentations d'hommes ou d'animaux du sexe mâle. Des inscriptions trouvées dans un sanctuaire à Ostie laissent penser que les rites nécessitaient l'usage d'une cuisine :
Octavia M(arci) f(ilia) Gamalae (uxor) / portic(um) poliend(am) / et sedeilia faciun(da) / et culina(m) tegend(am) / D(eae) B(onae) curavit
Octavia, fille de Marcus, épouse de Gamala, s'est chargée de faire stuquer le portique, fabriquer des banquettes et mettre un toit à la cuisine (du sanctuaire) de Bona Dea[5]
On ne possède pas beaucoup de détails sur les cérémonies. On sait que les participantes se recrutaient parmi les matrones appartenant aux milieux aristocratiques de Rome, auxquelles s'ajoutaient les Vestales. On sait aussi qu'elles portaient toutes sortes de fleurs (sauf le myrte) et offraient en sacrifice une truie et du vin. La Bonne Déesse y était invoquée comme une déesse de la fécondité et de la santé. On n'en parlerait guère s'il n'y avait eu, en 62 av. J.-C., le scandale que provoqua la découverte d'un homme, Publius Clodius Pulcher, qui, déguisé en joueuse de flûte, avait réussi à s'introduire dans les mystères de la Bona Dea, afin d'y rencontrer la femme de Jules César, Pompeia Sulla, dont il était épris[6].
Une autre fête féminine en l'honneur de Bona dea était sans doute célébrée le 1er mai.
Postérité
modifierDans le roman L'homme sans qualité de Robert Musil, le personnage d'Ulrich donne le surnom de Bonadea à sa maîtresse sans lui expliquer que dans ce temple dédié à cette déesse pudique, les croyants se seraient dédiés à beaucoup de débauches (tout au moins d'après l'auteur du roman...)[7]
Notes et références
modifier- Mireille Cébeillac-Gervasoni, Maria Letizia Caldelli, Fausto Zevi, Épigraphie latine, Armand Colin, 2006, (ISBN 2200217749), p. 110-113
- Cicéron, Pro Milone, 31, 86
- (en) Daniel Nečas Hraste et Krešimir Vuković, « Rudra-Shiva and Silvanus-Faunus: Savage and propitious », Journal of Indo-European Studies, vol. 39, nos 1–2, , p. 100–115 (ISSN 0092-2323)
- Georges Dumézil, La religion romaine archaïque, 2e édition revue et corrigée, Paris : éditions Payot, 1987, p. 355
- CIL I 3025, AE 1973 71
- Plutarque, Vie de César
- (de) Robert Musil, L'homme sans qualités
Sources
modifier- Commentaire du vers (V,148) des Fastes d'Ovide par A.M. Boxus et J. Poucet ; lecture en ligne sur http://bcs.fltr.ucl.ac.be/FASTAM/F5-001-182.html