À une dame créole
À une dame créole est un poème de Charles Baudelaire écrit en à l'île de La Réunion, lors de son voyage de retour vers la France, et publié pour la première fois dans L'Artiste en sous le titre À une créole. Il est numéroté LXI (61) dans Les Fleurs du mal, son célèbre recueil paru en , et dont il est probablement le plus ancien poème. C'est un sonnet en alexandrins dédié à Mme Autard de Bragard, une femme créole de l'île Maurice chez qui il a séjourné quelques semaines plus tôt.
Auteur | |
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Publication | |
Date de publication | |
Dédicataire |
Madame Autard de Bragard (d) |
Incipit |
« Au pays parfumé que le soleil caresse,… » |
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Explicit |
« …Que vos grands yeux rendraient plus soumis que vos noirs. » |
Origines du poème
modifierEn 1841, le beau-père de Charles Baudelaire, le général Aupick, décide d'envoyer son beau-fils en voyage aux Indes pour l'arracher à la délétère influence de la vie parisienne. Charles, alors âgé de 20 ans, embarque le à Bordeaux, à bord du Paquebot-des-Mers-du-Sud, à destination de Calcutta. Le , le navire atteint l'île Maurice, où Baudelaire est accueilli par M. et Mme Autard de Bragard, colons d'origine française, chez qui il va séjourner une quinzaine de jours. Il décide ensuite de mettre fin à son voyage pour les Indes et de repartir en France. Le , il débarque à Bourbon (ancien nom de La Réunion) pour une ultime et longue escale avant le voyage du retour vers la métropole, qu'il atteindra le de l'année suivante.
Le , encore à Bourbon, il adresse une lettre à M. Autard de Bragard à laquelle il joint À une dame créole, en l'honneur de sa femme : « Vous m'avez demandé quelques vers à Maurice pour votre femme, et je ne vous ai pas oublié. Comme il est bon, décent, et convenable, que des vers, adressés à une dame par un jeune homme passent par les mains de son mari avant d'arriver à elle, c'est à vous que je les envoie, afin que vous ne les lui montriez que si cela vous plaît. »
Le poète garde une copie du poème, qu'il publie une première fois en dans L'Artiste[1], puis qu'il insère en , 16 ans après sa rédaction, dans son recueil Les Fleurs du mal.
Texte du poème
modifierÀ une dame créole
Au pays parfumé que le soleil caresse,
J'ai connu, sous un dais d'arbres tout empourprés
Et de palmiers d'où pleut sur les yeux la paresse,
Une dame créole aux charmes ignorés.
Son teint est pâle et chaud ; la brune enchanteresse
A dans le cou des airs noblement maniérés ;
Grande et svelte en marchant comme une chasseresse,
Son sourire est tranquille et ses yeux assurés.
Si vous alliez, Madame, au vrai pays de gloire,
Sur les bords de la Seine ou de la verte Loire,
Belle digne d'orner les antiques manoirs,
Vous feriez, à l'abri des ombreuses retraites,
Germer mille sonnets dans le cœur des poètes,
Que vos grands yeux rendraient plus soumis que vos noirs.
Autour du texte
modifierÀ une dame créole est de facture très classique, mais trouve son originalité dans le rapprochement inédit qu'opère Baudelaire entre le thème exotique (qui sera prépondérant dans sa poésie à venir) et le motif galant inspiré de la poésie du XVIe siècle.
Au XIXe siècle, le terme « créole » désigne essentiellement les blancs nés dans les îles, ce qui correspond à Mme Autard de Bragard, qu'on désignerait aujourd'hui du terme de « franco-mauricien ». Au moment de la rédaction du poème, l'esclavage n'est pas aboli à Bourbon, mais à Maurice, l'esclavage est aboli depuis le .
Plusieurs autres poèmes de Baudelaire, en vers ou en prose, s'inspirent directement de son séjour aux Mascareignes — particulièrement à Bourbon. On peut citer, à titre d'exemples, À une Malabaraise qui répond d'une certaine façon à À une dame créole, ou encore La Belle Dorothée tiré des Petits Poèmes en prose.
Maurice Ravel cite le premier vers (« Au pays parfumé que le soleil caresse »)[2] en exergue de son Habanera, troisième pièce de sa Rapsodie espagnole, suite pour orchestre de . Cette Habanera appartenait à une œuvre précédente de Maurice Ravel, les Sites auriculaires, composés pour 2 pianos entre et , à l'âge de 20 ans et 22 ans.
Références
modifier- Baudelaire Dufays (pseud. de Charles Baudelaire), « À une créole », L'Artiste, 4e série, t. IV, no 4, , p. 60 (lire en ligne).
- (en) Arbie Orenstein (en), Ravel: Man and Musician, New York, Dover Publications, , XVIII-292 p. (ISBN 0-486-26633-8), p. 142 [lire en ligne (page consultée le 2020-10-10)].
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier- Ève Célia Morisi, « “À une dame créole” de Charles Baudelaire : De l'ambiguïté colonialiste à l'ambiguïté plurielle », Nineteenth-Century French Studies, vol. 35, nos 3-4, printemps-été 2007, p. 547–557 (DOI 10.1353/ncf.2007.0060, JSTOR 23537851).
Liens externes
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